NOTE DE SYNTHESE
La
participation des salariés à la vie de l'entreprise prend deux
formes principales : la participation à la gestion, qui a fait
l'objet d'une précédente étude, et la participation
financière, qui constitue l'objet de la présente étude.
La participation financière des salariés désigne aussi
bien la participation aux bénéfices que la participation au
capital. Dans notre pays, la participation aux bénéfices
relève du système de l'
intéressement
lorsqu'elle
est facultative, et de celui de la
participation
lorsqu'elle est
obligatoire. Quant à la participation au capital, elle est souvent
qualifiée d'
actionnariat
ouvrier
ou d'
actionnariat
salarié
. Cependant, la distinction entre participation aux
bénéfices et participation au capital n'est pas aussi claire, car
les primes d'intéressement ou de participation distribuées
peuvent être investies en actions.
En France, la participation financière des salariés a
été mise en place dès 1959 par une ordonnance instituant
un système facultatif d'intéressement. Face au peu de
succès de cette mesure, deux ordonnances ont été
signées en 1967, l'une rendant obligatoire la participation aux fruits
de l'expansion dans les entreprises de plus de 100 salariés et
l'autre créant les plans d'épargne d'entreprise. Ces dispositions
ont été modifiées à plusieurs reprises, et en
dernier lieu par la loi du 24 juillet 1994.
A l'heure actuelle,
la participation est obligatoire dans les entreprises de
plus de 50 salariés qui ont réalisé un
bénéfice au cours de l'année précédente,
de sorte qu'environ 5 millions de salariés sont actuellement
concernés par ce système. Le mode de calcul de la réserve
spéciale de participation, défini par l'ordonnance de 1967,
s'impose aux entreprises. Le montant des primes de participation versées
aux salariés varie en fonction des résultats annuels de
l'entreprise. Elles sont investies en valeurs mobilières (actions de
l'entreprise, parts de SICAV ou de fonds communs de placement d'entreprise,
actions émises par les sociétés créées par
des salariés en vue du rachat de leur entreprise...) dans le cadre d'un
plan d'épargne d'entreprise ou versées sur un compte courant
rémunéré. Leur montant maximal est de 86.820 F par an
et par salarié. Elles sont exonérées d'impôt, mais
restent bloquées pendant une durée de cinq ans sauf circonstances
exceptionnelles (mariage, divorce, naissance d'un troisième enfant,
départ de l'entreprise...).
L'intéressement, qui est facultatif
,
touche
près de 3 millions de salariés. La prime versée
à chaque salarié est liée à la réalisation
d'objectifs choisis dans l'entreprise et ne peut être supérieure
à 86.820 F par an. Elle est imposable, sauf si elle est
versée sur un plan d'épargne d'entreprise où elle est
indisponible pendant une durée de cinq ans. En conséquence, un
grand nombre d'entreprises ont mis en place à la fois un dispositif
d'intéressement et un plan d'épargne d'entreprise.
Les plans d'épargne d'entreprise
reçoivent les primes de
participation et, le cas échéant, les primes
d'intéressement ainsi que les versements volontaires des
salariés, qui peuvent donner lieu à un abondement versé
par l'entreprise. Le montant de ce dernier est limité à
15.000 F par salarié et par an, et ne peut excéder le triple
de la contribution du salarié. Par ailleurs, le total des sommes
versées sur le plan est plafonné au quart de la
rémunération annuelle du salarié. Les sommes recueillies
sur ces plans sont investies, pour le compte des salariés, en valeurs
mobilières (actions de l'entreprise, parts de SICAV ou de fonds communs
de placement...).
Les
plans d'options sur actions
(
stock options
), qui
permettent à une entreprise d'attribuer à certains de ses
salariés le droit d'acquérir ses propres actions à des
conditions privilégiées, constituent à la fois une forme
d'intéressement et de participation au capital. Apparus aux Etats-Unis
dans les années 50, ils ont été introduits en France par
la loi du 31 décembre 1970, mais ne s'y sont vraiment
développés qu'à la fin des années 80. Ils ont fait
l'objet de nombreuses modifications législatives au cours des
dernières années.
* *
*
Les
systèmes participatifs apparaissent donc assez développés
dans notre pays. Afin de savoir s'il en va de même chez nos partenaires,
la présente étude analyse les systèmes de participation
financière institués dans plusieurs pays européens,
l'
Allemagne
, la
Belgique
, les
Pays
-
Bas
, le
Royaume
-
Uni
et la
Suède
, ainsi qu'aux
Etats
-
Unis
. Pour chacun de ces pays, on s'est efforcé
d'étudier les
principaux systèmes permettant aux
salariés de participer au capital ou aux bénéfices de
l'entreprise, ainsi que le régime fiscal appliqué aux
bénéficiaires des plans d'options sur actions.
Cet examen permet de mettre en évidence que,
si le Royaume-Uni et les
Etats-Unis ont multiplié les systèmes de participation
financière depuis les années 70, la participation
financière demeure, malgré les réformes récentes,
peu développée en Europe continentale.
1) Les nombreux systèmes de participation financière au Royaume
Uni et aux Etats-Unis
Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, il existe plusieurs formules de participation
des salariés aux bénéfices et au capital de l'entreprise
qui les emploie : partage du profit avec paiement en actions ou en
numéraire, plans d'actionnariat collectifs, plans d'options sur
actions... Toutefois, comme aucun des systèmes de participation n'est
obligatoire, les entreprises demeurent libres de les instituer ou non. De plus,
le mode de calcul des primes d'intéressement ou de participation
n'étant pas fixé au niveau national, les employeurs disposent
d'une liberté certaine.
Dans ces deux pays, les différents régimes créés
par l'entreprise ne bénéficient d'un traitement fiscal favorable
que dans la mesure où ils respectent certains critères :
durée minimale de détention des actions ou des primes
d'intéressement, plafonnement des sommes attribuées, mode de
calcul identique des primes pour tous les salariés...
Par ailleurs,
aux Etats-Unis
,
la participation
financière des salariés constitue plus un dispositif
d'épargne en vue de la retraite qu'un mécanisme de
rémunération
. En effet, la plupart des systèmes de
participation offrent une possibilité de
report d'imposition
jusqu'à l'âge de la retraite,
car l'imposition est
différée dans la mesure où les sommes distribuées
et les produits financiers associés ne sont pas perçus. Dans le
cas contraire, le salarié paie non seulement l'impôt dû,
mais également une taxe complémentaire, à moins qu'il ne
se trouve dans une situation (maladie, licenciement...) justifiant un versement
anticipé.
2) Le caractère limité de la participation financière
en Europe continentale
Des quatre pays étudiés (l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas
et la Suède),
c'est la Belgique qui a fait le plus d'efforts pour
développer la participation financière
depuis le
début des années 80
, notamment avec la loi du
28 décembre 1983, dite loi Monory bis, qui cherche à inciter
les salariés à acheter des parts sociales de leur entreprise. Une
déduction fiscale annuelle de 22.000 BEF (environ 3.300 FRF) leur
est en effet offerte, à condition qu'ils conservent leurs parts pendant
au moins cinq ans. Par ailleurs, la loi du 18 juillet 1991 permet aux
sociétés qui ont distribué à deux reprises au moins
des dividendes au cours des trois dernières années
d'émettre des actions réservées aux membres du personnel.
Les actions sont proposées avec une décote maximale de 20 %.
Quant au régime fiscal des plans d'options sur actions,
considéré comme défavorable et donc à peine
utilisé depuis son instauration en 1984, il a été
réformé en mars 1999. Pour les options attribuées à
partir du 1
er
janvier 1999, l'avantage imposable est
estimé forfaitairement à 15 % de la valeur du marché
des actions. L'accord de gouvernement conclu après les élections
législatives de juin 1999 entre les partis de la nouvelle
majorité prévoit la création de diverses formules de
participation des salariés.
Aux
Pays-Bas
, la participation des salariés au capital et aux
bénéfices des entreprises s'exerce dans le cadre des plans
d'épargne sur salaires et des plans d'épargne d'entreprise. Les
premiers permettent aux salariés d'épargner jusque
1.706 florins par an (c'est-à-dire un peu plus de 5.000 FRF)
dans des conditions favorables dès lors que l'épargne est
bloquée pendant quatre ans : les salariés ne paient en effet
pas de charges sociales sur cette somme, et l'employeur retient à la
source l'impôt sur les salaires au taux de 10 %. Les seconds
permettent aux salariés d'épargner 1.138 florins (environ
3.500 FRF) par an dans des conditions similaires, l'épargne
étant abondée par l'employeur d'un montant égal. Par
ailleurs, les options d'achat d'actions octroyées dans le cadre d'un
plan d'épargne sur salaire sont soumises à un régime
fiscal particulièrement favorable : dans la limite de
3.340 florins par an (soit environ 10.000 FRF), elles sont soumises
à l'impôt sur les revenus au taux de 10 %.
En
Allemagne
, la seule mesure destinée à encourager
spécifiquement l'actionnariat des salariés a une portée
très limitée : les salariés qui achètent des
actions de leur entreprise à prix réduit
bénéficient d'une exonération d'impôt et de
cotisations sociales sur cet avantage. L'exonération, plafonnée
à 300 DEM (environ 1.000 FRF), est subordonnée au fait
que les entreprises ne subventionnent pas plus de la moitié des parts
sociales ainsi acquises par les salariés et que ces dernières
soient conservées pendant au moins six ans. En effet, l'autre mesure
d'incitation à l'épargne salariale ne concerne pas seulement
l'épargne en actions, mais également d'autres formes
d'épargne. De plus, elle exclut les détenteurs des salaires les
plus élevés (plus de 35.000 DEM, soit environ
120.000 FRF par an pour un célibataire, le double pour un couple
marié). L'avantage consiste en une prime modique payée par
l'Etat : lorsque le salarié affecte une partie de son salaire
à l'achat de parts sociales de son entreprise, cette prime
s'élève à 20 % des fonds investis, dans la limite
d'un investissement d'environ 2.700 FRF.
En
Suède
, des fonds salariaux collectifs, contrôlés
par les salariés et destinés à acquérir des actions
d'entreprises privées, ont été institués en 1984.
Il ont été supprimés au début des années 90.
Nos systèmes de participation et d'intéressement apparaissent
beaucoup plus proches des régimes anglais et américains que de
ceux d'Europe continentale. Cependant, le système français de
participation se distingue des dispositifs anglo-saxons par son
caractère obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés
et par la définition législative de son mode de calcul.