SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (février 2004)

ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES

Au milieu du XIX e siècle, la jurisprudence a reconnu l'irresponsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux. Ce principe a été intégré dans la législation dès la fin du XIX e siècle.

Actuellement, les règles applicables à ces délinquants résultent principalement de quatre textes :

- la loi de 1883 relative au jugement des aliénés ;

- la loi de 1964 sur la procédure pénale applicable aux aliénés, qui a notamment modifié la loi de 1883 ;

- la loi de 1983 sur les malades mentaux ;

- la loi de 1991 sur l'incapacité des aliénés à plaider.

1) L'irresponsabilité pour troubles mentaux

Elle peut être reconnue à trois stades de la procédure :

- avant le procès ;

- à l'ouverture du procès ;

- au cours du procès.

Avant le procès

Au vu du rapport de deux médecins, le ministre de l'Intérieur peut ordonner qu'un accusé placé en détention préventive soit transféré dans un établissement psychiatrique. S'il ne parvient pas à être soigné, l'intéressé échappe définitivement à tout jugement.

À l'ouverture du procès

Lorsque l'accusé paraît incapable de comprendre la procédure, la loi de 1964 sur la procédure pénale applicable aux aliénés prévoit qu'un jury spécifique tranche la question de la capacité de l'intéressé à participer au procès. Ce jury ne peut se prononcer sans le témoignage de deux médecins, l'un d'entre eux devant être un psychiatre agréé. L'accusé peut être déclaré « incapable de plaider » et le procès n'a pas lieu.

Au cours du procès

D'après la loi de 1883 sur le jugement des aliénés, s'il apparaît , au cours d'un procès, que la personne mise en cause avait perdu la raison au moment des faits et qu'elle ne peut donc pas être tenue pour responsable, le jury doit prononcer un verdict de « non-culpabilité pour aliénation mentale ».

La définition juridique de l'aliénation mentale est celle que la jurisprudence a donnée en 1843 dans l'affaire M'Naghten (1 ( * )) . Pour être retenue comme cause d'irresponsabilité pénale, l'aliénation mentale doit répondre à trois critères. Il doit s'agir :

- d'une absence de discernement, et non simple d'une défaillance passagère ;

- résultant d'une maladie mentale ;

- et se traduisant soit par le fait que l'auteur de l'acte ignore la nature et le sens de ses gestes soit par le fait qu'il ne se rend pas compte qu'il commet une infraction.

La « maladie mentale » au sens juridique ne correspond pas nécessairement à la définition médicale. Toute maladie susceptible d'affecter la capacité de raisonnement, la mémoire ou la compréhension peut être considérée par le juge comme une maladie mentale. Ainsi, l'artériosclérose a pu justifier l'exclusion de la responsabilité pénale. En revanche, les états seconds provoqués par des causes exogènes (commotion cérébrale due à un choc, ivresse ou intoxication médicamenteuse non voulue...) ne relèvent pas de l'aliénation mentale mais de l'« automatisme », qui empêche la personne de contrôler ses actes. La reconnaissance de cet état entraîne l'acquittement.

Toutefois, l'évolution législative a effacé la différence entre les conceptions juridique et médicale de la maladie mentale. En effet, la loi de 1991 sur l'incapacité des aliénés à plaider précise qu'un verdict de non-culpabilité requiert la preuve, orale ou écrite, de deux médecins, l'un d'entre eux devant être un psychiatre agréé.

Les règles jurisprudentielles établies à la suite de l'affaire M'Naghten précisent que toute personne est présumée saine d'esprit jusqu'à preuve du contraire, de sorte qu'il appartient à la défense d'apporter la preuve de son aliénation mentale.

L'application des critères M'Naghten, unanimement considérés comme très restrictifs, empêche de nombreuses déclarations d'irresponsabilité pénale. En règle générale, moins de dix verdicts de non-culpabilité pour aliénation mentale sont prononcés chaque année. Cette situation est critiquée depuis de nombreuses années et plusieurs propositions de réforme ont été présentées. Aucune n'a abouti jusqu'à maintenant, si ce n'est la reconnaissance de l'atténuation de responsabilité dans certains cas d'homicide. En effet, la loi de 1957 relative à l'homicide prévoit que la qualification d'homicide involontaire ne peut pas être retenue contre une personne dont la responsabilité mentale est « gravement altérée », à cause d'une anomalie psychique résultant d'une déficience innée ou d'une maladie.

* *

*

Les différentes règles exposées ci-dessus ne s'appliquent qu'aux infractions les plus graves relevant de la Crown Court , où elles sont jugées par un jury assisté d'un magistrat, le jury tranchant sur la culpabilité avant que le magistrat ne fixe la peine.

Les autres infractions sont jugées par les juges non professionnels, les magistrates . Ces derniers ont la possibilité de prononcer une sanction pénale ou une autre mesure en fonction des circonstances et n'ont pas l'obligation de prononcer un verdict de non-culpabilité avant de prendre une décision autre qu'une sanction pénale.

2) Les mesures appliquées aux délinquants atteints de troubles mentaux

En cas d'irresponsabilité d'un délinquant pour troubles mentaux, le juge dispose de plusieurs possibilités.

Il peut décider :

- le placement dans un établissement psychiatrique ;

- la mise sous tutelle des services sociaux ;

- un traitement adapté ;

- la mise en liberté pure et simple.

Le placement en hôpital psychiatrique ne peut être prononcé qu'à l'encontre des auteurs d'infractions entraînant en principe une peine de prison (2 ( * )) . Une telle décision ne peut être prise que si elle apparaît la plus adaptée à la situation et si elle est recommandée par deux médecins. La durée du placement est en principe limitée. Cependant, la Crown Court peut, pour autant que l'intérêt général le requière, prévoir un internement d'une durée illimitée ou subordonner la sortie du malade à certaines conditions. L'application des conditions particulières est, tout comme le caractère illimité du placement, contrôlée par le ministre de l'Intérieur. Les magistrates prononcent seulement des décisions de placement de durée limitée sans pouvoir imposer de conditions supplémentaires.

Une fois dans l'établissement, le délinquant est traité comme tous les autres patients internés. Ainsi, s'il estime son internement injustifié, il peut saisir l'une des trois commissions régionales (deux pour l'Angleterre et une pour le pays de Galles) chargées du contrôle de l'application de la loi de 1983 sur les malades mentaux.

Ces commissions sont composées de trois personnes : un juriste, un médecin (en principe un psychiatre) et une personnalité qualifiée, généralement spécialiste des services sociaux. Sans faire partie de l'ordre judiciaire, ces commissions exercent des fonctions juridictionnelles. Elles peuvent ordonner la sortie d'une personne si elles estiment que l'internement n'est plus justifié. Les malades qui décident de saisir ces commissions peuvent se faire assister d'un avocat et bénéficier de l'aide judiciaire.

* (1) Persuadé d'être persécuté par le parti conservateur, M'Naghten avait pointé son arme sur le Premier ministre Sir Robert Peel et tué le secrétaire particulier de ce dernier. Les expertises montrèrent que M'Naghten était victime d'hallucinations morbides, et que sa perception du bien et du mal en était altérée.

* (2) Le malade qui a commis un homicide est nécessairement placé en hôpital psychiatrique et des restrictions à sa libération doivent être prévues.

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