Service des études juridiques (mars 2009)

ESPAGNE

Le code de procédure pénale, inspiré du code français d'instruction criminelle de 1808, date de 1882. Il a été plusieurs fois modifié au cours des dernières années, mais sans faire l'objet d'aucune réforme fondamentale. En particulier, la prise en charge de la phase d'instruction par le ministère public, souvent évoquée (2 ( * )) , n'a pas été réalisée.

Le code de procédure pénale définit l'instruction comme l'ensemble des actes qui ont pour objet la préparation du jugement et qui sont accomplis pour vérifier et constater la réalisation des délits ainsi que la culpabilité des suspects.

Seuls, les « délits » (3 ( * )) doivent faire l'objet d'une instruction.

1) Les acteurs de l'instruction

L'instruction est réalisée par un juge d'instruction avec l'aide de la police judiciaire , que la Constitution place en situation de subordination : « La police judiciaire dépend des juges, des tribunaux et du ministère public en ce qui concerne la recherche du délit ainsi que la découverte et l'arrestation du délinquant, dans les termes établis par la loi ». En application de cette disposition constitutionnelle, le code de procédure pénale qualifie les membres de la police judiciaire d'« auxiliaires » de la justice, et les oblige à suivre les instructions qu'ils reçoivent des autorités judiciaires . Pendant la phase pré-procédurale qui précède l'instruction stricto sensu , la police judiciaire - qu'elle appartienne à la police ou à la garde civile et qu'elle relève donc du ministre de l'intérieur ou de celui de la défense - agit sous le contrôle du parquet.

Le juge d'instruction instruit à charge et à décharge en recourant à tous les moyens qu'il estime utile, mais dans le respect des principes de légalité et de proportionnalité.

Le ministère public , auquel la Constitution confie la mission de « promouvoir l'action de la justice pour défendre la légalité, les droits des citoyens et l'intérêt général protégé par la loi , [...] de veiller à l'indépendance des tribunaux et de rechercher devant ceux-ci la satisfaction de l'intérêt de la société », contrôle l'action du juge d'instruction , qui doit lui remettre périodiquement des compte rendus de son activité.

2) Le statut du ministère public

Le ministère public est régi par une loi spécifique, qui lui attribue l'autonomie fonctionnelle.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique de 1985 sur la magistrature, les carrières de magistrat du siège et du parquet sont séparées, et le ministère public dispose de sa propre organisation.

Toutefois, la sélection des juges et des procureurs résulte de la même procédure depuis 2000 : c'est en fonction de la place obtenue au concours et du nombre de postes offerts que les candidats choisissent d'intégrer soit l'École judiciaire du Conseil général du pouvoir judiciaire, soit le Centre d'études juridiques de l'administration de la justice selon qu'ils se destinent aux fonctions de magistrats du siège ou du parquet.

Le chef suprême du ministère public est le procureur général de l'État , qui est nommé pour quatre ans par le Roi sur proposition du gouvernement après que le Conseil général du pouvoir judiciaire (qui est l'équivalent du Conseil supérieur de la magistrature français) et la commission compétente du Congrès des députés ont donné leur avis. Depuis 2007, le procureur général de l'État n'est révocable que pour l'un des motifs énumérés par la loi, parmi lesquels le changement de gouvernement. Auparavant, il était révocable à tout moment.

Les autres membres du parquet sont nommés par voie réglementaire sur proposition du Conseil du parquet. Organe consultatif pour les nominations et les promotions, le Conseil du parquet règle les procédures disciplinaires internes.

Le Conseil du parquet est présidé par le procureur général de l'État et composé du vice-procureur du Tribunal suprême, du procureur responsable des services d'inspection et de neuf procureurs élus par leurs pairs pour quatre ans.

La loi portant statut du ministère public prévoit que le gouvernement peut solliciter du parquet qu'il agisse devant les juridictions. Si le gouvernement communique avec le ministère public par l'intermédiaire du ministre de la justice, la loi permet au Premier ministre de saisir directement le Procureur général de l'État en cas de besoin. Cependant, dans l'exercice de ses fonctions, le procureur général de l'État est indépendant.

Les membres du parquet sont soumis au principe de subordination hiérarchique et peuvent recevoir des directives de la part de leurs supérieurs. La loi organique portant statut du ministère public dispose que les procureurs agissent sur délégation du procureur général de l'État ou en représentation de l'institution à laquelle ils appartiennent et que leur supérieur hiérarchique peut révoquer leur délégation ou les remplacer, personnellement ou en désignant quelqu'un à leur place. En règle générale, le procureur général n'intervient pas dans les cas particuliers, mais donne des instructions de politique pénale.

Si le parquet n'a pas le monopole de la poursuite, il est tenu par le principe de légalité , et le code de procédure pénale l'oblige à exercer l'action publique dès qu'il a connaissance d'un fait qu'il estime constituer une infraction.

3) L'indépendance de l'organe d'instruction

En disposant que le dossier d'instruction est formé sous « l'inspection directe » du procureur du tribunal compétent, le code de procédure pénale place le juge d'instruction sous le contrôle du ministère public . En pratique, le juge d'instruction jouit d'une grande indépendance dans la conduite de l'instruction.

Le code de procédure pénale énumère les principaux actes que le juge d'instruction peut réaliser (inspection personnelle des lieux de l'infraction, interrogatoires des suspects et des témoins, surveillance de la correspondance, écoutes téléphoniques, etc.) et précise les conditions dans lesquelles il le fait. Les actes les plus attentatoires aux libertés fondamentales doivent être motivés. C'est le cas des écoutes téléphoniques. L'énumération prévue par le code de procédure pénale n'est pas limitative : le juge d'instruction peut recourir à tous les moyens qu'il estime utiles (prises de sang, radiographies, examens corporels intimes, par exemple) en fonction de la nature de l'infraction poursuivie et dans le respect du principe de proportionnalité.

Le juge d'instruction est libre de prendre toutes les mesures qui lui paraissent nécessaires, mais il a aussi l'obligation de réaliser les actes demandés par l'accusation ou par la défense. S'il ne le fait pas, les intéressés disposent d'un droit de recours.

Le code de procédure pénale limite la durée de l'instruction à un mois, mais c'est le juge d'instruction qui décide de la clôture de l'instruction lorsqu'il estime que celle-ci est terminée , de sorte que l'instruction se prolonge aussi longtemps que le juge ordonne et pratique les actes qu'il considère comme nécessaires.

4) La séparation de l'instruction et du jugement

Les organes d'instruction et de jugement sont distincts. Le juge d'instruction ne peut pas participer au jugement.

Jusqu'en 1988, le juge d'instruction pouvait statuer au fond après avoir instruit lorsque la peine maximale applicable à l'infraction était une peine d'emprisonnement de six mois. La loi organique n° 7 du 28 décembre 1988, qui a réformé le code de procédure pénale, a tiré les conséquences d'une décision précédente du Tribunal constitutionnel en supprimant cette exception au principe de la séparation de l'instruction et du jugement.

En outre, l'instruction constitue la base de l'accusation, et non du jugement . En effet, après avoir achevé son instruction, le juge d'instruction rend un arrêt de clôture, et la phase intermédiaire, qui se situe entre l'instruction et l'audience, est ouverte. L'accusation doit alors décider, sur la base du dossier d'instruction, si elle sollicite l'ouverture du procès ou si elle demande le non-lieu, mais c'est la juridiction de jugement qui décide s'il y a ou non lieu d'ouvrir le procès : elle peut soit révoquer la décision de clôture du magistrat instructeur et solliciter une instruction complémentaire, soit la confirmer et alors admettre le non-lieu ou ouvrir l'audience.

Par ailleurs, le code de procédure pénale dispose que le jugement doit se fonder sur les moyens de preuve produits à l'audience . Implicitement, cette disposition exclut l'utilisation des éléments rassemblés pendant la phase d'instruction.

Toutefois, le code de procédure pénale prévoit une dérogation à ce principe : les éléments qui ne sont pas susceptibles d'être reproduits pendant le jugement peuvent être utilisés comme moyens de preuve. De plus, le code de procédure pénale comporte plusieurs articles consacrés aux « circonstances personnelles » de la personne mise en examen : le juge d'instruction peut prendre contact avec la mairie et la police des précédents lieux de résidence de l'intéressé afin d'obtenir un rapport détaillé sur ce dernier.

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L'instruction fait l'objet de nombreuses critiques, notamment parce qu'elle est devenue la phase principale de la procédure : elle dure de longs mois ; les possibilités de recours données aux personnes mises en examen ne sont pas efficaces, car les instances supérieures avalisent en général les décisions du juge d'instruction ; les juges d'instruction adoptent de nombreuses mesures privatives ou restrictives de liberté ; les éléments rassemblés pendant l'instruction sont utilisés comme moyens de preuve, etc. De façon générale, la toute-puissance des juges d'instruction est critiquée.

De nombreuses voix s'élèvent donc pour réformer la procédure et confier l'instruction - comme c'est déjà le cas pour les procédures simplifiées - au ministère public , qui disposerait de la police judiciaire et qui aurait l'obligation d'obtenir l'autorisation d'un juge pour prendre les mesures les plus attentatoires aux droits fondamentaux.

* (2) Ainsi, l'avant-projet de loi à l'origine de la loi de 1988 qui a introduit les procédures simplifiées prévoyait de confier l'instruction au ministère public, mais ces dispositions ont été supprimées dès le début de la discussion parlementaire.

* (3) Le code pénal espagnol sépare les infractions en deux catégories : les fautes et les délits, qui sont les plus graves.

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