Étude de législation comparée n° 304 - juillet 2022
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Avril 2022
- LÉGISLATION COMPARÉE -
NOTE
sur
LES FORÊTS CINÉRAIRES EN ALLEMAGNE
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Cette note a été réalisée à la demande du sénateur André Reichardt.
AVERTISSEMENT
Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la Division de la Législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.
LA LÉGISLATION APPLICABLE AUX FORÊTS
CINÉRAIRES
EN ALLEMAGNE
Les articles 70 et suivants de la Loi Fondamentale allemande déterminent les domaines qui sont de la compétence exclusive de l'État fédéral (ci-après Bund ) et ceux qui relèvent de la compétence partagée du Bund et des Länder . Le domaine du funéraire ne fait pas partie des matières listées dans la Loi Fondamentale ; il s'agit donc d'un domaine qui relève exclusivement de la compétence des Länder . Ainsi, chaque Land a adopté sa propre loi funéraire (Bestattungsgesetz) . À titre d'exemples seront présentées les législations de Bade-Wurtemberg, de Bavière et de Hesse. Outre les lois régionales, les communes édictent des normes pour les cimetières qui sont sur leur territoire.
Une forêt cinéraire est une forme de site cinéraire au sein d'une forêt. Du point de vue du droit public allemand, une forêt cinéraire est considérée comme un cimetière. La première forêt cinéraire allemande a ouvert en 2001 dans la ville de Kassel, située dans le Land de Hesse.
En Bavière , l'article 1 de la loi sur le funéraire dispose que « tout cadavre doit être inhumé, soit par inhumation dans une sépulture (inhumation dans le sol), soit par incinération dans une installation de crémation puis inhumation, dans une urne scellée, des restes de cendres dans un lieu de sépulture (crémation) ou par incinération dans une installation de crémation suivie du dépôt de l'urne en haute mer (inhumation en mer). Sauf si la loi en dispose autrement, les cadavres et restes de cendres du défunt doivent être inhumés dans des cimetières » 1 ( * ) . Le document sur « les missions des communes dans la mise en oeuvre de la loi sur le funéraire » 2 ( * ) , quant à lui, précise que les inhumations en pleine nature ne peuvent pas, en principe, être autorisées, sauf s'il s'agit d'un cimetière en pleine nature (Naturfriedhof) . Un cimetière en pleine nature est « une zone en grande partie naturelle sans lieux de sépulture installés à cet effet, par exemple une forêt dans laquelle les inhumations ont lieu aux racines des arbres. Un cimetière en pleine nature doit être un cimetière au sens des articles 7 et 8 de la loi bavaroise sur le funéraire » 3 ( * ) 4 ( * ) .
Pour cela, il est nécessaire que :
- l'entité responsable soit une personne morale de droit public (art. 8 al. 2 BestG). Les relations juridiques entre la municipalité, une société privée impliquée et les utilisateurs doivent respecter les dispositions relatives à la « conduite de missions communales par des entreprises privées » 5 ( * ) . La commune cède le droit d'usage et fixe les redevances applicables. L'entreprise privée ne peut intervenir qu'à titre accessoire, par exemple en matière de choix des arbres ;
- le lieu soit consacré comme cimetière. Pour cela, la commune doit en rester propriétaire jusqu'au terme de la période de repos ou, si elle n'est pas propriétaire du terrain, il faudra au préalable vérifier la disponibilité du terrain et y inscrire une servitude au profit de la commune ;
- un cimetière traditionnel soit disponible sur le territoire de la même commune pour pouvoir créer un cimetière en pleine nature ;
- le cimetière en pleine nature soit reconnaissable et protégé en tant que cimetière par une clôture ;
- seules les urnes funéraires sont éligibles pour une inhumation dans un cimetière en pleine nature, par exemple aux racines d'un arbre ;
- le cimetière en pleine nature soit inclus dans le plan d'urbanisme ;
- la création d'un cimetière en pleine nature sur une zone forestière nécessite l'obtention préalable d'un permis de défrichage, y compris si aucun arbre n'est abattu ;
- la consécration en tant que cimetière en pleine nature nécessite certaines mesures de protection pour assurer une visite des lieux sans danger. S'il est certain qu'un cimetière en pleine nature a vocation à rester le plus naturel possible, avec un niveau de sécurité inférieur à celui qu'on peut attendre d'un cimetière traditionnel, la commune doit cependant veiller à un accès sans danger, en particulier lors d'événements susceptibles d'attirer un grand nombre de personnes. Cela passe, par exemple, par des protections contre la neige et le verglas ou une inspection régulière de l'état des arbres. En revanche, la commune n'est pas tenue de supprimer les aspérités du sol. En dehors des événements, des normes de sécurité réduites s'appliquent, telles que celles qui incombent par définition à un propriétaire d'un terrain en pleine nature, notamment pour les sources atypiques de danger, l'enlèvement des arbres tombés et des grosses branches.
Outre cette norme à l'échelle du Land , les communes édictent également des réglementations pour les cimetières présents sur leur territoire. Tel est, par exemple, le cas de la commune de Dietramszell, sur le territoire de laquelle quatre cimetières existent, dont une forêt cinéraire. Aux termes de sa réglementation sur les cimetières et le funéraire 6 ( * ) , les familles peuvent acquérir un arbre et enterrer au pied de celui-ci jusqu'à 12 urnes funéraires. Les personnes individuelles peuvent également opter pour une inhumation au pied d'un arbre. La forêt cinéraire doit être laissée dans son aspect naturel et ne doit être ni dégradée, ni modifiée. Son entretien est effectué exclusivement par la commune. Les ornements mortuaires, les bougies, les pierres commémoratives, les monuments funéraires, les plantations et l'entretien des tombes sont interdits. Des plaques signalétiques uniformes sont toutefois déposées par la commune.
La Hesse est le premier Land ayant accueilli une forêt cinéraire en 2001. Sa loi sur les cimetières dispose que « les cimetières relèvent de la responsabilité des communes dans le cadre de l'autonomie gouvernementale. (...) Les municipalités sont tenues de créer, d'entretenir et d'agrandir des cimetières si cela est nécessaire pour répondre à un besoin public. (...) Les communes prennent des réglementations en matière d'utilisation des cimetières » 7 ( * ) . À titre d'exemple, la réglementation relative à la forêt cinéraire de Nidderau, édictée par le conseil municipal de la ville, précise que « la forêt cinéraire de Nidderau est une institution publique dont l'entité responsable est la ville de Nidderau. La zone du cimetière appartient à la ville de Nidderau et est située dans le district de Nidderau. (...) L'administration de la forêt cinéraire de Nidderau relève de la responsabilité du conseil municipal de Nidderau, ci-après dénommée l'administration du cimetière, ou de tiers mandatés par elle » 8 ( * ) . La réglementation précise également que seules peuvent être enterrées des urnes biodégradables contenant les cendres du défunt dans la zone racinaire des arbres existants ou des arbres à planter. Au plus 12 urnes peuvent être disposées en cercle au pied des arbres, principalement des chênes ou des hêtres, à une profondeur d'au moins 0,65 mètre.
La ville de Nidderau et tout tiers mandaté par elle sont seuls responsables de l'aménagement et de l'entretien des sépultures. Sauf si cela est nécessaire pour des raisons tenant à la sécurité, les arbres doivent rester dans leur état naturel. Sont possibles :
- des arbres communautaires, c'est-à-dire que les places sont attribuées à titre individuel et jusqu'à 12 urnes peuvent être inhumées sans que les défunts aient de liens les uns avec les autres. Une acquisition multiple est toutefois possible, de sorte qu'une personne peut être enterrée seule ou non au pied d'un arbre également disponible pour d'autres ;
- des arbres sélectionnés, c'est-à-dire achetés dans leur ensemble par une personne ou une famille et utilisés pour l'inhumation d'un individu, d'une famille, ou d'un groupe de personnes préalablement désigné lors de l'achat.
L'administration municipale attribue aux sites d'inhumation un numéro d'enregistrement attaché à l'arbre. La ville tient également un cadastre dans lequel sont documentés les lieux d'inhumation et des informations sur les personnes enterrées. Le droit d'occupation est délivré pour 25 ans et peut être prolongé sur demande.
En accord avec les proches et à leurs frais, la ville peut fixer une plaque d'au plus 6 centimètres de haut et 12 centimètres de long, sur laquelle pourront être gravés le nom, le prénom et les dates de naissance et de décès de la personne. C'est la seule exception au principe selon lequel l'apparence de la forêt cinéraire ne doit pas être dégradée ou modifiée. Il est donc interdit de décorer ou de modifier les arbres. De même, aucun changement ne peut être apporté dans la zone racinaire des arbres et sur le sol forestier. Il est notamment interdit (i) d'ériger des pierres tombales, des pierres commémoratives et d'autres structures, (ii) de déposer des couronnes, des décorations funéraires, des souvenirs ou d'autres objets funéraires et (iii) d'installer des bougies et des lampes. Seul est autorisé le dépôt d'une seule fleur le jour de l'anniversaire de la naissance ou du décès, dans la mesure où la fleur n'est pas constituée ou n'est pas tenue par un matériau imputrescible.
L'utilisation de la forêt cinéraire de Nidderau nécessite le paiement de redevances, lesquelles sont précisées dans la « réglementation sur les redevances pour la forêt cinéraire de Nidderau » 9 ( * ) . Ainsi, les frais d'inhumation s'élèvent à 229 euros, la plaquette nominative à 15 euros tandis que l'acquisition ou le renouvellement de l'occupation d'un arbre s'élève :
- pour un arbre communautaire, à 884 euros par personne l'occupation initiale d'une durée de 25 ans, puis, à l'issue de cette période, à 35 euros par an ;
- pour un arbre sélectionné dans son entièreté, à 10 607 euros pour la totalité des 12 places pour une durée de 25 ans, puis, à l'issue de cette période, à 424 euros par an.
Enfin, le règlement pour la mise en oeuvre de la loi sur les funérailles du Land de Bade-Wurtemberg dispose que les autorités responsables en matière de funéraire peuvent également créer des cimetières exclusivement pour les inhumations d'urnes, ainsi que désigner des zones appropriées comme cimetières en pleine nature pour les urnes 10 ( * ) .
À titre d'exemple, la municipalité de Freiamt, dans sa réglementation sur les cimetières 11 ( * ) , précise qu'il n'y a aucune acquisition de la propriété de la sépulture mais un droit d'utilisation. Sont ainsi proposés :
- un arbre de repos familial, pouvant accueillir huit urnes, réservé à la famille ou aux amis ;
- un arbre de repos communautaire, pouvant accueillir huit urnes correspondant à des places louées individuellement ;
- un arbre de repos dédié aux enfants, pouvant accueillir jusqu'à huit urnes d'enfants morts à la naissance ou décédés avant l'âge de six ans.
Les urnes sont disposées dans un rayon de deux mètres autour de l'arbre, à au moins 0,50 mètre de profondeur. Elles doivent être conçues dans un matériau facilement biodégradable et respectueux de l'environnement.
Les droits d'utilisation sont octroyés sur demande et naissent lors du paiement d'une redevance dédiée et de l'obtention d'un certificat d'utilisation. La durée du droit est de 99 ans pour un arbre de repos familial, contre 50 ans pour les arbres de repos communautaires. Tout bénéficiaire d'un arbre de repos familial est tenu de déterminer un ayant-droit d'usage, faute de quoi le droit sera perdu au décès du premier bénéficiaire. Toute personne peut renoncer, par écrit à la municipalité, au droit d'utilisation au terme de la période de repos minimale, soit 15 ans.
La forêt cinéraire a vocation à rester la plus naturelle possible et ne doit être ni dégradée, ni modifiée. L'entretien des tombes, tel qu'il pourrait être fait dans un cimetière traditionnel, est interdit. Il est également interdit (i) d'installer des pierres tombales, des plaques commémoratives (autres que celles prévues par la municipalité, voir infra ) ou toute autre structure, (ii) de déposer des couronnes, des décorations funéraires, des souvenirs, (iii) d'installer des bougies, des lampes et des lumières et (iv) de faire des plantations. Les décorations florales ne sont pas autorisées sur les lieux de sépulture individuels, toutefois les fleurs peuvent être déposées au lieu de culte central.
Les arbres de repos, afin de permettre la localisation des urnes, reçoivent un numéro d'enregistrement. Après l'inhumation, la commune marque, sur demande, chaque lieu de repos avec une pierre commémorative en grès uniforme posée au-dessus de l'urne. Peuvent être inscrits dessus le nom, prénom, l'année de naissance et de décès ainsi que tout complément personnel souhaité.
Enfin, la municipalité rappelle qu'une forêt cinéraire est un lieu dans lequel des événements naturels peuvent avoir lieu. Ainsi, un arbre de repos peut tomber malade, être endommagé par une tempête ou être détruit. La municipalité inspecte la forêt cinéraire une fois par an et est chargée d'éliminer les dangers guettant les visiteurs. Si l'arbre de repos est détruit ou tellement endommagé qu'il doit être abattu, la commune plante un nouvel arbre à l'endroit où se trouvait le précédent.
S'agissant des frais entourant l'inhumation dans une forêt cinéraire, les frais administratifs s'élèvent à 60 euros par obsèques tandis que les frais d'inhumation d'une urne sont de 220 euros.
Quant aux frais liés à l'arbre, trois catégories sont offertes au bénéficiaire :
- la catégorie d'arbres A, pour laquelle une place au pied d'un arbre communautaire vaut 900 euros tandis qu'un arbre familial (pour huit urnes) s'élève à 7 200 euros ;
- la catégorie B, pour laquelle une place au pied d'un arbre communautaire vaut 700 euros tandis qu'un arbre familial (pour huit urnes) s'élève à 5 600 euros ;
- la catégorie C, pour laquelle une place au pied d'un arbre communautaire vaut 500 euros tandis qu'un arbre familial (pour huit urnes) s'élève à 4 000 euros.
Pour les inhumations auprès de l'arbre des enfants, le tarif est divisé par deux.
* 1 https://www.gesetze-bayern.de/Content/Document/BayBestG/true
* 2 https://www.gesetze-bayern.de/Content/Document/BayVwV96863
* 3 Partie 1.7.
* 4 L'article 7 de la loi bavaroise sur les cimetières impose aux municipalités de fournir les installations funéraires nécessaires, en particulier les cimetières, tandis que l'article 8 précise que les cimetières sont des installations publiques qui offrent au défunt un lieu de repos et des soins dignes dédiés à sa mémoire. Seules les personnes morales de droit public peuvent être responsables des cimetières.
* 5 Partie 1.4.
* 6 https://daten.verwaltungsportal.de/dateien/legalframework/4/3/8/6/3/Friedhof-_und_Bestattungssatzung_ab_01.08.20.pdf
* 7 https://www.rv.hessenrecht.hessen.de/bshe/document/jlr-BestattGHE2007V6IVZ
* 8 https://www.nidderau.de/wp-content/uploads/2021/12/Friedhofsordnung-Bestattungswald-in-Kraft-getreten-am-01.01.2022.pdf
* 9 https://www.nidderau.de/wp-content/uploads/2018/12/Friedhofsgeb%C3%BChrenordnung-Bestattungswald-in-Kraft-getreten-am-30.07.2017.pdf
* 10 https://www.landesrecht-bw.de/jportal/?quelle=jlink&query=BestattV+BW&psml=bsbawueprod.psml&max=true&aiz=true
* 11 https://www.freiamt.de/fileadmin/Dateien/Webseite/Dateien/Satzungen_und_Steuer/Satzung_Bestattungswald_Freiamt.pdf