SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Mai 2007)
NOTE DE SYNTHESE
En France, la copropriété, c'est-à-dire l'organisation d'un immeuble ou d'un ensemble immobilier dont « la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes », fonctionne sous le régime de l' indivision forcée . Elle est régie par les dispositions, très strictes, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et par celles du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi de 1965, ces deux textes ayant été modifiés à plusieurs reprises depuis leur adoption.
L'ensemble des copropriétaires forme le syndicat des copropriétaires , qui est doté de la personnalité juridique et a pour objet « la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes ». Le syndicat des copropriétaires assure donc la défense des intérêts collectifs. Il se réunit au moins une fois par an en assemblée générale pour prendre les principales décisions nécessaires au bon fonctionnement de la copropriété, en particulier pour voter le budget annuel. En assemblée générale, chaque copropriétaire détient autant de voix qu'il possède de tantièmes dans les parties communes de la copropriété.
Le syndicat des copropriétaires mandate un syndic qui gère l'immeuble et les équipements collectifs. Chargé d'exécuter les décisions de l'assemblée générale et d'appliquer le règlement de copropriété, le syndic « représente le syndicat des copropriétaires dans tous les actes civils et en justice ». Le syndic peut être un professionnel ou un copropriétaire.
Dans toute copropriété, un conseil syndical , dont le rôle est purement consultatif, « assiste le syndic et contrôle sa gestion ». Ses membres sont élus par l'assemblée générale parmi les copropriétaires.
D'après l'enquête menée en 2002 par l'INSEE, le nombre de logements en copropriété s'élève en France à plus de 7,5 millions sur un total de 29,5 millions de logements. La copropriété représente donc le quart du parc immobilier. Bien qu'elle soit très développée dans notre pays, son fonctionnement est souvent critiqué. Certains copropriétaires déplorent le manque de compétences et de disponibilité des syndics, tandis que ces derniers regrettent le faible intérêt que les copropriétaires portent à la gestion de leur copropriété.
Ces critiques récurrentes et anciennes conduisent à s'interroger sur la situation dans plusieurs pays européens, a priori confrontés au même besoin d'organiser la gestion des immeubles en copropriété.
Six pays ont été retenus : l'Allemagne, l'Angleterre et le pays de Galles, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas . Les textes législatifs et réglementaires régissant la copropriété dans ces six pays ont donc été analysés, de façon à identifier les organes de la copropriété, puis à définir les compétences respectives de chacun d'eux.
L'examen des dispositions étrangères fait ressortir :
- de grandes similitudes dans les structures de gestion des copropriétés ;
- des difficultés de fonctionnement, qui ont récemment entraîné des réformes dans presque tous les pays étudiés.
1) Des structures de gestion similaires
a) Dans chacun des pays étudiés, la copropriété relève d'un régime juridique particulier
Dans chacun des six pays retenus, un dispositif juridique particulier permet de concilier, au sein d'un immeuble donné, le droit de jouissance exclusif - ou la propriété privée - de certaines parties d'un immeuble et la propriété partagée des autres parties.
En Belgique, en Italie et aux Pays-Bas, les dispositions sur la copropriété sont incluses dans le code civil, tandis que, dans les trois autres pays, il existe une loi spécifique : loi sur la propriété d'appartements en Allemagne, loi sur la « propriété horizontale » en Espagne et loi sur la copropriété en Angleterre et au pays de Galles. L'application de la loi espagnole sur la propriété horizontale n'est obligatoire que lorsque le nombre de copropriétaires dépasse quatre, les copropriétés plus petites pouvant être gérées comme des indivisions.
La loi anglaise , adoptée en 2002 et entrée en vigueur le 27 septembre 2004 , est la plus récente. Auparavant, la plupart des personnes occupant des appartements ne jouissaient pas de la pleine propriété de leur logement, mais étaient titulaires d'un bail à très long terme .
Il convient également de souligner que, dans plusieurs pays, les dispositions législatives et réglementaires ne sont pas impératives et que les textes fondateurs d'une copropriété donnée ou les accords passés entre les copropriétaires peuvent y déroger. Il en va ainsi en particulier en Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, ainsi qu'aux Pays-Bas.
En Angleterre et au pays de Galles, l'ensemble des copropriétaires constitue une société à responsabilité limitée , qui est propriétaire des parties communes. Ceci explique que les copropriétés anglaises soient non seulement régies par des dispositions spécifiques, mais aussi par certaines clauses du droit des sociétés. En particulier, la société propriétaire des parties communes est dirigée, comme toute société, par un conseil d'administration. En revanche, les copropriétaires forment une association en Belgique et aux Pays-Bas, et une entité sui generis dans les trois autres pays.
b) La gestion des copropriétés s'effectue partout de façon similaire, même si la loi espagnole attribue un rôle important au président
Dans chacun des six pays étudiés, l'administration de la copropriété revient aux copropriétaires , qui prennent leurs décisions à l'occasion d'une assemblée générale annuelle . Les règles de majorité sont variables : en général, les décisions les plus importantes requièrent une majorité qualifiée, voire l'unanimité.
Les copropriétaires délèguent à un administrateur l'exécution de leurs décisions ainsi que la gestion courante. En Angleterre et au pays de Galles, c'est le conseil d'administration de la société propriétaire des parties communes qui assume cette mission. La désignation d'un administrateur est obligatoire dans tous les pays, sauf en Italie, où seules les copropriétés comptant plus de quatre copropriétaires ont l'obligation d'en nommer un. Si l'on excepte les Pays-Bas, l'administrateur est choisi pour une durée limitée : un an en Espagne et en Italie, au plus cinq ans en Allemagne et en Belgique, tandis que le conseil d'administration est renouvelé chaque année par tiers en Angleterre et au pays de Galles.
Les copropriétaires peuvent être associés à la gestion courante par l'intermédiaire d'un conseil syndical ou d'une instance similaire. D'après les textes, la création d'un tel organe est facultative en Allemagne, en Belgique et en Italie. Cependant, elle est en pratique fréquente, au moins dans les copropriétés les plus importantes. En Angleterre et au pays de Galles, les textes ne définissent pas la composition du conseil d'administration de la société propriétaire des parties communes. Ce dernier peut donc comprendre uniquement des professionnels de l'immobilier ou inclure des associés - c'est-à-dire des copropriétaires - la seconde solution permettant de faire participer les copropriétaires à la gestion de l'immeuble.
En revanche, en Espagne et aux Pays-Bas, toute copropriété dispose obligatoirement d'un président, choisi par les copropriétaires en leur sein. Aux Pays-Bas, le rôle du président, nommé en assemblée générale pour une durée en principe indéterminée, est limité à la présidence de cette assemblée. En revanche, en Espagne, le président , choisi pour un an, joue un rôle important. C'est lui qui représente la copropriété dans tous les actes juridiques , en particulier devant les tribunaux. La personne qui a été désignée comme président ne peut pas démissionner. Elle ne peut se faire relever de ses fonctions que par le juge après avoir présenté une requête motivée. De plus, la loi confie au président les fonctions d'administrateur, tout en laissant à chaque copropriété la possibilité de nommer une autre personne, en particulier un professionnel.
2) Les difficultés de fonctionnement ont entraîné des réformes au cours des dernières années
Si l'on ne tient pas compte du cas anglais, puisque la loi est très récente, quatre des cinq autres pays ont récemment modifié leur loi sur la copropriété.
En Allemagne, la loi de 1951 sur la propriété d'appartements laisse aux copropriétés une grande liberté, de sorte qu'elle est applicable à des situations variées. Ceci explique qu'elle n'a été que peu modifiée. Toutefois, un projet de loi tendant à la réformer a été adopté par le Parlement le 16 février 2007. Ses dispositions, qui vont entrer en vigueur le 1 er juin 2007, visent en particulier à assouplir les règles de majorité, pour faciliter la prise de décision et par conséquent favoriser la rénovation des immeubles.
En Belgique, la loi du 30 juin 1994 modifiant et complétant les dispositions du code civil sur la copropriété a donné la personnalité morale à l'association des copropriétaires, afin de faciliter les actions en justice contre les copropriétaires.
En Espagne, la loi n° 49 du 21 juillet 1960 sur la « propriété horizontale » a été modifiée en 1999. La réforme de 1999 n'a pas affecté l'économie générale du dispositif contenu dans la loi de 1960. Elle a assoupli les règles de majorité et donné aux copropriétés les moyens de lutter contre les impayés, notamment en insérant la disposition selon laquelle les copropriétaires qui ont des dettes injustifiées envers la copropriété n'ont pas le droit de vote aux assemblées générales. Elle a également imposé la création d'un fonds de réserve.
Aux Pays-Bas, la dernière réforme, entrée en vigueur le 1 er mai 2005, vise à encourager les travaux de rénovation, notamment en facilitant la révision des textes fondateurs de la copropriété et en imposant la création d'un fonds de réserve, destiné à financer les dépenses exceptionnelles.
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L'analyse des législations étrangères montre, d'une part, la convergence des dispositions régissant la copropriété et, d'autre part, la similitude des difficultés rencontrées dans la gestion des immeubles en copropriété. Elle montre aussi que le modèle de la démocratie directe, qui sous-tend le fonctionnement de la copropriété, exclut toute responsabilité exécutive des copropriétaires, sauf en Angleterre et au pays de Galles, où le conseil d'administration de la société propriétaire des parties communes peut comprendre des copropriétaires, et en Espagne, où c'est un copropriétaire qui représente la copropriété dans tous les actes juridiques et exerce les fonctions d'administrateur, à moins que les copropriétaires n'aient pris une autre décision.