LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE A L'ECOLE
Pour commander ce document, cliquez ici |
SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (novembre 2003)
Disponible
au format Acrobat ( 73 Ko )
Table des matières
- NOTE DE SYNTHÈSE
- ALLEMAGNE
- BELGIQUE (Communauté française)
- DANEMARK
- ESPAGNE
- GRANDE-BRETAGNE
- PAYS-BAS
NOTE DE SYNTHÈSE
La
laïcité de l'école publique, la faible autonomie des
établissements scolaires et la traditionnelle volonté de
reconnaître des droits aux individus plutôt qu'aux groupes ou aux
minorités donnent au débat français sur le port du foulard
islamique à l'école un relief particulier.
Il n'est toutefois pas inutile d'examiner dans quelle mesure les autres pays
européens autorisent les élèves de confession musulmane
à porter le foulard à l'intérieur des
établissements d'enseignement public.
L'analyse de la situation en Allemagne, en Belgique (communauté
française), au Danemark, en Espagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas
montre que :
- c'est dans la communauté française de Belgique que les
litiges relatifs au port du foulard par des élèves de confession
musulmane ont été proportionnellement les plus nombreux ;
- les revendications de certaines jeunes musulmanes ont récemment
conduit le ministre néerlandais de l'Éducation à rappeler
aux établissements scolaires les principes applicables.
1) C'est dans la communauté française de Belgique que les litiges
relatifs au port du foulard par des élèves de confession
musulmane ont été proportionnellement les plus nombreux
a) En Allemagne, au Danemark, en Espagne, en Grande-Bretagne et aux
Pays-Bas, le port du foulard islamique dans les établissements scolaires
a donné lieu à un petit nombre de procédures
administratives ou judiciaires
Dans ces cinq pays, le port du port du foulard islamique par des
élèves de confession musulmane
est
généralement admis, notamment dans les établissements
publics.
Cette attitude est motivée en Allemagne par le respect de la
liberté de croyance, au Danemark, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas par
la volonté de ne pas prendre de mesures discriminatoires, et en Espagne
par le souci d'assurer avant tout la scolarisation des élèves
d'origine étrangère.
b) Dans la communauté française de Belgique, où les
conflits sont plus nombreux, le débat n'est pas clos
Jusqu'à maintenant, le principe de neutralité de l'enseignement
public a été appliqué avec une souplesse telle que la
plupart des conflits ont pu être réglés à l'amiable.
Dans les affaires dont ils ont été saisis, les tribunaux ont
toujours fait prévaloir les principes d'égalité et de
neutralité de l'enseignement public sur la liberté religieuse et
donné tort aux plaignantes et à leurs familles.
Le port de « tenues complètes » de la part de
certaines élèves a conduit le ministre de l'Éducation
à s'exprimer en janvier 2002 pour l'interdiction du voile. Quelques
semaines plus tard, le gouvernement adoptait, à l'initiative du
Ministre-président, une position favorable au foulard. Le texte
publié précise que le port du foulard ne doit ni présenter
un caractère prosélyte ni empêcher le respect des principes
essentiels, comme la mixité. Le débat n'est cependant pas clos,
car la section administrative du Conseil d'État, consultée par le
Ministre-président, a décliné sa compétence, au
motif, d'une part, que la question était «
potentiellement
litigieuse
» et, d'autre part, que la section de
législation pouvait être amenée à se prononcer sur
la question.
2) Les revendications de certaines jeunes musulmanes ont récemment
conduit le ministre néerlandais de l'Éducation à rappeler
aux établissements scolaires les principes applicables
Le port du simple foulard est accepté aux Pays-Bas, où les
discriminations religieuses sont prohibées par la loi. Cependant, les
revendications de certaines élèves, désireuses de porter
des voiles couvrant la totalité du visage, ont récemment conduit
le ministre de l'Éducation à prendre position.
En juin 2003, il a rappelé aux établissements scolaires que leurs
prescriptions vestimentaires ne devaient pas être discriminatoires,
notamment sur le plan religieux. Aucun règlement intérieur ne
peut donc prévoir l'interdiction générale du foulard.
En même temps, le ministre a précisé que le
caractère discriminatoire d'une prescription vestimentaire était
justifié lorsqu'il reposait sur des considérations objectives,
comme par la nécessité d'identifier les élèves.
ALLEMAGNE
Considéré comme une manifestation de la
liberté
de croyance, garantie par la Loi fondamentale,
le port du foulard islamique
par les élèves de confession musulmane est admis.
|
Les
procédures administratives ou judiciaires relatives au port du foulard
islamique par les élèves sont rares. En août 1993,
contredisant les juridictions inférieures, le
Tribunal administratif
fédéral
a accepté la demande d'une collégienne
de treize ans de confession islamique d'être dispensée des
cours d'éducation physique, qui étaient mixtes.
Le Tribunal administratif fédéral a donné tort à la
cour d'appel et au tribunal de première instance. Ces derniers avaient
rejeté la demande de la jeune fille, sauf pour les séances de
natation, estimant qu'aucun motif exceptionnel particulier ne justifiait
qu'elle ne se conformât pas à l'obligation scolaire. Selon la cour
d'appel, le problème qui se posait à la collégienne
pouvait être aisément résolu par le port de vêtements
amples et adaptés à la pratique du sport.
Le Tribunal administratif fédéral a estimé qu'imposer de
revêtir des vêtements amples pour suivre les cours
d'éducation physique constituait une mise à l'écart
injustifiée et qu'il était donc fondé de la dispenser de
suivre ces cours, si ceux-ci ne pouvaient pas être assurés
séparément pour les garçons et pour les filles.
En revanche, dans un conflit opposant Mme Ludin, enseignante d'origine
afghane, au
Land
de Bade-Wurtemberg, le
Tribunal administratif
fédéral
avait confirmé en juillet 2002
l'interdiction du port du foulard islamique, en vertu du
principe
de
neutralité de l'école publique
.
Dans la décision qu'elle a rendue le
24 septembre 2003, la Cour
constitutionnelle fédérale
a estimé
que le port
du foulard par une enseignante n'était que potentiellement dangereux
pour la neutralité de l'école et
que seul le
législateur démocratiquement élu pouvait interdire le port
du foulard par les enseignantes
, en tenant compte des facteurs locaux
(composition de la population, traditions religieuses...). En l'absence
d'interdiction dans le
Land
de Bade-Wurtemberg, les autorités
éducatives n'avaient donc pas de raison de refuser un poste à
Mme Ludin.
Les ministres de l'Éducation des
Länder
, réunis les
10 et 11 octobre 2003, divergent sur les conclusions à tirer de la
décision de la Cour constitutionnelle. Sept d'entre eux
(Bade-Wurtemberg, Basse-Saxe, Bavière, Berlin, Brandebourg, Hesse et
Sarre) ont annoncé leur intention de légiférer pour
interdire aux enseignantes le port du foulard. Le
Land
de Brême
est encore indécis et les autres considèrent qu'il n'est pas
nécessaire d'intervenir.
BELGIQUE (Communauté française)
L'enseignement fait partie des compétences des
trois
communautés
française, flamande et germanophone.
|
Conformément à
l'article 24 de la
Constitution,
qui dispose que
«
la
communauté organise un enseignement qui est
neutre
»,
le décret du 31 mars 1994
définissant la neutralité dans l'enseignement public subordonne
l'exercice de la liberté religieuse au respect d'autres principes
généraux.
Il énonce ainsi à
l'article 3 :
«
Les élèves y sont entraînés
graduellement à la recherche personnelle ; ils sont motivés
à développer leurs connaissances raisonnées et objectives
et à exercer leur esprit critique.
»
L'école de la Communauté garantit à
l'élève ou à l'étudiant, eu égard à
son degré de maturité, le droit d'exprimer librement son opinion
sur toute question d'intérêt scolaire ou relative aux droits de
l'homme.
»
Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir
et de répandre des informations et des idées par tout moyen du
choix de l'élève et de l'étudiant, à la seule
condition que soient sauvegardés les droits de l'homme, la
réputation d'autrui, la sécurité nationale, l'ordre
public, la santé et la moralité publiques, et que soit
respecté le règlement intérieur de
l'établissement.
»
La liberté de manifester sa religion ou ses convictions
et la liberté d'association et de réunion sont soumises aux
mêmes conditions. »
Par ailleurs, le
décret du 24 juillet 1997 définissant
les missions prioritaires
de l'enseignement
public consacre le
principe d'égalité
. Il affirme notamment
qu'«
assurer à tous les élèves des chances
égales
d'émancipation sociale
» constitue un
objectif de l'enseignement et que, pour que cet objectif puisse être
atteint, chaque élève a «
l'obligation de participer
à toutes les activités liées à la certification
organisée par l'établissement et d'accomplir les tâches
qui en découlent
», ce qui exclut par exemple que des
jeunes filles qui portent le foulard soient dispensées des cours
d'éducation physique.
Même si les règlements de certains établissements
scolaires
(1(
*
))
interdisent le port de
tout couvre-chef, jusqu'à présent,
le port du foulard
islamique dans les écoles a suscité peu de procédures
judiciaires,
car les principes de neutralité et
d'égalité font l'objet d'une application particulièrement
souple : des compromis sont donc négociés entre les
établissements scolaires et les familles, par exemple pour n'interdire
le foulard que pendant certaines activités (travaux pratiques de chimie
ou gymnastique).
Plusieurs affaires ont cependant été portées devant les
tribunaux, qui se sont fondés sur les deux décrets
susmentionnés pour dénier aux jeunes filles de confession
musulmane le droit de déroger au règlement intérieur de
leur établissement et de porter le foulard.
Ainsi, le tribunal de grande instance de Bruxelles s'est prononcé le
11 décembre 1997 contre la réintégration de six
jeunes filles dans leur école, dont le règlement interdisait le
port de signes distinctifs. Le règlement précisait
«
Porter un
signe distinctif (vestimentaire ou
emblématique) est déjà donner
[...]
un message
porteur de certaines valeurs, ce qui est tout à fait contraire
à la déontologie
[...]
».
Le tribunal a
alors affirmé : «
dans notre État de droit, qui
n'est pas théocratique mais d'inspiration pluraliste, ces textes
coraniques et paroles prophétiques, pas plus que la bible,
l'évangile ou autres textes religieux, ne constituent une règle
de droit à laquelle les organes de l'État seraient
soumis.
»
Dans une affaire similaire, la cour d'appel de Liège avait, le
23 février 1995, déclaré : «
il
convient de rappeler qu'il a déjà été
jugé que l'interdiction du port d'insignes manifestant une opinion
politique, religieuse ou philosophique n'était pas manifestement
contraire à la liberté de conscience et de culte garantie aux
étudiants, lorsque ceci est appliqué sans discrimination et
repose sur des considérations objectives.
»
Il convient de souligner que ces décisions ont été rendues
en référé et que la Cour de cassation n'a pas eu
l'occasion de se prononcer.
Indépendamment de tout incident particulier, mais face au
développement, d'une part, du port du foulard sur les lieux de travail
et, d'autre part, de « tenues complètes » de la part
d'élèves de confession musulmane,
une polémique a
opposé au début de l'année 2002 le ministre de
l'Éducation et le Ministre-président de la communauté
française.
Le premier s'était exprimé en janvier 2002 pour l'interdiction du
port du foulard. En mai 2002, à l'initiative du second, le gouvernement
de la communauté adoptait une position commune favorable au foulard. Le
communiqué de presse publié le 16 mai 2002
énonçait : «
Il est important que,
dans
une démocratie pluraliste, toutes les religions et signes religieux
distinctifs soient traités sur un même plan au sein de
l'école. Des manifestations de tels signes doivent donc être
acceptées tant qu'elles ne sont pas assimilables à du
prosélytisme, ne résultent pas du fruit d'une pression subie en
ce sens par les intéressées et ne se heurtent pas à des
principes essentiels tels que la mixité des cours.
»
Le même texte précisait que le port du foulard devait être
interdit pendant les cours d'éducation physique et sur les photographies
des documents d'identité scolaires.
A la suite de cette polémique, le Ministre-président a, le 30 mai
2002, sollicité l'avis du Conseil d'État et du Centre pour
l'égalité des chances.
Le Conseil d'État a décliné sa compétence, mais
s'est référé à l'arrêt précité
de la cour d'appel de Liège du 23 février 1995 et à celui
de la Cour européenne des droits de l'homme du 15 février 2001
(2(
*
))
, qui nient la légitimité du port
du foulard dans les établissements publics d'enseignement. Quant au
Centre pour l'égalité des chances
(3(
*
))
, il a, en septembre 2002, rendu un avis motivé
dans lequel il ne se montre pas favorable à une interdiction de principe
du port de signes à connotation religieuse ou philosophique. Il estime
que la solution aux conflits ne peut être trouvée dans le droit,
mais que chaque cas doit être examiné séparément et
en dehors de tout climat passionnel.
DANEMARK
Le
port du foulard islamique dans les établissements d'enseignement est
admis.
|
La
traditionnelle tolérance des sociétés scandinaves
prévaut donc, notamment dans le
milieu scolaire, et les
dispositions qui interdisent toute discrimination s'y appliquent par analogie,
les éventuels conflits étant résolus au niveau local.
La loi du 12 juin 1996 portant interdiction de toute discrimination sur
le marché du travail
interdit notamment toute différence de
traitement fondée sur un critère religieux, tel que le port du
foulard. En août 2000, ce texte a été utilisé pour
la première fois dans une affaire relative au foulard islamique :
la cour d'appel de Copenhague a condamné un grand magasin d'Odense qui,
deux ans auparavant, avait renvoyé une jeune stagiaire de quinze ans qui
refusait d'enlever son foulard. L'employeur a été condamné
au versement de dommages et intérêts d'un montant de
10 000 couronnes (c'est-à-dire environ 1 350 €)
et au paiement des frais de procédure à hauteur de
25 000 couronnes (environ 3 500 €).
D'après le tribunal, les prescriptions vestimentaires du magasin
constituaient une forme de discrimination indirecte envers toutes les femmes de
confession musulmane. Du reste,
le programme du gouvernement pour une
meilleure intégration des minorités étrangères
,
publié en 2003, aborde la question du foulard et affirme que, à
moins de raisons liées à la sécurité ou à
l'hygiène, rien ne s'oppose à ce qu'une femme porte un foulard
sur son lieu de travail.
La société danoise dans son ensemble accepte le port du
foulard
, comme en témoigne une étude menée en 2001 par
le cabinet de consultants PLS RAMBOLL. D'après cette étude,
seulement :
- 17 % des personnes interrogées portaient un jugement
négatif sur le fait qu'une collègue porte un foulard ;
- 24 % déclaraient ne pas apprécier d'être
soignées par une infirmière portant un foulard ;
- 23 % faisaient la même observation pour une vendeuse.
Le plus fort pourcentage de personnes hostiles au foulard se trouvait parmi les
électeurs du
Dansk Folkeparti
(parti du peuple, de tendance
populiste).
La députée Louis Frevert, responsable pour les questions
d'éducation du
Dansk Folkeparti
, a annoncé pendant
l'été 2003 l'intention de son groupe politique de déposer
une
proposition de loi
tendant à interdire le port de
«
couvre-chefs à connotation culturelle
»
à l'école.
LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À L'ÉCOLE
ESPAGNE
L'enseignement relève de la compétence des
communautés autonomes et, dans la plupart d'entre elles, le port du
foulard dans les établissements publics d'enseignement s'est
développé sans qu'aucun débat ait lieu.
|
La
loi organique du 23 décembre 2002 relative à la
qualité de l'éducation,
dont les dispositions s'imposent aux
législateurs des communautés
autonomes,
fait du
«
respect de la liberté de conscience et des convictions
religieuses et morales
» un devoir des élèves, au
même titre que le travail scolaire.
Par ailleurs, dans son article consacré à
l'intégration
dans le système éducatif
, elle énonce que
«
les administrations chargées des questions
d'éducation favorisent l'intégration des élèves
provenant de pays étrangers dans le système
éducatif
» et que «
les élèves
étrangers ont les mêmes droits et devoirs que les
élèves espagnols. Leur intégration dans le système
éducatif suppose l'acceptation des règles de caractère
général, ainsi que celles des établissements qu'ils
fréquentent.
»
Deux décrets royaux du 26 janvier 1996, applicables par
défaut dans l'enseignement primaire et secondaire en l'absence de
mesures prises par les communautés autonomes, accordent aux conseils
d'établissement la compétence pour adopter le règlement
intérieur, qui peut notamment comporter des dispositions sur la tenue
vestimentaire.
Dans l'ensemble, le port du foulard est accepté par les
établissements scolaires. Toutefois, certains conflits ont eu lieu,
notamment dans le cas d'enfants contraints
(4(
*
))
de
s'inscrire dans un établissement privé. En effet, même
soutenus par des fonds publics, les établissements privés
peuvent, à la différence des établissements publics,
imposer un uniforme à leurs élèves.
Jusqu'à maintenant, les conflits de ce type se sont peu ou prou
transformés en débat sur le rôle respectif des
établissements publics et privés dans le système
éducatif, puisque les autorités éducatives locales ont
toujours pris la décision d'intégrer les élèves
concernées dans des établissements publics.
Le dernier conflit important remonte à février 2002. Il
concernait une jeune Marocaine de treize ans : l'établissement
catholique de la banlieue de Madrid qui devait l'accueillir lui ayant
refusé le port du foulard, elle a finalement été
dirigée vers un établissement public. Le ministre régional
de l'Éducation a fondé sa décision sur deux arguments :
l'existence, dans la communauté autonome de Madrid,
d'établissements scolaires autorisant le port du foulard et l'absence
d'interdiction explicite.
L'incident a suscité une polémique entre les responsables locaux
de l'éducation, partisans de la priorité à la
scolarisation obligatoire, et plusieurs personnalités nationales, parmi
lesquelles les ministres de l'Éducation et du Travail, ainsi que le
Défenseur du peuple (équivalent du Médiateur de la
République en France). La ministre de l'Éducation s'est
exprimée contre le port du foulard à l'école au motif que
l'assimilation des étrangers passait par l'acceptation des valeurs de la
société espagnole, et le ministre du Travail a comparé le
port du foulard à l'excision. Le Défenseur du peuple a, quant
à lui, souligné que de telles manifestations culturelles et
religieuses «
romp
[ai]
ent les critères
égalitaires qui doivent s'imposer dans la société
espagnole ».
Bien que les responsables éducatifs locaux aient, à plusieurs
reprises, souligné que l'existence de dispositions nationales sur la
tenue vestimentaire leur permettrait de résoudre plus facilement les
conflits,
le ministère national de l'Éducation n'entend pas
édicter de telles règles pour le moment.
GRANDE-BRETAGNE
Le
port du foulard est admis dans la plupart des établissements
d'enseignement.
|
Bien que
la plupart des écoles imposent un uniforme, le port du foulard, dans la
mesure où il est de la même couleur que les autres
vêtements, est accepté. Dans les régions où de
fortes minorités musulmanes sont implantées, le
phénomène du foulard islamique a même été
pris en compte par les règlements des établissements. Des
conflits ont cependant parfois lieu, par exemple lorsqu'une jeune fille se
présente avec la tête couverte d'un foulard ne correspondant pas
au modèle prévu par le règlement de l'école.
Le
ministère de l'Éducation
, dans ses instructions
relatives à l'uniforme, précise que les établissements
scolaires doivent être «
sensibles aux
besoins des
différentes cultures, races et religions
» et qu'ils
doivent notamment accepter les tenues islamiques ainsi que les turbans des
jeunes sikhs.
La Commission pour l'égalité raciale
est l'instance
chargée de veiller au respect de la loi de 1976 qui interdit les
discriminations fondées sur la race, sur la nationalité, ou sur
l'origine ethnique ou nationale. Les questions religieuses ne font donc en
principe pas partie de ses attributions. Elle
a eu toutefois l'occasion de
s'exprimer sur le port du foulard
islamique à l'école
dès la fin des années 80
. Elle a alors estimé que
l'interdiction du foulard constituait une
discrimination raciale
indirecte
, car une telle mesure affecte «
de
façon disproportionnée
» la population
originaire du sous-continent indien. Depuis lors, son code de bonne conduite
pour l'élimination de la discrimination raciale à l'école
dispose que toute prescription vestimentaire qui entraîne la mise
à l'écart d'un élève pour des raisons religieuses
ou culturelles est discriminatoire. Ceci exclut par exemple les
règlements imposant le port de jupes dans une école
fréquentée par des jeunes filles souhaitant adopter la tenue
islamique.
Il convient de souligner que les avis de la Commission pour
l'égalité raciale ne constituent que des recommandations. En
l'absence de tout texte interdisant les discriminations fondées sur le
critère religieux, les tribunaux pourraient prendre des décisions
contraires.
En effet, en 1983, dans l'affaire Mandla c. Dowell Lee, la Chambre des Lords
s'était appuyée sur la loi de 1976 sur les discriminations
raciales pour résoudre un problème comparable à celui du
foulard islamique. Toutefois, il est admis que cette jurisprudence ne
s'applique pas au cas des musulmans, à cause de la trop grande
hétérogénéité de la communauté qu'ils
constituent.
Dans l'affaire Mandla c. Dowell Lee en 1983, la Chambre des Lords a
donné raison à la famille d'un enfant sikh qui refusait de porter
la casquette de l'uniforme de son école et portait le turban afin de se
conformer aux prescriptions de sa religion. Le directeur de l'école
avait refusé l'accès à l'enfant en avançant que le
fait de porter un turban constituait une manifestation des origines ethniques
et risquait donc d'accentuer les distinctions religieuses et sociales.
La Chambre des Lords a décidé que le refus du directeur
constituait une discrimination illégale car les obligations relatives
à l'uniforme étaient telles que certains groupes raciaux comme
les Sikhs pouvaient s'y conformer moins facilement que d'autres. Ce faisant,
elle assimile donc la discrimination contre le groupe religieux
constitué par les Sikhs à une discrimination raciale. Bien que
les Sikhs ne puissent pas être considérés comme un
« groupe racial » dans l'acception commune, la Chambre des
Lords élargit le sens de l'expression. Pour constituer un tel groupe, il
suffit qu'une communauté s'identifie par :
- une longue histoire commune ;
- une tradition culturelle ;
- une origine géographique commune ;
- une langue commune ;
- une littérature commune ;
- une religion commune ;
- le fait de constituer une minorité.
La Chambre des Lords considère les deux premiers critères comme
essentiels, à la différence des cinq autres, qu'elle juge
seulement pertinents.
PAYS-BAS
Le port
du foulard est admis, aussi bien dans les établissements scolaires que
sur les lieux de travail.
|
La
loi de 1994 sur l'égalité de traitement
interdit
plusieurs formes de discrimination, parmi lesquelles
les discriminations
religieuses
. La loi s'applique à tous les domaines de la vie
sociale, et notamment à l'enseignement.
S'appuyant sur
l'avis donné le 20 mars 2003 par la Commission pour
l'égalité de traitement
(5(
*
))
dans
une affaire opposant un établissement d'enseignement professionnel et
plusieurs élèves portant un voile couvrant la totalité du
visage,
le ministre précise aux établissements scolaires
publics qu'ils sont libres d'édicter des prescriptions vestimentaires
auxquelles les élèves sont tenus de se conformer, pour autant
:
- que ces prescriptions
ne soient pas discriminatoires ;
- qu'elles ne portent pas atteinte à la liberté
d'expression ;
- qu'elles soient explicitement exposées dans le règlement
de l'établissement ;
- que les sanctions prévues ne soient pas disproportionnées.
Le caractère non discriminatoire des prescriptions vestimentaires doit
notamment être apprécié sur le plan religieux, de sorte que
l'interdiction générale du port de la kippa, d'un turban ou d'un
foulard est exclue, que l'interdiction vise les élèves ou les
professeurs.
Toutefois, conformément à l'avis de la Commission pour
l'égalité de traitement, le caractère discriminatoire
d'une prescription peut avoir une «
justification
objective
» si
trois critères
sont remplis :
- légitimité du but recherché par la
prescription ;
- adéquation de la prescription à ce but ;
- nécessité de la prescription, faute d'autre solution.
Dans l'affaire évoquée plus haut, la commission a estimé
que le but recherché par l'interdiction était légitime
(puisque la direction de l'établissement mettait en avant le besoin de
communication réciproque, la nécessité d'identifier les
élèves et la plus grande facilité à suivre les
stages, nécessaires à l'obtention du diplôme final), que
l'interdiction permettait d'atteindre ce but et qu'aucune autre solution
n'était possible.
Dans sa note, le ministre rappelle
l'entière liberté des
établissements scolaires privés en matière de
prescriptions vestimentaires
. Du reste, la Commission pour
l'égalité de traitement saisie par une jeune fille à qui
la direction d'un établissement d'enseignement catholique refusait le
port du foulard a, en août 2003, conclu qu'un tel refus n'était
pas contradictoire avec la loi de 1994 sur l'égalité de
traitement.
(1)
C'est le cas d'environ 80 % des établissements publics à
Bruxelles.
(2) Arrêt rendu dans l'affaire Mme Dahlab c/ Suisse, après que le
Tribunal fédéral eut interdit à Mme Dahlab, institutrice
dans l'enseignement public, de porter le foulard islamique en classe.
(3) Personne morale de droit public créée par la loi en 1993, le
Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a
pour mission la lutte contre toute forme de discrimination.
(4) Il s'agit notamment des enfants qui déménagent pendant
l'année scolaire et auxquels la commission locale pour la scolarisation
indique les établissements comportant des places disponibles.
(5) Instituée par la loi de 1994 sur le l'égalité de
traitement, la commission enquête sur les affaires de discrimination. Ses
conclusions n'ont aucune force exécutoire, mais elles sont
généralement suivies. Voir l'étude de législation
comparée LC 82 sur la lutte contre les discriminations sur les
lieux de travail.