LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE FACE AUX MEDIAS
Table des matières
- NOTE DE SYNTHESE
- ALLEMAGNE
- ESPAGNE
- FRANCE
- GRANDE-BRETAGNE
- ITALIE
- ETATS-UNIS
NOTE DE SYNTHESE
En
France,
la loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la
garantie des droits individuels des citoyens
a introduit dans le code civil
une disposition selon laquelle "
chacun a droit au respect de sa vie
privée
", et qui donne aux juges les moyens de faire cesser, le
cas échéant en urgence, toute atteinte à la vie
privée. C'est cette disposition qui fonde l'affirmation du
caractère particulièrement protecteur de la législation
française.
Il a cependant paru utile d'examiner de quels moyens les principaux pays
européens, l'
Allemagne
, l'
Espagne
, la
Grande-Bretagne
et l'
Italie
, ainsi que les
Etats-Unis
,
disposaient pour protéger la vie privée des intrusions des
médias.
Cette analyse fait apparaître que les différences entre pays sont
plus importantes pour la protection civile que pour la protection
pénale.
-
En droit civil, la protection de la vie privée est assurée
de façon très différente : par des dispositions
générales, d'origine législative en Espagne et en France,
et d'origine essentiellement jurisprudentielle en Allemagne et en Italie,
tandis que le droit anglo-saxon ne réprouve que certaines atteintes
à la vie privée.
-
La protection pénale de la vie privée, également
beaucoup plus développée en Europe continentale, y est assez
homogène.
I. EN DROIT CIVIL, LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE EST ASSUREE DE FAÇON TRES DIFFERENTE.
1) La protection civile de la vie privée est garantie par un texte législatif en Espagne et en France.
a) La
loi espagnole sur la protection civile du droit à l'honneur, à
l'intimité personnelle et familiale et à l'image
Cette loi a été adoptée en 1982 pour permettre
l'application de l'article 18-1 de la constitution, selon lequel "
le
droit à l'honneur, à l'intimité personnelle et familiale
et à sa propre image est garanti à chacun
".
C'est, d'après la constitution, un
droit fondamental
, ce qui
permet à tout citoyen d'en demander la protection devant les tribunaux
ordinaires par une
action en référé
.
La loi de 1982 ne définit pas plus précisément ce droit,
mais elle indique qu'il s'agit d'un
concept changeant
en fonction de
l'évolution des idées.
Elle identifie en revanche sept atteintes illégitimes à ce droit,
parmi lesquelles "
la captation, la reproduction, ou la publication de
photographies, de films ou d'autres supports montrant l'image d'une personne
dans des lieux ou à des moments appartenant à sa vie
privée
(...) ".
L'existence d'une atteinte illégitime au droit que protège la loi
de 1982 constitue automatiquement un préjudice qu'il faut
réparer. De plus, le juge peut ordonner toute mesure propre à
faire cesser l'atteinte ou à prévenir des atteintes
ultérieures.
b) Le code civil français
Depuis 1970, l'
article 9 du code civil
dispose que :
"
Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent
sans préjudice de la réparation du dommage subi prescrire toutes
mesures telles que séquestres, saisies et autres, propres à
empêcher ou à faire cesser une atteinte à la vie
privée ; ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être
ordonnées en référé
".
La notion de vie privée n'est pas définie par la loi. Elle a
été précisée peu à peu par la jurisprudence
et peut être considérée comme incluant l'état de
santé, la vie sentimentale, l'image, la pratique religieuse, les
relations familiales et l'intimité.
Conformément à l'article 9 du code civil, toute victime
d'une atteinte à la vie privée peut obtenir, outre des
dommages-intérêts, des mesures pour empêcher ou faire cesser
l'atteinte (saisie, séquestre, astreinte, publication d'un encart...).
En cas d'urgence, la victime peut agir en
référé
.
2) La protection de la vie privée est essentiellement l'oeuvre de la jurisprudence en Allemagne et en Italie.
a)
Les textes allemands et italiens ne comportent que des indications parcellaires
sur la protection de la vie privée.
Le droit au nom est protégé par le code civil allemand. Le droit
à l'image est protégé par les lois allemande et italienne
sur le droit d'auteur.
b) La jurisprudence a forgé des concepts permettant de
protéger la vie privée.
Se fondant sur le fait que la
Loi fondamentale
garantit le droit de
chacun au "
libre développement de sa
personnalité
", la jurisprudence allemande a affirmé
à partir de 1954 que le "
droit général de la
personnalité
", c'est-à-dire le droit qu'a l'individu,
vis-à-vis de toute personne, au respect de sa dignité d'homme et
de sa personnalité propre, devait être protégé.
Cette protection se traduit non seulement par l'attribution de
dommages-intérêts en cas d'atteinte, mais aussi par la
possibilité pour le juge d'ordonner, le cas échéant en
référé, toute mesure de cessation ou de prévention.
De même, depuis 1973, la
Cour constitutionnelle italienne
considère que, parmi les droits inviolables, il faut inclure
"
le droit à la dignité, à l'honneur, à la
responsabilité, à l'intimité, à la
discrétion, à la réputation
".
Toutefois, comme le code civil prévoit que la réparation des
dommages non patrimoniaux n'a lieu que dans les cas prévus par la loi,
la portée effective de la protection constitutionnelle est
limitée.
En cas de conflit entre le droit au respect de la vie privée et la
liberté de la presse, constitutionnellement garantie dans chacun des
deux pays, la jurisprudence arbitre en fonction de l'intérêt
public. En pratique, les tribunaux italiens sont assez réticents
à limiter la liberté d'expression.
* *
*
L'Italie a adopté en décembre 1996 une loi sur la protection des données, qui comporte des indications concernant les journalistes : ces derniers peuvent, dans la mesure où l'intérêt public l'exige, traiter des données " sensibles " ( 1( * ) ) sans autorisation préalable de l'autorité chargée de veiller au respect de la loi. Cette exception ne s'applique cependant pas aux informations relatives à l'état de santé ou à la vie sexuelle . Un code de déontologie devrait prochainement préciser les droits et devoirs des journalistes.
3) Le droit anglo-saxon réprouve seulement certaines atteintes à la vie privée.
En
Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis, la
liberté de la presse
constitue un principe fondamental. Aucune loi ne garantit explicitement le
respect de la vie privée. Toutefois, la théorie de la
responsabilité civile extra-contractuelle
permet de protéger
les victimes de certaines atteintes à la vie privée. En effet,
certains actes, la violation de domicile ou la diffamation par exemple, peuvent
entraîner la responsabilité civile de leurs auteurs. Si la victime
d'une intrusion dans sa vie privée parvient à établir
l'existence d'une telle responsabilité, elle peut obtenir des
dommages-intérêts. C'est le plus souvent la jurisprudence qui a
défini les comportements susceptibles d'entraîner la
responsabilité de leur auteur, qu'on appelle
torts
.
En
Grande-Bretagne
, les principaux cas d'ouverture de la
responsabilité civile utilisés pour se défendre des
intrusions dans la vie privée sont la violation de domicile, la
diffamation, la divulgation de secrets, le mensonge avec intention de nuire et
le harcèlement. Dans ce pays, où le débat sur la
nécessité d'avoir une loi sur la protection de la vie
privée dure depuis de nombreuses années, plusieurs propositions
de réforme ont déjà été
élaborées. Certaines avaient proposé la création
par voie législative d'un nouveau
tort
, la violation de la vie
privée.
Aux
Etats-Unis,
les
torts
portant atteinte à la vie
privée varient d'un Etat à l'autre, mais les quatre principaux
sont la publication de faits concernant à la vie privée,
l'intrusion dans l'intimité, la présentation sous un jour
défavorable ou trompeur, l'appropriation du nom ou de la ressemblance.
L'existence de l'un de ces quatre
torts
n'entraîne pas
nécessairement l'attribution de dommages-intérêts. En
effet, les tribunaux, très attachés à la liberté de
la presse garantie par le premier amendement à la constitution, opposent
notamment au droit au respect de la vie privée l'intérêt
public et le fait qu'une personne " raisonnable " peut
considérer une information comme méritant d'être
diffusée.
* *
*
En Grande-Bretagne, le projet de loi tendant à intégrer la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'ordre juridique interne est actuellement discuté par le Parlement. On s'attend à ce que l'adoption de ce projet de loi se traduise par la création jurisprudentielle d'un droit général à la protection de la vie privée.
II. LA PROTECTION PENALE DE LA VIE PRIVEE EST PLUS DEVELOPPEE DANS LES PAYS CONTINENTAUX.
1) Le code pénal définit explicitement des infractions à la vie privée en Allemagne, en Espagne, en France et en Italie.
Le code
pénal sanctionne les "
infractions contre la vie privée
et l'intimité
" en Allemagne, les "
infractions contre
l'intimité, le droit à l'image et l'inviolabilité du
domicile
" en Espagne, le "
délit d'atteinte à
la vie privée
" en France et les "
interférences
illicites avec la vie privée
" en Italie.
De façon générale, ces dispositions permettent de punir
l'enregistrement visuel ou sonore d'informations relatives à la vie
privée d'autrui, et leur diffusion.
2) Le droit pénal anglo-saxon est nettement moins protecteur.
Il
n'existe d'infraction générale contre la vie privée ni en
Grande-Bretagne, ni aux Etats-Unis.
Cependant, aux Etats-Unis, les atteintes les plus graves peuvent amener le juge
à condamner le défendeur à verser à la victime des
dommages-intérêts d'ordre pénal, c'est-à-dire
destinés à punir le coupable.
De même, en Grande-Bretagne, la diffamation ne constitue une infraction
pénale que dans les cas les plus graves. Par ailleurs, la récente
loi sur la protection contre le harcèlement a créé une
nouvelle infraction pénale. Certaines des propositions de réforme
avaient suggéré la création d'infractions pénales
correspondant à celles qui existent en Europe continentale.
ALLEMAGNE
La
Loi fondamentale
consacre ses premiers articles aux
droits fondamentaux
de l'individu
.
|
I. LA RECONNAISSANCE JURISPRUDENTIELLE DU " DROIT GENERAL DE LA PERSONNALITE "
1) la définition du " droit général de la personnalité "
Il
s'agit pour l'essentiel d'une
construction jurisprudentielle,
car les
textes ne comportent que des indications parcellaires sur la protection de la
vie privée.
a) Les textes
Le
code civil ne protège pas la vie privée de façon
générale
. Il garantit seulement à l'article 12 le
droit au nom
.
Depuis le 1
er
janvier 1966, date de l'entrée en vigueur
de la loi sur le droit d'auteur de 1965, la loi précédente (de
1907) sur le droit d'auteur est abrogée. Toutefois, ses articles 22 et
23, qui protègent le droit qu'a chaque personne sur son image, sont
toujours applicables. En conséquence,
les représentations,
photographiques ou non, d'une personne ne peuvent pas, sauf exception
(caractère historique de la représentation par exemple)
être divulguées sans l'accord de l'intéressé.
b) La jurisprudence
L'article
823-1 du code civil
stipule que celui qui
"
délibérément ou par négligence, porte
atteinte de façon illicite à la vie, à
l'intégrité corporelle, à la santé, à la
liberté, à la propriété ou à tout autre
droit d'autrui doit réparer le dommage qui en résulte
".
Or, la
jurisprudence
, se fondant notamment sur les articles 1 et 2 de la
Loi fondamentale et sur les possibilités d'interprétation
offertes par la rédaction de l'article 823-1 du code civil a
affirmé, à partir de 1954, que le "
droit
général de la personnalité
" était un
"
autre " droit qui devait être protégé
.
Elle définit ce droit comme "
le droit qu'a l'individu,
vis-à-vis de toute personne, au respect de sa dignité d'homme et
de sa personnalité propre
".
La doctrine et la jurisprudence estiment que le " droit
général de la personnalité " s'applique
différemment selon le domaine auquel il se rapporte. Elles
distinguent :
- la sphère individuelle, qui comporte notamment le droit à
l'autodétermination, et qui garantit la personnalité de
l'individu dans ses relations avec le monde extérieur ;
- la sphère privée, qui concerne la vie privée, familiale
ou autre ;
- la
sphère intime
, qui touche à ce que l'individu a de
plus secret (vie sentimentale, lettres confidentielles...).
Seule cette dernière sphère bénéficie, tout comme
les cinq droits énumérés à l'article 823-1 d'une
protection absolue
.
Les tribunaux ont ainsi estimé que le " droit général
de la personnalité " s'opposait par exemple à la publication
d'un journal intime, à la divulgation de feuilles de maladie, et
à l'enregistrement de conversations personnelles.
Dans une série de décisions, la Cour constitutionnelle a
fixé les principes à appliquer en cas de conflit entre le
" droit général de la personnalité " et la
liberté de la presse. Elle ne donne la priorité à aucun
des deux droits, mais estime que les intérêts contradictoires
doivent être appréciés l'un par rapport à l'autre,
dans chaque cas.
Ainsi, les tribunaux ont jugé que le droit à l'information devait
céder le pas devant le droit à la réinsertion sociale d'un
ancien détenu. En revanche, la Cour constitutionnelle a estimé en
1974 qu'un documentaire télévisé relatif à un crime
qui montrait le visage des coupables portait certes atteinte à leur
droit de la personnalité, mais que cette atteinte était
justifiée par l'intérêt du public à l'information,
compte tenu de la gravité du crime. De même, un personnage public
ne bénéficie pas de la même protection qu'un citoyen
anonyme.
De façon générale,
la communication de détails
personnels est condamnée lorsqu'il n'y a aucun intérêt
légitime à cette information
.
Ces différentes solutions ont été proclamées
tantôt par les juridictions civiles, tantôt par la Cour
constitutionnelle, gardien de la Loi fondamentale et des droits fondamentaux.
Comme le " droit général de la personnalité "
découle des articles 1 et 2 de la Loi fondamentale, il a en effet
donné lieu à un grand nombre de
recours constitutionnels
de plaideurs insatisfaits des décisions rendues par les tribunaux civils.
Conformément à la jurisprudence, le
code de déontologie
du Conseil allemand de la presse
énonce dans son principe
n° 8 : "
La presse respecte la vie privée et
l'intimité de l'être humain. Cependant, si le comportement en
privé d'une personne affecte les intérêts publics, il peut
être évoqué dans la presse. Ce faisant, il convient de
vérifier si les droits de la personnalité de tiers non
concernés ne sont pas affectés par la publication
".
2) L'action civile
a)
L'action en dommages-intérêts
L'extension jurisprudentielle du domaine d'application de l'article 823-1 du
code civil aux atteintes à la vie privée permet à toute
personne lésée de réclamer des
dommages-intérêts
, y compris pour le
préjudice
moral
.
En effet, bien que l'article 847 du code civil prévoie la
réparation du préjudice moral seulement dans un nombre
limité de cas (atteinte à l'intégrité corporelle et
à la santé, privation de liberté), la jurisprudence a,
à partir de 1958, considéré que les atteintes à la
vie privée entraînaient un préjudice moral qu'il convenait
de réparer.
De plus, en vertu de l'article 823-2 du code civil qui prévoit qu'une
obligation de réparer le dommage causé incombe à quiconque
"
contrevient à une loi protectrice des intérêts
d'autrui
", toute atteinte au droit à l'image peut
également donner lieu au versement de dommages-intérêts.
b) Les autres actions
L'action en cessation de trouble n'est, d'après le code civil, permise
que dans certains cas (essentiellement en cas d'atteinte à la
propriété privée). Toutefois, la jurisprudence a
élargi l'utilisation de cette action à tous les cas d'atteinte
à des droits bénéficiant d'une protection absolue. Une
personne victime d'une atteinte à la vie privée peut donc :
- introduire une action en cessation de trouble, qui peut se traduire par la
publication d'un
démenti
ou d'un
droit de
réponse
;
- agir en
prévention
du trouble, si la violation ne s'est pas
encore produite mais est imminente et revêt un caractère
particulièrement grave.
Dans les deux cas, le juge peut statuer en
référé
.
La jurisprudence admet ainsi qu'une décision prise en
référé, sur demande de l'intéressé et sans
débat contradictoire, puisse interdire la publication d'un article ou
d'une photographie portant atteinte à la vie privée.
II. LES INFRACTIONS PENALES CONTRE LA VIE PRIVEE
Le
code pénal,
dans sa partie spéciale consacrée
à la description des différentes catégories d'infractions,
réserve une section aux
infractions contre la vie privée et
l'intimité
.
Parmi elles figurent les
infractions contre l'intimité des paroles
qui ne sont pas prononcées en public
et
contre le secret de la
correspondance,
définies respectivement par les articles 201 et 202
du code pénal.
L'article 201 du code pénal sanctionne en effet l'enregistrement non
autorisé des paroles qui ne sont pas prononcées en public,
l'utilisation non autorisée d'un tel enregistrement et sa mise à
la disposition d'un tiers, dans la mesure où elle cherche à
porter atteinte aux droits de l'intéressé. Les paroles non
prononcées en public sont également protégées
contre l'écoute au moyen d'un microphone par exemple. Cette infraction
est punie d'une
amende
ou d'un
emprisonnement pouvant atteindre trois
ans
.
L'article 202 protège le secret de la correspondance et punit non
seulement le fait de prendre connaissance du contenu d'une lettre
cachetée mais également de tout autre document fermé non
destiné à être divulgué (journal intime par
exemple). Cette infraction est punie d'une amende ou d'un emprisonnement
pouvant atteindre un an.
ESPAGNE
La
constitution
énonce à l'article 18-1 : "
Le
droit à l'honneur, à l'intimité personnelle et familiale
et à sa propre image est garanti à chacun
".
|
I. LA LOI SUR LA PROTECTION CIVILE DU DROIT A L'HONNEUR, A L'INTIMITE PERSONNELLE ET FAMILIALE, ET A L'IMAGE
La loi de 1982, tout comme la constitution, réunit en une seule notion le droit à l'honneur, le droit à l'intimité et le droit à l'image Elle les soumet donc au même régime : en effet, seules quelques dispositions de l'article 8-2 régissent spécifiquement le droit à l'image.
1) Le droit à l'honneur, à l'intimité personnelle et familiale, et à l'image
Il
s'agit, d'après l'article 1
er
de la loi de 1982, d'un
droit fondamental que le droit civil doit protéger face à tout
type d'intrusions illégitimes.
a) La définition du droit
La loi ne le définit pas, mais elle précise qu'il s'agit d'un
concept changeant : dans son préambule, elle reconnaît que la
protection civile de ce droit "
est déterminée de
manière décisive par les idées qui prévalent
à chaque époque dans la société
".
C'est donc la jurisprudence qui délimite l'étendue du droit
protégé par la loi de 1982 ainsi que ses relations avec le droit
à l'information. Jusqu'à maintenant, la jurisprudence n'a pas
encore établi de critères généraux, et les
tribunaux se livrent à une analyse au cas par cas. On peut cependant en
déduire que :
- la sphère de la vie publique peut, et doit, être objet
d'information ;
- la sphère de la vie privée ne peut être objet
d'information que lorsque l'action privée a une dimension
publique ;
- la sphère de l'intimité ne peut pas être objet
d'information, ni même d'investigation.
La démarcation entre les différentes sphères n'est pas
encore nettement réalisée. Cependant, la décision prise en
décembre 1988 par la Cour constitutionnelle dans l'affaire Paquirri
présente, bien que l'affaire mêle le droit à
l'intimité et le droit à l'image, un intérêt
particulier à cet égard.
Une
entreprise réalisa et commercialisa une cassette vidéo avec les
images de l'accident dont fut victime au combat le célèbre torero
Paquirri. La cassette comprenait des images montrant Paquirri à
l'infirmerie des arènes. Or, le torero mourut dans les heures qui
suivirent l'accident.
|
b)
Les atteintes au droit
La loi définit à l'
article 7
comme des
atteintes
illégitimes
au droit qu'elle protège
les faits
suivants :
1. "
Le fait de disposer, en quelque lieu que ce soit, tout appareil
permettant d'écouter, de filmer, et tout matériel optique ou de
quelque autre nature pouvant servir à enregistrer ou reproduire des
scènes de la vie intime des personnes ;
"
2. "
l'emploi de tout appareil permettant d'écouter, de tout
matériel optique ou de quelque autre nature permettant de
connaître la vie intime des personnes ou les formes d'expression ou les
correspondances privées non destinées à celui qui fait
usage de ces moyens, ainsi que leur fixation, enregistrement ou
reproduction ;
"
3. "
la divulgation de faits concernant la vie privée d'une
personne ou d'une famille, portant atteinte à leur considération
et à leur réputation, de même que la
révélation ou la publication de contenu de lettres,
mémoires ou autres écrits personnels de caractère
intime
; "
4. "
la révélation de faits concernant la vie
privée d'une personne ou d'une famille par une personne qui en a
connaissance à raison de son activité professionnelle ou
officielle
; "
5. "
la fixation, la reproduction ou la publication de photographies,
de films ou d'autres supports montrant l'image d'une personne dans des lieux ou
à des moments appartenant à sa vie privée, ou en dehors
d'eux, sauf aux cas prévus à l'article 8-2
; "
6. "
l'utilisation du nom, de la voix et de l'image d'une personne
à des fins publicitaires, commerciales, ou similaires
; "
7. "
la divulgation de propos ou de faits concernant une personne
lorsqu'elle constitue une diffamation ou qu'elle risque de la rabaisser dans
l'opinion d'autrui.
".
Ces faits ne constituent pas des atteintes illégitimes au droit
protégé par la loi lorsque l'intéressé a
renoncé de façon expresse à ce droit, lorsque la loi ou
l'autorité compétente a autorisé la publication ou
lorsqu'il existe un intérêt historique, scientifique ou culturel
supérieur.
Cet argument justifie en particulier les limites au droit à l'image
énoncées à l'article 8-2. Dans les cas suivants,
même si l'intéressé ne donne pas son consentement, le droit
à l'image ne peut pas empêcher :
a) "
la fixation, la reproduction et la publication, par quelque moyen
que ce soit, de l'image de quelqu'un lorsqu'il s'agit de personnes qui exercent
une charge publique ou une profession de notoriété ou de nature
publique et que l'image est prise au cours d'un acte public ou dans des lieux
ouverts au public ;
"
b) "
la caricature des personnes mentionnées ci-dessus,
conformément à l'usage social ;
"
c) "
la diffusion de l'image d'une personne lorsqu'elle
apparaîtra simplement accessoire de la relation écrite d'un fait
ou d'un événement public
. "
2) L'action civile
Dans la
mesure où le droit protégé par la loi de 1982 est garanti
par la constitution, l'article 53 de cette dernière s'applique et
la victime peut donc agir en
référé
.
a) L'action en dommages-intérêts
L'existence d'une atteinte illégitime au droit protégé par
la loi constitue
automatiquement un préjudice qu'il convient de
réparer
.
De plus, la loi précise que la réparation doit s'étendre
au
dommage moral
. Pour l'évaluation de ce dernier, il convient de
prendre en compte l'importance du tirage de la publication incriminée,
ou de l'audience de l'émission, ainsi que le bénéfice
qu'en a tiré l'auteur de l'atteinte.
b) Les autres actions
Le juge peut ordonner toute mesure nécessaire pour faire cesser
immédiatement l'atteinte ou pour prévenir les atteintes
ultérieures.
Par ailleurs, il peut reconnaître à la personne
lésée un droit de réponse et prescrire la publication de
la condamnation.
II. LES INFRACTIONS PENALES CONTRE LA VIE PRIVEE
Pendant
longtemps, les personnes victimes d'une atteinte à la vie privée
n'ont eu à leur disposition que la voie civile car la protection
pénale était très limitée.
Jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal de 1995,
n'étaient sanctionnées que "
la découverte et la
révélation de secrets
".
Le fait de s'approprier les papiers ou le courrier d'autrui était
sanctionné, tout comme l'interception des communications
téléphoniques ou l'utilisation de tout autre matériel
destiné à écouter, transmettre, enregistrer ou reproduire
le son. Le fait de divulguer des informations ainsi acquises aggravait la
peine.
Le nouveau code pénal consacre un titre entier aux
"
infractions contre l'intimité, le droit à l'image et
l'inviolabilité du domicile
".
Il y définit et y sanctionne la violation de domicile. De plus, la
partie consacrée à "
la découverte et la
révélation de secrets
" a été beaucoup
développée.
Désormais, le fait, pour découvrir les secrets d'autrui ou pour
violer son intimité, de s'approprier ses papiers, son courrier, postal
ou électronique, ou n'importe lequel de ses documents ou effets
personnels, d'intercepter ses communications téléphoniques ou
d'utiliser n'importe quelle technique d'écoute, de transmission,
d'enregistrement ou de reproduction du son ou de l'image, ou de n'importe quel
autre signe, est puni d'une peine de prison d'une durée comprise entre
un et quatre ans et de douze à vingt-quatre mois-amende.
La sanction est aggravée lorsque l'auteur de l'infraction
précédente diffuse, révèle ou cède à
des tiers les informations illégitimement obtenues : la
durée de la peine de prison est alors comprise entre deux et
cinq ans.
De même, le fait de diffuser des informations illégitimement
obtenues, sans avoir participé à leur obtention, mais en
connaissant leur origine, est sanctionné (peine de prison comprise entre
un et trois ans et amende de douze à vingt-quatre mois).
Lorsque ces différentes infractions sont réalisées par une
personne qui poursuit un but lucratif, la peine se situe dans la
deuxième moitié de la fourchette.
FRANCE
La
constitution ne comporte aucune mention directe relative au droit au respect de
la vie privée, mais le principe énoncé à
l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
selon lequel "
La liberté consiste à pouvoir faire tout
ce qui ne nuit pas à autrui
(...) " fait partie du " bloc
de constitutionnalité ". Par ailleurs, la France a ratifié
la
convention européenne des droits de l'homme et des libertés
fondamentales
, qui affirme à l'article 8 : "
Toute
personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son
domicile, de sa correspondance (...).
"
|
I. LA RECONNAISSANCE PAR LE CODE CIVIL DU " DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE "
1) La définition du " droit au respect de la vie privée "
L'
article 9 du code civil
dispose que "
chacun a
droit au respect de sa vie privée
", sans pour autant
définir ce droit.
La jurisprudence n'en donne pas non plus de définition précise
mais elle s'est attachée à en cerner les contours. De ses
appréciations successives, on peut conclure que le droit au respect de
la vie privée est "
le droit pour une personne d'être
libre de mener sa propre existence avec le minimum d'ingérences
extérieures
", ce droit comportant "
la protection
contre toute atteinte portée au droit au nom, à l'image, à
la voix, à l'intimité, à l'honneur et à la
réputation, à l'oubli, à sa propre biographie
".
Les domaines inclus dans la protection de la vie privée comprennent
essentiellement l'état de santé, la vie sentimentale, l'image, la
pratique religieuse, les relations familiales et, plus
généralement, tout ce qui relève du comportement intime.
La jurisprudence admet que des informations sur le patrimoine ou les revenus
cessent de relever de la vie privée dans certains cas. Le critère
retenu est celui de la pertinence de l'information par rapport au débat
d'intérêt public. Il peut donc être légitime de
consacrer une série de reportages à des affaires criminelles
ayant eu un grand retentissement dans le passé. En revanche, on ne doit
pas fournir, à cette occasion, des renseignements sur la vie personnelle
actuelle d'une personne condamnée lors d'un des procès en
question et ayant purgé sa peine, sur sa famille et sur ses habitudes.
Ceci ne correspond en effet à aucune nécessité pour
l'information du public.
2) L'action civile
En vertu
de l'article 9 du code civil, "
les juges peuvent, sans
préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes
mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à
empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la
vie privée, ces mesures peuvent, s'il y urgence, être
ordonnées en référé "
.
Toute victime d'une atteinte à la vie privée peut donc obtenir du
juge :
- des mesures propres à limiter la diffusion de l'atteinte (saisie,
séquestre, suppression des passages litigieux, publication d'un encart,
astreinte...) ;
- des dommages-intérêts pour indemniser le préjudice
subi ;
- l'insertion de la décision de justice dans la presse.
Le séquestre, la saisie ou la suppression de certains passages sont
assimilables à une vraie censure et ne se justifient que si les
descriptions ou divulgations incriminées revêtent un
caractère intolérable compte tenu de leur gravité.
II. LES INFRACTIONS PENALES CONTRE LA VIE PRIVEE
Le
code pénal
définit à
l'article 226-1
le
délit d'atteinte à la vie privée qui peut revêtir
deux formes :
- la captation, l'enregistrement ou la transmission, sans le consentement de
leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou
confidentiel, dans un lieu public ou privé ;
- la fixation, l'enregistrement ou la transmission, sans le consentement de
leur sujet, de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
L'article 226-1 précise que lorsque l'enregistrement des paroles, la
fixation des images, leur transmission ou leur enregistrement ont
été effectués au vu et au su de l'intéressé
sans qu'il s'y soit opposé alors qu'il était en mesure de le
faire, le consentement de celui-ci est présumé.
L'article 226-2 sanctionne la conservation, la divulgation et l'utilisation de
propos ou d'images obtenus dans les conditions que proscrit l'article 226-1.
Lorsque l'infraction prévue par l'article 226-2 est commise par la
presse, écrite ou audiovisuelle, la détermination des personnes
responsables résulte, pour la presse, de l'article 42 de la loi du
29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et pour l'audiovisuel,
de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication
audiovisuelle. Chacun de ces deux articles prévoit une
responsabilité pénale " en cascade ", le responsable
principal étant le directeur de la publication du journal
(2(
*
))
ou du service de communication audiovisuelle
(3(
*
))
. Dans le cas de l'audiovisuel, la responsabilité
du directeur de publication n'est engagée comme auteur principal
"
que lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation
préalable à sa communication au public
". Sa
responsabilité ne peut donc pas être engagée dans le cas
d'une émission diffusée en direct.
Les peines applicables diffèrent selon que le coupable est une personne
physique ou une personne morale.
Une
personne physique
encourt un
an d'emprisonnement
et une
amende de 300.000 francs
. De plus, l'article 226-31 du code
pénal prévoit les
peines complémentaires
suivantes :
- interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
- interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans
l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été
commise ;
- interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir ou
de porter une arme soumise à autorisation ;
- affichage ou diffusion de la décision prononcée ;
- confiscation de l'instrument qui a servi ou était destiné
à commettre l'infraction, de l'enregistrement ou du document obtenu
illicitement.
Une
personne morale
encourt :
- une amende égale au quintuple de celle prévue pour les
personnes physiques, c'est-à-dire 1,5 million de francs ;
- l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de
cinq ans au plus, d'exercer, directement ou indirectement, l'activité
professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle
l'infraction a été commise ;
- l'affichage ou la diffusion de la décision
prononcée.
GRANDE-BRETAGNE
Il
n'existe pas de constitution écrite et donc aucune garantie formelle, ni
du droit au respect de la vie privée, ni de la liberté de la
presse.
|
I. LA RESPONSABILITE CIVILE DES AUTEURS DE CERTAINES ATTEINTES A LA VIE PRIVEE
Un
journal ne peut pas avoir sa responsabilité civile engagée
seulement pour avoir porté atteinte à la vie privée
d'autrui. Plusieurs des propositions de réforme avaient
suggéré la création législative d'un nouveau
tort
(4(
*
))
: la violation de la vie
privée.
Si le droit n'empêche donc pas les médias de diffuser les
détails relatifs à la vie privée d'une personne, en
revanche certains actes comme la violation de domicile ou la diffamation,
entraînent la
responsabilité civile
de leur auteurs. Si
donc la victime d'une intrusion dans sa vie privée parvient à
établir l'existence d'une telle responsabilité, elle peut obtenir
des dommages-intérêts. Les jurys accordent en
général des sommes importantes aux victimes.
Les principaux cas d'ouverture de la responsabilité civile
utilisés pour se défendre des intrusions des médias dans
la vie privée sont les suivants :
- violation de domicile ;
- diffamation ;
- divulgation de secrets ;
- mensonge avec intention de nuire ;
- harcèlement.
1) L'action en violation de domicile
Si un
journaliste entre chez quelqu'un sans autorisation et sollicite une interview,
il commet une violation de domicile (
trespass
) pour laquelle
réparation peut être demandée si la victime parvient
à prouver l'existence d'un dommage.
Cette action est ouverte aux seules personnes qui " possèdent
légalement " leur habitation, ce qui inclut celles qui louent leur
logement, mais exclut celles qui se trouvent dans un hôtel, dans un
hôpital ou dans la maison d'autrui. De plus, cette action suppose que
l'intrusion revête un caractère matériel. Elle n'est donc
pas ouverte à la victime d'une atteinte exercée de
l'extérieur au moyen de jumelles ou d'une caméra.
Ainsi, en 1977, le président d'une chaîne de
télévision n'a pas réussi à établir qu'il y
avait violation de domicile alors que des photographes avaient pris des vues de
sa propriété depuis un avion.
Les dommages-intérêts accordés dans ce cas sont
généralement faibles car c'est le dommage à la
propriété qui est évalué, et non le
préjudice à l'intimité.
2) L'action en diffamation
L'action
en diffamation est ouverte à la victime d'une publication diffamatoire.
La diffamation se subdivise en droit anglais en deux notions : le
slander
et le
libel
.
Le premier couvre toute diffamation faite oralement ou par gestes. De plus,
sauf dans quelques cas énumérés par la loi, l'action en
slander
n'est pas possible si le demandeur n'a pas subi un dommage
évaluable en argent.
En revanche, l'action en
libel
est ouverte à toute
personne
victime d'une diffamation écrite ou qui revêt une autre forme
permanente, sans que le demandeur doive apporter la preuve d'une perte
financière.
L'action a été étendue pour couvrir les diffamations
faites par le biais de l'
audiovisuel
.
Face à une intrusion des médias dans la vie privée, il est
donc possible d'introduire une action en
libel
, à condition
d'établir le caractère diffamatoire de l'information.
La loi ne comporte aucun critère permettant d'apprécier le
caractère diffamatoire d'un propos. C'est donc le juge qui
apprécie si le propos est susceptible de rabaisser le demandeur dans
l'esprit de " membres bien-pensants de la société ", ou
s'il est de nature à porter atteinte à sa réputation. Le
jury établit ensuite l'existence ou non de la diffamation et fixe le
montant des dommages-intérêts.
Les jurys ont tendance à allouer aux victimes des sommes très
importantes. Toutefois, il est souvent fait appel de ces décisions, ce
qui rallonge et renchérit la procédure, surtout si l'on tient
compte du fait qu'il est impossible d'obtenir une aide juridique dans ce
domaine.
3) L'action en divulgation de secrets
Cette
action constitue une garantie de la protection de la vie privée dans la
mesure où elle permet une réparation de la divulgation, ou de
l'utilisation non autorisée, d'une information qui n'a pas encore
été rendue publique et qui a été confiée
à autrui dans des circonstances imposant une obligation de
discrétion.
D'origine doctrinale, cette action s'est développée pour
protéger les secrets du monde des affaires, puis la jurisprudence l'a
étendue aux informations personnelles.
Le champ d'application de l'action en violation de confidentialité est
plus étendu que celui de l'action en diffamation, car elle permet de
prévenir la divulgation de faits véridiques sans tenir compte de
l'existence d'un préjudice causé à la réputation.
La portée de cette action est cependant limitée par le fait
qu'une relation de confiance est nécessaire, même s'il ne s'agit
pas d'une relation formelle et préexistante.
Quand, en novembre 1993, des photographies montrant la Princesse de Galles en
tenue de sport ont été prises en cachette par le
propriétaire du club de gymnastique, puis vendues au groupe de presse du
Mirror
et largement diffusées, l'action en divulgation de secrets
a pu être utilisée grâce au contrat entre le club et la
Princesse de Galles, d'autant plus que le contrat spécifiait que
l'adhésion au club de cette dernière devait être
traitée avec "
la plus extrême
confidentialité
" par le gérant et l'ensemble du
personnel. C'est donc sur la base de l'action en divulgation de secrets que la
cour a interdit aux journaux de continuer à diffuser les clichés.
La jurisprudence admet l'action en divulgation de secrets même en
l'absence d'une relation de confiance établie formellement. Ainsi, en
1988, une personne avait confié à une amie les détails de
sa relation homosexuelle avec une tierce personne et avait retrouvé
cette information dans le
Mail on Sunday
. La demanderesse a soutenu que
son amie et le journal avaient agi en rupture de relation de confiance, ce que
la cour accepta.
Pour que l'action en divulgation de secrets soit possible, il faut, mis
à part l'existence d'une relation privilégiée imposant la
discrétion, que l'information ait un caractère suffisamment
intime ou secret.
4) Le mensonge avec intention de nuire
Lorsque
la publication est erronée mais n'est pas diffamatoire, la victime d'une
atteinte à la vie privée peut intenter une action fondée
sur " le mensonge avec intention de nuire " (
malicious
falsehood
), dans la mesure où l'information diffusée est
susceptible de lui causer un préjudice.
Ainsi, en 1990, alors que l'auteur de télévision Gorden Kaye
était hospitalisé, un journaliste et un photographe
s'introduisirent à l'hôpital et prirent des clichés du
malade qui furent, ainsi qu'une fausse interview, publiés dans le
Sunday Sport
.
Le tribunal condamna la publication des photographies et de l'interview parce
qu'il n'avait pas été indiqué au lecteur que Kaye n'avait
pas donné son consentement. Il y avait donc " mensonge avec
intention de nuire ", le préjudice étant constitué
par le fait que la publication par le
Sunday Sport
risquait
d'empêcher Kaye de vendre l'histoire de son accident à d'autres
journaux.
A contrario, la publication des mêmes documents, accompagnée de la
mention du non-consentement de l'intéressé aurait
été autorisée.
Les actions fondées sur la violation de domicile, la diffamation et la
divulgation de secrets ne permettant pas à Kaye d'obtenir
réparation, seule l'action fondée sur le mensonge avec intention
de nuire pouvait en la circonstance offrir à l'intéressé
un minimum de protection.
5) Le harcèlement
La
loi de mars 1997 sur la protection contre le harcèlement
,
entrée en vigueur le 16 juin 1997, interdit à toute personne
d'adopter à l'égard d'une autre une conduite qui équivaut
à du harcèlement, ou dont elle sait qu'elle équivaut
à du harcèlement.
La loi précise par ailleurs que harceler signifie " effrayer "
ou " causer de la douleur ", et qu'une telle conduite doit
s'être produite au moins deux fois.
La victime de harcèlement peut obtenir des
dommages-intérêts. Cette disposition a été
utilisée une fois par la Princesse de Galles dans une affaire l'opposant
à des
paparazzi
.
* *
*
On
s'attend à ce que l'adoption du projet de loi tendant à
intégrer la convention européenne des droits de l'homme et des
libertés fondamentales dans l'ordre juridique interne se traduise par la
création jurisprudentielle d'un droit à la vie privée
.
En effet, l'adoption de ce texte permettra aux citoyens britanniques de faire
valoir leurs droits directement devant les tribunaux nationaux sans avoir
à porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de
l'homme. Or les tribunaux, comme n'importe quel organisme officiel, auront
l'obligation de ne pas contrevenir à la convention, c'est-à-dire
notamment de garantir la protection de la vie privée.
C'est pour cette raison que le projet a été qualifié de
" scélérat " par certains représentants de la
presse.
II. LES INFRACTIONS PENALES CONTRE LA VIE PRIVEE
Il
n'existe actuellement
aucune infraction pénale générale
contre la vie privée
. Plusieurs des rapports relatifs à
l'introduction d'une législation tendant à la protection de la
vie privée ont proposé la création de telles infractions.
En particulier, le deuxième rapport Calcutt de 1993 suggérait la
création de trois infractions pénales :
- l'entrée dans une propriété privée ;
- la mise en place d'un dispositif de surveillance ;
- la prise de clichés ou l'enregistrement de la voix d'une personne chez
elle ;
dans la mesure où ces actes n'auraient pas été
expressément autorisés et auraient été accomplis
pour obtenir des informations personnelles, destinées à
être publiées ensuite.
Ces informations auraient été sanctionnées par des amendes
pouvant atteindre 5.000 livres.
A l'heure actuelle,
la diffamation constitue une infraction
pénale
lorsqu'elle est susceptible de porter une
très
grave atteinte à la réputation
de la personne
concernée.
Par ailleurs, la
loi sur la protection contre le harcèlement
a
créé
une nouvelle infraction pénale
qu'elle
sanctionne d'une amende ou d'une peine de prison pouvant aller jusque
six mois.
III. LES MECANISMES D'AUTOREGULATION DE L'AUDIOVISUEL ET DE LA PRESSE ECRITE
1) L'audiovisuel
La
Broadcasting Standards Commission
(BSC) traite notamment les atteintes
"
injustifiées
" à la vie privée,
réalisées par une chaîne de radiodiffusion ou de
télévision, quelle qu'elle soit. La création de la BSC a
été prévue par la loi sur l'audiovisuel
(
5(
*
)
)
. Tous les membres de la BSC sont nommés
par le ministre compétent pour l'audiovisuel.
La loi a chargé la BSC d'élaborer un
code de bonne
conduite
. Publié il y a plusieurs mois, il est applicable depuis le
1
er
janvier 1998.
Dans ce document, il est indiqué qu'une atteinte à la vie
privée doit être justifié par un
"
intérêt public primant toute autre
considération
" et que "
les moyens utilisés
pour obtenir l'information doivent être proportionnés au fait
étudié
". La BSC n'exclut donc pas l'utilisation de
caméras et de micros cachés quand "
la
crédibilité et l'authenticité de l'information
"
l'exigent et que "
les mots ou les images enregistrés servent un
intérêt public qui l'emporte sur tout autre
". Elle
insiste sur le fait que la notion de vie privée est relative, certaines
personnes étant particulièrement exposées au regard du
public, soit à cause de leur position, soit à cause de la
publicité dont elles s'entourent.
La BSC fait paraître ses décisions dans un bulletin mensuel. Elle
peut également obliger les chaînes à les publier, sous la
forme qu'elle désire, dans un court communiqué diffusé
après les informations du soir par exemple.
Les plaintes ne sont pas recevables si le plaignant dispose d'une voie de
recours devant les tribunaux. Elles doivent être déposées
dans un délai de trois mois ou de six semaines selon qu'elles concernent
une émission de télévision ou de radiodiffusion.
La commission fait publier ses décisions au cours des émissions,
sous la forme qu'elle souhaite et à l'heure qu'elle désire. Cette
publication prend souvent la forme d'une déclaration de 200 mots,
diffusée après les informations du soir.
Tous les membres de la commission sont nommés par le ministre
compétent pour l'audiovisuel.
2) La presse écrite
a)
L'institution de la Commission des plaintes en matière de presse
A la suite des travaux menés après la deuxième guerre
mondiale par la Commission royale sur la presse, le
Conseil de la presse
(
Press Council
), chargé d'élaborer un code de bonne
conduite et de censurer les conduites journalistiques indésirables, fut
créé.
Sa composition très partisane et l'absence de tout pouvoir de sanction
l'empêchèrent d'agir efficacement.
C'est pourquoi le gouvernement chargea en 1989 la commission Calcutt de
proposer de nouvelles solutions. Dans son rapport rendu en 1990, la commission
suggérait le remplacement du
Press Council
par une institution
plus crédible, la
Commission des plaintes en matière de
presse
(
Press Complaints Commission : PCC
). Celle-ci fut mise
en place au début de l'année 1991.
La PCC a établi un
code de bonne conduite
. Toute plainte pour
infraction à ce code peut, dans le délai d'un mois suivant la
publication incriminée, lui être soumise.
En matière de vie privée, le code de la PCC condamne
l'utilisation du téléobjectif et des écoutes
téléphoniques seulement lorsque les informations obtenues ne
servent pas l'intérêt général. De plus, la
condamnation des photographies prises au téléobjectif sans
autorisation ne s'applique qu'aux clichés pris dans des
propriétés privées, dans des chambres d'hôtel ou
dans les parties des hôpitaux où les malades sont soignés
ou logés. Le code ne s'oppose donc pas à la réalisation de
clichés de l'extérieur d'une propriété
privée, du hall d'un hôtel ou de la salle d'attente d'un
hôpital par exemple.
D'après le code, sert l'intérêt général toute
information permettant de :
- "
détecter ou mettre en évidence un crime ou une
infraction sérieuse ;
- " protéger la santé et la sécurité du
public ;
-
" empêcher le public d'être abusé par les propos
ou les actes d'un particulier ou d'une organisation ".
Cette définition, très extensive, permet à la presse
d'affirmer que l'information selon laquelle les enfants du Premier ministre
fréquentent une école donnée sert l'intérêt
général car les électeurs doivent savoir si le Premier
ministre accorde ses actes à ses paroles.
b) Les critiques apportées au fonctionnement de la Commission
La PCC est très critiquée, notamment parce qu'elle ne dispose
d'aucun réel pouvoir de sanction : elle ne peut pas infliger
d'amendes, et les éditeurs ne peuvent pas être contraints de se
soumettre à ses recommandations. En général,
c'est-à-dire dans environ 85 % des cas, le journal publie une
excuse ou un rectificatif à la suite d'une plainte
considérée comme justifiée. Si le différend n'est
pas réglé de cette façon, la commission rend une
décision officielle que l'éditeur a l'obligation de publier
intégralement.
Ainsi, en septembre 1995, Buckingham Palace se plaignit d'un article paru dans
la revue
Business Age
dans lequel la fortune de la Reine était
citée comme la première du pays, estimant qu'il y avait confusion
entre la fortune personnelle de la Reine et celle de l'institution royale. La
PCC confirma la plainte de la Reine et indiqua que la revue aurait dû
expliquer le mode de calcul de la fortune royale et vérifier ses
informations auprès de Buckingham.
En 1992, Sir David Calcutt, qui avait présidé la commission dont
les travaux ont été à l'origine de la création de
la PCC, fut chargé de rendre un rapport sur le fonctionnement effectif
de la PCC. Au début de l'année 1993, il s'exprimait ainsi :
"
La PCC n'est pas un régulateur efficace de la presse
(...).
La PCC telle que constituée est, par essence, un organe
créé par l'industrie (la presse), dominé par l'industrie,
mettant en oeuvre un code de conduite élaboré par l'industrie, et
qui s'avère particulièrement favorable à
l'industrie
".
Il se montrait partisan de la mise en place d'un tribunal chargé de
réprimer les manquements à la déontologie professionnelle.
D'autres ont proposé de donner à un médiateur ou à
une autre commission de la presse le pouvoir d'imposer des amendes ou d'exiger
des compensations financières au profit des plaignants.
Après le décès de la Princesse de Galles, le
président de la PCC a annoncé la publication d'un nouveau code,
plus sévère. Celle-ci est annoncée pour le début de
l'année 1998. Le nouveau code devrait notamment étendre la notion
de " propriété privée " pour y inclure des lieux
comme les églises ou les restaurants et limiter l'utilisation du
téléobjectif.
ITALIE
La
constitution énonce à l'article 2 : "
La
République reconnaît et garantit les droits inviolables de
l'homme, aussi bien en tant qu'individu que dans les formations sociales
où s'exerce sa personnalité (...)
".
|
I. LA RECONNAISSANCE JURISPRUDENTIELLE DE L'INVIOLABILITE DU DROIT A LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE
1) La protection législative du seul droit à l'image et la reconnaissance jurisprudentielle des autres composantes de la vie privée
Les
textes ne reconnaissant que le droit à l'image
, c'est la
jurisprudence qui a affirmé l'inviolabilité du droit à la
protection de la vie privée.
a) Le droit à l'image
L'article 10 du code civil
, intitulé "
Abus de l'image
d'autrui
", énonce : "
Lorsque l'image d'une
personne, ou de ses proches, de son conjoint ou de ses enfants a
été exposée et publiée en dehors des cas où
l'exposition ou la publication est consentie par la loi, ou en portant
préjudice à la dignité ou à la réputation de
la personne même ou desdits proches, l'autorité judiciaire, sur
requête de l'intéressé, peut disposer que l'abus cesse,
sans préjudice des dommages et intérêts
".
Par ailleurs,
la loi sur la protection du droit d'auteur
comporte deux
articles qui protègent le droit à l'image.
Aux termes de l'article 96, "
Le portrait d'une personne ne peut
être exposé, reproduit ou commercialisé sans son
consentement, sous réserve des dispositions de l'article
suivant
".
L'article 97 stipule quant à lui : "
Le consentement de la
personne représentée n'est pas nécessaire lorsque la
reproduction de l'image est justifiée par la notoriété ou
par la fonction publique remplie, par des nécessités de justice
ou de police, par des buts scientifiques, didactiques ou culturels, ou lorsque
la reproduction est rattachée à des faits, des
événements, des cérémonies d'intérêt
public ou qui se sont déroulés en public.
" Le portrait toutefois ne peut être exposé ni
commercialisé lorsque l'exposition ou la mise en vente porte
préjudice à l'honneur, à la réputation, ainsi
qu'à la dignité de la personne
représentée
".
b) Les autres composantes de la vie privée
Après une première prise de position négative, en 1956, la
Cour de cassation
a, à partir de 1963, affirmé l'existence
d'un droit général de " liberté
d'autodétermination ", fondé sur l'article 2 de la
constitution. Selon elle, ce droit est violé lorsque l'on répand
des nouvelles relevant de la vie privée, sauf lorsqu'il y a
consentement, même implicite, de l'intéressé, ou lorsqu'il
existe un intérêt public à l'information. En 1975, la Cour
de cassation a proclamé expressément l'existence d'un
droit
à la protection de la vie privée
.
La
Cour constitutionnelle
s'est alignée sur la position des
juridictions ordinaires et a qualifié, dans un arrêt de 1973, le
droit à la protection de la vie privée de
droit inviolable
garanti par l'article 2 de la constitution
. Parmi les droits
inviolables, il faut en effet inclure "
le droit à la
dignité, à l'honneur, à la responsabilité, à
l'intimité, à la discrétion, à la
réputation
".
Toutefois, en cas de conflit entre le droit à la protection de la vie
privée et la liberté de la presse, qui jouit également
d'une protection constitutionnelle, la jurisprudence se refuse à donner
la priorité à l'un ou à l'autre. Elle apprécie
chaque cas séparément. De façon générale,
elle est très réticente à limiter le " droit de
chronique ", c'est-à-dire cette manifestation de la liberté
d'expression propre au journaliste et qui consiste non seulement à
diffuser des informations mais aussi à les commenter.
Dans le domaine de la protection de la vie privée, les tribunaux
n'opposent au " droit de chronique " que deux limites : ils
condamnent la publication d'informations relatives à des faits qui se
sont produits dans l'enceinte du domicile, ainsi que la
révélation d'informations initialement transmises par pli
cacheté.
En revanche, ils estiment que la divulgation d'une nouvelle, même si elle
est préjudiciable à la réputation d'autrui, est licite
pour peu que l'information soit vraie et que sa diffusion corresponde à
une utilité sociale.
2) L'action civile
a)
L'action en dommages-intérêts
Le code civil prévoit que la réparation des dommages non
patrimoniaux n'a lieu que dans les cas prévus par la loi, ce qui limite
la portée de la garantie des droits de la personnalité. C'est
pourquoi une partie de la doctrine tend à considérer le dommage
à la personne comme un dommage spécifique et autonome par rapport
aux notions traditionnelles de dommage patrimonial et non patrimonial.
En revanche, l'article 10 du code civil prévoit l'attribution de
dommages-intérêts en cas de violation du droit à l'image.
b) Les autres actions
Le premier remède prévu par l'article 10 du code civil pour
violation du droit de l'image est l'action en cessation.
Dès que les conditions légales sont réunies,
c'est-à-dire lorsque la personne représentée est
identifiée, le juge doit, sur requête de
l'intéressé, donner l'ordre de cessation de l'acte illicite.
S'il y a possibilité de répétition de l'acte illicite, le
juge peut agir préventivement.
De plus, le juge peut ordonner d'autres mesures : saisie ou retrait du
commerce des photographies incriminées par exemple. Il peut aussi
prescrire la publication de la décision de condamnation.
II. LES INFRACTIONS PENALES CONTRE LA VIE PRIVEE
L'article 615 bis du code pénal, introduit en 1974,
sanctionne les "
interférences illicites avec la vie
privée
".
"
Toute personne qui, grâce à l'utilisation d'un
dispositif d'enregistrement visuel ou sonore, se procure indûment des
informations ou des images relatives à la vie privée et qui se
déroulent dans les lieux indiqués à l'article 614
(
6(
*
)
) est punie d'une peine de réclusion
de six mois à quatre ans.
" Celui qui révèle ou diffuse au public, par quelque moyen
de communication que ce soit, les nouvelles ou les images obtenues par les
moyens indiqués à l'alinéa précédent est,
sauf si le fait constitue une infraction plus grave, soumis aux mêmes
peines
".
Les articles suivants du code pénal punissent la violation du secret de
la correspondance, par ailleurs protégé par l'article 93
(7(
*
))
de la loi sur la protection du
droit d'auteur, ainsi que les écoutes téléphoniques.
III. LE CODE DE DEONTOLOGIE DES JOURNALISTES
La loi
675 du 31 décembre 1996 sur la protection des personnes contre le
traitement des données comporte des dispositions particulières
pour les journalistes.
De façon générale, toute personne qui traite des
données personnelles, avec ou sans moyens électroniques, doit le
notifier au
Garant qui est l'organe collégial institué pour
veiller au respect de la loi 675
. Les journalistes entrent dans le champ
d'application de la loi : ils doivent respecter une procédure de
notification simplifiée.
L'article 22 de la loi prévoit que les
données
sensibles
(c'est-à-dire qui concernent l'origine raciale et
ethnique, les convictions religieuses, philosophiques ou autres, les opinions
politiques, la participation à des partis, à des syndicats,
à des associations ou à des organisations à
caractère religieux, philosophique, politique ou syndical, ainsi que des
données propres à révéler l'état de
santé et la vie sexuelle) ne peuvent pas faire l'objet de quelque
traitement que ce soit sans l'accord écrit de l'intéressé
et sans l'autorisation préalable du Garant.
Cependant,
à titre exceptionnel,
les journalistes peuvent,
conformément à l'article 25, traiter des données
sensibles sans autorisation de l'intéressé si les conditions
suivantes sont réunies :
-
qu'ils agissent
dans l'exercice de leur profession
, et pour la
poursuite exclusive des objectifs de la profession
;
- qu'ils restent
dans les strictes limites du " droit de
chronique
" ;
- que l'information rapportée ait un
caractère essentiel
pour l'intérêt public.
Cette exception ne s'applique pas aux informations relatives à
l'état de santé ou à la vie sexuelle
. Cette
disposition tend à établir l'équilibre entre la
liberté de la presse et le droit au respect de la vie privée.
Au deuxième alinéa, l'article 25 prévoit que le
Garant encourage l'adoption par le
Conseil national des journalistes
d'un
code de déontologie
sur le traitement des données
sensibles. Ce code doit notamment comporter des mesures de garantie pour les
intéressés.
Selon la loi, la violation de l'article 25 n'est pas sanctionnée.
En revanche, la violation du code de déontologie pourra être
sévèrement punie par le Garant qui pourra interdire le traitement
de certaines données, voire en imposer l'embargo.
Si le Conseil des journalistes n'élabore pas le code dans le
délai requis, le Garant peut proposer le sien.
Le premier code de déontologie devait être adopté avant la
fin du mois de novembre 1997.
ETATS-UNIS
La
constitution américaine ne garantit pas le droit général
au respect de la vie privée. Le quatrième amendement ne
protège les droits des citoyens "
dans leurs personnes, leurs
maisons, leurs papiers et leurs effets
" que contre les intrusions du
gouvernement.
|
I. LA PROTECTION JURISPRUDENTIELLE DU DROIT A LA VIE PRIVEE
A. LE DROIT DES TORTS
La
Common Law
ignore le principe général de la faute.
Cependant,
la théorie des
torts
permet de reconnaître le
caractère fautif de certains actes limitativement
énumérés
. Les
torts
peuvent être
définis comme des actes dommageables qui ouvrent droit à une
action en dommages-intérêts. Ils ont été reconnus
par les tribunaux ou par le législateur, la situation variant d'un Etat
à l'autre.
Les
torts
sont recensés et définis dans le
restatement
of torts,
qui comporte notamment les quatre
torts
susceptibles de
porter atteinte à la vie privée :
- la publication de faits appartenant à la vie privée ;
- l'intrusion dans l'intimité ;
- la présentation d'une personne sous un jour défavorable ou
trompeur ;
- l'appropriation du nom ou de la ressemblance d'une personne.
Certains Etats reconnaissent chacun de ces quatre
torts,
d'autres n'en
reconnaissent qu'une partie.
1) La publication de faits privés
C'est
l'élément principal de la notion de
privacy
. Il peut
être défini comme la publication d'informations personnelles dont
la révélation paraît choquante pour une personne
raisonnable lorsque
l'information ne concerne pas légitimement le
public
.
Les informations portant sur la sexualité, les revenus, les
antécédents criminels, les traitements médicaux sont
celles qui sont le plus fréquemment considérées comme des
divulgations de la vie privée.
2) L'intrusion dans l'intimité
La
personne qui, physiquement ou d'une autre façon (caméras,
téléobjectifs, etc.), s'immisce dans la solitude, la
retraite, ou les affaires privées d'une autre engage sa
responsabilité.
En principe, les journalistes ne peuvent accéder aux lieux où se
sont déroulés des événements susceptibles
d'être rapportés qu'avec le consentement du propriétaire.
La notion de
consentement
est interprétée de façon
extensive par les tribunaux. En effet, l'absence de consentement de la victime
peut être écartée dans deux cas :
- si la présence " paisible " des journalistes sur des lieux
n'est pas expressément exclue lorsque ces lieux sont le
théâtre d'événements publics ou susceptibles
d'être rapportés au public ;
- s'il est démontré qu'il existe une pratique permettant à
la presse de se trouver sur les lieux d'un événement. Par
exemple, il est possible de démontrer que les pompiers invitent
généralement les représentants de la presse à
visiter les lieux d'un drame.
La notion de
propriété
est interprétée
restrictivement. Le demandeur doit prouver qu'il est propriétaire ou
occupant légitime de l'endroit qui a fait l'objet d'une intrusion.
Ainsi, en 1975, le fait de fouiller dans les poubelles d'une
personnalité aux fins d'y découvrir des documents, n'a pas
été jugé constitutif d'une faute. En effet, comme les
poubelles avaient été laissées au bord de la voie
publique, les " biens " qui s'y trouvaient ont été
considérés comme ayant été abandonnés par
leur propriétaire.
Lorsque l'intimité d'une personne est violée par la presse, les
tribunaux délimitent le degré de protection auquel elle a droit
en examinant les circonstances dans lesquelles elle était placée
et ses espérances légitimes compte tenu de sa situation.
Ainsi, une personne publique ne peut s'opposer à la prise d'une
photographie lorsqu'elle se trouve dans un lieu public. De même, une
personne qui se comporte de manière voyante, sans chercher à
protéger son intimité, a peu de chance de se voir
reconnaître un droit de s'opposer aux intrusions.
C'est ainsi qu'en avril 1997, la cour du district de Californie a pu rejeter la
demande du musicien Tommy Lee et de l'actrice Pamela Anderson qui se
plaignaient de l'intrusion dans leur vie privée que représentait
pour eux la publication d'un article et de photographies concernant leur vie
sexuelle. Elle a souligné que ces deux personnalités ayant dans
le passé largement ouvert leurs vies privées aux journalistes ne
pouvaient se plaindre ensuite d'intrusions des journalistes.
3) La présentation d'une personne sous un jour défavorable ou trompeur (false light)
Ce
tort
est constitué par la publication d'informations fausses ou
d'informations plaçant la personne sous un jour trompeur à
condition que :
- ceci constitue une atteinte à sa vie privée ;
- le journaliste se soit rendu coupable de négligence en ne
vérifiant pas la véracité des informations.
Il n'est pas nécessaire que ces informations soient
considérées comme dommageables pour ouvrir droit à
réparation. Il peut s'agir :
- d'un
embellissement
si la personne est présentée dans
une situation plus favorable que celle dans laquelle elle se trouve
effectivement, ou si l'histoire a été enjolivée pour la
rendre plus captivante ;
- de la
transformation des faits en fiction
lorsque les situations ont
été réellement vécues mais que l'historien
prête aux personnages des comportements ou des sentiments qu'ils n'ont
pas eus ;
- d'une
distorsion de la réalité
quand l'information est
diffusée hors de son contexte. Ainsi, l'utilisation de l'image d'un
enfant victime d'un accident pour illustrer un reportage sur les mauvais
traitements infligés aux enfants constitue une distorsion de la
réalité.
La publication de certaines informations fausses est couverte par une
interprétation du premier amendement qui cherche à
protéger les journalistes d'une menace permanente de poursuites
judiciaires. C'est le cas, par exemple, d'erreurs sans grande
conséquence. C'est aussi le cas d'erreurs plus graves mettant en cause
des personnalités publiques. Ces dernières doivent prouver que le
journaliste savait que l'information était fausse, ou tout au moins
qu'il a fait preuve d'une négligence coupable, alors qu'une personne
privée doit simplement prouver la négligence du journaliste.
Le
false light
est proche de la notion de diffamation pour laquelle le
plaignant doit prouver en plus que l'information porte atteinte à sa
réputation. Les deux actions sont souvent possibles
simultanément, voire quelquefois assimilées.
* *
*
Pour ces trois torts , le plaignant doit prouver qu'une personne raisonnable trouverait ces intrusions dans la vie privée extrêmement blessantes. Les tribunaux interprètent le plus souvent cette notion dans un sens défavorable pour la victime.
4) L'appropriation du nom ou de la ressemblance d'une personne à des fins commerciales
Une
personne qui cherche à
s'approprier la valeur commerciale ou la
renommée attachée à une personne
se rend coupable de
ce
tort
.
Il a été appliqué lorsque le nom ou l'image d'une personne
avait été utilisé sans son consentement, pour des fins
publicitaires ou en relation avec un produit commercial.
Ce droit se rattache plutôt à la notion de propriété
intellectuelle d'un individu. Son impact est limité à
l'égard de la presse puisque les tribunaux ont jugé que les
nouvelles et reportages ne constituaient pas des messages commerciaux et ne
pouvaient de ce fait équivaloir à de l'appropriation.
B. LES LIMITES
Le droit au respect de la vie privée se heurte à trois limites importantes dues au grand attachement des tribunaux à la liberté de la presse garantie par le premier amendement à la constitution , et donc mieux protégé constitutionnellement que le droit au respect de la vie privée.
1) L'information se trouvant dans des dossiers publics
Si l'information provient d'un document public (acte de naissance, rapport de police...), les journalistes ne peuvent être poursuivis pour l'avoir rapportée. Il importe peu que les personnes visées aient été embarrassées par la publication de telles informations. Par exemple, en 1989, la Cour suprême a jugé qu'un journal ne pouvait être poursuivi pour avoir révélé le nom de la victime d'un viol obtenu dans un rapport de police, même si, en l'espèce, ce nom apparaissait par erreur dans le document.
2) L'intérêt public
L'intérêt public justifie la diffusion d'informations, même de nature privée. Les tribunaux recherchent donc l'existence d'un lien logique entre le fait privé rapporté et l'intérêt public. L'intérêt public est présumé lorsque l'information divulguée a été obtenue dans des lieux publics. La publication, dans un guide consacré aux plages nudistes, d'une photographie d'un couple nu sur une plage a par exemple été jugée licite car ce livre était d'un intérêt public et que l'image du couple présentait un lien avec le sujet.
3) Le newsworthiness
C'est un
moyen traditionnel de défense à une poursuite pour
révélation de faits de la vie privée. Le
Restatement of
torts
définit la notion en formulant un critère mettant
l'accent sur ce qu'une " personne raisonnable " peut
considérer comme étant une information que le public peut
légitimement souhaiter connaître.
Différents éléments sont mis en balance pour juger si une
information peut être considérée comme susceptible
d'être diffusée :
- les coutumes et conventions de la communauté ;
- l'ampleur de l'intrusion dans la vie privée ;
- la valeur sociale de l'information ;
- le fait que la personne victime des divulgations a accédé
à la notoriété publique de son propre chef ou en raison de
circonstances lui échappant ;
- la divulgation antérieure des faits.
Par exemple, en 1980, un article publié dans le magazine
Sports
Illustrated
et consacré à un champion de surf
s'étendait sur divers aspects de sa vie privée, mentionnant
notamment qu'il n'avait jamais appris à lire ou qu'il trompait les
autorités pour toucher des indemnités de chômage. Le
tribunal estima que les faits rapportés étaient peut-être
embarrassants pour le demandeur, mais ne constituaient pas du sensationnalisme
gratuit ; ils n'étaient qu'une tentative légitime du
journaliste pour expliquer le style et les talents du sportif.
C. LES SANCTIONS
1) L'action en dommages-intérêts
L'atteinte à la vie privée est sanctionnée par
l'attribution à la victime de dommages-intérêts
compensatoires qui constituent la réparation proprement dite (notamment
du préjudice moral).
Le droit de réclamer des dommages-intérêts pour non-respect
de la vie privée est un droit personnel (sauf pour le
tort
d'appropriation). Il ne peut donc être exercé que par la personne
victime des intrusions des journalistes, et non par sa famille, même
proche.
C'est ainsi que la veuve d'un homme filmé lors d'une tentative
infructueuse de réanimation par une équipe de secours n'a pas eu
le droit d'intenter un procès pour atteinte à la vie
privée, après la diffusion du reportage. Seul son époux,
s'il avait survécu, aurait pu intenter une telle action.
De manière générale, les journalistes sont rarement
condamnés. Toutefois, le montant des dommages-intérêts
versés est souvent considérable (plusieurs centaines de milliers
de dollars) lorsque le défendeur est une maison d'édition ou une
chaîne de télévision importante.
2) Les autres actions
a) La
censure préalable
Un individu peut demander à la cour de prendre une mesure de censure
préalable pour empêcher la diffusion d'une publication portant
atteinte à sa vie privée.
Les tribunaux sont en général réticents à
ordonner une telle mesure
, considérée comme devant être
le dernier recours envisageable si d'autres moyens moins contraignants pour
parvenir au même but n'ont pu être utilisés.
Ainsi, en 1994, la cour du district de New York a débouté
Paula Jones, qui avait accusé le président Clinton de
harcèlement sexuel, de sa demande tendant à empêcher un
magazine de publier des photos érotiques la représentant. En
effet, le juge a déclaré que le journal avait déjà
été envoyé aux abonnés et aux kiosques à
journaux. Il a estimé, de plus, que ces photos étaient
d'intérêt public et avaient une relation avec l'éditorial
mettant en cause sa crédibilité.
La saisie avant publication n'est donc autorisée que dans des
circonstances exceptionnelles en raison de la limite que pose la garantie
constitutionnelle de la liberté de la presse. C'est pour cette raison
que les injonctions tendant à faire interdire la diffusion
d'informations ne sont émises qu'après un débat de fond et
non pas suivant une procédure d'urgence à titre conservatoire.
b) L'absence de droit de réponse
Une loi de 1974 imposant l'obligation de publier la réponse d'une
personne attaquée a été déclarée
inconstitutionnelle. Plus généralement, le premier amendement
s'oppose à la publication forcée de rectifications ou de
réponses.
* *
*
Certains experts auraient souhaité qu'une loi créée une zone " physique " d'intimité autour des personnalités publiques, en interdisant aux journalistes de s'approcher à moins de 7 ou 10 pieds d'une personne sans sa permission (par analogie avec la zone interdite aux manifestants " pro-vie " autour des cliniques qui pratiquent des avortements).
II. LES INFRACTIONS PENALES CONTRE LA VIE PRIVEE
Il
n'existe aucune infraction pénale générale contre la vie
privée. Cependant, dans les cas d'atteintes les plus graves à la
vie privée, le juge peut condamner le défendeur à verser
à la victime des dommages-intérêts d'ordre pénal
destinés à punir le responsable.
D'autre part, certains droits se rattachant à la protection de la vie
privée sont garantis par des lois pénales, comme, par exemple, le
secret des courriers envoyés par la poste américaine ou la
confidentialité des conversations téléphoniques et des
messages télégraphiques.
(
1
) C'est-à-dire relatives à l'origine
raciale et ethnique, aux convictions religieuses ou philosophiques, aux
opinions politiques, à l'appartenance à un parti politique,
à un syndicat...
(
2
) A défaut, les auteurs ; à défaut, les
imprimeurs ; à défaut les vendeurs, distributeurs et
afficheurs.
(3) A défaut, l'auteur ; à défaut, le producteur.
(
4
) Acte dommageable extra-contractuel entraînant la
responsabilité civile de l'auteur.
(
5
) La BSC existe depuis avril 1997 et résulte de
la fusion de deux organismes pré-existants, le Broadcasting Standards
Council et la Broadcasting Complaints Commission. Auparavant, c'était la
seconde qui traitait des atteintes à la vie privée.
(
6
) C'est-à-dire le domicile d'autrui ou un autre lieu
d'habitation privée, ou leurs dépendances.
(7) " Les courriers, les lettres, les mémoires familiaux et
personnels et les autres écrits de la même nature, ayant un
caractère confidentiel ou se rapportant à l'intimité de la
vie privée, ne peuvent être publiés, reproduits ou
portés d'une façon quelconque à la connaissance du public
sans le consentement de l'auteur, et s'il s'agit de courriers ou de lettres,
sans le consentement également du destinataire (...) ".
( 8 ) Samuel D. Warren et Louis D. Brandeis : " The right to privacy ", Harvard Law Review, 1890.