LES INSTANCES DE REGULATION DE L'AUDIOVISUEL ET LA DEONTOLOGIE DES PROGRAMMES
Table des matières
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NOTE DE SYNTHESE
- 1) Il n'existe aucune autorité autonome de régulation en Espagne et dans le secteur public allemand.
- 2) Dans le secteur privé allemand, aux Pays-Bas et en Italie, les instances de régulation s'attachent essentiellement à l'interdiction de la violence et à la protection de la jeunesse.
- 3) Les autorités de régulation anglaises disposent de large pouvoirs en matière de contrôle de la déontologie des programmes.
- UNION EUROPEENNE
- ALLEMAGNE
- ESPAGNE
- ITALIE
- PAYS-BAS
- ROYAUME-UNI
NOTE DE SYNTHESE
Le
projet de loi modifiant les dispositions du code de la communication et du
cinéma relatives à la communication audiovisuelle a
été déposé sur le bureau du Sénat le
30 octobre 1996. Il tend notamment
à élargir les
compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel
(C.S.A.) et
vise en particulier à renforcer son rôle en matière de
"
déontologie des programmes
".
A cette fin, l'article 3 du projet, qui tend à modifier l'article 312-3
du code de la communication et du cinéma, énonce : "
Dans
les programmes diffusés par chaque service de communication
audiovisuelle, le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille à la
déontologie applicable aux programmes, à la protection de
l'enfance et de l'adolescence, au respect du pluralisme et de
l'honnêteté de l'information, au respect de la vie privée
et à la protection des consommateurs.
"
Il consolide donc l'action du C.S.A. en matière de protection de la
jeunesse et de respect par les diffuseurs des principes de pluralisme et
d'honnêteté de l'information. En effet, l'article 312-3
actuellement en vigueur dispose : "
Le Conseil supérieur de
l'audiovisuel veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence
dans la programmation des émissions diffusées par un service de
communication audiovisuelle
". En outre, la nécessité pour le
C.S.A. de faire respecter les principes de pluralisme et
d'honnêteté est mentionnée par ailleurs dans le code.
Il introduit en outre trois nouveaux principes :
- la "
déontologie des programmes
", alors que le code
actuel mentionne seulement la "
qualité des
programmes
" ;
- la "
protection de la vie privée
" qui
complète la notion de "
dignité de la
personne
humaine
" figurant déjà dans le code ;
- la "
protection des consommateurs
".
Pour évaluer les dispositions du projet de loi français par
rapport aux législations en vigueur dans les pays voisins, on a donc
cherché à analyser le rôle des instances
étrangères de régulation de l'audiovisuel en
matière de déontologie des programmes.
Les pays retenus sont les suivants : l'
Allemagne
, l'
Espagne
,
l'
Italie,
les
Pays-Bas
et le
Royaume-Uni
. Ils apparaissent
particulièrement représentatifs de la diversité qui
règne en matière de contrôle de la déontologie des
programmes.
*
* *
1) Il n'existe aucune autorité autonome de régulation en Espagne et dans le secteur public allemand.
a)
L'Espagne ne s'est pas encore dotée d'une instance autonome de
régulation.
La question fait certes l'objet de nombreux débats mais, pour l'instant,
c'est une
commission parlementaire qui assure le contrôle permanent
des chaînes publiques de télévision
, tandis que le
ministère en charge de la communication contrôle les
sociétés privées
.
La surveillance exercée par la
commission parlementaire
se limite
le plus souvent à des
séances mensuelles de questions
orales
.
Quant au
contrôle du ministère
chargé de la
communication, il est
quasi-inexistant
. En effet, bien que le
non-respect des principes fondamentaux auxquels sont soumis tous les diffuseurs
(exactitude, impartialité, pluralisme, respect de la vie privée,
protection de la jeunesse et non-discrimination) constitue, d'après la
loi de 1988 sur la télévision privée, une infraction
très grave, celle-ci est rarement sanctionnée.
b) L'autorégulation joue un rôle essentiel dans le secteur
public allemand.
L'audiovisuel constitue une compétence des Länder
. En
l'absence de législation fédérale sur le sujet, c'est la
jurisprudence de la Cour constitutionnelle
qui a fixé le cadre
juridique général.
Les établissements du secteur public de l'audiovisuel sont
indépendants des Länder qui les ont créés. Chacun
d'eux est soumis au
contrôle d'un organe interne
, le conseil de la
radiodiffusion qui, d'après la Cour constitutionnelle,
"
représente et défend les intérêts de la
collectivité
".
La composition de ce conseil varie d'un établissement à l'autre,
mais elle doit refléter les différents courants d'opinion du Land
d'implantation. En effet, les représentants de la société
civile (les Eglises, les fédérations patronales, les syndicats,
les chambres de commerce et d'industrie, les associations de jeunes,
d'artistes...) doivent constituer au moins les deux tiers de ses membres.
La composition pluraliste des conseils de la radiodiffusion est
réputée garantir le respect de la déontologie des
programmes.
2) Dans le secteur privé allemand, aux Pays-Bas et en Italie, les instances de régulation s'attachent essentiellement à l'interdiction de la violence et à la protection de la jeunesse.
a)
Dans le secteur privé allemand, les instances de régulation sont
très actives dans ce domaine et un organe d'autorégulation
complète leur contrôle.
• Les instances
de régulation du secteur privé
Le secteur privé de l'audiovisuel est contrôlé par des
établissements publics autonomes, les
Landesmedienanstalten
. Ils
sont au nombre de quinze : chaque Land en a créé un, sauf les
deux Länder de Brandebourg et de Berlin qui, dans la perspective de leur
fusion, en ont créé un seul.
Dans presque tous les Länder, la structure des
Landesmedienanstalten
est calquée sur celle des
établissements de la radiodiffusion publique. En particulier, leur
conseil de surveillance doit refléter les courants d'opinion du Land.
Cette composition pluraliste constitue théoriquement une garantie du
respect des principes déontologiques.
Les
Landesmedienanstalten
concentrent leurs efforts sur la
protection
de la jeunesse et sur l'interdiction de la violence sous toutes ses formes.
Ils émettent d'ailleurs, notamment dans ce domaine, des directives qui
ont valeur de réglementation. Les quinze
Landesmedienenanstalten
ont créé des organes communs, parmi lesquels une commission
permanente sur la protection de la jeunesse.
• L'organe d'autorégulation
Comme les
Landesmedienenanstalten
exercent seulement leur contrôle
a posteriori,
de leur propre chef ou à la suite de plaintes,
les chaînes privées allemandes ont, à la fin de
l'année 1993, après de vifs débats mettant en cause le
contenu de leurs programmes, décidé de créer une instance
d'autorégulation dont la compétence est limitée à
la protection de la jeunesse et qui examine, avant leur diffusion, les
émissions qui lui sont présentées volontairement par les
chaînes.
b) Le Commissariat aux médias néerlandais surveille assez peu
le contenu des programmes et limite son contrôle à la protection
de la jeunesse.
La loi sur les médias, qui s'applique au secteur public comme au
secteur privé, ne comporte presque aucune disposition relative au
contenu des programmes
: elle prohibe seulement la diffusion avant 20 h des
films interdits aux enfants de moins de 12 ans, et avant 21 h de ceux interdits
aux moins de 16 ans. Compte tenu des nombreuses infractions relevées, le
Commissariat aux médias a récemment décidé de
renforcer sa surveillance sur les horaires de diffusion.
Dans les domaines autres que la protection de la jeunesse, le Commissariat
n'intervient pas et c'est la logique de l'autorégulation qui
prévaut.
Elle paraît jouer efficacement dans le secteur public. En effet, depuis
1967,
le temps d'antenne sur les trois chaînes publiques est
attribué à des associations qui représentent un courant
culturel, religieux, spirituel ou social
. La répartition se fait
proportionnellement au nombre d'adhérents
. Ainsi, tout
excès dans la programmation risque de se traduire par une perte
d'adhérents et donc par une réduction du temps d'antenne.
c) En Italie, le contrôle du contenu des programmes est
également très limité.
La loi Mammi de 1990 a confié au
Garant
, déjà
responsable du contrôle de la presse, la surveillance des chaînes
publiques et privées de télévision. En matière de
déontologie des programmes, le rôle du Garant apparaît
limité : il contrôle
a posteriori
les règles
concernant la violence et la protection des mineurs et émet de temps
à autre des recommandations sur les horaires de programmation.
Par ailleurs,
la commission parlementaire d'orientation et de surveillance
des services de la radio et de la télévision
,
créée en 1975, surveille théoriquement la
conformité des programmes des chaînes publiques aux principes
généraux de pluralisme, d'objectivité,
d'exhaustivité et d'impartialité. Compte tenu de son
caractère très politique, la commission n'exerce guère ce
pouvoir. De plus, elle ne dispose d'aucun pouvoir de sanction.
3) Les autorités de régulation anglaises disposent de large pouvoirs en matière de contrôle de la déontologie des programmes.
La
loi de 1990 sur l'audiovisuel a créé deux autorités de
régulation, compétentes à la fois pour le secteur public
et pour le secteur privé
: le
Broadcasting Standards Council
et le
Broadcasting Complaints Commission
.
Les compétences du premier portent sur la
représentation de la
violence et du sexe
et sur la
préservation du bon goût et
de la décence
(ce qui inclut notamment la surveillance de la
qualité du langage), tandis que celles de la seconde concernent les
atteintes à la vie privée et la présentation exacte et
impartiale des faits et des informations
.
Ces deux instances rédigent et mettent à jour des codes de bonne
conduite, contrôlent
a posteriori
les programmes, réalisent
des recherches sur le contenu des programmes, examinent les plaintes qu'elles
reçoivent et peuvent contraindre les contrevenants à diffuser les
avertissements qu'elles prononcent à leur encontre.
La loi de 1996 a organisé la fusion de ces deux instances en une seule
qui commencera ses travaux le 1er avril 1997.
Par ailleurs, l'
Independent Television Commission
, qui attribue les
licences aux sociétés privées a l'obligation légale
de rédiger des codes de bonne conduite sur les programmes et de
contrôler qu'elles les respectent. Ces codes recouvrent les mêmes
domaines que ceux du
Broadcasting Standards Council
et de la
Broadcasting Complaints Commission
: bon goût, décence,
exactitude, impartialité et absence de violence.
*
* *
L'élargissement des compétences du C.S.A. en
matière de déontologie et d'éthique permettra au
système français de se rapprocher du modèle britannique.
Les principes au respect desquels le C.S.A. devra veiller sont peu ou prou ceux
que s'efforcent de garantir les instances de régulation britanniques.
Seule, la "
protection des consommateurs
" paraît
être une originalité française.
UNION EUROPEENNE
La
directive du Conseil du 3 octobre 1989
visant à la coordination
de certaines dispositions législatives, réglementaires et
administratives des Etats membres relatives à l'exercice
d'activités de radiodiffusion télévisuelle, dite
"
Télévision sans
frontières
",
comporte à l'article 22 les dispositions applicables à la
déontologie des programmes.
Ces dispositions concernent essentiellement la
protection des mineurs
:
" Les Etats membres prennent les mesures appropriées pour
assurer que les émissions des organismes de radiodiffusion
télévisuelle qui relèvent de leur compétence ne
comportent pas de programmes susceptibles de nuire gravement à
l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment des
programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence
gratuite. Cette disposition s'étend aux autres programmes qui sont
susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou
moral des mineurs, sauf s'il est assuré, par le choix de l'heure de
l'émission ou par toutes mesures techniques, que les mineurs se trouvant
dans le champ de diffusion ne voient pas ou n'écoutent pas normalement
ces émissions.
" Les Etats membres veillent de même à ce que les
émissions ne contiennent aucune incitation à la haine pour des
raisons de race, de sexe, de religion ou de
nationalité. "
ALLEMAGNE
I - LES INSTANCES DE REGULATION
1) Le cadre juridique de l'audiovisuel
a) La
Loi fondamentale
L'article 5 de la Loi fondamentale garantit la liberté de
l'audiovisuel
:
" (1) Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser librement son
opinion par la parole, par l'écrit et par l'image, et de s'informer sans
entraves aux sources qui sont accessibles à tous. La liberté de
la presse et la liberté d'informer par la radio, la
télévision et le cinéma sont garanties. Il n'y a pas de
censure.
" (2) Ces droits trouvent leurs limites dans les prescriptions des lois
générales, dans les dispositions légales sur la protection
de la jeunesse et dans le droit au respect de l'honneur personnel. "
b) Les décisions de la Cour constitutionnelle
En l'absence de dispositions constitutionnelles expresses ou implicites
justifiant la compétence de la Fédération dans le domaine
de l'audiovisuel, plusieurs décisions de la
Cour
constitutionnelle
ont précisé le partage des
compétences entre la Fédération et les Länder et ont
fixé le cadre général applicable à l'audiovisuel.
• Dans sa première grande décision de 1961 sur le sujet, la
Cour constitutionnelle a reconnu
les Länder
compétents en
matière de "
radiodiffusion
"
, sauf lorsque les
émissions sont destinées à l'étranger. La
compétence des Länder est limitée au contenu des programmes
car, selon la Cour, il s'agit d'une extension de leur compétence
culturelle, tandis que la Fédération dispose d'une
compétence exclusive dans le domaine des
télécommunications.
Chaque Land adopte donc ses propres lois sur l'audiovisuel, celles-ci devant
seulement respecter les principes généraux édictés
par la Cour constitutionnelle. Dans la mesure où de nombreux
problèmes dépassent le cadre d'un Land, voire les concernent
tous, les Länder ont signé, comme dans tous les cas où ils
doivent régler sur le plan législatif des questions
d'intérêt commun, des contrats interétatiques. Ces
contrats, conclus par les ministres-présidents, sont ensuite
ratifiés par les Parlements des Länder. Le premier contrat
interétatique dans le domaine de l'audiovisuel fut signé en 1954
et concernait la première chaîne de télévision.
• Dans sa quatrième grande décision sur l'audiovisuel,
prise en 1986, la Cour a affirmé la
dualité du système
audiovisuel
allemand en rappelant la liberté pour chaque Land
d'opter pour le maintien du monopole d'un établissement public autonome
ou pour un système mixte où coexistent secteurs public et
privé.
A la suite de cette décision, les Länder ont signé en avril
1987
le
contrat interétatique sur le nouvel ordre de la
radiodiffusion
qui détermine les grandes lignes du système
mixte. Chaque Land a ensuite adopté une loi relative au secteur
privé de l'audiovisuel dite " loi sur les médias "
(1(
*
))
.
Le développement du secteur privé et la réunification ont
conduit à la renégociation d'un nouveau contrat, le
contrat
interétatique sur la
radiodiffusion dans l'Allemagne
unifiée,
signé le 31 août 1991, entré en vigueur
le 1er janvier 1992, et qui se substitue aux anciens. Ce contrat a
été modifié plusieurs fois depuis lors. La dernière
modification est effective depuis le 1er janvier 1997.
Le premier chapitre du nouveau contrat est consacré aux dispositions
communes au secteur public et au secteur privé, le deuxième aux
dispositions applicables au secteur privé et le troisième
à celles qui ne valent que pour le secteur public.
Le secteur public et le secteur privé sont soumis à des
règles différentes, notamment pour ce qui concerne leur
contrôle : si
les instances de contrôle font partie de la
structure des établissements de radiodiffusion publique, dans le secteur
privé, le contrôle est assuré par des établissements
publics autonomes créés par les Länder.
2) Les organes de surveillance du secteur public
Il
n'existe pas d'instance de régulation du secteur public.
Indépendants de l'Etat, les établissements de radiodiffusion
publique sont simplement soumis au contrôle de légalité
exercé par les autorités du Land (des Länder)
considéré(s).
Par ailleurs, chaque établissement est soumis au
contrôle d'un
organe interne
, le
conseil de la radiodiffusion
qui, selon la Cour
constitutionnelle, "
représente et
défend les
intérêts de la collectivité dans le domaine de la
radiodiffusion
".
Sa composition varie d'un établissement à l'autre, mais elle doit
refléter les courants d'opinion du Land (des Länder) d'implantation.
Les
représentants de la société civile
(les trois
Eglises, les fédérations patronales, les syndicats, les chambres
de commerce et d'industrie, les syndicats de journalistes, les associations de
jeunes, d'artistes, d'enseignants, de parents d'élèves...)
constituent au moins les
deux tiers de ses membres
car le nombre des
représentants du pouvoir politique ne doit pas dépasser un tiers.
Lorsqu'un établissement est commun à plusieurs Länder, le
conseil de la radiodiffusion doit comporter en outre des représentants
de chaque Land.
3) Les instances de régulation du secteur privé
Le
secteur privé de l'audiovisuel est contrôlé par des
établissements publics
autonomes
, les
Landesmedienanstalten
, principalement financés par la redevance
audiovisuelle.
Les
Landesmedienanstalten
sont au nombre de quinze : Chaque Land en a
créé un, sauf les deux Länder de Brandebourg et de Berlin
qui, dans la perspective de leur fusion, en ont créé un seul.
Les
Landesmedienanstalten
sont organisés à peu près
comme les établissements de radiodiffusion publique. En particulier,
leur
conseil de surveillance
est composé comme le conseil de la
radiodiffusion des établissements du secteur public et
reflète
donc
les différents
courants d'opinion
du Land
. Deux
Landesmedienanstalten
, ceux de Hambourg et de
Brandebourg-Berlin, ont opté pour un modèle différent,
avec un conseil de personnalités qualifiées.
Dans un souci d'harmonisation et de concertation, les
Landesmedienanstalten
ont institué la
Conférence des directeurs
qui
réunit les directeurs des quinze établissements. Cette instance
s'est elle-même dotée de
commissions
spécialisées
.
II - LA DEONTOLOGIE DES PROGRAMMES
1) Les principes posés par les textes
Les
règles déontologiques qui s'imposent aux diffuseurs se trouvent
pour l'essentiel dans le contrat interétatique sur la radiodiffusion et
dans les lois des Länder sur les médias. Ces dernières
reprennent en général les dispositions du contrat
interétatique.
a) Le pluralisme et l'impartialité
La liberté de l'audiovisuel, constitutionnellement garantie, implique
nécessairement la garantie du pluralisme
. D'ailleurs, selon la Cour
constitutionnelle, "
la
liberté de la radiodiffusion a
pour objet de protéger et de garantir le pluralisme
".
Cette liberté est, aux termes de
l'article 5-2 de la Loi
fondamentale
, limitée par "
les prescriptions des lois
générales, les dispositions légales sur la protection de
la jeunesse et le droit au respect de l'honneur personnel
".
Dans sa quatrième décision de 1986 sur la radiodiffusion, la Cour
constitutionnelle a précisé que les
critères de
pluralisme applicables au secteur privé ne peuvent pas être aussi
stricts que pour le secteur public
: "
Tant qu'il sera garanti
efficacement que le service public de l'audiovisuel accomplira ces missions, il
semble justifié de ne pas exiger du secteur privé qu'il respecte
un aussi large éventail de programmes ni un pluralisme aussi
équilibré que le service public
".
L'article 25 du
contrat interétatique
, dans sa version en vigueur
depuis le 1er janvier 1997, garantit la pluralité d'opinions : les
chaînes privées doivent laisser s'exprimer les forces et les
groupes significatifs sur le plan politique, philosophique et social, tout en
prenant en compte les opinions des minorités.
A l'article 41, le contrat interétatique reprend tous les principes
fondamentaux applicables aux chaînes privées. Il exige que tous
les programmes respectent la dignité humaine, les convictions morales,
religieuses et philosophiques de chacun.
Le même article affirme la nécessité de
l'indépendance et de l'objectivité des journalistes, en insistant
sur l'obligation de vérifier l'origine et la véracité des
informations, et de séparer les commentaires des informations
elles-mêmes.
b) La protection de la jeunesse
Dans le premier chapitre qui comporte les
dispositions
applicables au
secteur
public et au secteur privé, le contrat
interétatique
définit à l'article 3 la notion
d'"
émissions prohibées
" au nom de la
sauvegarde de la jeunesse.
Il pose le principe de
l'interdiction de la violence sous toutes ses
formes
(actes cruels, incitation à la haine raciale et à
toute autre manifestation d'ostracisme à l'encontre d'un groupe
religieux ou national, scènes pornographiques, glorification de la
guerre...), et plus généralement de toutes les émissions
susceptibles de constituer un " danger moral " grave pour les jeunes.
L'alinéa relatif à la haine raciale a été
modifié dans la dernière version du contrat pour prendre en
compte les autres minorités que les minorités raciales et pour
stigmatiser tous les actes d'ostracisme.
Le contrat interétatique interdit
la diffusion des émissions
réservées à un
public d'adultes entre 6 heures et
23 heures
(entre 6 heures et 22 heures pour les émissions interdites
aux moins de 16 ans), tout en prévoyant la possibilité de
dérogations ponctuelles, notamment pour les films réalisés
il y a plus de 15 ans. Aucune restriction horaire n'est prévue pour les
films interdits au moins de 12 ans, mais le contrat appelle les diffuseurs
à la vigilance.
Depuis 1995, le contrat oblige les diffuseurs à nommer un
délégué à la protection de la jeunesse
, qui
conseille les responsables de la programmation sur toutes les questions
relatives à la protection des mineurs
.
c) Le respect de la vie privée
Un nouvel article a été ajouté au contrat
interétatique à l'occasion de la dernière modification :
il prévoit l'
interdiction
,
pour les chaînes
privées
, de diffuser sans autorisation des renseignements, d'ordre
personnel ou matériel, sur des particuliers ou des
sociétés.
2) Le rôle des instances de régulation
Le
contrat interétatique pose le principe d'une concertation des
établissements de radiodiffusion publique avec les
Landesmedienanstalten
pour établir des directives, notamment en
matière de protection de la jeunesse.
a) Le secteur public
En application des textes légaux, le conseil de la radiodiffusion des
différents établissements détermine les principes
directeurs relatifs aux programmes. Il en surveille l'application par les
responsables des programmes et de la diffusion.
Conformément à la logique d'
autorégulation
, il agit
dans le cadre de la concertation. En dernier ressort, il ne peut donc que
mettre fin au mandat du président de l'établissement, qu'il
élit.
La composition même du conseil de la radiodiffusion constitue en
théorie un gage de respect du principe de pluralisme. Dans les faits, la
représentation de tous les partis politiques dans chaque Land assure un
certain équilibre, mais n'empêche pas la politisation de tous les
organes du secteur public.
b) Le secteur privé
•
Le pouvoir réglementaire des Landesmedienanstalten
Les directives des
Landesmedienanstalten
, qui ont valeur de
réglementation, complètent les textes légaux
en
matière de déontologie des programmes, et notamment dans le
domaine de la protection de l'enfance.
D'ailleurs,
parmi les commissions spécialisées
créées par la Conférence des directeurs des
Landesmedienanstalten,
il en existe une qui est compétente pour
la protection de la jeunesse. Elle permet d'assurer l'unité du
contrôle sur l'ensemble du territoire.
•
Le contrôle a posteriori
Qu'il se fonde sur le contrat interétatique ou sur les directives, le
contrôle des
Landesmedienanstalten
s'effectue
a
posteriori
, sur plaintes des citoyens ou
de leur propre
initiative.
De façon générale, les sanctions prévues,
avertissement et suspension ou retrait de l'autorisation en cas de
récidive, sont trop peu graduées pour être efficaces.
Les infractions à l'article 3 relatif à la protection de la
jeunesse peuvent, sur la base du contrat interétatique et
indépendamment de ce que prévoient les directives des
différents
Landesmedienanstalten,
être sanctionnées
par une amende pouvant aller jusque 500 000 DEM (c'est-à-dire 1,7
million de francs).
•
La concertation
En pratique, les
Landesmedienanstalten
interviennent auprès des
diffuseurs surtout par la discussion et la concertation.
De même, pour éviter toute violation des règles de
protection de la jeunesse, la commission compétente créée
par la Conférence des directeurs des
Landesmedienanstalten
visionne les émissions avant leur diffusion lorsque celles-ci sont
susceptibles de poser un problème.
En outre, deux fois par an environ, la commission demande aux responsables des
chaînes de présenter leurs projets concernant la jeunesse. Des
auditions ponctuelles ont également lieu. Tout ceci permet le plus
souvent d'éviter une violation des règles de protection de la
jeunesse.
*
* *
Comme
les compétences des
Landesmedienanstalten
sont limitées
à un contrôle
a posteriori
, les chaînes
privées ont, en novembre 1993, créé une
association
d'autorégulation
, la
Freiwillige Sebstkontrolle Fernsehen
(F.S.F., autocontrôle volontaire de la télévision) qui
examine, avant leur diffusion, les émissions qui lui sont
présentées volontairement par les chaînes. Les
chaînes privées sont presque toutes membres de la F.S.F. En
revanche, les chaînes publiques ont décidé de ne pas en
faire partie.
La création de la F.S.F. a été décidée pour
prévenir une intervention législative souhaitée par
l'opinion publique.
Les statuts de la F.S.F. obligent ses membres à lui présenter les
émissions qui semblent dangereuses pour la jeunesse ainsi que celles
pour lesquelles une autorisation exceptionnelle doit être demandée
pour l'horaire de diffusion. Cette obligation résulte de la
nécessité d'appliquer les critères de l'organe
d'autorégulation de l'industrie cinémato-graphique. En effet,
celui-ci classe les films en fonction de l'âge de leurs spectateurs selon
quatre tranches d'âge (de 6 à 12 ans, de 12 à 16 ans, de 16
à 18 ans et plus de 18 ans) et affecte à chacune d'elles un
créneau horaire.
ESPAGNE
I - LES INSTANCES DE REGULATION
1) Le cadre juridique de l'audiovisuel
a) La
Constitution
L'article 20 garantit la liberté d'expression et exclut toute forme de
censure :
" 1. On reconnaît et on protège le droit :
a) d'exprimer et de diffuser librement les pensées, les idées et
les opinions par la parole, l'écrit ou tout autre moyen de reproduction ;
(...)
d) de communiquer ou de recevoir librement une information véridique par
n'importe quel moyen de diffusion. La loi définira le droit à
l'invocation de la clause de conscience et au secret professionnel dans
l'exercice de ces libertés.
" 2. L'exercice de ces droits ne peut être restreint par aucune
forme de censure préalable.
" 3. La loi réglementera l'organisation et le contrôle
parlementaire des moyens de communication sociale dépendant de l'Etat ou
d'une entité publique et garantira l'accès à ces moyens
aux groupes sociaux et politiques significatifs, dans le respect du pluralisme
de la société et des différentes langues de l'Espagne.
" 4. Ces libertés trouvent leur limite dans le respect des droits
reconnus au présent titre, dans les préceptes des lois qui le
développent et, en particulier, dans le droit à l'honneur,
à l'intimité, à sa propre image et à la protection
de la jeunesse et de l'enfance.
" 5. On ne pourra procéder à la saisie de publications,
d'enregistrements et d'autres moyens d'information qu'en vertu d'une
décision judiciaire. "
b) Les lois sur l'audiovisuel
La loi du 10 janvier 1980 sur le statut de la radio et de la
télévision consacrait le principe du monopole de l'Etat,
exercé au nom de l'Etat par la R.T.V.E., établissement de droit
public.
Le monopole de l'Etat a pris fin en 1983 avec la création des
chaînes " autonomiques ", chaînes publiques
régionales qui bénéficient de concessions accordées
par l'Etat.
La loi du 3 mai 1988 sur la télévision privée affirme que
la télévision constitue un service public relevant de la
compétence de l'Etat, mais qu'il peut être concédé
à des sociétés privées.
2) Les organes de surveillance
Il
n'existe pas d'instance autonome de régulation
, mais la question
fait l'objet de nombreux débats.
a) Le secteur public
En application de l'article 20 de la Constitution,
la loi du 10 janvier 1980
portant
statut de la radio et de la télévision
publique
a créé, au sein du Congrès des
députés, une
commission parlementaire chargée du
contrôle permanent des chaînes publiques de
télévision.
b) Le secteur privé
La loi de 1988 sur la télévision privée charge le
ministère des transports, du tourisme et des communications
du
contrôle des sociétés privées concessionnaires du
service public.
Actuellement, c'est le ministère des travaux publics, des transports et
de l'environnement qui exerce cette compétence.
II - LA DEONTOLOGIE DES PROGRAMMES
1) Les principes posés par les textes
a) La
loi du 10 janvier 1980 portant statut de la radio et de la
télévision publiques
Elle énumère les
principes
que doivent respecter les
établissements du secteur public de l'audiovisuel :
- l'objectivité, l'exactitude et l'impartialité des informations ;
- la distinction entre informations et opinions ;
- le pluralisme politique, religieux, social, culturel et linguistique ;
- l'honneur, la réputation, la vie privée et tous les droits et
libertés reconnus par la Constitution ;
- la protection de l'enfance et de la jeunesse ;
- l'absence de discrimination "
pour des raisons de naissance, de race,
de sexe, de relation, d'opinion ou pour n'importe quelle autre condition ou
circonstance personnelle ou sociale
", conformément à
l'article 14 de la Constitution.
b) La loi de 1988 sur la télévision privée
Elle impose aux chaînes privées de télévision le
respect des principes auxquels sont soumis les établissements du secteur
public de l'audiovisuel
et qualifie
d'infraction très grave
le fait de ne pas les respecter.
c) La loi du 12 juillet 1994 transposant la directive
" Télévision sans frontières "
Elle reprend les dispositions de la directive sur la
protection des
mineurs
et prévoit que les émissions "
susceptibles
de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des
mineurs
", ainsi que celles qui comportent des scènes
pornographiques ou gratuitement violentes, d'une part, ne peuvent être
diffusées qu'entre 22 heures et 6 heures et, d'autre part, doivent faire
l'objet d'un avertissement visuel et sonore.
*
* *
Par ailleurs, tous les diffuseurs, publics et privés, ont signé en mars 1993 , à l'initiative du ministre de l'éducation , un accord sur des principes visant à protéger les enfants contre la violence, le sexe, l'emploi incorrect de la langue et la consommation de produits dangereux pour la santé. La R.T.V.E. a ensuite élaboré sur cette base ses " critères en matière de programmation et de contenu ".
2) Le rôle des instances de régulation
a) La
commission parlementaire de contrôle du secteur public
Une
résolution de 1983 du Congrès des
députés
fixe les règles de fonctionnement de cette
commission.
Elle se réunit en principe une semaine par mois en période de
session pour interroger le conseil d'administration ou le directeur
général de la R.T.V.E. Les questions sont déposées
entre le mardi et le jeudi de la semaine qui précède la
réunion. Le nombre de questions posées par chaque groupe est
proportionnel à son importance. Chaque question doit être
traitée en cinq minutes, partagées pour moitié entre
l'auteur de la question et celui qui y répond.
Par ailleurs, la commission peut tenir, notamment à la demande d'un
cinquième des députés, des réunions
spéciales d'information au cours desquelles un membre du conseil
d'administration de la R.T.V.E. ou le directeur général expose sa
politique d'ensemble ou développe un point particulier. L'exposé
est alors suivi de questions de représentants des différents
groupes politiques.
b) Le ministère des travaux publics, des transports et de
l'environnement
Les infractions " très graves " définies par la loi de
1988 sont sanctionnées par une amende comprise entre 15 et 50 millions
de pesetas (c'est-à-dire entre 600 000 et 2 millions de francs),
une suspension des émissions d'une durée maximale de quinze jours
ou un retrait de la concession. Cette dernière sanction est notamment
appliquée en cas de récidive. Le pouvoir de sanction appartient
au ministère des travaux publics, des transports et de l'environnement.
Les infractions qui sont définies par la loi de 1994 transposant la
directive " Télévision sans frontières " sont
sanctionnées par le ministère des travaux publics, des transports
et de l'environnement ou par le Premier ministre, selon qu'elles sont
" graves " ou " très graves ". Les sanctions sont
les mêmes que celles prévues par la loi de 1988.
Dans la pratique, ce pouvoir de sanction n'est pas exercé.
*
* *
Le conseil d'administration de la R.T.V.E. joue un vrai rôle d'autorégulation . En effet, la loi de 1980 le charge explicitement de veiller à ce que les programmes respectent les principes déontologiques qu'elle impose au secteur public.
3) Les travaux du Sénat sur la création d'une autorité de contrôle indépendante.
La
commission spéciale sur le contenu des émissions de
télévision, créée au Sénat en novembre 1993
à l'unanimité, a élaboré un rapport et une
proposition tendant à la création d'un "
Conseil
supérieur de l'audiovisuel
", approuvés respectivement
par l'assemblée plénière en avril et novembre 1995,
c'est-à-dire avant les élections législatives qui ont
amené un changement de majorité.
La commission spéciale proposait notamment de charger le futur
Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité administrative
indépendante, de veiller à la déontologie des programmes
:
- en s'assurant du respect de la loi et des codes déontologiques, et en
dénonçant les infractions à l'administration
compétente ou au ministère public ;
- en protégeant les droits fondamentaux des minorités, de
l'enfance et de la jeunesse, ainsi que la dignité de la personne ;
- en préservant la pluralité et l'objectivité de
l'information.
ITALIE
I - LES INSTANCES DE REGULATION
1) Le cadre juridique de l'audiovisuel
La loi
de 1975 sur la diffusion radiophonique et télévisée
affirme le principe du monopole de l'Etat (sauf pour les émissions
locales diffusées par câble), en prévoyant la concession
à une société par actions. La même loi place la
société concessionnaire sous le
contrôle du
Parlement
.
La loi du 6 août 1990 sur la réglementation du système
italien de la radiodiffusion, dite
loi Mammi
, a chargé le
Garant
, responsable du contrôle de la presse en vertu de la loi de
1981 sur la presse, de la surveillance des
chaînes publiques et
privées de télévision
.
2) Les organes de régulation
a) La
commission parlementaire d'orientation et de surveillance des services de la
radio et de la télévision
Elle est composée de vingt députés et de vingt
sénateurs élus par leur Chambre. Elle établit les
orientations fondamentales et les axes de développement de la seule
télévision publique
.
b) Le Garant
Il ne s'agit pas d'un organe collégial mais d'une personne physique. Le
premier Garant a été institué par la loi sur la presse,
essentiellement pour surveiller les concentrations économiques.
L'expérience s'étant révélée satisfaisante,
le législateur lui a confié le contrôle de l'audiovisuel.
Le choix d'une
autorité unipersonnelle
s'explique aussi par la
crainte de voir les différentes forces politiques paralyser le
fonctionnement d'un organe collégial.
II - LA DEONTOLOGIE DES PROGRAMMES
1) Les principes posés par les textes
La loi
Mammi exige de tous les diffuseurs, publics et privés, qu'ils respectent
les principes généraux de
pluralisme
,
d'
objectivité
, d'
exhaustivité
et
d'
impartialité
de l'information et qu'ils soient ouverts aux
différentes opinions politiques, sociales, culturelles et religieuses.
Elle exige également qu'ils promeuvent
l'égalité des
sexes
et s'efforcent d'éliminer tout facteur favorisant la
discrimination sexuelle dans le domaine du travail.
Par ailleurs, elle comprend, à l'article 15, plusieurs dispositions
destinées à
protéger la jeunesse
:
- interdiction de transmettre des émissions susceptibles de nuire au
développement psychologique et moral des mineurs ou contenant des
scènes de pornographie ou de violence gratuite ;
- interdiction de diffuser des films interdits aux moins de 18 ans ou qui n'ont
pas reçu le visa de distribution ;
- interdiction de diffuser, même partiellement, entre 7 h et 22 h 30, les
films interdits aux moins de 14 ans.
De plus, l'article 15 interdit les émissions qui encouragent
l'
intolérance
fondée sur des différences raciales,
sexuelles, religieuses ou nationales.
2) Le rôle des instances de régulation
a) La
commission parlementaire
En principe, elle dispose d'un pouvoir de contrôle sur la
conformité des programmes aux principes généraux
d'indépendance, d'objectivité et de pluralisme posés par
la loi. Cependant, compte tenu de son caractère très politique,
la commission n'exerce guère ce pouvoir.
De plus, la commission ne dispose d'aucun pouvoir de sanction.
b) Le Garant
En matière de déontologie des programmes, son contrôle
s'exerce,
a posteriori
, sur les règles concernant la violence et
la protection des mineurs. Il peut également émettre des
recommandations sur les horaires de programmation.
Le Garant dispose d'un pouvoir de sanction administrative : il peut infliger
des amendes ou suspendre des autorisations. Les retraits d'autorisation sont
prononcés par le seul ministre des Postes, sur proposition du Garant.
*
* *
Parmi les propositions de loi déposées récemment et tendant à modifier le système audiovisuel italien, plusieurs prévoient la transformation de l'institution du Garant en un organe collégial et l'élargissement de ses pouvoirs.
PAYS-BAS
I - LES INSTANCES DE REGULATION
1) Le cadre juridique de l'audiovisuel
a) La
Constitution
A l'article 7, relatif à la liberté d'expression, elle
énonce :
"
La loi fixe les règles concernant la radio et la
télévision. Le contenu d'une émission radiophonique ou
télévisée n'est pas soumis à un contrôle
préalable
".
b) Les lois sur l'audiovisuel
Traditionnellement, le système audiovisuel, tout comme les
systèmes scolaire et syndical par exemple, reposait sur le
principe
du
compartimentage
. Le
temps d'antenne sur les chaînes
publiques était donc réparti entre les quatre organisations
(catholique, protestante orthodoxe, socialiste et libérale)
considérées comme les
piliers
autour desquels se
structurait la vie sociale. La répartition s'effectuait
proportionnellement au nombre de membres de chaque organisation.
En
1967
, la
loi sur l'audiovisuel
a ouvert le système
à toutes les associations représentant un courant culturel,
religieux, spirituel ou social. Depuis lors, à condition d'être
des personnes morales ne poursuivant pas un but lucratif et d'avoir pour objet
la production d'émissions généralistes, les associations
peuvent bénéficier d'un temps d'antenne sur l'une des trois
chaînes publiques. La répartition du temps d'antenne se fait
proportionnellement au nombre d'adhérents, celui-ci étant
inévitablement fonction de l'attrait des programmes proposés.
La loi sur les médias du 21 avril 1987
est entrée en
vigueur le 1er janvier 1988. Elle a consacré l'existence du
régime ouvert et instauré le
Commissariat aux
médias
.
La loi sur les médias a été modifiée en
décembre 1991 afin de permettre l'exploitation de
chaînes
privées, distribuées par le câble
.
2) L'instance de régulation
Le Commissariat aux médias est chargé de veiller à l'application de la loi de 1987. Sa composition doit refléter le poids des grands partis politiques. Il accorde les temps d'antenne sur les chaînes publiques nationales aux associations qui satisfont aux critères exigés par la loi et comptent au moins 60 000 adhérents. Sur les chaînes publiques locales, les attributions se font selon les mêmes principes, après avis favorable des collectivités territoriales concernées.
*
* *
Par ailleurs, un organe consultatif intégré au ministère de la culture, le Conseil des médias , conseille les pouvoirs publics sur la politique audiovisuelle.
II - LA DEONTOLOGIE DES PROGRAMMES
1) Les principes posés par les textes
La
loi de 1987 ne comporte presque aucune disposition à cet
égard
, si ce n'est l'interdiction, posée à l'article
53, de diffuser avant 20 heures les films interdits en salle aux enfants de
moins de 12 ans, et avant 21 heures ceux interdits aux enfants de moins de 16
ans.
Pour les chaînes publiques,
les règles de fonctionnement du
système ouvert favorisent l'autorégulation
. Tout excès
risque en effet de se traduire par une perte d'adhérents et donc par une
réduction du temps d'antenne alloué.
2) Le rôle du Commissariat aux médias
Le
Commissariat aux médias n'exerce
aucun contrôle
systématique
a posteriori
sur
le contenu des
programmes
. Il reçoit
quelques plaintes
chaque année.
Pour l'instant, aucune n'a donné lieu à sanction.
Toutefois, dans son dernier rapport d'activité disponible, celui de
l'année 1995, le Commissariat aux médias a constaté que la
plupart des diffuseurs ne respectaient pas les dispositions de l'article 53 de
la loi sur les médias. Il a donc décidé de renforcer sa
surveillance sur les horaires de diffusion des films.
ROYAUME-UNI
I - LES INSTANCES DE REGULATION
1) Le cadre juridique de l'audiovisuel
Les lois
britanniques sur la radiodiffusion ont toujours été
inspirées par deux grands principes :
- l'indépendance (éditoriale, économique et en
matière de régulation) par rapport au gouvernement ;
- la nécessité de normes pour protéger les auditeurs et
les téléspectateurs de toute exploitation et pour empêcher
une programmation de piètre qualité.
La radiodiffusion est considérée comme une mission de service
public assumée par trois organismes :
- la
British Broadcasting Corporation
(B.B.C.), entreprise publique
régie par une
Charte royale
renégociable, gère
traditionnellement le service public non commercial de la radio et de la
télévision
(2(
*
))
;
- l'
Independent Television Commission
(I.T.C.) créée par
le
Broadcasting Act
de
1990
, a succédé
à l'
Independant Broadcasting Authority
et attribue des
concessions aux chaînes privées ;
- la
Radio Authority
, instituée par la même loi, joue
vis-à-vis des stations privées de radio le même rôle
que l'I.T.C. vis-à-vis des concessionnaires privés du service
public de la télévision.
Le système de régulation de l'audiovisuel a été
profondément remanié par les lois de 1990 et de 1996 sur la
radiodiffusion.
2) Les instances de régulation propres au secteur privé
a)
L'I.T.C.
L'I.T.C., qui a succédé à une instance
préexistante, participe à la régulation du
secteur
privé de la télévision
de deux façons. Elle
conclut des contrats de concession avec les sociétés
privées de diffusion. Or, ces contrats contiennent notamment les
obligations des parties.
En outre, l'I.T.C. dispose d'un pouvoir autonome de réglementation par
ses codes de programmation qui traduisent les principes généraux
édictés par la loi.
b) La Radio Authority
La
Radio Authority
joue pour le secteur de la radio privée le
même rôle que l'I.T.C. pour la télévision.
3) Les instances de régulation communes aux secteurs public et privé
Les lois
sur la radiodiffusion de 1990 et 1996 ont apporté de profondes
modifications dans ce domaine.
La première a donné une existence juridique au
Broadcasting
Standards Council
(B.S.C.) créé par le gouvernement en 1988
pour contrôler
a posteriori
le respect par l'ensemble des
chaînes de télévision et des stations de radio, publiques
et privées, des principes déontologiques.
La loi de 1990 a également donné une existence juridique à
la
Broadcasting Complaints Commission
(B.C.C.), créée en
1981 pour veiller à la présentation exacte et impartiale des
faits et traiter des atteintes à la vie privée. Sa
compétence s'étend à l'ensemble des services de
télévision et de radio, publics ou privés.
La loi de 1996 a organisé la fusion du B.S.C. et de la B.C.C
.
Elle crée en effet un nouvel organe : la
Broadcasting Standards
Commission
qui réunit les compétences du B.S.C. et de la
B.C.C. La nouvelle commission commencera ses travaux le 1er avril 1997.
*
* *
Par
ailleurs, le
Conseil des gouverneurs de la B.B.C
., bien que ne
constituant pas une instance de régulation, veille au respect par la
B.B.C. des obligations que la Charte royale lui fixe et joue un vrai rôle
d'
autorégulation
.
Comme il l'indique dans une résolution de janvier 1981 : "
Le
second rôle des gouverneurs est de surveiller tant le fonctionnement que
la production de la B.B.C. et de vérifier que celle-ci respecte bien
l'esprit de la Charte royale. Les gouverneurs sont en effet les garants
-à l'égard du pouvoir mais également de l'opinion
publique- de l'impartialité de la B.B.C. et du respect de la notion de
service public (...)
".
II - LA DEONTOLOGIE DES PROGRAMMES
1) Les principes posés par les textes
a) Le
Broadcasting Act de 1990
L'
article 6
confie à l'I.T.C. le soin de veiller à ce que
les programmes des
chaînes privées
de
télévision :
- n'offensent en rien le
bon goût
, la
décence
ou les
sentiments du public
;
- n'incitent ni au
crime
, ni au désordre ;
- présentent les informations de façon
exacte et
impartiale
, notamment pour les sujets susceptibles de donner lieu à
controverse politique ou sociale.
Il lui confie également le soin d'établir et de mettre à
jour un
code de bonne
conduite
reprenant les principes
mentionnés plus haut.
L'
article 7
charge l'I.T.C. d'établir et de mettre à jour
un autre code de bonne
conduite
, relatif à la
représentation de la
violence
, en tenant compte de l'importance
du public enfantin.
b) Le Broadcasting Act de 1996
Bien que les dispositions concernant la nouvelle instance de régulation,
la
Broadcasting Standards Commission
(B.S.C.), ne soient pas encore en
vigueur, on a choisi de les analyser. Elles reprennent d'ailleurs en grande
partie les dispositions équivalentes du
Broadcasting Act
de 1990.
L'article 107 du
Broadcasting Act
de 1996 charge la B.S.C. de la
rédaction et de la mise à jour d'un
code de bonne conduite
relatif au respect de l'
équité
et de la
vie
privée
.
L'article 108 du
Broadcasting Act
de 1996 la charge aussi de
rédiger et de mettre à jour un
code de bonne conduite
sur :
- la représentation de la
violence
et du
sexe
;
- les normes de
bon goût
et de
décence
.
A la différence des codes de bonne conduite réalisés par
l'I.T.C.,
ceux de la B.S.C. concernent toutes les stations de radio et
toutes les chaînes de télévision, publiques ou
privées
. Tous les diffuseurs doivent reprendre dans leurs propres
codes les principes contenus dans les codes de la B.S.C. Les codes de la B.S.C.
devraient être analogues à ceux du
Broadcasting Standards
Council
.
2) Le rôle des instances de régulation
a)
L'I.T.C.
Les articles 6 et 7 du
Broadcasting Act
de 1990 exigent de l'I.T.C.
qu'elle veille à ce que les chaînes de télévision
privées appliquent bien ses codes de bonne conduite.
Pour permettre à l'I.T.C. d'exercer son contrôle
a
posteriori
sur la déontologie des programmes, l'article 11 de la loi
lui permet de se procurer auprès des chaînes privées les
enregistrements de toutes les émissions. Ceux-ci doivent en effet
être conservés pendant trois mois par les diffuseurs.
En cas de non-respect des règles prescrites, l'I.T.C. peut imposer, en
vertu des articles 40, 41 et 42 de la loi, une des sanctions suivantes :
- avertissement ;
- obligation de diffuser un message d'excuse ;
- amende pouvant atteindre 3 % du total des recettes publicitaires de
l'exercice passé (5% en cas de récidive) ;
- réduction de la durée de la concession;
- retrait de la concession, sauf pour
Channel
4, la chaîne
culturelle.
Par ailleurs, même si la loi ne l'a pas chargée de traiter les
plaintes, l'I.T.C. se fonde sur son pouvoir général de tout
mettre en oeuvre afin que les dispositions de ses codes soient
respectées pour inciter les téléspectateurs à lui
adresser leurs réclamations. Elle publie ensuite des rapports sur le
traitement des plaintes.
b) La Radio Authority
La
Radio Authority
a, dans le domaine de la radio, des
compétences tout à fait comparables à celles de l'I.T.C.
dans celui de la télévision.
c) La B.S.C.
•
L'article 109
du
Broadcasting Act
de 1996 lui confie le
soin de contrôler le contenu des programmes en matière de
représentation de la violence et du sexe, d'une part, et le respect des
normes de goût et de décence, d'autre part.
La B.S.C. devra aussi surveiller, "
dans la mesure où ceci est
raisonnablement
possible
", les programmes étrangers de
télévision et de radio afin de se rendre compte de la
façon dont la violence et le sexe sont représentés et dont
les normes de goût et de décence sont respectées.
•
Les articles 110 à 120
du
Broadcasting Act
de
1996 règlent le traitement des
plaintes,
émanant de
personnes physiques ou morales et concernant le non-respect par un service,
public ou privé, de radio ou de télévision, des principes
relatifs à l'équité, au respect de la vie privée,
à la violence, au sexe, à la décence et au bon goût.
La B.S.C. doit nommer un organe
ad hoc
chargé d'examiner ces
plaintes. L'examen des plaintes doit se faire dans un délai de deux mois
lorsqu'elles ont trait à un programme de télévision, et de
trois semaines lorsqu'elles concernent une émission de radio.
Les plaintes ne sont pas recevables si le plaignant dispose d'une voie de
recours devant les tribunaux. Le dépôt des plaintes auprès
de la B.S.C. devrait se faire de la même façon qu'actuellement
auprès du
Broadcasting Standards Council.
Pour permettre à la B.S.C. d'exercer sa mission, les diffuseurs doivent
conserver des copies de leurs programmes pendant trois mois.
Les plaintes qui se rapportent à la déontologie des programmes ou
au respect du principe d'impartialité peuvent, si la B.S.C. les estime
fondées, donner lieu à un
avertissement
. Les chaînes
incriminées sont alors tenues de diffuser un résumé de la
plainte et de l'avertissement infligé.
La B.S.C. peut préparer des rapports ponctuels sur les différents
points concernant la déontologie des programmes et les adresser au
ministre compétent. Elle peut aussi faire entreprendre des recherches.
d) Le Conseil des gouverneurs de la B.B.C.
Conformément à la logique d'autorégulation, il
n'intervient qu'exception-nellement
a posteriori
. En revanche, il
travaille en étroite collaboration avec les programmateurs et les
producteurs des chaînes publiques. Il a d'ailleurs établi un code
à leur intention. Ce code est régulièrement remis à
jour, en concertation avec les professionnels.
Par ailleurs, il a récemment créé une unité
chargée de recevoir et d'examiner les plaintes du public.
(1)
La Bavière constitue un cas particulier, car l'article 111a de la
constitution bavaroise, ajouté en 1973, crée un monopole public
de la radiodiffusion.
(2)
Cependant, le financement de la B.B.C. par la redevance n'est
garanti que jusqu'en 2001 et l'entreprise est incitée à
développer des activités commerciales.