ALLEMAGNE
Le code de procédure pénale date de 1877 . Il a été modifié plusieurs fois depuis cette date. La principale réforme a eu lieu en 1975 : elle a aboli le juge d'instruction et apporté des exceptions au principe de légalité des poursuites en permettant au ministère public de classer sans suite dans certaines circonstances. |
I - LA PROCEDURE D'INSTRUCTION
1) Les acteurs
a) Le
ministère public
La compétence du ministère public est étendue
: il
enregistre les plaintes des victimes, il a
l'obligation de déclencher
les poursuites
(1(
*
))
dès
qu'il a connaissance d'une infraction, et
il dirige l'enquête de
police
. L'obligation qu'a le ministère public de déclencher
les poursuites constitue le corollaire du
monopole
(1)
de l'Etat
dans ce domaine.
Considéré comme un "
organe autonome de l'administration
de la justice
" et non comme une partie, sa principale mission
consiste à rechercher pendant la phase préparatoire les
éléments de preuve à charge et à décharge.
b) La police criminelle
Comme le ministère public ne dispose pas d'agents, un corps de police
spécialisé,
la police criminelle
, l'assiste dans ses
investigations.
En pratique, les plaintes sont directement traitées par la police, qui
adresse au ministère public un rapport résumant les actes
d'enquête et les preuves collectées. Le ministère public
n'est donc pas représenté pendant l'enquête, sauf
circonstances exceptionnelles.
c) Le " juge de l'instruction "
Bien que le ministère public dirige la procédure
d'instruction, toute une série de mesures lui sont interdites car la loi
les réserve au juge
. Pour les faire exécuter, le procureur
s'adresse donc au "
juge de l'instruction
", qui
vérifie la régularité juridique des actes qui lui sont
soumis sans pouvoir en apprécier l'opportunité.
Le " juge de l'instruction " est donc chargé du
contrôle formel de l'instruction
. Il intervient donc sur
requête du ministère public lorsque ce dernier ne peut pas
prescrire certaines mesures. Les actes de son ressort touchent essentiellement
à la liberté individuelle (prononcé de la détention
provisoire, placement dans un établissement psychiatrique, retrait du
permis de conduire, audition des témoins et des experts...).
Exceptionnellement, en cas d'urgence, le " juge de l'instruction "
peut être amené à agir de sa propre initiative.
2) La légalité des poursuites et ses exceptions
Lorsque
l'affaire est suffisamment instruite, le ministère public prend une
décision de poursuite ou une décision de classement. Le
classement peut être décidé pour des raisons
procédurales (irrecevabilité de la poursuite par exemple), pour
manque de preuves, ou pour des raisons tenant à
l'opportunité
des poursuites
.
En effet, si la
légalité des poursuites
,
conséquence du principe de l'égalité des
citoyens devant la loi
, demeure un
principe fondamental
de la
procédure pénale allemande,
la réforme de 1975 lui a
apporté plusieurs exceptions importantes
.
Le code de procédure pénale prévoit plusieurs
hypothèses dans lesquelles le ministère public n'est pas
obligé de poursuivre.
Un
classement sans suite en pure opportunité
est possible pour
les affaires les moins importantes. Le classement sans suite suppose cependant
le consentement du tribunal, sauf pour les infractions les plus
légères. Environ la moitié des affaires sont
classées sans suite.
Par ailleurs, un
classement sans suite sous condition
est possible pour
tous les délits dans la mesure où la faute de l'accusé
n'est pas trop importante et où une telle décision n'est pas
contraire à l'intérêt public. Dans ce cas, l'accord du
tribunal et du prévenu sont nécessaires, et ce dernier doit se
soumettre à certaines obligations (versement de
dommages-intérêts à la victime, d'une somme d'argent
à un organisme de bienfaisance ou à l'Etat...).
Les motifs de la décision de classement doivent être
communiqués à l'auteur de la plainte. Si celui-ci est victime de
l'infraction, il peut faire contrôler le bien-fondé du classement
en intentant un pourvoi auprès du supérieur hiérarchique
du procureur auteur de la décision de classement. En cas de rejet de ce
pourvoi, la victime peut saisir le tribunal régional supérieur.
La victime peut ainsi obtenir l'ouverture des poursuites malgré une
première décision de classement.
*
* *
Après que le ministère public a transmis l'acte
d'accusation à la juridiction de jugement, celle-ci exerce un
contrôle sur la décision de poursuite
.
C'est l'objet de la "
procédure
intermédiaire
" au cours de laquelle la juridiction de
jugement se prononce sur l'ouverture de la procédure principale. La
juridiction de jugement peut en effet refuser cette dernière, notamment
si elle estime les soupçons qui pèsent sur l'inculpé
insuffisants.
Le ministère public dispose d'une marge d'appréciation pour
saisir telle ou telle juridiction répressive
: il peut choisir l'une
ou l'autre des deux formations du tribunal cantonal en fonction de la peine
requise, ou même saisir le tribunal régional en invoquant une
"
importance particulière
".
II - LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE LA PROCEDURE DE JUGEMENT
Le
procès pénal est de type
accusatoire
: l'accusation
et le jugement ne relèvent pas du même organe.
• Les débats sont
publics
et la
procédure est
orale
. Ceci interdit l'utilisation des procès-verbaux recueillis
pendant les interrogatoires. Le jugement ne peut s'appuyer que sur ce qui a
fait l'objet d'un débat, ou du moins sur des pièces qui ont
été lues à l'audience.
Le caractère
contradictoire
impose la comparution de
l'accusé et sa participation aux débats exactement au même
titre que le ministère public. La présence du prévenu est
donc essentielle, et la procédure pénale n'admet pas le jugement
par défaut.
• Le code de procédure pénale interdit une interruption
supérieure à dix jours et
impose que l'audience de jugement se
déroule de façon continue et dans un délai d'au plus onze
jours
. Cependant, lorsque l'audience a déjà duré au
moins dix jours, une interruption de trente jours est possible. Environ
90 % des affaires sont jugées dans l'année qui suit
l'infraction et les trois quarts le sont dans les six mois.
Dans la mesure où cette possibilité existe
(2(
*
))
, le
ministère public peut faire
appel
de la décision du tribunal.
III - L'ACTION CIVILE
En
règle générale, la victime n'est pas
considérée comme une partie au procès, mais comme un
témoin
.
L'indemnisation des dommages causés par une infraction relève des
juridictions civiles en vertu de la
séparation stricte entre action
publique et action civile
.
Cependant, depuis
la loi du 18 décembre 1986
,
la victime peut
faire valoir son droit à indemnisation devant les juridictions
pénales
si elle dépose une demande avant l'ouverture de
l'audience.
Le tribunal peut rejeter la demande pour irrecevabilité ou pour
non-conformité à la procédure pénale. Il peut y
faire droit en totalité ou en partie, le montant de l'indemnité
étant évalué par un juge civil.
En cas d'échec, le demandeur ne dispose d'aucune voie de recours
si ce n'est un pourvoi en révision, que l'on peut assimiler à la
cassation.
Ces inconvénients pour la victime ainsi que l'hostilité des
magistrats et des avocats (qui n'ont droit qu'à la moitié des
honoraires habituels dans ce cas) justifient la
faible utilisation de cette
procédure
.
IV - LES PROCEDURES SIMPLIFIEES
1) La procédure accélérée
Elle est
applicable sur demande du ministère public lorsque les conditions
suivantes sont réunies :
- l'infraction est passible d'une peine privative de liberté
inférieure à un an et relève de la compétence du
tribunal pénal de base ;
- la démonstration de la culpabilité de l'accusé a pu
être établie facilement.
Le tribunal du jugement peut refuser la requête du ministère
public, mais l'accusé n'a aucun recours contre une telle demande. Si le
tribunal l'accepte, l'audience de jugement a lieu dans les 24 heures, sans
passage par la procédure intermédiaire.
En pratique,
la procédure accélérée est peu
utilisée
car on lui préfère l'ordonnance
pénale.
2) L'ordonnance pénale
Lorsque
l'infraction est passible d'une amende ou d'une peine de prison
prononcée avec sursis d'au plus un an, le ministère public peut,
s'il estime qu'un jugement contradictoire n'est pas nécessaire, proposer
de le remplacer par une
procédure écrite
:
l'
ordonnance pénale
.
La demande du ministère public comporte la sanction requise. Si le juge
estime la requête fondée, il prononce la peine proposée
sans que l'inculpé ait été entendu par le tribunal. Le
condamné peut s'opposer à l'ordonnance pénale, ce qui
entraîne l'ouverture d'un jugement contradictoire.
En pratique, cette procédure est utilisée dans environ 30 %
des cas jugés par les tribunaux répressifs de base.
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Par ailleurs, bien que le principe de l'instruction impose aux autorités de rechercher la vérité et s'oppose à toute négociation, les solutions négociées sont de plus en plus utilisées. La Cour constitutionnelle fédérale, qui a eu l'occasion de se prononcer sur ce point en 1987, en a admis le principe dans certaines circonstances. Des arrangements informels sont conclus entre les avocats, le ministère public et les juges, en particulier dans les affaires les plus complexes : la reconnaissance par l'accusé de certains faits entraîne la promesse par le juge d'une réduction de peine.