SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Février 2005)
PORTUGAL
L'importance du problème a conduit à l'adoption de la loi n° 61 du 13 août 1991 sur la protection à apporter aux femmes victimes de violences , qui met l'accent sur les mesures de prévention et de soutien (campagnes de sensibilisation de l'opinion publique, distribution de brochures récapitulant les droits des femmes, création de lieux d'accueil des victimes...). Toutefois, faute de texte réglementaire, la plupart des dispositions de cette loi restent inappliquées. En janvier 1999, le conseil des ministres a adopté le programme INOVAR, qui cherche à améliorer les relations entre la police et certains groupes sociaux considérés comme particulièrement vulnérables, comme les femmes. En mai 1999, le conseil des ministres a approuvé le premier plan national contre la violence familiale , qui souligne la nécessité d'une politique globale. Il s'est traduit par plusieurs mesures, parmi lesquelles deux lois d'août 1999 : l'une prévoit la création d'un réseau de centres d'accueil pour les femmes et l'autre l'avance par l'État de l'indemnité due aux victimes de violences conjugales. Le deuxième plan national de lutte contre la violence familiale, applicable pour les années 2003 à 2006, énumère une série de mesures d'information, de sensibilisation, de prévention et de formation, certaines devant se traduire par des modifications législatives. |
1) La qualification pénale des violences conjugales
Lorsqu'elles ne relèvent ni des dispositions punissant les infractions sexuelles ni de l'article 144 du code pénal, relatif aux atteintes graves à l'intégrité physique d'une personne (8 ( * )) , les violences conjugales tombent sous le coup de l'article 152 du code pénal, qui sanctionne les mauvais traitements , physiques ou psychologiques , infligés à certaines catégories de personnes.
L'article 152 du code pénal, qui vise les mauvais traitements infligés non seulement au conjoint, au concubin ou au compagnon, mais aussi aux personnes qui se trouvent dans une situation d'infériorité, par exemple à cause de l'âge, de la maladie ou d'un handicap, prévoit une peine de prison :
- comprise entre trois et dix ans en cas de décès de la victime ;
- comprise entre deux et huit ans en cas d'atteinte grave à l'intégrité physique ;
- comprise entre un et cinq ans dans les autres cas.
Le projet de loi de réforme du code pénal, présenté en conseil des ministres le 24 juin 2004 (9 ( * )) , prévoyait de modifier le champ d'application de l'article 152 pour l'étendre à l'ex-conjoint.
2) Le déclenchement de la procédure pénale
L'article 152 du code pénal a été modifié en 2000 afin de permettre au ministère public de poursuivre l'infraction qu'il définit indépendamment de toute plainte de la victime : un tiers peut désormais dénoncer les mauvais traitements et les forces de police ont l'obligation de le faire dès qu'elles en ont connaissance.
3) Les mesures d'éloignement
a) Les mesures judiciaires
• Lorsqu'il condamne une personne au titre de
l'article 152 du code pénal, le juge peut, à titre de
peine complémentaire
, interdire à l'auteur des
violences d'entrer en contact avec la victime pendant une période d'au
plus deux ans. Cette interdiction peut notamment inclure l'éloignement
du domicile familial. Cette mesure est peu appliquée. Du reste, le
deuxième plan national de lutte contre la violence familiale
prévoit une sensibilisation des magistrats à cette
possibilité. D'après le projet de loi de réforme du code
pénal, présenté en conseil des ministres le 24 juin 2004
et qui prévoit notamment de modifier l'article 152, la durée
maximale de cette peine complémentaire serait portée à
cinq ans.
•
L'article 16 de la loi de
1991
sur la protection
à apporter aux
femmes
victimes
de
violences
dispose que
toute personne mise en
cause dans une affaire de violences conjugales peut, si elle n'est pas
placée en détention provisoire, faire l'objet d'une mesure
d'éloignement
lorsqu'elle réside avec la victime et que
cette cohabitation constitue un risque. Vu l'absence de règlement
permettant l'application de la loi de 1991, certains ont émis des doutes
sur la possibilité d'appliquer directement cette disposition. Le
Procureur général de la République a tranché ce
point le 10 février 1998 : il a demandé aux magistrats
de prononcer la mesure d'éloignement dès que les conditions
requises étaient réunies.
•
Le code de procédure
pénale
dispose que, lorsqu'une personne est mise en cause pour
une infraction punissable d'une peine de prison de plus de trois ans, le juge
peut lui interdire de séjourner dans certains lieux, l'endroit où
réside la victime par exemple. Cette mesure, susceptible de s'appliquer
en cas de violences conjugales, n'est que rarement mise en oeuvre et le
deuxième plan national de lutte contre la violence familiale
prévoit une sensibilisation des magistrats à cette
possibilité.
b) Les mesures policières
La police peut arrêter les auteurs de certaines agressions, mais, dans les cas de violences conjugales, elle ne dispose pas de compétences particulières pour éloigner l'agresseur de la victime.
4) Les autres dispositions
• La loi de 1991 sur la protection à
apporter aux femmes victimes de violences prévoyait la création
d'
unités
de police
spécialisées
dans l'accueil des victimes de violences
conjugales, mais cette mesure n'a pas été appliquée. En
revanche, dans le cadre du projet INOVAR, des sessions de sensibilisation des
forces de police ont été organisées, des locaux d'accueil
des victimes ont été aménagés et, dans les grandes
villes, des services de police ont été installés dans les
« maisons du citoyen », qui regroupent des
représentants de toutes les administrations et où il est possible
de réaliser toutes les démarches.
• La loi n° 107 du 3 août 1999
prévoyait la création d'un
réseau de
foyers et de centres d'accueil
pour les femmes victimes de
violences : chaque district
(10
(
*
))
devait en comporter un, et les agglomérations
de Lisbonne et de Porto chacune deux. Bien que le règlement
d'application de cette loi ait été publié en
décembre 2000, le réseau ne se constitue que très
lentement.
•
La loi n° 129 du
20 août 1999 prévoit que l'État avance aux
victimes de violences conjugales l'indemnité qui leur est
due
.
D'après cette loi, les victimes des infractions définies à l'article 152 du code pénal, c'est-à-dire en particulier les victimes de violences conjugales, peuvent bénéficier du paiement anticipé de l'aide qui leur est due, dans la mesure où l'infraction qu'elles ont subie les place dans une situation économique difficile. Les dossiers sont instruits au ministère de la justice par la Commission pour la protection des victimes d'infractions violentes, qui doit se prononcer dans le délai de dix jours, et l'indemnité doit être versée dans les dix jours qui suivent.
Le montant mensuel de l'indemnité est déterminé en fonction de la situation financière de la victime, dans la limite du salaire minimum . L'indemnité est versée pendant trois mois . La période de versement peut être portée à six mois en cas de besoin, voire à douze dans certains cas exceptionnels.
Si la victime obtient le remboursement du préjudice, l'État peut exiger le remboursement de l'avance. De plus, l'État est subrogé dans les droits de la victime contre le responsable.
Le deuxième plan national de lutte contre la violence familiale prévoit une réforme de la loi du 20 août 1999, mais sans en préciser les grandes lignes.
* (8) L'article 144 définit l'atteinte grave à l'intégrité physique par ses conséquences (perte d'un membre ou d'un organe, défiguration permanente, réduction de la capacité de travail, des capacités intellectuelles ou de procréation, perte des sens...). Il prévoit une peine de prison comprise entre deux et dix ans.
* (9) L'Assemblée de la République ayant été dissoute en décembre 2004, le premier ministre a présenté sa démission. Depuis cette date, conformément à la Constitution, le gouvernement ne traite que les affaires courantes.
* (10) Les districts sont des circonscriptions administratives de l'État. Ils sont au nombre de 18.