LE RETOUR DES ANCIENS PARLEMENTAIRES À LA VIE PROFESSIONNELLE
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES (octobre 1998)
Table des matières
NOTE DE SYNTHESE
En France, les
députés qui ne se représentent pas ou qui sont battus bénéficient d'un régime
de
garantie
de ressources.
Institué par un arrêté de bureau de l'Assemblée nationale de juillet 1994, il a
été
appliqué pour la première fois en 1997. La garantie de ressources, qui peut être
accordée pendant les deux années qui suivent la fin de la législature, est
dégressive
:
- pendant un ou deux mois, selon que la législature est allée à son terme ou
qu'il y a
eu dissolution, tous les anciens députés perçoivent
l'indemnité
parlementaire de
base ainsi que les indemnités de fonction et de résidence ;
- jusqu'au terme du sixième mois suivant la fin de la législature (c'est-à-dire
pendant
les cinq ou les quatre mois qui suivent la première période), seuls les anciens
députés dont les ressources mensuelles sont inférieures à l'indemnité
parlementaire
perçoivent
l'indemnité de fin de mandat,
dont le montant varie en
fonction des
ressources mensuelles de l'intéressé de façon à lui assurer un revenu mensuel
égal à
l'indemnité parlementaire de base ;
- pendant les 18 mois qui suivent, les anciens députés dont les ressources
personnelles
sont inférieures à des plafonds variables en fonction de la période et de la
situation
de famille perçoivent
l'allocation spécifique.
Le total des ressources
personnelles et de l'allocation spécifique ne peut dépasser lesdits plafonds.
Par ailleurs, aux termes de
l'article L. 122-24-2 du code du travail
,
" Le
contrat de travail d'un salarié membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat
est, sur sa
demande, suspendu jusqu'à l'expiration de son mandat, s'il justifie d'une
ancienneté
minimale d'une année chez l'employeur à la date de son entrée en fonction
(...).
" Il retrouve son précédent emploi, ou un emploi analogue assorti
d'une
rémunération équivalente, dans les deux mois suivant la date à laquelle il a
avisé
son employeur. Il bénéficie de tous les avantages acquis par les salariés de sa
catégorie durant l'exercice de son mandat. Il bénéficie en outre, en tant que de
besoin, d'une réadaptation professionnelle en cas de changement de technique ou
de
méthodes de travail (...) ".
Les salariés qui deviennent parlementaires bénéficient donc d'une garantie
de
réintégration
professionnelle
. Cependant, en cas de renouvellement du mandat, l'ancien
parlementaire
bénéficie seulement d'une priorité d'embauche.
Toutes ces dispositions, qui ont été introduites dans la législation française
en
1978, s'appliquent également aux agents non titulaires de l'Etat, ainsi qu'aux
personnels
des collectivités locales, des établissements et des entreprises publiques,
dans la
mesure où ils ne bénéficient pas d'un régime plus favorable
(1(
*
))
.
Aucune autre mesure n'a été prise dans notre pays pour faciliter le retour des
anciens
parlementaires à la vie professionnelle. On s'est donc interrogé sur la
situation chez
nos voisins européens.
L'analyse des règles en vigueur dans six pays représentatifs de traditions
juridiques
diverses, l'
Allemagne
,
le
Danemark
, l'
Espagne
,
l'
Italie
,
le
Portugal
et le
Royaume
-
Uni
, montre que :
- tous les pays étudiés sauf l'Espagne ont institué une indemnité
transitoire au
profit des anciens parlementaires ;
- seuls l'Espagne et le Portugal prévoient le droit à la réinsertion
professionnelle
à l'issue du mandat.
1) L'indemnité transitoire
Si l'on
excepte l'Espagne, tous les pays étudiés ont institué une indemnité
transitoire
qui
s'applique à tous les parlementaires élus. A la différence des
sénateurs
français, les sénateurs italiens sont donc susceptibles d'en bénéficier.
En Allemagne, au Danemark et au Portugal, le montant mensuel de cette indemnité
est le
même que celui de l'indemnité parlementaire. En Italie, il s'élève à 80 %
de la
dernière indemnité parlementaire perçue. Dans ces quatre pays, l'indemnité
transitoire
est versée pendant une durée variable en fonction de la longueur du mandat
exercé (un
mois par année de présence dans l'Assemblée constitue la règle le plus souvent
retenue). De plus, la durée de versement de cette indemnité est généralement
plafonnée : à douze mois au Danemark, à dix-huit mois en Allemagne et à
deux ans
au Portugal. Elle ne l'est pas en Italie. Par ailleurs, la loi allemande est la
seule à
prévoir une réduction de l'indemnité transitoire si l'ancien député dispose
d'autres
ressources personnelles, quelle qu'en soit l'origine.
Le Royaume-Uni a choisi un système un peu différent : l'indemnité
transitoire est
versée en une seule fois. Son montant varie entre six et douze fois le montant
mensuel de
l'indemnité parlementaire, en fonction de l'âge de l'intéressé et du nombre
d'années
passées à la Chambre des Communes.
2) Le maintien du statut professionnel
Le maintien du
statut professionnel est garanti aux fonctionnaires dans tous les pays sauf au
Royaume-Uni, où les fonctionnaires doivent donner leur démission de la fonction
publique
lors de leur entrée à la Chambre des communes s'ils sont ouvriers ou
travailleurs
manuels, et avant même de se porter candidats aux élections législatives s'ils
appartiennent aux autres catégories de fonctionnaires.
La situation est différente pour les salariés du secteur privé. Cependant,
l'Espagne
et le
Portugal
, qui ont accédé à la démocratie au milieu des années
soixante-dix,
garantissent aux
parlementaires le droit de reprendre
les
fonctions professionnelles exercées avant le début du
mandat
.
Le droit du travail espagnol considère "
l'exercice d'une fonction
publique
représentative
" comme une cause de suspension du contrat de
travail.
Les salariés du secteur privé ont donc l'assurance de retrouver leur emploi à
l'issue
de leur mandat.
Il en va de même au Portugal, où la loi portant statut des députés applique les
dispositions constitutionnelles selon lesquelles l'exercice de fonctions
publiques ne
saurait constituer une entrave sur le plan professionnel. Ceci explique que,
outre le
droit de reprendre les fonctions professionnelles exercées avant le mandat,
cette loi
prévoit aussi la possibilité pour un député de se faire remplacer
temporairement (pour
au moins quarante-cinq jours) à l'Assemblée de la République en raison d'une
"
activité
professionnelle qui ne peut pas être
différée
".
Pendant les quatre ans que dure une législature, un député peut se faire
remplacer
plusieurs fois à condition que le cumul des périodes de remplacement n'excède
pas
dix-huit mois.
* *
*
Il apparaît donc que le système portugais est tout à fait comparable à celui qui existe pour les députés français, et que tous les deux sont plus favorables que ceux des autres pays étudiés.
ALLEMAGNE
Les
fondements juridiques
|
Les anciens
députés n'ont pas droit aux allocations de chômage ni à aucune aide à la
reconversion
professionnelle. En revanche, ils perçoivent, en vertu de l'article 18 de
la loi sur
les députés, une
indemnité transitoire
, conçue pour faciliter leur
réinsertion
professionnelle.
Cette indemnité est versée à tous ceux qui ont siégé au moins un an au
Bundestag.
Pour
chaque année de présence au Bundestag
(chaque fraction d'année
supérieure
à six mois équivaut à un an), un ancien député perçoit l'indemnité transitoire
pendant
un mois
(2(
*
)).
S'il a siégé pendant
une
législature, il la perçoit donc pendant quatre mois.
Le montant mensuel de l'indemnité transitoire est le même que celui de
l'indemnité
parlementaire
(depuis le 1
er
avril 1998 12.350 DEM,
c'est-à-dire
environ 41.500 F). L'indemnité transitoire ne peut pas être attribuée pour
une
durée supérieure à
dix-huit mois
. En outre, à partir du deuxième mois, si
l'ancien député dispose d'autres revenus, l'indemnité transitoire est réduite à
concurrence du montant de ces revenus, quelle qu'en soit la provenance.
Avant la réforme de 1995, l'indemnité transitoire était versée pendant
sept mois
aux députés qui avaient siégé pendant une législature. De plus, elle pouvait
être
perçue pendant trente-six mois.
* *
*
Depuis plusieurs années, les fonctionnaires et assimilés, qui sont assurés de retrouver leur poste à l'issue de leur mandat, représentent plus de 40 % de l'effectif du Bundestag.
DANEMARK
Les
fondements juridiques
|
L'indemnité transitoire des anciens députés
La loi sur
l'élection au Folketing prévoit que cette indemnité est versée à tout député qui
quitte le Folketing, soit parce que son mandat n'a pas été renouvelé, soit
parce qu'il
est malade.
Son montant mensuel est celui de l'indemnité parlementaire
(depuis le
1
er
avril
1998, 30.554 couronnes, c'est-à-dire environ 27.000 F). Elle est
versée
pendant une période dont la durée varie en fonction du nombre d'années passées
au
Folketing, conformément aux indications du tableau ci-après :
Nombre d'années passées au Folketing |
De un à six ans |
Plus de six ans et moins de douze ans |
Plus de douze ans |
Durée de versement de l'indemnité transitoire |
Six mois |
Autant de mois que d'années passées au Folketing |
Douze mois |
Dans des cas tout à fait exceptionnels, le bureau du Folketing peut prolonger la durée de versement de cette indemnité de douze mois.
L'indemnité transitoire des anciens ministres et des anciens présidents du Folketing
D'après la loi sur la rémunération et sur la pension des ministres, cette indemnité est versée pendant deux ans . Son montant est celui de la pension de retraite la plus élevée susceptible d'être versée à un ministre.
ESPAGNE
Les
fondements juridiques
|
Aucune
indemnité transitoire
n'est prévue en fin de mandat pour les anciens
parlementaires
qui n'ont pas atteint l'âge de la retraite. En revanche, ils ont
l'
assurance
de
retrouver leur emploi
, même lorsqu'ils ne sont pas fonctionnaires.
En effet, l'article 46-1 du statut des travailleurs prévoit que
" l'exercice
d'une fonction publique représentative "
constitue, tout comme
l'accomplissement du service militaire, une cause de suspension du contrat de
travail.
L'article 46-1 du même texte précise que :
" (...) La mise en disponibilité forcée
(3(
*
))
,
donnant droit à la conservation du poste et au calcul de l'ancienneté à partir
de son
entrée en fonction, est accordée si l'intéressé est désigné ou élu à une charge
publique rendant impossible sa présence au travail. La réintégration devra être
demandée dans le mois suivant la cessation de la charge
publique. "
Ces dispositions sont complétées par celles de l'article 48-1 selon lequel
" Les
causes légales de suspension disparaissant, le travailleur aura le droit d'être
réintégré dans le poste de travail qui lui a été réservé dans tous les cas visés
à l'article 45 numéro 1, à l'exception de ceux des points a) et b)
(4(
*
)) de ce même numéro et article, pour lesquels il faut
s'en tenir aux
règles convenues. "
ITALIE
Les
fondements juridiques
|
L'indemnité
transitoire se monte à
80 % de la dernière indemnité parlementaire
perçue
.
La durée de son versement varie avec la durée du mandat effectué :
un
mois par
année de présence
(ou par fraction d'année d'au moins six mois)
dans
l'assemblée
. Il est tenu compte des années passées dans l'autre assemblée.
Il
n'est pas prévu de durée maximale de versement. En revanche, les anciens
sénateurs ne
peuvent pas percevoir une indemnité transitoire inférieure à 8 millions de
lires
(environ 27.000 francs français).
PORTUGAL
Les
fondements juridiques
|
1) Le maintien du statut professionnel
Il est précisé
à
l'article 19 de la loi portant statut des députés
qui
énonce :
"
1. Les députés ne peuvent pas subir un préjudice dans leur
affectation,
leurs avantages sociaux ou leur emploi permanent en raison de l'exercice de
leur mandat.
2.
Les députés ont le droit d'être dispensés de toute activité
professionnelle,
publique ou privée, pendant la législature.
3.
L'exercice du mandat est, à tous égards, comptabilisé comme temps de
service,
sauf pour ce qui suppose l'exercice effectif de l'activité professionnelle, sans
préjudice des dispositions des articles 4 et 5 (5(
*
)) du
présent
statut.
4. En cas de fonction temporaire exercée en vertu de la loi ou d'un contrat,
l'exercice
du mandat de député suspend le décompte des délais
".
Conséquence des dispositions constitutionnelles affirmant le droit d'accès de
tous aux
fonctions publiques, l'article 19 garantit en particulier la stabilité de
l'emploi,
le maintien des avantages sociaux et le droit de reprendre les fonctions
professionnelles
antérieures, celles-ci pouvant être exercées à titre intérimaire par quelqu'un
d'autre pendant la durée du mandat.
Cette garantie ne peut cependant pas être absolue. Ainsi, les promotions qui
supposent
l'exercice réel de l'activité professionnelle ne peuvent pas être accordées.
2) La possibilité de remplacement temporaire
En vertu de
l'article 5 de la loi portant statut des députés, tout député peut
demander son
remplacement temporaire au sein de l'Assemblée de la République pour une
période qui ne
saurait être inférieure à quarante-cinq jours, à condition de présenter un motif
pertinent.
Ces motifs, limitativement énumérés au même article, comprennent notamment une
"
activité professionnelle qui ne peut pas être
différée
".
Pendant la durée de la législature, quatre ans, il est possible de demander à
plusieurs
reprises son remplacement temporaire à condition que le cumul des périodes de
remplacement n'excède pas dix-huit mois.
3) L'indemnité transitoire des anciens députés
La loi
n° 4 du 9 avril 1985 sur le statut financier des titulaires de charges
politiques
prévoit que les anciens députés qui n'ont pas droit à une pension de retraite
parce
qu'ils n'ont pas siégé au moins douze années se voient attribuer une indemnité
provisoire. Son montant mensuel est celui de l'indemnité parlementaire. Elle
est versée
pendant un nombre de mois égal au nombre de semestres de présence à
l'Assemblée, dans
la limite de vingt-quatre.
La loi exclut le cumul de l'indemnité transitoire avec la rémunération assurée
aux
titulaires de certains mandats électifs ou de certaines fonctions publiques
limitativement énumérées (maire, adjoint ou maire exerçant ses fonctions à temps
plein, ambassadeur, procureur général de la République, juge au Tribunal
constitutionnel, président de la Cour des comptes...).
ROYAUME-UNI
Les
fondements juridiques
|
L'indemnité de
départ est versée aussi bien à ceux qui ne se représentent pas aux élections
législatives qu'aux candidats non réélus.
Son montant est exprimé en pourcentage de l'indemnité parlementaire annuelle
(45.066 depuis le 1
er
avril 1998, soit environ
450.000 F). Ce
pourcentage varie entre 50 et 100 en fonction, d'une part, de l'âge de
l'intéressé
quand il quitte l'assemblée et, d'autre part, du nombre d'années pendant
lesquelles il a
siégé, comme l'indique le tableau qui suit.
Montant de l'indemnité de départ par rapport à l'indemnité parlementaire annuelle |
|||||||
|
Nombre d'années passées à la Chambre des Communes |
||||||
Age de l'intéressé |
moins de 10 ans |
10 ans |
11 ans |
12 ans |
13 ans |
14 ans |
15 ans et plus |
Moins de 50 ans |
50 % |
50 % |
50 % |
50 % |
50 % |
50 % |
50 % |
50 ans |
50 % |
50 % |
52 % |
54 % |
56 % |
58 % |
60 % |
51 ans |
50 % |
52 % |
55 % |
58 % |
62 % |
65 % |
68 % |
52 ans |
50 % |
54 % |
58 % |
63 % |
67 % |
72 % |
76 % |
53 ans |
50 % |
56 % |
62 % |
67 % |
73 % |
78 % |
84 % |
54 ans |
50 % |
58 % |
65 % |
72 % |
78 % |
85 % |
92 % |
55 à 64 ans |
50 % |
60 % |
68 % |
76 % |
84 % |
92 % |
100 % |
65 ans |
50 % |
58 % |
65 % |
72 % |
78 % |
85 % |
92 % |
66 ans |
50 % |
56 % |
62 % |
67 % |
73 % |
78 % |
84 % |
67 ans |
50 % |
54 % |
58 % |
63 % |
67 % |
72 % |
76 % |
68 ans |
50 % |
52 % |
55 % |
58 % |
62 % |
65 % |
68 % |
69 ans |
50 % |
50 % |
52 % |
54 % |
56 % |
58 % |
60 % |
70 ans et plus |
50 % |
50 % |
50 % |
50 % |
50 % |
50 % |
50 % |
*
* *
A l'inverse de ce qui existe dans les autres pays, les fonctionnaires ne retrouvent pas leur poste à la fin de leur mandat parlementaire. Ils ont en effet l'obligation de donner leur démission de la fonction publique lors de leur entrée à la Chambre des communes s'ils sont ouvriers ou travailleurs manuels, et avant même de se porter candidat aux élections législatives s'ils appartiennent aux autres catégories de fonctionnaires.
(1) On n'a
pas examiné dans le cadre de cette étude le cas des fonctionnaires élus
parlementaires.
Leur situation est régie par le statut des fonctionnaires et non par celui des
parlementaires.
(2) La loi autorise l'ancien parlementaire à demander le versement des sommes
dues en une
seule fois ou, au contraire, le versement d'une indemnité réduite de moitié
pendant une
durée double.
(3) Par opposition à la mise en disponibilité volontaire, c'est-à-dire demandée
par
l'intéressé, pour raisons familiales par exemple.
(4) L'exercice d'une fonction publique représentative est prévu au point f.
(5) L'article 4 concerne la suspension du mandat et l'article 5 le remplacement
temporaire
des députés.