Service des études juridiques (octobre 2007)
NOTE DE SYNTHÈSE
En France, le viol , que le code pénal définit comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » est un crime . Il est puni de quinze ans de réclusion. Dans certains cas cependant, et notamment lorsque la victime est âgée de moins de quinze ans, le viol est puni de vingt ans de réclusion.
Le code de procédure pénale fait dépendre le délai de prescription de l'action publique de la qualification de l'infraction. Comme pour les autres crimes qui ne sont pas imprescriptibles, en matière de viol, ce délai est de dix ans à partir du jour où l'infraction a été commise. Toutefois, lorsque la victime a moins de quinze ans, le code de procédure pénale prévoit une règle doublement dérogatoire : le délai de prescription ne commence à courir qu'à partir du jour où la victime est majeure, et sa durée est de vingt ans. La première dérogation a été introduite par la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance, mais son application était alors limitée aux infractions commises par les ascendants ainsi que par toute personne ayant autorité sur la victime. La loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs l'a ensuite élargie à toutes les infractions sexuelles commises sur des mineurs, quel qu'en soit l'auteur. La seconde dérogation résulte de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Certains suggèrent d'allonger à trente ans le délai de prescription de l'action publique pour le viol de mineurs, voire de rendre cette infraction imprescriptible.
Dans ces conditions, il a paru pertinent d'examiner les règles applicables dans les principaux pays européens. On a donc recherché la durée et le point de départ du délai de prescription de l'action publique en matière de viol dans neuf pays : l'Allemagne, l'Angleterre et le pays de Galles, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, la Pologne et la Suisse.
Le cas des mineurs a été traité à part, étant entendu que l'âge de la majorité sexuelle , c'est-à-dire l'âge à partir duquel un jeune peut entretenir des relations sexuelles sans que son partenaire commette une infraction pénale, ne correspond pas à celui de la majorité civile et varie d'un pays à l'autre. L'âge de la majorité sexuelle a donc été précisé pour chacun des neuf pays retenus.
Les législations étrangères ne retiennent pas toutes la même définition du viol que le code pénal français, en particulier en ce qui concerne les jeunes victimes. Toutefois, pour faciliter les comparaisons, on a appelé « viol » l'infraction qui correspond à la définition française.
Les dispositions particulières à l'inceste n'ont pas été analysées, non plus que les conditions dans lesquelles le délai de prescription est interrompu.
L'étude des dispositions étrangères fait apparaître que :
- s'agissant du viol d'une personne qui a atteint l'âge de la majorité sexuelle, presque tous les pays étudiés prévoient un délai de prescription plus long que la France...
- ...la situation est inversée lorsque la victime est un jeune.
1) Presque tous les pays étudiés prévoient un délai de prescription plus long que la France en cas de viol d'une personne qui a atteint l'âge de la majorité sexuelle
Dans tous les pays étudiés, la durée du délai de prescription est fixée conformément aux règles de droit commun, c'est-à-dire en fonction soit de la nature de l'infraction soit de la peine applicable.
Comme en France, ce délai est de dix ans en Belgique ainsi qu'en Italie.
En revanche, il est plus long dans tous les autres pays . Il s'établit en effet à quinze ans au Danemark, en Espagne, en Pologne ainsi qu'en Suisse, et à vingt ans en Allemagne et aux Pays-Bas.
En Angleterre et au pays de Galles, les infractions les plus graves sont imprescriptibles , à moins qu'une disposition législative spécifique n'en dispose autrement. L'ancienneté de l'infraction constitue toutefois un motif d'abandon des poursuites, qui est d'autant moins facilement retenu que l'infraction est grave.
2) Les règles françaises relatives au délai de prescription en matière de viol de mineurs apparaissent plus protectrices des jeunes que celles de la plupart des autres pays
Cette affirmation vaut aussi bien pour la longueur que pour le point de départ du délai de prescription.
a) Le délai de prescription est en général plus court qu'en France
La France et l'Italie sont les deux seuls pays qui prévoient des délais de prescription différents selon que la victime a ou non atteint l'âge de la majorité sexuelle. En Italie, le délai de prescription de l'action pénale en cas de viol s'établit en effet à douze ou quatorze ans suivant que la victime a au moins dix ans ou moins de dix ans.
Dans tous les autres pays, le délai de prescription est indépendant de l'âge de la victime. Pour le viol de mineurs, il est donc de vingt ans dans seulement deux pays : l'Allemagne et les Pays-Bas. Il est plus court dans tous les autres pays : dix ans en Belgique et quinze ans au Danemark, en Espagne, en Pologne ainsi qu'en Suisse.
Quant au principe anglais d'imprescriptibilité des poursuites pour les infractions les plus graves, il trouve sa pleine application dans le cas du viol de mineurs.
b) Plusieurs pays ne repoussent pas le point de départ du délai de prescription à l'âge de la majorité sexuelle
En règle générale, le point de départ du délai de prescription est, comme en France, fixé au dix-huitième anniversaire de la victime . C'est le cas en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Espagne et aux Pays-Bas . C'est à partir du milieu des années 90 que cette disposition a été introduite dans ces cinq pays.
En revanche, l'Italie et la Pologne appliquent la même règle que pour le viol de majeurs, de sorte que le délai de prescription commence lorsque cesse l'infraction. La Suisse applique également cette règle, à laquelle le législateur a cependant apporté un correctif en 2002 : le délai de prescription ne peut s'achever avant le vingt-cinquième anniversaire de la victime. Par ailleurs, un projet de loi en cours d'élaboration prévoit de reporter le point de départ du délai de prescription au dix-huitième anniversaire.
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Si l'on excepte le cas particulier de l'Angleterre et du pays de Galles, où les infractions les plus graves sont en principe imprescriptibles, aucun pays n'a introduit un délai de prescription de l'action publique supérieur à vingt ans pour le viol, et ce quel que soit l'âge de la victime.