Service des études juridiques (mars 2009)
ROYAUME-UNI (Angleterre et pays de Galles)
L'enquête est réalisée par la police, qui jouit d'une grande indépendance même si ses droits et ses pouvoirs sont juridiquement encadrés. Jusqu'à une date récente, la police rédigeait également l'acte d'accusation avant de transmettre le dossier au service national des poursuites pénales , le Crown Prosecution Service (CPS), qui décidait de poursuivre ou non. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2003 sur la justice pénale, qui a confié le soin de rédiger l'acte d'accusation au CPS dans la quasi-totalité des cas, la police collabore avec ce dernier dès le début de l'enquête, mais elle n'est pas placée sous son autorité. |
1) Les acteurs de l'instruction
L'enquête est menée par la police, qui recherche les preuves à charge et à décharge.
Une fois l'enquête terminée, la police transmet le dossier au CPS, qui décide s'il y a lieu d'engager les poursuites.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2003 sur la justice pénale, le CPS rédige presque tous les actes d'accusation alors qu'auparavant c'était la police qui prenait la décision d'accuser un individu et qui déterminait les charges. L'application de cette réforme a obligé le CPS et la police à collaborer dès le début de l'enquête. Le CPS ne peut pas donner d'ordre à la police, il ne peut que la conseiller à sa demande.
2) Le statut du ministère public
Le CPS, mis en place en 1986, a été instauré par la loi de 1985 sur la poursuite des infractions, qui le définit comme le service national chargé de poursuivre les infractions pénales découvertes par la police (8 ( * )) . Le CPS n'intervient dans la procédure qu'après avoir été saisi par la police.
Le CPS est placé sous l'autorité de l' Attorney General , qui est responsable devant le Parlement. Cette responsabilité se traduit essentiellement par des réponses aux questions des parlementaires et par la présentation d'un compte rendu annuel d'activité devant le Parlement. L' Attorney General est membre du gouvernement, mais ne fait pas partie du conseil des ministres. Il assume les fonctions de procureur en chef et conseille le gouvernement dans le domaine juridique. Il jouit d'une grande indépendance.
Le CPS est dirigé par le Directeur des poursuites ( Director of Public Prosecution : DPP), qui est nommé par l' Attorney General, mais qui dispose d'une grande autonomie fonctionnelle. Le Directeur des poursuites ne subit pas de contrôle au jour le jour de la part de l' Attorney General , mais l'informe de la politique suivie en matière de poursuites et le consulte sur les dossiers sensibles. En cas de désaccord toutefois, le Directeur des poursuites est tenu d'agir selon les prescriptions de l' Attorney General . En outre, ce dernier dispose du pouvoir de mettre fin à une procédure entamée, et la poursuite de certaines infractions - leur nombre est évalué à plus de 500 - est subordonnée à son consentement. En pratique, cette compétence est surtout applicable pour les infractions relatives à la politique publique et à la sécurité de l'État (corruption, terrorisme, infractions aux lois sur les explosifs et sur les services secrets, etc.) et l' Attorney General s'abstient d'intervenir dans les dossiers particuliers.
Le CPS est organisé de manière hiérarchique et centralisée . Il est divisé en 15 unités régionales et en 42 unités locales, à la tête desquelles se trouvent les procureurs en chef . Les zones de compétence des unités locales du CPS correspondent à celles des forces de police à une exception près : la zone du CPS de Londres recouvre les aires de compétence de deux forces de police, la police métropolitaine du Grand Londres et celle de la Cité de Londres. Les procureurs en chef sont responsables des poursuites menées localement par leurs subordonnés et rendent compte directement au Directeur des poursuites.
Le CPS recrute son personnel, auquel il est lié par des relations de nature contractuelle. Les membres du CPS qui exercent les fonctions de procureur doivent avoir les qualifications nécessaires pour exercer comme avocat. D'ailleurs, ils sont appelés à passer du CPS au barreau et inversement au cours de leur carrière. Le personnel du CPS est considéré comme appartenant à la fonction publique . Il est donc soumis au code, aux règles générales de déontologie et au régime disciplinaire de la fonction publique. Pour compenser cette dépendance statutaire, la jurisprudence garantit l'indépendance fonctionnelle des membres du CPS.
Pour le traitement des dossiers, en l'absence de code de procédure pénale, les membres du CPS appliquent les instructions du Directeur des poursuites , qui figurent en particulier dans le guide relatif à l'accusation. Selon ce document, le CPS apprécie la suite à donner en fonction de deux critères : la probabilité d'obtenir une condamnation et l'intérêt général. Les décisions du CPS peuvent être sanctionnées par le juge sur le fondement du guide, de sorte que l'application du principe d'opportunité par le CPS apparaît limitée.
3) L'indépendance de l'organe d'instruction
Les compétences de la police, considérées comme vagues et inadaptées, ont été définies et élargies par la loi de 1984 sur la police et la preuve en matière pénale.
Les droits et les pouvoirs de la police pendant la phase d'instruction - arrestation, interrogatoire, identification, perquisitions, détention, etc. - sont donc encadrés par cette loi et par les codes de bonnes pratiques publiés par le ministère de l'intérieur et qui contiennent les règles détaillées nécessaires à l'application de la loi. Pour la mise en oeuvre des mesures les plus attentatoires aux libertés individuelles (mandat d'arrêt, perquisition, saisie, prolongation d'une garde à vue), la police doit requérir l'autorisation d'un juge . Il en va de même en matière de détention provisoire, qui est régie par la loi de 1976 sur la liberté provisoire. Ces autorisations sont en général données par un magistrate , c'est-à-dire par un juge non professionnel (9 ( * )) .
La police est organisée de manière décentralisée . Elle se compose de 43 forces compétentes sur une zone géographique donnée. Chacune de ces forces est commandée par un chef de la police, responsable devant une autorité de police, c'est-à-dire une commission réunissant des élus locaux et des citoyens. Chaque chef de police déploie les personnels placés sous son autorité comme il l'entend et mène sa propre politique pénale . À l'échelon local, les personnels , bien que placés dans un lien de subordination hiérarchique, jouissent en général d'une grande indépendance pour entamer ou non une enquête, pour décider ou non de la poursuivre. Ce n'est que très exceptionnellement que le juge a à connaître d'affaires où la police aurait dû mener une enquête et où elle ne l'a pas fait.
La police ne dépend donc pas du ministre de l'intérieur , qui peut cependant émettre des circulaires générales à son intention. De plus, depuis le début des années 80, diverses mesures ont été prises pour tenter de limiter l'autonomie de la police . Ainsi, la loi de 1994 sur la police et les magistrates' courts a renforcé les pouvoirs du ministre de l'intérieur à l'égard des forces de police : le ministre peut par exemple demander à une autorité locale la démission d'un chef de police ou faire contrôler l'activité d'une force de police.
La police ne reçoit pas d'ordre du CPS . Toutefois, depuis avril 2006 en application de la disposition de la loi de 2003 sur la justice pénale selon laquelle le CPS rédige la quasi-totalité des actes d'accusation, les 43 forces de police travaillent en collaboration avec le CPS dès le début de l'enquête . Ceci se traduit par la présence dans les commissariats de personnels du CPS qui réalisent des entretiens avec des policiers sur des dossiers en cours ainsi que par une permanence téléphonique du CPS, 24 heures sur 24 toute l'année.
Le CPS contrôle la légalité des dossiers de la police : il examine ainsi les preuves collectées afin de vérifier leur recevabilité, indique quelles preuves seraient nécessaires pour que les poursuites soient efficaces, donne des conseils à la police sur les poursuites possibles et interroge même, dans certains cas, des témoins clés pour l'accusation avant le procès.
4) La séparation de l'instruction et du jugement
Une fois l'enquête achevée, la police transmet au CPS le dossier. Lorsqu'il rédige l'acte d'accusation, le CPS n'est pas tenu par les charges retenues par la police.
Ce n'est que pour certaines infractions mineures que la police peut établir l'acte d'accusation sans en référer au CPS, mais elle a alors l'obligation de respecter les règles édictées par le CPS.
Les phases d'instruction et de jugement sont nettement séparées : leurs acteurs ne sont pas les mêmes et la juridiction de jugement n'est pas saisie directement lorsque l'infraction est grave.
La phase d'instruction est confiée à la police et le jugement à un juge. De plus, depuis la création du CPS, l'accusation n'est plus soutenue par un avocat représentant la police, mais par un avocat agissant au nom du CPS.
Lorsque l'infraction relève de la compétence de la Crown Court (qui équivaut plus ou moins à une cour d'assises) et que la personne mise en examen ne plaide pas coupable, le renvoi devant la juridiction de jugement ne s'effectue pas directement. Il résulte d'une procédure qui se déroule devant une magistrates' court (10 ( * )) . Cette procédure de plus en plus réduite, notamment par suite de la création du CPS - depuis une dizaine d'années, les témoins à charge ne sont plus interrogés par l'avocat de la défense - est orale ou écrite selon que l'intéressé conteste ou non l'accusation. Elle permet à la magistrates' court de vérifier si les charges sont suffisantes.
Par ailleurs, le dossier réalisé par la police n'est pas transmis à la juridiction de jugement, mais seulement aux parties au procès : le CPS, qui prépare l'accusation, et la défense. Le juge n'a donc pas connaissance du dossier de l'enquête et il ne fonde sa décision que sur les éléments de preuve apportés devant lui par les parties au cours de l'audience.
* (8) Auparavant, la police était responsable à la fois des investigations et de la poursuite. C'est seulement dans quelques cas particulièrement graves ou complexes que la police devait en référer à l' Attorney General ou au Director of Public Prosecutions , institué par une loi de 1879. La création du CPS fait suite aux propositions contenues dans le rapport de 1981 de la Commission royale sur la procédure pénale, mise en place après plusieurs erreurs judiciaires imputées à l'action de la police dans la poursuite. Les tentatives de coordination de la politique des forces de police en matière de poursuite ayant échoué, cette compétence a été transférée au CPS.
* (9) La plupart des infractions sont jugées par les magistrates' courts , composées de juges non professionnels. Ces derniers sont environ 30 000.
* (10) Voir note de bas de page n° 9.