SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (juillet 2004)
ESPAGNE
L'article 24 de la Constitution reconnaît à toute personne « le droit d'obtenir la protection effective des juges et des tribunaux pour exercer ses droits et ses intérêts légitimes, sans qu'en aucun cas cette protection puisse lui être refusée », ainsi que le droit « de se défendre et de se faire assister par un avocat », l'article 119 précisant : « La justice sera gratuite lorsque la loi l'établira et dans tous les cas, pour tous ceux qui justifieront l'insuffisance de leurs ressources pour ester en justice. » La loi 1/1996 du 10 janvier 1996 relative à l'assistance juridique gratuite a uniformisé les systèmes d'aide juridictionnelle qui existaient auparavant dans différents domaines (civil, pénal, administratif...), étendu le champ de cette aide aux opérations préalables à un procès et introduit plus de flexibilité dans l'appréciation des ressources des bénéficiaires. Les modalités d'application de cette loi sont déterminées par le nouveau règlement de l'assistance juridique gratuite, qui a été approuvé par le décret royal 996/2003 du 25 juillet 2003. La loi de 1996 laisse aux communautés autonomes qui assument la gestion des moyens matériels nécessaires au fonctionnement de la justice la possibilité d'édicter leurs propres règles d'application. Cette faculté est toutefois limitée à certains articles de la loi, notamment aux dispositions financières. La loi 25/1986 du 24 décembre 1986 a supprimé tous les impôts et taxes concernant les actes d'état civil et les actes juridiques. |
I. L'AIDE JURIDICTIONNELLE
1) Les bénéficiaires
a) Les conditions générales
L'aide est accordée sans condition de nationalité. Elle peut même être octroyée aux étrangers qui ne résident pas légalement en Espagne en matière pénale ainsi qu'en matière administrative pour toute demande relative au droit d'asile.
b) Les conditions de ressources
À l'exception des salariés, qui peuvent bénéficier de l'aide juridique pour les litiges relatifs au droit du travail (9 ( * )) indépendamment de leurs revenus, les personnes souhaitant bénéficier de l'assistance juridique gratuite doivent faire preuve de l'insuffisance de leurs ressources . En règle générale, l'aide est totale. C'est seulement dans certaines circonstances exceptionnelles que l'aide est partielle.
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L'aide totale
Elle est attribuée lorsque le total des ressources du ménage ne dépasse pas le double du montant du salaire minimum interprofessionnel . Celui-ci a été fixé à 460,50 € par mois en 2004.
Lorsque la procédure pour laquelle l'aide est sollicitée oppose plusieurs personnes d'un même foyer, seules les ressources du demandeur sont prises en compte.
Les ressources sont évaluées en tenant compte des pensions et du patrimoine , ainsi que des signes extérieurs révélant la capacité financière réelle. Le fait d'être propriétaire de sa résidence principale ne constitue toutefois pas un obstacle à l'obtention de l'assistance juridique gratuite.
Dans le cadre de leurs compétences financières, certaines communautés autonomes ont étendu le bénéfice de l'assistance juridique gratuite aux femmes victimes de violences domestiques ou d'agressions sexuelles et aux mineurs victimes de mauvais traitements. Les intéressés n'ont donc pas à apporter la preuve de l'insuffisance de leurs ressources.
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L'aide partielle
À titre exceptionnel et compte tenu de la situation familiale, du nombre d'enfants ou de personnes à charge, de l'état de santé, des obligations financières et du coût du procès, l'assistance juridique peut être accordée si les ressources du demandeur dépassent le plafond, mais n'excèdent pas le quadruple du salaire minimum.
Dans ce cas, la commission d'assistance juridique précise les services fournis gratuitement au bénéficiaire et la participation laissée à sa charge.
2) La procédure
La demande doit être faite auprès du barreau du lieu où l'affaire est jugée ou auprès du juge du domicile du demandeur, qui la transmet au barreau territorialement compétent.
Le barreau instruit la demande et peut, le cas échéant, désigner un avocat à titre provisoire. Il transmet ensuite le dossier à la commission d'assistance juridique gratuite compétente, qui prend la décision définitive.
Il existe une commission d'assistance juridique gratuite dans chaque capitale de province. La commission centrale d'assistance juridique gratuite de Madrid est compétente pour les tribunaux dont la compétence s'étend à l'ensemble du pays.
Les commissions d'assistance juridique gratuite sont composées d'un représentant du ministère public, d'un représentant de l'ordre des avocats, d'un représentant de l'ordre des avoués et de deux représentants de l'administration.
Lorsqu'elle est accordée, l'aide s'étend à l'exécution des décisions judiciaires et, le cas échéant, aux recours formés après le procès, sans que le bénéficiaire ait besoin de déposer un nouveau dossier.
Il est possible de former un recours contre la décision de refus prise par la commission.
3) Le champ d'application
L'assistance juridique gratuite peut être accordée pour tout type de procédure , qu'elle relève du droit civil, pénal, administratif ou du droit du travail.
4) Les caractéristiques de l'aide
a) La nature de l'aide
L'assistance juridique gratuite couvre les honoraires de l'avocat et de l'avoué (10 ( * )) lorsque le concours de ces derniers est nécessaire.
Devant les juridictions civiles, l'intervention d'un avocat et d'un avoué n'est obligatoire que pour les litiges d'un montant supérieur à 900 €. Toutefois, lorsque la partie adverse est défendue par un avocat, le justiciable peut demander l'assistance juridique gratuite. Le juge peut également l'ordonner pour garantir l'égalité entre les parties.
L'assistance juridique gratuite couvre également les honoraires des experts, le cas échéant, ainsi que les frais de publication d'annonces dans des journaux d'annonces légales.
Elle entraîne également la dispense du paiement de la somme nécessaire à l'introduction de certains recours et une réduction de 80 % - voire la gratuité lorsque les revenus du demandeur sont inférieurs au salaire minimum - pour l'obtention des pièces officielles susceptibles d'être demandés par le juge.
Lorsque le bénéficiaire de l'assistance judiciaire est condamné aux dépens, il doit, si sa situation pécuniaire s'améliore dans le délai de trois ans suivant la fin du procès, rembourser les frais mis à sa charge, y compris ceux qui ont été engagés par la partie adverse. Ses revenus sont considérés comme s'étant améliorés s'ils dépassent le double du salaire minimum interprofessionnel.
Lorsque le jugement ne précise pas qui doit payer les dépens et que le bénéficiaire de l'assistance juridique gratuite a obtenu gain de cause, il doit rembourser les frais engagés pour sa défense à concurrence du tiers de la somme qu'il aura obtenue.
b) Le choix et l'indemnisation de l'avocat
C'est l'ordre des avocats qui désigne l'avocat selon un tour de rôle . Les avocats s'inscrivent sur le tour de rôle sur la base du volontariat , en précisant leur spécialité. Pour pouvoir prêter leur concours au service de l'assistance juridique gratuite, ils doivent avoir exercé pendant plus de trois ans. La désignation de l'avoué s'effectue selon des modalités similaires.
À condition de l'avoir expressément demandé en déposant son dossier, le bénéficiaire de l'assistance juridique gratuite a également la possibilité de choisir son avocat en dehors de la liste des professionnels inscrits au tour de rôle.
Seuls, les avocats désignés d'office en matière pénale ont la possibilité de se récuser.
L'État accorde une subvention aux barreaux des avocats et des avoués au titre de l'assistance juridique gratuite. Cette subvention couvre principalement les honoraires des avocats et des avoués, qui sont rémunérés selon un barème spécifique annexé au décret royal 996/2003 et précisant la rémunération correspondant aux différents types de procès. Ainsi, pour un procès en cour d'assises, l'avocat perçoit 300,51 € et pour une procédure civile relative à une détermination de paternité 200 €. Par ailleurs, une indemnisation pour frais de gestion est attribuée à chaque barreau en fonction du nombre de dossiers traités.
La subvention est versée aux conseils généraux des barreaux qui répartissent les fonds entre les professionnels qui participent à l'assistance juridique gratuite. Les intéressés reçoivent 70 % de leur rétribution au moment de leur désignation et le solde en fin de procédure.
Les sommes versées au titre de l'assistance juridique gratuite sont considérées par les professionnels comme nettement insuffisantes.
Dans les communautés autonomes qui ont édicté leur propre réglementation et qui financent l'assistance juridique gratuite, l'indemnisation est en règle générale nettement supérieure.
* (9) La nouvelle loi sur les procédures collectives, qui entrera en vigueur le 1 er septembre 2004, restreint le champ d'application de cette exception aux seuls litiges survenus dans le cadre d'une procédure collective.
* (10) L'avoué représente le demandeur, tandis que l'avocat assure la défense.