SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (mai 2005)

NOTE DE SYNTHÈSE

La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a instauré en France une nouvelle procédure destinée à accélérer le traitement des affaires devant les juridictions pénales, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité , inspirée du plaider-coupable anglo-saxon.

Quelques années auparavant, la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale avait, en instituant la composition pénale , élargi le champ d'application de la transaction pénale, auparavant limité à un petit nombre d'infractions. La composition pénale permet au ministère public d'éteindre l'action publique avant même le déclenchement des poursuites, en proposant une transaction à une personne qui reconnaît avoir commis une infraction. La transaction peut par exemple consister à verser une amende ou à accomplir un travail d'intérêt général.

La comparution immédiate et la convocation par procès-verbal , créées toutes les deux en 1983 et dont le champ d'application a été étendu au fil du temps, constituent quant à elles deux modes de saisine simplifiée du tribunal correctionnel. Ces dispositifs sont utilisés lorsque l'ouverture d'une instruction ne semble pas nécessaire. La comparution immédiate, issue de l'ancienne procédure des flagrants délits, permet au ministère public de traduire sur-le-champ devant le tribunal correctionnel un suspect lorsque les charges apparaissent suffisantes. La convocation par procès-verbal s'est substituée au « rendez-vous judiciaire », qui avait été instauré en 1975 : par la remise d'un procès-verbal valant citation, cette procédure permet au ministère public d'inviter un suspect à comparaître dans un délai compris entre dix jours et deux mois.

Enfin, l'ordonnance pénale , introduite en 1972, permet de remplacer l'audience publique de jugement par une procédure écrite et non contradictoire. Initialement réservée aux contraventions de toute nature, l'ordonnance pénale est désormais également applicable à la plupart des délits prévus par le code de la route, grâce à la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation de la justice.

Au cours des dernières années, les procédures pénales simplifiées se sont donc multipliées et leur champ d'application s'est peu à peu étendu . Confrontés comme la France à la surcharge des tribunaux et à la nécessité de garantir la célérité de la procédure pénale, les pays qui nous entourent ont instauré des dispositifs similaires, que les travaux menés actuellement par la mission d'information de la commission des lois sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale donnent l'occasion d'analyser.

Pour chacun des pays retenus, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et le Portugal , les principales caractéristiques des procédures pénales accélérées ont été examinées.

Plus précisément, les points suivants ont été étudiés :

- le champ d'application des procédures pénales accélérées ;

- la partie à l'initiative de laquelle elles sont mises en oeuvre ;

- l'objet et les conséquences de ces procédures ;

- les possibilités de recours offertes à l'accusé contre le verdict.

Les procédures qui supposent une reconnaissance préalable de culpabilité - elles jouent un rôle essentiel dans les pays anglo-saxons - ayant fait l'objet d'une étude récente (LC 122, de mai 2003), le présent document ne les prend pas en compte. Il ne traite pas non plus ni les procédures transactionnelles, qui évitent l'ouverture d'une procédure pénale stricto sensu , ni les procédures spécifiques applicables aux mineurs.

Il analyse donc les dispositifs suivants : la procédure accélérée et l'ordonnance pénale pour l'Allemagne ; la convocation par procès-verbal et la comparution immédiate pour la Belgique ; la procédure abrégée et la procédure rapide pour l'Espagne ; le jugement direct, le jugement immédiat et l'ordonnance pénale pour l'Italie ; la procédure sommaire, la procédure abrégée et la procédure très sommaire pour le Portugal.

L'examen des législations étrangères fait apparaître que l'accélération de la procédure pénale résulte principalement de trois mécanismes , les deux derniers étant fréquemment combinés :

- le remplacement de la procédure orale par une procédure écrite ;

- la suppression de l'une des phases du procès ;

- la simplification de la procédure tout au long du procès.

1) L'Allemagne, l'Italie et le Portugal disposent d'une procédure écrite pour le jugement des petites affaires

Née en Allemagne, où elle est très utilisée, l'ordonnance pénale a été adoptée par l'Italie et par le Portugal.

Dans ces trois pays, le champ d'application de cette procédure est limité aux affaires les moins importantes : aucune peine de prison ferme ne peut être prononcée par voie d'ordonnance pénale.

Le dispositif repose partout sur le même principe : le ministère public demande au juge de prononcer la peine qu'il propose . Le juge peut refuser le recours à la procédure écrite, mais, s'il l'accepte, il ne peut s'écarter de la proposition du ministère public qu'avec l'accord de ce dernier. De son côté, l'accusé peut, dans un délai partout fixé à quinze jours, s'opposer à l'ordonnance pénale et demander à être jugé selon la procédure de droit commun, voire selon une autre procédure accélérée. En Italie, la réduction de peine associée à la mise en oeuvre de l'ordonnance pénale constitue une forte incitation à accepter ce dispositif.

2) Les autres procédures pénales accélérées reposent sur la suppression de l'une des phases du procès ou sur divers aménagements pendant toute la durée du procès

Bien que la plupart des procédures accélérées combinent ces deux éléments, il est possible de les classer schématiquement selon qu'elles privilégient l'un ou l'autre des facteurs d'accélération.

a) En Italie et en Allemagne, les procédures accélérées reposent essentiellement sur la suppression de l'une des phases du procès

En adoptant le nouveau code de procédure pénale, entré en vigueur en 1989, le législateur italien a introduit de nombreux éléments caractéristiques du système accusatoire anglo-saxon, a priori source d'allongement du procès pénal. En même temps, il a donc multiplié les procédures simplifiées, parmi lesquelles le jugement direct et le jugement immédiat . Le premier est réservé aux cas de flagrant délit et d'aveux rapides, tandis que le second ne peut être mis en oeuvre que si la preuve de l'infraction paraît « évidente » au ministère public.

Dans les deux cas, le législateur a estimé que l'évidence probatoire rendait superflu le contrôle de la mise en accusation . Par conséquent, l'audience préliminaire , au cours de laquelle une ordonnance de non-lieu ou de renvoi devant la juridiction de jugement est prise, est supprimée . Le jugement se déroule ensuite peu ou prou selon la procédure de droit commun.

De même, dans la procédure accélérée allemande, applicable lorsque la « simplicité des faits ou la clarté des éléments de preuve » justifie un traitement rapide, la phase intermédiaire, qui sépare la phase d'instruction de la phase de jugement, est supprimée. De plus, dans cette procédure, les autres formalités liées à l'ouverture du procès sont supprimées et les règles de preuve sont simplifiées.

b) En Belgique, en Espagne et au Portugal, les procédures accélérées reposent plutôt sur des aménagements procéduraux

Ces aménagements sont extrêmement variés. Toutefois, la limitation de la durée de certaines étapes de la procédure par l'instauration de délais stricts constitue la solution la plus fréquemment retenue.


• L'instauration de délais stricts

Dans la procédure rapide espagnole, notamment applicable aux infractions caractérisées par leur forte résonance sociale (violences conjugales ou cambriolages par exemple), la durée de chacune des étapes de la procédure est limitée de façon à ce que le verdict puisse être pris au plus tard un mois et demi après l'arrestation du suspect .

De même, dans la procédure accélérée allemande, l'audience de jugement commence au plus tard six semaines après que le ministère public a demandé au tribunal de recourir à ce dispositif, tandis que, dans la procédure abrégée portugaise, lorsque le débat sur les éléments de preuve est achevé, le temps de parole des diverses parties prenantes est limité.


• Les autres aménagements procéduraux

Dans la procédure abrégée espagnole ainsi que dans la procédure sommaire portugaise, toutes les étapes sont raccourcies, car les formalités sont limitées au minimum indispensable et, dans la procédure accélérée allemande, les règles de preuve sont simplifiées.

De même, en Belgique, la convocation par procès-verbal simplifie la saisine de la juridiction de jugement, puisque l'acte d'huissier est remplacé par une simple notification du ministère public à l'accusé. Pour améliorer l'efficacité de cette procédure, la loi du 13 avril 2005 modifiant diverses dispositions légales en matière pénale et de procédure pénale en vue de lutter contre l'arriéré judiciaire instaure en plus un délai maximal entre la comparution et le jugement.

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Les divers dispositifs étudiés illustrent bien la multiplicité des mesures strictement procédurales permettant d'accélérer le cours de la justice pénale . Il conviendrait d'y ajouter non seulement les procédures supposant une reconnaissance préalable de culpabilité, déjà mentionnées, mais aussi les mesures portant sur l'organisation judiciaire - développement du juge unique et attribution des affaires les moins graves à des juges non professionnels par exemple - ainsi que les procédés permettant purement et simplement d'éviter un procès pénal, comme le classement sans suite et la dépénalisation de certaines infractions.

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