Colloque Europe centrale du 5 février 2004
Europe centrale : pleins feux sur la République tchèque et la Slovaquie
Actes du colloque du jeudi 5 février 2004
Sous le haut patronage de M. Christian Poncelet, Président du Sénat
et sous l'égide des Groupes interparlementaires France-République tchèque
et France-Slovaquie
En présence de :
S. Exc. Maria KRASNOHORSKA, Ambassadeur de Slovaquie en France
S. Exc. Pavel FISCHER, Ambassadeur de la République tchèque en France
Florence DOBELLE, Chef de la Mission économique à Prague
Dominique LAPIERRE, Chef de la Mission économique à Bratislava
Ouverture
Christian PONCELET, Président du Sénat
Bonjour à tous et à toutes. Le Sénat est particulièrement fier d'accueillir aujourd'hui ce colloque économique sur la République tchèque et la Slovaquie, à quatre mois de l'entrée officielle de ces deux pays amis dans l'Union européenne. Je vous adresse mes souhaits de très cordiale bienvenue. Je tiens à remercier les représentants d'UBIFRANCE -ex CFCE- pour leur contribution active à l'organisation de cette rencontre. Je voudrais également saluer le concours précieux que nous apporte aujourd'hui le Centre d'Etudes et de Recherches Internationales (CERI) dont le Directeur, Monsieur Jaffrelot, nous fait l'honneur de sa présence.
Je note que notre colloque est une sorte de retour aux sources ; en effet, en 1998 et en 1999, nos deux premières rencontres de ce type avaient déjà porté sur la République tchèque et la Slovaquie ; depuis lors, nos prévisions ne se sont pas démenties. Nous voyons là toute l'importance du chemin parcouru par nos amis tchèques et slovaques depuis cinq ans, sur la voie de l'Europe élargie.
Pour m'en tenir au seul aspect économique, je constate que ces deux pays ont d'abord dû, en très peu de temps, modifier des pans entiers de leur législation, pour la mettre en conformité avec les exigences européennes. Le travail à accomplir était d'autant plus ardu que leurs textes économiques fondateurs étaient encore marqués par certaines survivances du régime collectiviste antérieur. Il fallait beaucoup de courage pour engager ces réformes aussi rapidement. Je suis très admiratif du travail considérable qui a été accompli dans ce domaine, et plus admiratif encore lorsque je le compare aux retards que nous, Français, accumulons pour la transposition des directives européennes et pour la publication des textes réglementaires d'application.
La perspective de l'adhésion a par ailleurs induit un très ample mouvement de privatisation, tant en République tchèque qu'en Slovaquie. Ces deux pays ont dû ouvrir leurs frontières économiques aux opérateurs étrangers avec, bien sûr, la remise en cause de situations acquises que cette évolution pouvait impliquer. Il est sans doute trop tôt pour porter un jugement définitif sur cette rénovation profonde des systèmes juridiques et commerciaux tchèques et slovaques, mais force est de reconnaître, dès à présent, que les économies de ces deux futurs partenaires se portent dans l'ensemble assez bien.
En République tchèque, la croissance reste à la hausse, même si les taux de 2002 et 2003 ont marqué un léger ralentissement par rapport à ceux enregistrés quelques années auparavant. Dans le même temps, les investissements directs étrangers sont passés de 2,5 milliards de dollars en 1995 à 8 milliards de dollars en 2002, signe de la confiance que l'économie du pays inspire aux milieux d'affaires internationaux, en Europe notamment. La Slovaquie affiche des résultats encore plus favorables, avec un taux de croissance de plus de 4,4 % en 2002, un des plus élevés d'Europe centrale.
Les investissements étrangers ont augmenté de près de 40 fois depuis 1995, atteignant aujourd'hui 4 milliards de dollars. La presse économique occidentale n'hésite d'ailleurs plus à envisager, à propos de la Slovaquie, la naissance - non pas d'un dragon - mais d'un « tigre européen », pour reprendre l'expression du dernier
Courrier des Pays de l'Est.
Bien sûr, ces réformes ont imposé des sacrifices à une population qui n'y était pas toujours bien préparée. Je songe, en particulier, au taux de chômage, assez élevé en République tchèque - environ 9 % de la population active en 2002 - et plus encore en Slovaquie, avec près de 17 % sur la même période. De fait, les restructurations industrielles liées aux privatisations ont entraîné un nombre considérable de suppressions d'emplois, et avec elles, une certaine méfiance dans l'opinion publique face à l'ouverture des frontières. Que ces deux pays se rassurent : d'autres Etats -dont la France- ont aussi connu ces difficultés, mais l'Europe leur permet de mieux y faire face.
Plutôt que d'aligner les indicateurs économiques - je laisse ce soin aux spécialistes du CERI qui, dans quelques instants, vont vous présenter leur « tableau de bord des pays d'Europe centrale » -, je voudrais surtout souligner le capital de confiance et d'intérêt dont la République tchèque et la Slovaquie jouissent dans les milieux économiques d'Europe de l'Ouest. J'en veux pour preuve l'implantation rapide des grandes compagnies européennes, aussi bien en République tchèque - Peugeot, Citroën, Vivendi, etc. - qu'en Slovaquie (comme, à nouveau, le groupe Peugeot qui va investir 710 millions d'euros dans sa nouvelle usine).
D'autres leaders n'ont pas hésité à s'implanter dans l'un ou l'autre de ces deux pays, par exemple Carrefour dans le secteur de la grande distribution, ou la Société Générale dans celui des activités bancaires. Sans compter que le développement économique des nouveaux adhérents offre aussi des opportunités à nombre de petites et moyennes entreprises, qui trouvent utilement à employer leur savoir-faire en Europe centrale. Elles y trouvent généralement une main d'oeuvre de qualité, bien formée et prête à s'engager : voilà des atouts précieux car, comme je le répète souvent, la compétitivité d'une entreprise dépend avant tout de la qualité des hommes.
Beaucoup voient le prochain élargissement de l'Union européenne comme un sujet d'inquiétude. Pour ma part, je préfère y voir une chance exceptionnelle. Les entreprises tchèques et slovaques vont saisir cette chance. Les entreprises françaises devront être aussi réactives.
Je suis persuadé qu'avec les conseils éclairés d'UBIFRANCE et l'expertise du CERI, tous les participants à ce colloque partageront à l'issue de vos travaux, non seulement ma conviction - j'allais dire mon enthousiasme - mais surtout l'amitié et l'attachement sincères que le Sénat porte à nos amis tchèques et slovaques.
A tous, je souhaite de fructueux travaux, en espérant que vous garderez de votre passage au Sénat un bon souvenir qui vous incitera à y revenir.
Paul GIROD Sénateur de l'Aisne
Mesdames Messieurs, je m'exprime au nom du groupe d'amitié France-Slovaquie, et au nom du groupe d'amitié France-République tchèque dont le Président, mon collègue Philippe NACHBAR, n'a pas pu se joindre à nous ce matin. Ces deux groupes travaillent pour que des liens puissants se maintiennent entre le Parlement français et le Parlement de ces deux républiques. Au moment de la séparation entre République tchèque et Slovaquie, une certaine incompréhension régnait en France ; nos groupes d'amitié se sont justement assigné pour but de maintenir des liens avec les deux pays. Nous nous réjouissons aujourd'hui de constater qu'ils entrent ensemble dans l'Union européenne, et ont continué à collaborer.
Evidemment, nous mesurions les exigences fortes imposées par l'Union européenne aux pays candidats à l'adhésion. Ces exigences pouvaient même être ressenties comme un droit d'entrée lourd à payer pour revenir dans un ensemble auquel la République tchèque et la Slovaquie appartenaient naturellement. Je pense donc que nous devons avoir, pour ce colloque, un point de repère clair : Slovaquie et République tchèque ont dû consentir d'importants sacrifices pour atteindre leur situation actuelle, tant d'un point de vue politique qu'économique. Je souhaite pour ma part que les liens entre la France, la République tchèque et la Slovaquie se renforcent. Je crois également que l'entrée de ces deux pays dans l'Union européenne marquera un tournant fort dans l'histoire de notre continent.
Christian PONCELET
Il est vrai que notre connaissance des pays d'Europe de l'Est, pendant l'époque communiste, était très mauvaise. En effet, certains voulaient nous présenter ces régimes comme paradisiaques, mais les gens se sont rapidement rendus compte que la situation était bien différente.
Christophe JAFFRELOT, Directeur du Centre d'Etudes et de Recherche Internationales (CERI)
Je souhaite tout d'abord remercier le Sénat de nous accueillir aujourd'hui pour ce colloque consacré à la Slovaquie et la République tchèque. J'adresse également mes remerciements au CFCE, pour l'organisation de cette rencontre. Pour le CERI, l'Europe centrale est devenue une zone prioritaire, en raison de la sous-information, voire de la désinformation qui touche encore cette zone géographique. Le CERI conduira plusieurs actions pour mieux connaître les pays d'Europe centrale, et ceci dès cette année. Ainsi, le nombre de chercheurs dédiés à l'étude de cette zone se renforcera. Nous préparons en outre de nouvelles publications - l'une sera notamment consacrée à la République tchèque -, et organiserons plusieurs colloques. Par ailleurs, nous continuerons à publier le Tableau de bord des pays d'Europe centrale et orientale, document devenu, pour le CERI, une véritable institution.
Trop souvent les chercheurs sont accusés de vivre dans une tour d'ivoire, sans lien avec la société. Or le tableau de bord est à destination des entreprises et des administrations. Il s'agit d'une logique nouvelle pour les chercheurs, et force est de constater que cette publication est un succès. Des entreprises ont désormais accès aux expertises conduites par notre Centre, ce qui constitue de toute évidence une approche nouvelle. Cette étude constitue en outre un produit d'appel, et je souhaite vivement qu'il amène les entreprises à travailler plus largement avec nous.
Agnès GABORIT, Directrice Evénements et prospectives marchés, UBI FRANCE
Ce colloque est la troisième édition de la collaboration que nous conduisons avec le CERI, pour présenter le Tableau de bord sur les pays d'Europe centrale et orientale, établi par ce Centre de recherche. L'année dernière, la réunion avait porté sur quatre pays d'Europe centrale et orientale. Cette année, nous avons décidé de nous consacrer à la Slovaquie et à la République tchèque, en raison de la masse des investissements occidentaux réalisés dans ces deux pays. Je ne vous citerai que quelques chiffres : la France se place au quatrième rang des investisseurs en République tchèque, et le deuxième en Slovaquie. C'est la raison pour laquelle que nous avons décidé d'inviter plusieurs représentants de grandes sociétés françaises - Carrefour, PSA, Société Générale -, qui y réalisent d'importants investissements. Nous allons auparavant écouter les Ambassadeurs de Slovaquie et de République tchèque en France.