Le groupe d’amitié France-Saint-Siège, présidé par M. Dominique de Legge (Les Républicains – Ille-et-Vilaine), a reçu, le 3 mars 2021, Mme Laetitia Calmeyn, consulteur à la Congrégation pour la Doctrine de la foi. La réunion était présidée par M. Pierre Cuypers (LR – Seine-et-Marne), vice-président.
M. Pierre Cuypers (à gauche) et Mme Laetitia Calmeyn (à droite)
Étaient également présents MM. Jean-Michel Arnaud (Union Centriste – Hautes-Alpes), Bruno Belin (LR – Vienne), Bernard Fournier (LR – Loire), Jean-Michel Houllegatte (Socialiste écologiste et républicain – Manche), Mmes Marie Mercier (LR – Saône-et-Loire) et Brigitte Micoulleau (LR – Haute-Garonne), et M. André Vallini (SER – Isère).
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M. Pierre Cuypers, vice- président, après avoir rappelé le parcours de Mme Laetia Calmeyn comme infirmière en soins palliatifs, puis comme théologienne et enseignante au Collège des Bernardins, vierge consacrée pour le diocèse de Paris et, enfin, ses nominations à Rome comme expert auprès de la Congrégation pour la Doctrine de la foi et au conseil du séminaire de Paris, l’a invitée à expliciter la vision anthropologique et théologique de la place de la femme. Il l’a également interrogée sur les initiatives prises en la matière par le Pape François, notamment en nommant des femmes à des postes dans le Gouvernement du Vatican, en ouvrant les ministères institués (lectorat et acolytat) aux femmes ou en relançant une réflexion sur le diaconat féminin.
Mme Laetitia Calmeyn a tout d’abord souligné qu’aborder la place de la femme, sous-entendu par rapport à celle de l’homme, était une façon partielle d’envisager les choses, à travers une simple égalité mathématique. L’Église envisage en premier la dignité inhérente à la nature de l’homme et de la femme qui sont radicalement différents, au sens étymologique du terme. C’est par rapport à cette différence originelle, dès la racine, qu’il convient de penser l’égalité. Par ailleurs, la femme ne se situe pas seulement par rapport à l’homme mais principalement par rapport à Dieu, chacun ayant été voulu pour lui-même par un acte créateur spécifique, provoquant l’émerveillement de l’altérité. La femme a un apport, un génie propre. Dans le livre de la Genèse, le terme « d’aide », qui la qualifie, est souvent mal compris. Il reprend en réalité le mot qui désigne habituellement en hébreux dans la Bible l’agir même de Dieu (Ge 2,18). Par ailleurs, au-delà de la spécificité homme-femme, l’Église s’attache à reconnaître la dignité de la personne en tant qu’individu unique appelé au Salut.
Dans l’organisation de l’Église, la femme se trouve en-dehors de la hiérarchie des ministères ordonnés (prêtres, évêques, pape), dont l’autorité doit toutefois être comprise comme au service de la communauté et de la foi, et non comme un pouvoir. La femme est placée en vis-à-vis. Elle représente l’altérité. Elle est d’une certaine manière garante de la fécondité de ce service. À cet égard, le Pape François a pu dire : « Un monde où les femmes sont marginalisées est un monde stérile » (Angélus du 8 mars 2015). Le Pape François inscrit son action dans les réflexions du grand théologien suisse Hans Urs von Balthasar, qui estimait que depuis la Pentecôte, l’Église était fondée sur un double principe pétrinien et marial. Ainsi, pour le Pape François, la présence des femmes doit se développer à chaque niveau de l’Église, pas seulement à Rome.
De fait, Mme Laetitia Calmeyn a témoigné que la présence nouvelle de femmes avait pu bousculer le fonctionnement des organisations où elles avaient été nommées car elles apportent un regard et un questionnement réellement différents. Mais il est réducteur de voir la question uniquement à travers la question du sexe, il s’agit également de compétence et de vocation personnelle à occuper certaines fonctions spécifiques. Au total, son expérience est très positive.
Interrogée par M. Pierre Cuypers sur les freins qui subsistent à la pleine participation des femmes aux instances de décision dans la société, elle a insisté sur le fait que les femmes devaient oser prendre la place qui leur revenait, non pas seulement en tant que femmes, mais en fonction de leur capacité et de leur personnalité propre.
Abordant les évolutions possibles dans l’Église à l’invitation de MM. Bruno Belin, Jean-Michel Houllegatte et André Vallini, Mme Laetitia Calmeyn a rappelé que la Curie, l’organe central du Gouvernement du Vatican, était une institution ancienne qui ne pouvait évoluer que progressivement. Cela demande d’ailleurs au Pape François beaucoup de persévérance et d’autorité. Concernant les responsabilités dans l'Église, elle a estimé que certaines évolutions disciplinaires sont possibles et que le Pape a le souci de répondre aux besoins des communautés mais que les hommes et les femmes n’étaient pas appelés à occuper les mêmes fonctions au regard du témoignage des évangiles.
à suite de la question de M. Jean-Michel Arnaud quant à l’intérêt d’instaurer une parité effective au bénéfice des femmes pour leur permettre d’accéder à des fonctions pour lesquelles elles sont compétentes, Mme Laetitia Calmeyn a souligné que l’action du Pape François ne reposait pas sur une mode, mais sur une réflexion fondamentale sur l'apport nécessaire de l'homme et de la femme pour le discernement, l'accompagnement, le gouvernement etc., notamment au regard des phénomènes d’abus au sens large.
Évoquant, enfin, les aspects diplomatiques, elle a répondu à M. Jean-Michel Houllegatte que le Pape François avait pris une position très forte dans la récente encyclique Fratelli tutti en affirmant qu’il n’y avait pas de fraternité humaine possible si l’égale dignité de l’homme et de la femme n’était pas reconnue. Bien entendu, le pape n’aborde pas ces questions dans un rapport de force avec d’autres États, mais avec la grande autorité morale qui est la sienne. Depuis l’encyclique Laudato si, il est clairement reconnu et écouté comme un « maître de sagesse » dans les pays et les cercles non chrétiens.
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