NOTE DE SYNTHÈSE
Le 17
décembre 2002, le Premier ministre a exposé le plan de relance du
mécénat et des fondations. Ce plan prévoit, d'une part, le
développement du mécénat des particuliers et des
entreprises par un renforcement des incitations fiscales et, d'autre part, un
allègement de la fiscalité des fondations. Les dispositions de
nature législative de ce plan ont été reprises par le
projet de loi relatif au mécénat et aux fondations, qui a
été présenté en conseil des ministres le
5 mars 2003.
La réforme envisagée conduit à s'interroger sur les
dispositions en vigueur chez nos voisins européens,
l'Allemagne,
l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse.
Pour chacun des pays retenus, la présente étude analyse
donc :
- l'incidence des dons faits par les particuliers sur l'imposition de
leurs revenus ;
- l'incidence des dons faits par les entreprises sur l'imposition de leurs
résultats, au titre de l'impôt sur les sociétés ou
de l'impôt sur le revenu et, le cas échéant, au titre
d'autres impôts ayant la même assiette ;
- les particularités du régime fiscal des fondations, d'une
part, en matière d'imposition des résultats et, d'autre part,
pour ce qui concerne les droits de succession et de donation, que les
fondations aient ou non le statut juridique de fondation.
En effet, bien qu'il existe dans tous les pays des structures juridiques
ad hoc
correspondant à la fondation française et
permettant d'affecter un patrimoine à un objet précis, dans
certains cas, les fondations fonctionnent sous une autre forme juridique,
l'association par exemple.
Comme le régime fiscal des dons peut varier selon le domaine
d'activité du bénéficiaire, seules les mesures applicables
au mécénat culturel ont été étudiées.
Dans tous les pays étudiés, les dons des particuliers et des
entreprises apportent des avantages fiscaux, dont la diversité
(réduction de l'assiette imposable, octroi d'un crédit
d'impôt, remboursement d'une partie de l'impôt payé)
reflète les structures des différents systèmes fiscaux
nationaux.
De même, dans tous les pays étudiés, les organismes sans
but lucratif bénéficient d'un régime fiscal favorable
dès lors qu'ils poursuivent des objectifs d'intérêt
général et que leurs activités marchandes
présentent un caractère marginal. Ce régime fiscal est
donc souvent indépendant du statut juridique.
Pour encourager le mécénat culturel, les différents pays
européens recourent donc aux même dispositifs, mais les appliquent
selon des modalités différentes. Plutôt que d'analyser ces
divergences, développées dans le corps de l'étude, il est
apparu important de souligner ici :
- les récentes modifications apportées aux dispositifs
d'encouragement du mécénat en Allemagne, en Espagne, en Italie et
au Royaume-Uni ;
- les incitations spécifiques pour les dons réguliers faits
par les particuliers aux Pays-Bas et au Royaume-Uni ;
- le régime fiscal très favorable des organismes sans but
lucratif en Espagne et au Royaume-Uni.
1) Les récentes modifications apportées aux dispositifs
d'encouragement du mécénat en Allemagne, en Espagne, en Italie et
au Royaume-Uni
L'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni ont récemment
modifié leur dispositif législatif encadrant le
mécénat et les fondations : l'Espagne l'a
complètement réformé, tandis que les trois autres pays ont
procédé à quelques
adaptations.
a) Deux lois espagnoles adoptées en décembre 2002 ont
réformé le dispositif législatif encadrant le
mécénat et les fondations
La
loi espagnole du 23 décembre 2002 relative au
régime fiscal des entités sans but lucratif et aux incitations
fiscales au mécénat
a défini le concept
d'« organisme sans but lucratif » et modifié le
régime fiscal des dons, afin de le rendre plus attractif. Elle a
notamment porté de 20 % à 25 % la part des dons des
particuliers déductibles de l'impôt sur le revenu et prévu
que les lois de finances annuelles définissent des programmes
prioritaires
pour lesquels le pourcentage déductible pourra
s'élever à
30 %.
Cette réforme fiscale a été complétée par
l'adoption de la
loi du 26 décembre
2002
sur
les fondations
. Entrée en vigueur le
1
er
janvier 2003, cette loi
facilite la création
et le fonctionnement des fondations,
en supprimant le régime de
l'autorisation administrative préalable et en allégeant leurs
obligations comptables.
Les deux lois de décembre 2002 ont remplacé la loi du
24 novembre 1994 relative aux fondations et aux incitations fiscales
en faveur du mécénat, jugée insuffisamment efficace.
b) L'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni ont apporté quelques
modifications au régime du mécénat et des fondations
En
Allemagne
, les dons aux fondations
stricto sensu
bénéficient d'un régime fiscal particulier depuis
l'entrée en vigueur de
la loi du 14 juillet 2000 sur les
incitations fiscales supplémentaires
octroyées aux
fondations.
Cette loi prévoit en effet des déductions
supplémentaires pour les dons faits à des fondations de droit
privé ou de droit public. Alors que les dons faits à des oeuvres
d'intérêt général sont déductibles du revenu
imposable dans la limite de 10 % du revenu brut global, les dons faits
à des fondations permettent des déductions
supplémentaires : 20 450 € par an et
307 000 € pour les dons faits dans les douze mois qui suivent la
création d'une fondation, cette déduction pouvant être
étalée sur dix années.
La portée des récentes mesures fiscales destinées à
encourager les dons aux fondations a été amplifiée par
la
loi du 15 juillet 2002 sur la modernisation du droit des
fondations
, qui facilite leur création.
En
Italie
,
loi du 21 novembre 2000 portant diverses mesures
fiscales a modifié le régime du mécénat
d'entreprise, en élargissant et en assouplissant les possibilités
de déduction fiscale.
Traditionnellement,
seuls
les
dons faits à certaines catégories d'organismes, parmi lesquels
les associations et les fondations reconnues, ouvrent droit à une
réduction du bénéfice imposable, cette réduction
étant limitée à 2 % du bénéfice
imposable pour les dons faits à des organismes actifs dans le domaine du
spectacle. Par ailleurs, lorsque les dons sont faits à des organismes
dont l'activité concerne le patrimoine, le projet doit être
autorisé par le ministère de la Culture. La nouvelle loi, qui
laisse subsister le dispositif traditionnel, offre aux entreprises la
possibilité de déduire de leur bénéfice imposable
la totalité des dons en espèces faits à des organismes
culturels, indépendamment du statut de ces derniers et de la nature du
projet réalisé.
De plus,
le décret du 10 février 2000, portant mesures
pour la simplification de la reconnaissance des personnes morales de droit
privé, a simplifié la procédure de reconnaissance des
associations et des fondations,
permettant ainsi aux
particuliers de
mieux utiliser les possibilités de déduction.
Au
Royaume-Uni
, la loi de finances entrée en vigueur en avril
2000 a apporté quelques incitations supplémentaires aux
donateurs. Elle a ainsi simplifié les procédures, notamment pour
les entreprises et pour les particuliers imposables au taux le plus faible,
elle a supprimé la condition de don minimal et aligné le
régime des dons en actions sur celui des dons en nature.
2) Les incitations spécifiques pour les dons réguliers faits
par les particuliers aux Pays-Bas et au Royaume-Uni
Dans ces deux pays, les dons ponctuels sont certes encouragés, mais les
dons réguliers font l'objet de mesures particulières.
Aux
Pays-Bas
, les dons ponctuels sont déductibles du revenu
imposable dans la limite de 10 % du revenu brut et la déduction
s'applique seulement à la fraction des dons supérieure à
1 % de ce revenu brut. En revanche, lorsque le donateur s'engage par
acte notarié
à effectuer des dons échelonnés
sur une période d'au moins cinq ans, les dons sont intégralement
déductibles. Les frais d'acte sont également déductibles.
De même, au
Royaume-Uni
, où, compte-tenu du système
de retenue à la source de l'impôt sur le revenu, l'avantage fiscal
consécutif à un don en espèces consiste le plus souvent
dans le remboursement à l'organisation bénéficiaire du don
de la part d'impôt payée par le donateur sur le montant du don,
les dons réguliers jouissent d'un régime particulier. Les
salariés et les retraités peuvent en effet demander à leur
employeur ou à leur caisse de retraite de
retenir à la source
les dons
qu'ils souhaitent effectuer. Depuis avril 2000, le
Trésor public abonde le montant de ces dons de 10 %.
3) Le régime fiscal très favorable des organismes sans but
lucratif en Espagne et au Royaume-Uni
La loi espagnole du 23 décembre 2002 qui définit le régime
fiscal des entités sans but lucratif apparaît comme une
transposition des dispositions qui existent au Royaume-Uni.
Au Royaume-Uni,
l
es organisations philanthropiques sont très
nombreuses : on en compte plus de 180 000 dans les deux parties du
royaume que sont l'Angleterre et le Pays de Galles.
La procédure de
l'enregistrement permet à l'organisme public de surveillance de
vérifier l'intérêt général de l'objet.
Celui-ci entraîne l'octroi d'avantages fiscaux. Indépendants du
statut juridique et du domaine d'activité de l'organisation, ils sont
particulièrement importants, puisque la plupart des revenus, même
d'origine commerciale, échappent à l'impôt. C'est notamment
le cas des revenus liés au travail des bénéficiaires de
l'organisation et de ceux que la loi considère comme limités,
parce qu'ils ne dépassent pas 25 % de la totalité des
ressources de l'organisation et restent inférieurs à
50 000 £ (soit environ 75 000 £).
De plus, toute organisation philanthropique qui a des revenus imposables a la
possibilité de les « loger » dans une
société commerciale dont elle détient la
totalité des capitaux et qui constitue le support de l'activité
à l'origine de ces revenus
. Cette société, qui est
imposable, peut à son tour céder ses bénéfices
à l'organisation qui la détient, afin que ces
bénéfices, considérés comme des dons, soient
déductibles.
De même, la récente loi espagnole qui définit le
régime fiscal des entités sans but lucratif soustrait du champ
d'application de l'impôt sur les sociétés la plupart des
revenus de ces organismes. C'est en particulier le cas des revenus de leur
patrimoine, mobilier ou immobilier, ainsi que des revenus engendrés par
des activités économiques, qu'elles soient liées à
leur objet ou qu'elles soient qualifiées d'annexes (parce que ne
correspondant pas à plus de 20 % de la totalité de leurs
ressources) ou de non significatives (parce que limitées à
20 000 €). Quant aux revenus non exonérés, ils
sont imposables au taux de 10 %, alors que le taux normal de l'impôt
sur les sociétés est de 25 %.
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Outre les mesures fiscales reprises par le projet de loi, le plan de relance du mécénat prévoit de simplifier le régime juridique des fondations. Il apparaît donc tout à fait comparable aux dispositifs récemment adoptés en Allemagne, en Espagne et en Italie, qui allient la modernisation du droit des fondations au renforcement des incitations fiscales.