SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Septembre 2006)

NOTE DE SYNTHÈSE

Alors que l'ancien code pénal français exprimait les peines sous forme d'intervalles, le nouveau prévoit seulement une peine maximale pour chaque infraction . Dans une affaire donnée, le juge détermine donc la peine applicable dans la limite de ce plafond. Il dispose d'un large pouvoir d'appréciation en vertu du principe d'individualisation de la sanction , posé par l'article 132-24 du code pénal.

Ce principe fondamental n'est pas altéré par la prise en compte des circonstances aggravantes, puisque celles-ci ne se traduisent que par un alourdissement de la peine maximale encourue. En effet, pour diverses infractions, certaines circonstances aggravantes obligent le juge à prononcer une peine supérieure au maximum normalement applicable. Il n'existe aucune circonstance aggravante générale, de sorte que l'alourdissement de la peine n'est possible que s'il est explicitement prévu par le code pénal pour l'infraction considérée, le juge n'ayant aucune liberté d'appréciation une fois qu'il a constaté la présence d'une circonstance aggravante.

De même, en cas de récidive , l'aggravation de la peine encourue dépend de l'importance de l'infraction à l'origine de la condamnation précédente, de la gravité de la nouvelle infraction et, le cas échéant, du délai de récidive. Ainsi, lorsqu'une personne définitivement condamnée pour un crime ou un délit punissable de dix ans d'emprisonnement commet, dans le délai de dix ans, une infraction punie de la même façon, le maximum de la peine encourue est doublé.

Le principe d'individualisation des peines, incompatible avec les peines minimales obligatoires, a toutefois été entamé par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui a introduit dans le code pénal la disposition selon laquelle la peine d'emprisonnement prononcée ne doit pas être inférieure à un ou deux ans selon que la peine encourue est temporaire ou non.

Si l'instauration de peines minimales obligatoires a été tout particulièrement débattue lors de l'examen des dispositions de la proposition à l'origine de cette loi, elle est régulièrement évoquée en France, et l'on se réfère alors aux droits étrangers.

Le débat ainsi suscité fournit l'occasion d'examiner les choix faits, en Europe et hors d'Europe, par plusieurs pays représentatifs de traditions juridiques diverses : l'Allemagne, l'Angleterre et le pays de Galles, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, ainsi que l'Australie, le Canada et les États-Unis. S'agissant de l'Australie, où la répression de la plupart des infractions relève du droit pénal des États, c'est la législation du Territoire du Nord qui a été analysée, car un régime de peines minimales obligatoires particulièrement sévères y a été appliqué entre 1997 et 2001. En revanche, en ce qui concerne les États-Unis, ce sont les dispositions fédérales qui ont été étudiées, parce que les règles adoptées par les différents États obéissent aux mêmes principes.

Pour chacun des dispositifs retenus, deux points ont été successivement examinés :

- les principes généraux qui président à la détermination de la peine , en précisant de quelle façon les circonstances de l'infraction et la récidive peuvent modifier la sanction encourue ;

- le champ d'application et la teneur des peines minimales obligatoires .

Les dispositions spécifiques applicables aux cas particuliers (concours d'infractions, personnes dont la responsabilité pénale est atténuée, mineurs, etc.) n'ont pas été analysées. En outre, l'étude porte uniquement sur les peines prononcées, et non sur les peines exécutées.

L'analyse des législations étrangères fait apparaître que :

- dans les pays anglo-saxons, bien que la loi fixe en général la peine maximale applicable à chaque infraction, des peines minimales obligatoires ont été instituées ;

- sans nécessairement avoir instauré des peines minimales obligatoires stricto sensu , l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie imposent au juge de nombreuses contraintes lors de la détermination de la sanction ;

- les Pays-Bas accordent un grand pouvoir d'appréciation au juge et ignorent les peines minimales obligatoires.

1) Alors que les peines minimales obligatoires semblent incompatibles avec leurs principes généraux de détermination de la peine, les pays anglo-saxons ont institué de telles sanctions

a) À l'exception du code fédéral américain, les textes anglo-saxons donnent au juge une assez grande liberté dans la détermination de la peine

En Angleterre et au pays de Galles, en Australie, au Canada et aux États-Unis, les textes associent à la plupart des infractions une peine maximale. A priori , le juge dispose donc d'une certaine liberté d'appréciation , sous réserve de respecter le principe de proportionnalité, de tenir compte des caractéristiques particulières de l'infraction ainsi que de la personnalité du délinquant, de veiller à l'harmonie de la jurisprudence, etc.

Aux États-Unis, les dispositions générales du code fédéral sur les condamnations réduisent considérablement la liberté d'appréciation du juge, puisque celui-ci a l'obligation de prononcer une peine correspondant à des directives fédérales, établies par une agence indépendante et approuvées par le Congrès. Rédigées à partir de l'analyse de la jurisprudence, ces directives déterminent la nature et le quantum des peines applicables à environ 2 000 infractions. Toutefois, le 12 janvier 2005, la Cour suprême a décidé que l'application obligatoire des directives fédérales violait le droit d'être jugé par un jury, prévu par la Constitution. Depuis lors, les directives n'ont plus qu'une valeur indicative.

b) Des peines minimales obligatoires ont été instituées plus ou moins récemment dans tous les pays anglo-saxons

Outre la forme particulière de peine obligatoire que constitue la réclusion à perpétuité, prononcée à l'encontre des auteurs des assassinats, voire des récidivistes auteurs des crimes les plus violents ainsi que des infractions sexuelles sur les mineurs les plus graves, des peines minimales obligatoires existent - ou ont existé - dans tous les pays anglo-saxons étudiés.

C'est notamment le cas aux États-Unis, où les premières de ces peines ont été introduites dans le droit fédéral il y a plus de 200 ans et où des peines minimales obligatoires sont actuellement applicables dans plus de cent cas. Ainsi, le juge doit prononcer la réclusion à perpétuité à l'encontre des récidivistes auteurs des crimes violents les plus graves et de certaines infractions sexuelles commises sur des mineurs. La plupart des autres peines minimales obligatoires ont trait au trafic de stupéfiants ainsi qu'aux armes à feu.

Suivant cet exemple, le Canada, les divers États australiens - parmi lesquels le Territoire du Nord - ainsi que l'Angleterre et le pays de Galles ont récemment introduit des peines minimales obligatoires.

Au Canada, le code pénal associe des peines minimales obligatoires à une quarantaine d'infractions . Les premières de ces peines, applicables aux auteurs d'infractions contre les personnes réalisées avec une arme à feu, ont été instituées dès 1977. Ainsi, une peine minimale obligatoire de quatre ans de prison sanctionne les auteurs de certaines infractions graves (tentative de meurtre, agression sexuelle, enlèvement, etc.), lorsque celles-ci sont réalisées à l'aide d'une arme à feu. D'autres peines minimales obligatoires ont été ajoutées ensuite : en particulier pour sanctionner les personnes coupables de certains infractions sexuelles commises sur des mineurs ainsi que les récidivistes de diverses infractions, telles la possession non autorisée d'une arme à feu, ou la conduite sous l'emprise d'alcool ou de produits stupéfiants. Ces derniers se voient par exemple infliger une peine minimale obligatoire de prison de 14 jours à la première récidive et de 90 jours en cas de nouvelle récidive.

De plus, le gouvernement actuel, investi après les élections du 23 janvier 2006, a déposé le 4 mai 2006 à la Chambre des communes un projet de loi qui vise à alourdir les peines minimales obligatoires existantes et à en créer de nouvelles.

En revanche, en Australie, le Territoire du Nord a abrogé en 2001 les peines minimales obligatoires qui avaient été instituées en 1996 pour sanctionner les auteurs de certaines infractions contre les biens , telles la violation intentionnelle du domicile, l'utilisation illicite de véhicules à moteur, le vol ou le recel. La durée minimale de la peine d'emprisonnement était de 14 jours pour la première infraction, de 90 jours pour la deuxième, et de 12 mois pour les récidives ultérieures.

En 1997, le législateur anglais a introduit des peines minimales obligatoires pour sanctionner les récidivistes de certaines infractions . Ces dispositions ont été modifiées ensuite, de sorte que de telles peines sont actuellement applicables non seulement à certains récidivistes (les auteurs des infractions relatives au trafic de stupéfiants les plus graves ainsi que des vols avec effraction), mais aussi aux détenteurs d'armes prohibées. Dans tous les cas cependant, le juge a la possibilité de ne pas prononcer la peine minimale obligatoire s'il estime cette dernière injuste.

2) Sans nécessairement avoir institué des peines minimales obligatoires au sens strict, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie imposent au juge de nombreuses contraintes pour déterminer la peine

Dans ces trois pays, les cas où le code pénal prescrit une peine déterminée sont rares. Ainsi, en Allemagne, le meurtre est impérativement puni de la réclusion à perpétuité dans quelques cas, par exemple lorsque des moyens particulièrement cruels ont été employés ou lorsque l'auteur a agi par cupidité. De même, en Italie, l'homicide est puni d'un emprisonnement d'au moins vingt ans et, en présence de certaines circonstances aggravantes, comme la préméditation ou l'empoisonnement, de la réclusion à perpétuité.

Cependant, la liberté du juge pour fixer la peine est limitée : en Allemagne comme en Espagne et en Italie, le code pénal associe à la plupart des infractions à la fois une peine minimale et une peine maximale. De plus, au moment de déterminer la peine, le juge a l'obligation de prendre en compte certains éléments (les mobiles de l'infraction, les conditions de vie du délinquant avant l'infraction, etc.) et d'appliquer des dispositions très détaillées portant à la fois sur la nature des circonstances atténuantes et sur les conséquences de celles-ci .

Par ailleurs, plusieurs articles du code pénal allemand prévoient une peine minimale : ils associent à certaines infractions une peine qui ne peut pas être inférieure à un certain quantum. C'est notamment le cas de plusieurs infractions considérées comme particulièrement graves, telles les infractions sexuelles commises sur les mineurs. Le code pénal impose également une peine minimale aux auteurs de certaines infractions aggravées, comme l'incendie volontaire d'un immeuble d'habitation.

3) Les Pays-Bas accordent un grand pouvoir d'appréciation au juge et ignorent les peines minimales obligatoires

Pour chaque infraction, le code pénal néerlandais indique la peine maximale encourue, mais il ne prévoit pas de peine minimale. De surcroît, il accorde au juge, qui jouit par ailleurs d'une assez grande liberté pour apprécier les circonstances dans lesquelles les infractions ont lieu, la possibilité de n'infliger aucune sanction lorsqu'il l'estime opportun.

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Les peines minimales obligatoires existent ou ont existé dans tous les pays étudiés, à l'exception des Pays-Bas. L'opinion publique y est en général favorable, à la différence des juristes.

Ainsi, les dispositions sur les peines minimales obligatoires du Territoire du Nord australien, en vigueur entre 1997 et 2001 et qui étaient particulièrement sévères, ont été évaluées. Le rapport sur l'application des peines minimales obligatoires, publié en 2003, concluait notamment que ces mesures avaient touché de façon disproportionnée les délinquants autochtones, abouti à une modification significative des jugements prononcés à l'encontre des primo-délinquants et augmenté la population carcérale, sans pour autant représenter un moyen efficace de dissuasion.

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