Colloque sur l'Asie centrale


Table des matières


Ouverture du colloque

Asie centrale : égoïsmes nationaux ou coopération régionale ?

Les économies de l'Asie centrale : entre les difficultés
du court terme et les perspectives du moyen terme

L'Asie centrale : partenaire de l'Union européenne

Questions

Enjeux énergétiques pour l'Europe de la Mer Caspienne

TotalFinaElf et l'Asie centrale

Implications économiques du corridor TRACECA

Questions

LE GROUPE SÉNATORIAL D'AMITIÉ
FRANCE-ASIE CENTRALE




Groupe sénatorial d'amitié
France-Asie centrale

ASIE CENTRALE

Kazakhstan - Kirghizstan -Ouzbékistan - Turkménistan

ACTES DU COLLOQUE

DU 20 juin 2001

Sous le haut patronage de :

Christian PONCELET , Président du Sénat

Jean-Daniel GARDÈRE , Directeur Général du Centre Français du Commerce Extérieur

et sous l'égide de :

François TRUCY , Président du groupe sénatorial d'amitié France-Asie centrale

en présence de :

Michel GELENINE, Conseiller économique et commercial à Bakou

François KWARCIELINSKI , Conseiller économique et commercial à Tachkent

Alexandre TROUBETZKOY , Conseiller économique et commercial à Almaty

- SERVICE DES RELATIONS INTERNATIONALES DU SÉNAT -

L'ASIE CENTRALE

Colloque organisé par la Direction des Relations Internationales du Sénat et le Centre Français du Commerce Extérieur

Ce colloque est placé sous le haut patronage de Christian PONCELET, Président du Sénat, et de Jean-Daniel GARDERE, Directeur général du Centre Français du Commerce Extérieur. Le colloque est présidé par François TRUCY, Président du groupe sénatorial d'amitié Asie Centrale.

Ouverture du colloque

François TRUCY
Président du Groupe sénatorial d'amitié France-Asie centrale

Je suis heureux de vous tenir le propos préparé par Christian Poncelet, retenu par d'autres obligations, à votre intention :

Mes chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

Il m'est particulièrement agréable de prier mon collègue et ami M. François TRUCY, Sénateur du Var, Président du groupe sénatorial d'amitié France-Asie centrale, de vous souhaiter la très cordiale bienvenue au Sénat, pour ce nouveau colloque économique, organisé par notre assemblée et le Centre français du Commerce extérieur.

C'est pour moi, une fois encore, l'occasion de me féliciter du partenariat fructueux que le Sénat et le Centre français du commerce extérieur, représenté ici par M. Jean-Daniel GARDÈRE, son Directeur général, ont mis en place voici quelques années. Nos colloques permettent à de nombreux acteurs, Parlementaires, Chefs d'entreprises, fonctionnaires et chercheurs, de devenir des partenaires économiques en dressant, ensemble, un tableau des potentialités d'une zone et des opportunités qu'elle recèle pour nos entreprises.

Votre réunion de ce jour est consacrée à un thème résultant d'un choix particulièrement judicieux, car il permet de jeter un coup de projecteur sur une région méconnue du grand public, mais d'importance stratégique à de multiples points de vue.

L'Asie centrale se situe, c'est une tautologie, mais il faut bien commencer par là, comme un carrefour, au contact de la Russie, de la Chine, de l'Afghanistan, de l'Iran et de la Mongolie, aux confins du Caucase, de l'espace turc, de l'Inde et du Pakistan.

Si de nombreuses régions du monde existent avant tout par elles-mêmes et s'illustrent par leur dynamisme et leurs potentialités, l'Asie centrale doit commencer par se définir par rapport à sa géographie et à son environnement.

En effet, comment évoquer le régime politique et le mode de gouvernement dans la région sans rappeler d'emblée le poids de l'héritage de l'Union soviétique et la proximité immédiate du risque majeur que constitue le fondamentalisme islamiste ? Comment concilier dans ces conditions les exigences, difficilement compatibles dans le court terme, de la démocratisation, des réformes économiques et sociales, et de la préservation de la stabilité, dans un environnement agité, d'Etats jeunes, dix ans cette année, bien que s'enracinant dans des cultures très anciennes ?

Comment tirer parti des considérables richesses naturelles de la région et faire décoller des économies afin de répondre aux nombreuses attentes des populations, -car je vois dans le développement économique et social un stabilisateur majeur des sociétés-, sans mettre en place des voies de communication avec l'extérieur ? Un tel projet ne saurait être envisagé sans l'accord et la coopération de tous les Etats du voisinage, à commencer par la Russie.

Voici quelques réflexions que vous ne manquerez pas de développer, d'approfondir et de compléter, tout au long de votre colloque de ce jour. J'en tire l'enseignement que la France et l'Union européenne doivent articuler une politique claire, résolue et active, en direction de l'Asie centrale, à l'image de la Russie, de la Chine, du Japon et, naturellement, des Etats-Unis. Je me félicite vivement que le groupe sénatorial d'amitié France-Asie centrale y contribue, sous l'impulsion de son Président et, aujourd'hui, à l'occasion de ce colloque.

Votre réunion apporte une nouvelle fois la preuve qu'à côté de son rôle de législateur et d'assemblée parlementaire de contrôle de l'exécutif, le Sénat joue aussi pleinement son rôle d'assemblée proche des préoccupations des chefs d'entreprise et de chambre de réflexion et de prospective.

Mesdames, Messieurs,

Les perspectives en Asie centrale sont à la fois nombreuses et substantielles. Je suis convaincu que votre réunion de ce jour tirera le plus grand profit de la diversité des participants, et contribuera ainsi à renforcer la présence française, notamment économique, dans cette région du monde.

Je vous renouvelle donc la bienvenue au Sénat et vous souhaite des échanges fructueux.

Agnès GABORIT
Directeur Evénements Prospective Marchés, CFCE

Ce colloque est une nouvelle étape du très fructueux partenariat initié en 1997 entre le Sénat et le CFCE. Nous savons que notre clientèle d'entreprise apprécie beaucoup les réunions organisées au Sénat, notamment pour les possibilités élargies de contacts qu'elles procurent. L'Europe centrale et orientale, et plus particulièrement l'Asie centrale, a été d'emblée un thème privilégié de cette coopération. Votre présence nombreuse à chaque occasion nous conforte dans l'idée que cette action répond à un réel besoin.

Je tiens à remercier l'ensemble des intervenants de ce colloque, dont certains se sont spécialement déplacés depuis les lointaines capitales des pays d'Asie centrale, ainsi que les ambassadeurs de France qui nous font l'honneur de leur présence et ont accepté de présider les tables rondes de l'après-midi. Je souhaite enfin saluer chaleureusement et remercier de leur présence les quatre ambassadeurs des pays d'Asie centrale présents parmi nous aujourd'hui.

Cette journée sera composée de deux parties : une partie générale dans la matinée, et des tables rondes consacrées à chacun des pays dans l'après-midi.

Les Etats d'Asie centrale ont accédé à l'indépendance il y a une dizaine d'années, de manière assez impromptue. Hier terre de passage, l'Asie centrale est actuellement l'une des régions les plus enclavées du monde. Tout au long de la matinée, nous parlerons du fondamentalisme religieux, du développement de la coopération économique régionale, de l'impact du programme de l'Union européenne TRACECA, de l'ampleur des ressources en hydrocarbures... Quoi qu'il en soit, aussi importantes que soient les ressources de ces pays, le chemin à parcourir par les entreprises est encore très long.

André DULAIT
Président délégué pour l'Ouzbékistan, Groupe sénatorial France-Asie centrale
Rapporteur de la Commission des Affaires étrangères du Sénat

L'Asie centrale, dix ans après l'indépendance : tel était le thème de la récente mission de la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat. L'Asie centrale touche tout à la fois à l'Europe et à la Chine. Voilà qui explique pour une part la présence et l'intérêt des grandes puissances pour la zone, qu'il s'agisse de la Russie, qui après une période de retrait envisage de renforcer les partenariats avec la zone, ou de la Chine, qui doit notamment faire face à une émigration clandestine importante vers ces régions. Nous aurons également à traiter du statut de la Mer Caspienne et des problèmes qu'il pose aux pays riverains.

Nous nous devons également d'évoquer le poids des économies émergentes. Tous ces pays dont nous n'avions jamais entendu parler il y a une dizaine d'années ont été brusquement placés sous les feux de la rampe par les importantes découvertes de pétrole réalisées notamment par la société TotalFinaElf. Outre l'énergie, le gaz et le pétrole, ces pays recèlent également des richesses minières d'importance pour les pays européens. La France jouit, dans cette zone, d'une image flatteuse. On ne peut s'adresser à une personnalité sans qu'elle ne cite dans le texte Dumas, Voltaire ou Victor Hugo. Nous devons nous appuyer sur cette francophilie pour développer les échanges économiques, alors que certains de nos voisins européens, notamment l'Allemagne, sont beaucoup plus présents que nous sur cette zone. Ainsi, les liaisons aériennes entre l'Europe et ces pays sont assurées quasi-exclusivement par la Lufthansa.

En dix ans, nous avons assisté à l'évolution de ces pays. Personne ne pronostiquait, au début des années 90, que ces Etats pourraient perdurer très longtemps. Les faits sont pourtant bien là : ces Etats existent toujours et, même s'ils n'ont pas encore atteint un système démocratique parlementaire à l'européenne. Beaucoup d'entre eux ont mis en place une constitution inspirée de la nôtre et envisagent la mise en oeuvre du bicamérisme. Ce n'est déjà pas si mal dans des pays qui n'ont aucune tradition démocratique.

François TRUCY

Le Groupe d'amitié sénatorial France-Asie centrale compte 38 membres. Nos priorités sont tout d'abord de développer ce que nous appelons la « diplomatie parlementaire ». Il ne s'agit pas de se substituer aux relations diplomatiques institutionnelles, mais de développer les contacts entre les assemblées, à fins d'enrichissement mutuel. Nous cherchons également à soutenir l'action des entreprises françaises déjà implantées dans ces pays ou désireuses de le faire. Nous sommes également très impliqués dans le réseau scolaire français dans la zone, qu'il s'agisse des lycées français ou des alliances françaises. Enfin, nous avons reçu à plusieurs reprises des représentants des parlements des pays d'Asie centrale.

Asie centrale : égoïsmes nationaux ou coopération régionale ?

Olivier ROY
Chercheur au CNRS

Premier fait de base : ces pays sont désormais bien enracinés dans la géographie de la zone. Il s'agit d'Etats nations qui sont en train de construire une identité forte. Lors de leur création, ils ont tout de suite cherché à affirmer leur identité par rapport à l'ancienne tutelle russe, tout d'abord, et par rapport à leurs voisins immédiats, ensuite. Cela passe par l'affirmation d'une langue nationale, voire d'alphabets différents, ou par une certaine réécriture de l'histoire.

Aujourd'hui, les relations entre les différents pays d'Asie centrale ont pris une tournure beaucoup plus tendue : les frontières se sont fermées. La raison n'en est pas la menace directe représentée par le voisin, mais les infiltrations de groupes islamistes en provenance de l'Afghanistan. Des visas obligatoires ont été mis en place, avec quelques exceptions cependant. La circulation de l'un de ces pays à l'autre est donc devenue très difficile, d'autant plus que les liaisons aériennes directes sont rares, voire inexistantes. Cette tension peut aller jusqu'à des problèmes frontaliers, ce qui est nouveau.

Ces pays ont hérité de l'URSS des frontières parfaitement arbitraires. Ainsi, il existe une enclave ouzbek sur le territoire kirghiz. L'Ouzbékistan a demandé un droit de passage, qui lui a été refusé. En réaction, les pays se sont mutuellement coupés l'eau, puis le gaz...

Shanghai 5 était initialement une organisation orientée sur les problèmes de sécurité et de frontière. Il s'agissait tout d'abord de régler les questions frontalières, notamment celles opposant la Chine aux anciennes républiques soviétiques : les Chinois n'ont jamais reconnu ces frontières. Aujourd'hui, des commissions bilatérales ont entrepris de tracer les frontières et tout se passe plutôt bien. Le deuxième objectif de cette organisation était de s'assurer que les pays de la zone ne soutiendraient pas les séparatistes ouïgours, ce qui fut fait : ils ont dû s'exiler ailleurs. Le troisième volet de cette coopération était la lutte contre la menace islamiste. C'est ce volet qui pose le plus de problèmes. En réalité, on n'a vu se constituer de mouvement islamiste armé que dans deux pays. Au Tadjikistan, le mouvement islamiste a signé en 1997 un accord de coalition avec le gouvernement néo-communiste pro-russe. Ce gouvernement de coalition, soutenu à la fois par la Russie et l'Iran, tient encore aujourd'hui, sur la base du nationalisme tadjik. Autrement dit, un mouvement islamiste fait partie d'un gouvernement lui-même membre de l'organisation de Shanghai, ayant vocation à lutter contre l'islamisme... En Ouzbékistan, en revanche, le mouvement armé fondamentaliste est en rébellion ouverte. Mais il est basé en Afghanistan, et doit donc traverser deux frontières, gardées par des garde-frontières russes... Reste enfin un parti baptisé Parti de la Libération Islamique, basé à Londres, qui mène une campagne en faveur de la revitalisation du califat islamique. Il n'est pas engagé dans la lutte armée et n'est donc pas encore concerné par les accords de sécurité régionaux.

L'organisation de Shanghai 5 présente l'intérêt de mettre à la même table toutes les républiques d'Asie centrale, à l'exception du Turkménistan. Pour la première fois, elles vont être amenées à discuter de leur problèmes de coopération régionale, de leurs problèmes de frontières et bien entendu de leurs problèmes économiques, même si ce n'est pas le but premier. Bien entendu, ce débat a lieu sous l'égide des Russes. Mais il ne faut pas interpréter faussement ce retour russe dans une zone dont il ne faut pas exagérer l'importance stratégique. Certes, les réserves d'hydrocarbures sont importantes, mais ce n'est pas le Golfe. Les principaux clients de ces pays sont les pays européens, qui sont complètement absents de la zone. Quant aux Etats-Unis, leur politique dans la zone est pour le moins prudente. Reste donc à interpréter le retour russe et l'attitude chinoise.

Le président Poutine, pour les Russes, est plus jeune que les présidents des pays d'Asie centrale. Il se présente non pas en grand frère, mais en égal. Les accords qui sont signés sont des accords tout à fait acceptables d'un point de vue commercial. La Russie n'a par ailleurs aucune intention de reprendre à son compte la sécurité dans la zone : l'affaire tchétchène a montré que son armée en serait d'ailleurs bien incapable.

Quant à la Chine, elle a de très grandes ambitions pour l'Asie centrale sur le long terme, à une ou deux générations. Mais sur le court terme, il n'y a pas de menace chinoise sur l'Asie centrale ni de rivalité russo-chinoise avérée. L'important est donc, pour l'heure, d'approfondir la coopération régionale, entre Etats égaux.

Les économies de l'Asie centrale : entre les difficultés
du court terme et les perspectives du moyen terme


Jean-François BIJON
Responsable Asie centrale, Direction des Relations économiques extérieures

J'orienterai ma réflexion autour de la question que doit se poser le chef d'entreprise désireux de se développer dans cette zone : faut-il ou non y aller ? La zone est encore auréolée du mythe de la prospérité commerciale liée à la route de la soie et à l'or du Kazakhstan. Mais la route de la soie n'est plus guère empruntée depuis le XVIème siècle, et le Kazakhstan pourrait bien devenir le prochain Nigeria...

I. Des difficultés réelles...

Nos échanges commerciaux avec ces pays sont encore très modestes. Le Kazakhstan, pourtant le poids lourd de la région, a dans l'échelle de nos exportations le poids de Madagascar, dont la population est comparable à la sienne, ou celui de l'Ile Maurice, dont la population ne représente que 8 % de celle du Kazakhstan... Quant au Kirghizistan, il n'apparaît dans les statistiques que par souci d'exhaustivité. Ces quatre républiques d'Asie centrale ne représentent donc pas un intérêt stratégique fondamental pour notre pays, du mois à l'heure actuelle. Ils présenteraient néanmoins un intérêt certain s'ils étaient engagés dans la voie d'un développement économique et politique harmonieux. Mais là encore, seul le petit Kirghizistan fait figure de bon élève : les autres pays de la zone ne sont guère enclins à accélérer le rythme des réformes. Même dans les rapports d'État à État, le respect de la bonne foi et des engagements écrits est parfois difficile à obtenir. L'augmentation des ressources financières obtenues par l'exportation de matières premières se manifeste surtout par la désinvolture vis-à-vis des fournisseurs ou par l'accroissement de l'opacité les entourant.

Si le cadre administratif des échanges économiques est aussi austère, l'atmosphère pacifique des relations régionales pourrait-elle attirer les investisseurs ? Rien n'est moins sûr. Le problème de l'eau, dit-on, sera à l'origine d'une guerre dans les années qui viennent. L'Amou Daria et le Syr Daria mettent à disposition des pays de la zone plus de 2 600 mètres cubes d'eau par an et par habitant, ce qui est largement supérieur aux besoins. Mais c'est moins la disponibilité que la distribution qui pourrait poser problème. On assiste depuis 1997 à une accumulation de griefs nationaux qui ne sont pas réglés par les voies démocratiques. On peut donc craindre l'éclatement de conflits entre les pays de la région dans les années qui viennent. Ajoutons à cela les infiltrations islamistes, les frottements entre les populations d'origine slave et les populations kazakhs, ou encore le problème de l'enclavement.

II. Mais des conditions du développement réunies

Les perspectives à moyen terme dans cette zone sont donc pour le moins aléatoires. Faut-il pour autant se dispenser d'y aller ? La réponse est oui. L'Asie centrale doit entrer dans nos objectifs économiques stratégiques.

Volonté, vision, action et détermination sont les quatre facteurs du développement économique. On sait désormais que tous les autres paramètres (matières premières, eau, enclavement, populations...) ne sont pas des éléments conditionnels du développement ou du non-développement. Dans les quatre pays d'Asie centrale dont nous parlons, ces quatre conditions sont toutes présentes, peu ou prou. Bien sûr, ils ont des faiblesses, mais elles sont compensées par la présence de matières premières. Il est d'ailleurs extraordinaire de constater la reprise économique à l'oeuvre dans ces pays dont les dirigeants sont pourtant tous issus d'un monde qui s'est effondré. L'Europe de l'est a bénéficié de la proximité géographique et culturelle de l'Europe occidentale, d'une manne financière. A Tachkent, l'horizon n'est pas Paris ou Berlin, mais la partie la plus pauvre de la Chine, la partie la plus pauvre de la Russie ou l'Iran.

Malgré la soudaineté du changement intervenu il y a dix ans, les peuples de ces quatre pays ont tous la volonté de s'en sortir, une vision de l'action et une détermination qui devraient leur permettre de s'en sortir. Un pays qui exporte du pétrole et du blé, comme le Kazakhstan, est selon moi forcément promis à un grand avenir. L'Ouzbékistan assure maintenant son indépendance énergétique, a réformé son agriculture et assure un impeccable service de la dette. On lui demande d'aller plus vite, notamment dans la réforme monétaire. Mais qui voudrait investir dans ce pays si le rythme trop rapide des réformes suscitait une guerre civile ? Le Turkménistan a une manière bien à lui de gérer la manne gazière. Pourtant, il se pourrait que le système turkmène d'État providence soit un passage obligé pour aider la population à surmonter les difficultés à venir. Et les sociétés française n'ont pas à se plaindre des contrats passés dans cette région.

Autrement dit, dans cette région, « les fondamentaux sont là ». Evidemment, il n'y a pas de place pour une entreprise qui voudrait rentabiliser son investissement en deux ans. En effet, investir dans cette région suppose d'accepter d'investir dans la durée, en étant conscient du risque de conflits à venir. Cette région possède tous les éléments pour devenir l'un des nouveaux centres de la planète. Comme l'Asie du sud-est, elle est à la fois homogène et ouverte sur le monde. A la différence de cette dernière, elle n'aura peut-être pas à court terme la possibilité d'exporter des biens de consommation. Mais son marché intérieur élargi à la Chine et au Caucase lui assurera la nécessaire croissance de la demande intérieure.

On peut craindre que notre absence d'aujourd'hui ou notre faible présence ne nous fasse passer à côté d'opportunités importantes pour demain. Ces pays peuvent se développer sans nous : il n'est pas certain que cela soit notre intérêt.

L'Asie centrale : partenaire de l'Union européenne

Daniel GUYADER
Responsable Asie centrale, Direction générale des Relations extérieures
Commission européenne

L'Asie centrale est un partenaire de l'Union européenne. Cela peut paraître étrange, mais c'est pourtant la réalité. Ces pays ont en effet connu une évolution rapide. En dix ans, ils ont construit des Etats nations à partir de rien, en suivant des chemins contrastés. Cette évolution rapide est un fait qui a été pris en compte par l'Union européenne, qui a débouché sur une relation contractuelle affirmée avec les pays d'Asie centrale. Ces pays doivent être étudiés individuellement : chacun a maintenant sa langue, son identité, sa culture. C'est pourquoi la Commission a enclenché, dès 1994, un partenariat avec ces pays.

L'Union européenne a signé des accords de partenariat et de coopération, dont trois sont entrés en vigueur en juillet 1999. Un quatrième, signé avec le Turkménistan, doit encore être ratifié par certains Etats membres. Seul le Tadjikistan n'a pas fait l'objet d'un accord dans la zone. Ces accords de partenariat revêtent trois dimensions :

· une dimension politique, très importante à nos yeux ;

· une dimension économique ;

· une dimension de commerce et d'investissement.
I. Un partenariat politique

Le dialogue politique, tout d'abord, commence à porter ses fruits. Les conseils des ministres ne sont plus des dialogues de sourds. Ainsi, l'Ouzbékistan vient d'annoncer qu'il autoriserait la Croix-Rouge à visiter ses prisons, ou des représentants étrangers à assister à certains procès. Le dialogue entre les parlements est également une réalité. Une rencontre s'est tenue à Bruxelles la semaine dernière et une commission parlementaire doit se tenir prochainement à Tachkent.

II. Un partenariat économique

Le dialogue économique, lui, est basé sur la coopération économique et sur l'assistance. L'Union européenne a longtemps été le principal donateur dans la zone, avant d'être récemment supplantée par le Japon, qui soutient les efforts de la Chine pour favoriser une ouverture vers l'est de ces pays. Un programme TACIS a été développé au niveau de chacun de ces pays, en finançant des programmes qui soutiennent la transition vers la démocratie et l'économie de marché, mais également au niveau régional. Plus de 500 millions d'euros ont ainsi été engagés dans la zone depuis le début de la période par le budget communautaire.

III. Un partenariat de commerce et d'investissement

C'est également un partenariat en matière d'investissement, dans le domaine des affaires et du commerce. La faiblesse des relations économiques bilatérales entre la France et ces pays a été rappelée. L'Union européenne dans son ensemble, constitue de ce point de vue un partenaire beaucoup plus important pour ces pays, quasiment à égalité avec la Russie. De surcroît, les échanges commerciaux entre l'Union européenne et l'Asie centrale ont été très touchés par les crises asiatiques et russes, et ont donc fléchi entre 1997 et 2000. Depuis 2000, ils sont en nette reprise, notamment à l'occasion de la hausse des prix du pétrole. La Commission veille également à la protection des entreprises européennes dans ces pays, afin qu'une concurrence libre et honnête puisse s'instaurer entre les intervenants d'origine européenne et les intervenants nationaux. Cette coopération débouche naturellement, dans le cadre de l'assistance, sur des soutiens au développement des mécanismes fiscaux, légaux et juridiques qui permettent à nos investisseurs d'accéder aux différents marchés, qu'il s'agisse de marchés publics ou d'investissements privés.

TACIS a pour objectif général de faciliter la transition vers la démocratie et l'économie de marché. Dès le début, au-delà des relations bilatérales, l'Union européenne a cherché à développer une coopération régionale entre ces différents pays d'Asie centrale, en apportant un soutien financier. Ainsi, le programme TRACECA soutient les exportations de produits locaux, notamment vers l'Union européenne. En matière d'énergie, des mécanismes de soutien ont également été mis en place à travers le programme INOGATE. Dans le domaine de l'environnement et de l'eau, l'Union européenne promeut la coopération régionale pour traiter des problèmes d'eau, notamment autour de la Mer d'Aral, et assurer un meilleur partage de la ressource. Force est de reconnaître que ces mécanismes régionaux n'ont pas encore donné pleine satisfaction, à l'exception du mécanisme relatif aux affaires intérieures et à la justice, notamment la lutte contre les trafics de drogue. L'on sait en effet que pour lutter contre les trafics, il vaut mieux intervenir dès la production - mais il est difficile d'intervenir en Afghanistan - ou du moins lors des premières étapes du transport. De ce point de vue, la coopération régionale en matière de lutte contre le trafic de drogue est en bonne voie.

IV. Quelles perspectives ?

Examinons maintenant les tendances pour l'avenir. Il importe tout d'abord de faire vivre les accords qui ont été signés avec chacun des pays d'Asie centrale. Mais il faut aussi réfléchir à l'évolution future de la zone. Les principes démocratiques tels que nous les envisageons dans l'Union européenne ne sont pas appliqués dans les pays d'Asie centrale. On assiste même à un retour en arrière dans certains pays depuis deux ou trois ans. Le problème de la corruption constitue un inconvénient majeur pour beaucoup d'intervenants dans ces pays. Après les crises russes et asiatiques, la reprise constatée depuis un an et demi laisse entrevoir des perspectives d'exportation, notamment des matières premières agricoles kazakhes, plus intéressantes. L'Union européenne, de son côté, soutiendra la transition démocratique dans ces pays.

L'Asie centrale ne constitue pas une priorité pour l'Union européenne, qui privilégie les pays de l'élargissement : Ukraine, Moldavie, partie ouest de la Russie, Biélorussie. Pourtant, nous devons soutenir les Etats d'Asie centrale. Si la Russie entrait dans l'OMC, le Kazakhstan la suivrait immédiatement. Reste le problème de l'Ouzbékistan, troisième exportateur mondial de coton, et du Kirghizistan, qui devront être traités dans un cadre multilatéral de coopération régionale.

Robin Cook, en son temps, avait suggéré que l'OSCE devienne le cadre de la coopération régionale en matière de gestion de l'eau. Cette proposition a fait long feu. Cela ne doit pas décourager les initiatives, en se souvenant que l'Union européenne elle-même s'est bâtie, après la deuxième guerre mondiale, sur les ruines d'une Europe dévastée : ces pays pourraient s'inspirer des mécanismes que nous avons mis en place.

L'histoire est en marche : nous ne verrons pas réémerger l'ancien empire russe ou l'Union soviétique. Nous avons cinq territoires indépendants, qui doivent néanmoins partager certaines ressources, notamment les ressources en eau. Seules la coopération régionale et l'intégration dans un mécanisme commercial mondial, en liaison avec l'Union européenne, leur permettront de se développer.

Questions

Pierre POUGNAUD, Ministère des Affaires étrangères

Quel est le sentiment de Monsieur Guyader sur les actions qui peuvent être menées auprès des pouvoirs infra-étatiques (communautés de proximité) ?

Daniel GUYADER

Depuis dix ans, nous avons fait l'apprentissage de ces pays. Nous avons commencé à travailler avec les autorités centrales. Désormais, nous nous attachons, dans la mesure du possible, à travailler avec les autorités décentralisées. Le programme City Twining (jumelages) va d'ailleurs être développé dans le cadre du prochain programme TACIS.

Ismail KARIMPOUR, Alcatel

Je tiens à remercier le représentant de la DREE pour son franc-parler. J'aimerais savoir quelle est l'influence de l'Iran et de la Turquie sur l'Asie centrale. Alcatel Câbles, pour sa part, agit en Asie centrale depuis ses représentations dans ces pays.

Jean-François BIJON

Je ne suis pas suffisamment spécialiste pour vous répondre sur la Turquie : je vous renvoie aux tables rondes de l'après-midi. Concernant l'Iran, il est impliqué dans la mise en place d'une nouvelle voie d'évacuation des ressources pétrolières via le Kazakhstan. La France, pour sa part, comprend la préoccupation de ces pays de disposer de plusieurs voies d'évacuation.

Olivier ROY

Quant à moi, je vous invite à agir dans ces pays depuis Paris plutôt que depuis Istanbul ou Téhéran, ce qui ne ferait que multiplier les problèmes bilatéraux.

Xavier EVRAULT-GUERIN, Ministère de l'Equipement et des Transports

Etes-vous bien sûr que le programme TRACECA et le soutien de l'Union dans le domaine des transports soient bien pertinents, compte tenu des problèmes de sécurité qui se posent dans la zone ?

Daniel GUYADER

Auparavant, je travaillais sur la zone des Balkans : je ne suis pas certain qu'elle était plus sûre que ne l'est actuellement l'Asie centrale. Il y a certes eu des attentats, mais je ne crois pas que les problèmes de sécurité soient aussi importants qu'on ne le croit généralement depuis l'Europe. S'agissant des transports, ils me paraît essentiel de les développer pour faciliter les échanges entre ces pays, pour éviter qu'ils ne se replient sur eux-mêmes. Nous pouvons les aider, concrètement, à surmonter les difficultés liées aux droits de transit, leur apporter des financements pour l'équipement des postes de douane, leur faciliter l'accès à la convention TIR, etc.

Jean-François BIJON

Il ne faut pas mélanger deux choses : le risque de conflit dans les années qui viennent et le degré de sécurité actuel, qui est plutôt satisfaisant.

Hervé YON, Société Générale

Je vis avec mon épouse depuis cinq ans en Ouzbékistan, et pas seulement à Tachkent. Je n'ai jamais ressenti l'insécurité décrite tout à l'heure par Olivier Roy. En cinq ans, je n'ai vu que deux femmes voilées, et elles étaient de nationalité américaine... Oublions donc la menace islamiste en Ouzbékistan ! Et il n'y a pas davantage de blocs de bétons, de champs de mines ou de lignes de barbelés ! Je tiens également à féliciter Jean-François Bijon pour sa remarquable intervention, et sa conclusion très claire. Représentant d'une banque d'origine française, je sais combien le développement international est fondamental. Sur la douzaine d'affaires que j'ai en portefeuille à Tachkent, il n'y en a qu'une française. C'est regrettable.

Olivier ROY

Je maintiens que les frontières ont été matérialisées et, parfois, minées. Les ONG humanitaires pourraient en attester. Par ailleurs, il faut maintenant des visas pour circuler d'un pays à l'autre.

De la salle, Université de Picardie

Selon les statistiques de l'OMC, une puissance progresse dans cette zone : la Chine. Pouvez-vous nous donner quelques compléments à ce propos ?

Daniel GUYADER

Entre 1997 et 2000, les échanges commerciaux entre l'Union européenne et chacun des pays d'Asie centrale ont eu tendance à baisser. C'est également vrai pour la Russie. Quant à la Chine, il est tout à fait exact qu'elle entend jouer un rôle majeur en Asie centrale. Mais pourra-t-elle financer à elle seule les travaux pharaoniques qu'elle entend faire dans cette région ? C'est là que l'Union européenne peut intervenir, avec le Japon, qui a déjà commencé à investir massivement.

J'aimerais également préciser que je ne pense pas que la Turquie sera un partenaire important, à long terme, dans ces pays, malgré la proximité linguistique. Les moyens financiers lui manqueront sans doute pour étendre son influence dans cette zone.

Jaleh PONCERRY, EDF

EDF assiste le Kazakhstan dans la mise à l'arrêt d'une centrale nucléaire, avec le soutien financier de la Commission européenne. Mais cette aide va prochainement se tarir. Comment la Commission entend-elle continuer à prendre en compte les nombreux problèmes environnementaux, notamment les déchets radioactifs, qui existent dans ce pays ?

Daniel GUYADER

Cette question fait référence à plusieurs points bien distincts. J'évoquerai tout d'abord la lutte contre la dissémination de la radioactivité dans le triangle où l'Union soviétique a réalisé de nombreux essais nucléaires. Quant à la centrale nucléaire que vous évoquez, elle est beaucoup plus loin de nos frontières que d'autres, notamment Tchernobyl : nous avons préféré privilégier les Etats proches de l'Union européenne. Et sur le plan budgétaire, cette tendance devrait se confirmer dans les années qui viennent. D'ores et déjà, l'enveloppe budgétaire consacrée au Kazakhstan est passée de 25 millions d'euros en 1999 à 15 millions en 2001.

Olivier de GOURSAC, Natexis Banque Populaire

Les autorités françaises envisagent-elles une évolution en matière de plafonds d'autorisation de garantie ?

Jean-François BIJON

Ces derniers mois, nous avons déjà régulièrement augmenté les plafonds d'autorisation de garantie à court terme.

De la salle

Le problème est que votre politique isole la France par rapport aux pays concurrents.

Jean-François BIJON

Le regard que la France porte sur le monde n'est pas le même que celui de l'Allemagne ou des Etats-Unis : cela a des répercussions indéniables sur notre politique.

Enjeux énergétiques pour l'Europe de la Mer Caspienne

Didier HOUSSIN
Directeur Matières premières et Hydrocarbures,
Secrétariat d'Etat à l'Industrie

I. Quel est le potentiel pétrolier et gazier de la mer Caspienne ?

Les pays riverains de la Mer Caspienne recèlent des réserves considérables, qui sont encore mal connues, même si l'exploitation a démarré à Bakou il y a très longtemps. Le potentiel off-shore , lui, n'a commencé à être exploité qu'après les indépendances, après l'ouverture à l'investissement des compagnies internationales. On a parlé, à une certaine époque, d'une nouvelle Mer du Nord, voire d'un nouveau Moyen-Orient : c'est sans doute très exagéré. Il y a notamment eu des annonces très volontaristes, à des fins surtout politiques.

Les réserves prouvées pour l'Azerbaïdjan, le Turkménistan et le Kazakhstan représentent 30 milliards de barils de pétrole, soit 3 % des réserves mondiales, avec de fortes disparités selon les pays, en incluant les hypothèses les plus conservatrices pour le gisement de Kashagan.

Les disparités sont moins importantes pour ce qui concerne les réserves gazières, où le Turkménistan se taille la part du lion. Globalement, ces réserves de gaz représentent environ 4 % des réserves mondiales, ce qui est comparable aux réserves gazières de la Mer du Nord. Mais en matière de gaz, c'est l'accès au marché qui prime, et celui-ci est loin d'être assuré à ce jour, notamment pour le gaz turkmène.

La production de la zone représente moins de 2 % de la production de pétrole mondiale et environ 1 % de la production de gaz mondiale, soit un peu moins des deux tiers de la consommation française. La montée en puissance de cette zone pour l'approvisionnement du marché mondial sera donc très progressive.

II. Quelles sont les contraintes qui pèsent sur le développement des réserves d'hydrocarbures de la Caspienne ?

C'est d'abord l'enclavement qui apparaît comme la première contrainte, devant le manque d'outils de forage. Le forage de Kashagan, par exemple, a été l'un des forages les plus chers de l'histoire du pétrole. En ce qui concerne le gaz, le problème est encore plus aigu, du fait de l'éloignement des grandes zones de consommation.

1. Les voies d'évacuation

Les difficultés à assurer l'évacuation sont liées à la présence d'une mosaïque d'Etats et de populations aux intérêts parfois divergents. Les anciennes républiques de l'URSS, devenues indépendantes, ont pour souci majeur de mettre rapidement sur le marché leurs hydrocarbures, et d'assurer une certaine diversification de leurs débouchés afin de prendre leur autonomie par rapport à la Russie. Cette dernière cherche évidemment à maintenir sa prééminence sur le transport. La Turquie, quant à elle, constitue le premier débouché pour le gaz. L'Iran est tout à la fois une très importante zone de consommation, avec ses raffineries, et un pays de transit d'une importance considérable.

Pour l'évacuation du pétrole, les tracés du nord, transitant par la Russie, bénéficient d'un CPC rénové, dont la capacité a été portée à 560 000 barils par jour, et qui pourrait être doublée dans les années qui viennent. Le gouvernement américain a réaffirmé sa préférence pour le développement de la voie Bakou-Ceyhan, c'est-à-dire le tracé est-ouest. La voie sud, vers l'Iran, qui permettrait d'accéder directement aux raffineries du nord du pays, se heurte à l'hostilité américaine et aux difficultés géostratégiques.

En ce qui concerne l'évacuation du gaz, la voie nord vers la Russie existe déjà, avec une capacité déjà importante. Des premiers raccordements ont déjà été effectués vers l'Iran. Le contrat passé par l'AIOC pour assurer un accès sur le long terme au marché turc constitue sans doute une voie d'avenir très importante.

Les critères de choix entre les différentes voies d'évacuation seront la diversification, la crédibilité à long terme mais aussi des éléments de calendrier : les projets qui démarreront le plus rapidement, comme le CPC ou Bakou-Ceyhan, auront sans doute l'avantage.

2. Le statut de la Caspienne

La Caspienne est-elle une mer ou un lac ? Les débats sont très complexes. Des développements récents ont néanmoins permis de progresser dans le partage du sous-sol entre les différents pays riverains. Cela dit, cette question du statut n'a jamais gêné le développement, malgré le risque qu'elle fait peser, notamment dans les zones frontalières.

III. Quels enjeux pour l'Europe et la France ?

Les enjeux sont d'abord énergétiques. Les ressources de la Mer Caspienne pourraient, demain, fortement contribuer à la sécurité de nos approvisionnements. D'ores et déjà, les enjeux industriels et commerciaux sont importants : les investissements annoncés récemment par BP se monteraient à 12 milliards de dollars pour les quatre années qui viennent. Tout le secteur parapétrolier français est donc sur le pied de guerre, même si les opérateurs pétroliers sont anglo-saxons.

La Caspienne a sans doute fait, initialement, l'objet d'un engouement un peu excessif. Son potentiel énergétique a certainement été surestimé. Mais il importe d'être présent, dans une optique de long terme, pour ne pas manquer les étapes clés qui s'annoncent. Si le projet Bakou-Ceyhan démarre, les enjeux industriels seront très importants. Il faut donc être présent sur le terrain et ne pas hésiter à faire preuve d'un grand pragmatisme, quelle que soit la position diplomatique défendue par la France. J'ai par ailleurs été frappé par la volonté des pays de la région de maintenir des relations politiques et démocratiques étroites avec la France : nous devons jouer de cet atout.

TotalFinaElf et l'Asie centrale

Menno GROUVEL
Directeur Europe Continentale-Asie centrale, TotalFinaElf

Les trois entreprises qui constituent aujourd'hui le groupe TotalFinaElf se sont intéressées à la Caspienne depuis une quinzaine d'années, en y engageant des investissements cumulés de l'ordre de 500 millions de dollars, ce qui est considérable.

I. Kazakhstan : le permis nord Caspienne de Kashagan

Le premier puits d'exploration, réalisé en l'an 2000, a été suivi d'un deuxième forage, réalisé à 40 kilomètres de distance, dont les données géologiques sont tout à fait comparables. Il s'agit donc d'un gisement considérable, dont les réserves sont en cours d'évaluation. D'autres objets, certes de taille plus réduite, doivent encore être forés.

L'exploitation de ces gisements pose des problèmes techniques très importants. Il s'agit de champs à pression très élevée, à forte contenance en H 2 S (comme le gisement de Lacq, en France, exploité depuis les années 50). La mer est gelée pendant les mois d'hiver, sans parler de la période d'un mois pendant laquelle la mer n'est plus vraiment gelée mais n'est pas non plus complètement libre... Toutes les infrastructures sont à construire, et les besoins en ressources humaines seront très importants. La zone se trouve en outre dans une région écologiquement très sensible, proche des zones de production du fameux caviar.

Les investissements sont à la mesure de la taille du gisement, sans doute de l'ordre de 20 milliards de dollars sur la durée du projet (30 à 40 ans). Ce projet est si important pour TotalFinaElf que nous avons annoncé hier notre intention de doubler notre participation, pour la faire passer de 1 à 2/7 èmes . Malheureusement, il existe des règles de préemption strictes : si nos concurrents préemptent, nous passerons simplement d'une participation de 1/7 ème à une participation de 1/6 ème .

II. Azerbaïdjan

Les réserves d'huile de ce pays sont concentrées sur une ride qui traverse la mer Caspienne. Nos compagnies n'étaient pas présentes au tout début de l'aventure dans ce pays et nous ne sommes donc pas présents dans AIOC. Nous sommes en revanche présents dans d'autres permis, dont l'un où nous sommes opérateurs. A Shah Deniz, nous envisageons de produire environ 7 milliards de mètres cubes de gaz, à partir des années 2005.

III. Le transport en Asie centrale

Didier Houssin a déjà largement présenté le problème que représente l'enclavement de cette région. Ici, le transport représente 3 ou 4 dollars par baril, ce qui est tout à fait supportable lorsque le baril est à 25 dollars, mais beaucoup plus inquiétant pour la compétitivité du produit lorsque le baril est à 12 ou 13 dollars, comme c'était le cas il y a encore deux ans.

La voie nord existe déjà. La voie Bakou-Ceyhan sera sans doute réalisée. Quant à la voix sud, vers l'Iran, nous sommes convaincus de son intérêt économique à long terme.

IV. Conclusions

L'enclavement de l'Asie centrale constitue un obstacle majeur à la mise en production dans cette région. Le fait que les économies de ces pays soient encore largement administrées n'est pas non plus indifférent. Mais les investissements qui vont être réalisés dans ces pays sont de l'ordre de 50 milliards de dollars. Cette manne intéresse évidemment les industriels français, d'autant que les productions d'huile et de gaz pourraient très bien, dans le futur, alimenter le marché européen.

Implications économiques du corridor TRACECA

Hélène CAROFF-ROMANINI
Expert Transports, Programme TACIS-TRACECA

Je suis intimement convaincue de l'intérêt des programmes TRACECA : tous ces pays ont besoin d'un lien transversal pour dialoguer ensemble. Les programmes TRACECA peuvent contribuer à faire émerger ces liens.

I. Les programmes TRACECA

Quatre programmes TRACECA sont en cours.

· harmonisation des procédures douanières ;

· harmonisation des tarifs et des taxes de transit ;

· étude de faisabilité sur la nouvelle ligne de chemin de fer entre le Kirghizistan et la Chine ;

· amélioration des chemins de fer d'Asie centrale.

Pour plus de renseignements : www.traceca.org

II. La commission intergouvernementale TRACECA

En septembre 1998 a été tenue à Bakou une conférence réunissant quatorze pays de la région. Douze d'entre eux ont signé un accord multilatéral, mettant en place une Commission intergouvernementale des transports. La Commission européenne a donc décidé de financer un projet destiné à aider à la mise en place de cette commission. Cette structure est animée, au plus haut niveau, par des membres des gouvernements et les ministres des transports. Il a également été décidé de créer un secrétariat permanent de la Conférence, basé à Bakou.

Cette commission intergouvernementale a pour ambition :

· la coordination des transports entre les pays concernés ;

· le renforcement de la sécurité des transports de marchandises et de voyageurs ;

· l'harmonisation de tous les textes pour le transit des marchandises à travers ces pays ;

· la promotion des transports intermodaux ;

· le renforcement de la sécurité dans les transports.

Je précise que pour ma part, je ne me suis jamais sentie en danger dans ces pays, même si les transports n'y sont pas faciles...

Le secrétariat général est en charge de l'organisation d'une conférence annuelle, dans l'un ou l'autre des pays membres, au cours de laquelle les pays membres pourront décider des projets susceptibles d'êtres financés par la Commission européenne dans le cadre de TRACECA. Cette réflexion est conduite par des commissions nationales, qui sont composées, selon les pays, de représentants des administrations et de représentants des partenaires de la chaîne des transports. Elles sont chargées de faire des propositions au secrétariat permanent, qui va à son tour définir des groupes de travail. Un secrétaire national a été nommé dans chacun des douze pays lors de la première conférence annuelle, à Tachkent. Depuis lors, le dispositif fonctionne bien. Les groupes de travail se sont déjà réunis à trois ou quatre reprises et ses membres partagent une volonté commune d'aboutir, même si cela prendra du temps.

III. Les possibilités de développement

Sur le corridor TRACECA, nous avons pu mettre en place des trains-blocs, permettant de bénéficier d'accords tarifaires et de la simplification des démarches douanières, du Caucase à la Chine. Au-delà des produits pétroliers, du coton et des céréales, nous avons rencontré des acteurs intéressés par le transport de marchandises diverses en conteneurs. Il nous est rapidement apparu, dans ces conditions, que les trains-blocs TRACECA étaient compétitifs, tant par rapport à la voie du Nord que par rapport à la route.

Dans quelques jours sera inaugurée la ligne de ferries Aqtaou (Kazakhstan)-Bakou (Azerbaïdjan). Cela illustre le caractère très concret des projets TRACECA, qui permettent d'assurer un transport de marchandises à prix compétitifs en provenance de, ou vers l'Asie centrale. Pensez-y lorsque vos entreprises sont concernées !

Questions

Paul DUBRULE, Sénateur de Seine-et-Marne

J'ai été un peu étonné que le secteur du tourisme, qui pourrait se développer dans l'avenir, n'ait pas été évoqué. Après tout, en France, le tourisme constitue de loin le premier secteur économique, avec un solde positif de plus de 100 milliards de francs. Mais comme cela concerne la balance des paiements et non la balance commerciale, on en parle très peu. Je pense au tourisme de loisirs, mais aussi au tourisme d'affaires et au tourisme culturel. Certains pays d'Asie centrale disposent d'un patrimoine d'une richesse extraordinaire. J'aimerais que cela soit évoqué au cours de la journée.

Agnès GABORIT

Nous avons choisi, pour cette réunion, de traiter de thèmes très généraux et des thèmes les plus importants pour le développement immédiat de ces pays. Peut-être aurons-nous l'occasion de traiter du tourisme plus en détail au cours d'une autre réunion. J'ajoute que la journée est loin d'être terminée et que vous pourrez assister, cet après-midi, aux tables rondes consacrées aux différents pays, auxquelles participeront les conseillers économiques et commerciaux de la CFCE et d'autres experts.

Bruno GILS, Caviar Petrossian

Comment TotalFinaElf prend-il en compte la protection de l'environnement pendant ses campagnes de prospection et de forage ?

Menno GROUVEL

Sachez que les forages que nous réalisons n'émettent aucun rejet. Pas une seule goutte d'huile n'est rejetée à la mer. Tout est recueilli et emmené à terre pour recevoir le traitement adéquat. De manière plus générale, nous nous assurons que nos activités non seulement n'ont pas d'impact environnemental, mais même qu'elles contribuent à renforcer l'équilibre de l'écosystème. Sachez que les consignes que nous donnons à nos explorateurs sont fermes. Et c'est un grand amateur de caviar qui vous parle !

LE GROUPE SÉNATORIAL D'AMITIÉ
FRANCE-ASIE CENTRALE

Le groupe France-Asie centrale couvre cinq pays :

- KAZAKHSTAN

- OUZBÉKISTAN

- TURKMÉNISTAN

- TADJIKISTAN

- KIRGHIZSTAN

I - COMPOSITION DU GROUPE SÉNATORIAL

Le groupe compte 38 membres

Bureau

Président

François TRUCY

Var - (RI)

Vice-Présidents

Yann GAILLARD

Aube -( RPR)

 

Pierre FAUCHON

Loir et Cher -( UC)

 

Léon FATOUS

Pas-de-Calais -( Soc)

 

Jean-Luc BECART

Pas de Calais -( CRC)

 

Georges BERCHET

Haute-Marne - (RDSE)

 

Hubert FALCO

Var -( RI)

Secrétaires

Patrice GELARD

Seine-Maritime -( RPR)

 

Denis BADRE

Hauts de Seine -( UC)

 

Bernard AUBAN

Haute-Garonne -( Soc)

 

Danielle BIDARD-REYDET

Seine St Denis - (CRC)

 

André FERRAND

Français établis hors de France - (RI)

 

André BOYER

Lot - (RDSE)

Trésorier

Aymeri de MONTESQUIOU

Gers - (RDSE)

- Présidents délégués :

Turkménistan :

Jean-Pierre DEMERLIAT

Haute-Vienne - (Soc)

Ouzbékistan :

André DULAIT

Deux-Sèvres - (UC)

Kazakhstan :

Hubert DURAND-CHASTEL (Français

Français établis hors de France (UC)

Kirghizstan et Tadjikistan :

Jacques LEGENDRE

Nord - (RPR)

MEMBRES

Louis ALTHAPE

Pyrénées-Atlantiques (R.P.R)

 

José BALARELLO

Alpes - Maritimes (R.I.)

 

Bernard BARRAUX

Allier (U.C.)

 

Jean BESSON

Drôme (Soc.)

 

Jean BOYER

Isère (R.I.)

 

Louis BOYER

Loiret (R.I.)

 

Paulette BRISEPIERRE

Français établis hors de France (RPR) R.P.R.) R.P.R...

 

Louis de BROISSIA

Côte d'Or (R.P.R.)

 

Jean Pierre CANTEGRIT

Français établis hors de France (U.C)

 

Jean CLOUET

Val de Marne (R.I)

 

Ambroise DUPONT

Calvados (R.I.)

 

Thierry FOUCAUD

Seine Maritime (C.R.C.)

 

Louis GRILLOT

Côte d'Or (R.I.)

 

André MAMAN

Français établis hors de France (U.C.)

 

Gérard MIQUEL

Lot (Soc.)

 

Joseph OSTERMANN

Bas Rhin (R.P.R.)

 

Jean Marc PASTOR

Tarn (Soc.)

 

Lylian PAYET

La Réunion (R.D.S.E.)

 

Bernard PIRAS

Drôme (Soc.)

 

Jean Marie POIRIER

Val de Marne (U.C.)

 
 
 

- Secrétaire exécutif : Yves COUSTURES , administrateur-adjoint au service de l'AGAS (Tél. 01.42.34.30.54).

II - RÔLE ET ACTIVITÉS DU GROUPE SENATORIAL D'AMITIÉ

A - Contacts avec les représentants diplomatiques


Le groupe d'amitié entretient des contacts fréquents avec les ambassadeurs et les conseillers d'ambassade des trois pays suivants : le Turkménistan, l'Ouzbékistan et le Kazakhstan.

Ces contacts prennent au Sénat la forme de petits déjeuners - conférences, de déjeuners ou d'entretiens plus ponctuels et moins formels sur des sujets spécifiques.

Le groupe participe également à toutes les manifestations culturelles organisées par ces ambassades (concerts, réceptions, expositions...).

En l'état actuel, le Groupe n'a aucune relation avec le Tadjikistan.

S'agissant du Kirghizstan, le groupe a entretenu, de 1995 à 1997, des relations avec Madame Rivka Casbi, directrice du Centre Euro - Kirghize et faisant office de contact diplomatique. Depuis 97, ce centre n'existe plus. En l'absence de représentation diplomatique spécifique en France, le groupe n'a pas actuellement de relations avec le Kirghizistan.

* Rencontres avec les Ambassadeurs :

- 13 décembre 2000: M. NIASOV: Ambassadeur du Turkménistan

- 18 janvier 2001: petit déjeuner avec M. NIASOV

B - Contacts avec les autorités et les personnalités locales

Le groupe d'amitié accueille régulièrement, à titre officiel, des représentants institutionnels de ces pays :

- novembre 1995 : accueil d'une délégation du Mejlis Turkmène

- avril 1996 : rencontre avec le Président de la République Ouzbek, Islam Karimov

- septembre 1996 : rencontre avec le Président du Turkménistan, M. Niyazov

- septembre 1996 : accueil d'une délégation 1( * ) Ouzbek menée par M. Tchyen en septembre 1996

- juin 1997 : accueil d'une délégation gouvernementale de la République d'Ouzbékistan menée par M. Norov, Conseiller d'Etat du Président de la République

- janvier 1998 : déjeuner avec M. Norov, Conseiller d'Etat du Président de la République d'Ouzbékistan

- avril 1998 : nouvelle rencontre avec M. Norov, Conseiller d'Etat du Président de la République d'Ouzbékistan

- juin 1998 : rencontre avec M. Tokaev, Ministre des affaires étrangères du Kazakhstan

- mai 1999 : accueil d'une délégation (( * )1) du Sénat Kazakh menée par le vice-président M. Koussainov.

- novembre 2000 ( le 28 )accueil d'une délégation Kazahh conduite par le Ministre de la Culture, de l'Information et des L'Entente sociale.

Le groupe accueille en outre très régulièrement des journalistes, des délégations de hauts fonctionnaires, des diplomates, des chercheurs, des membres de l'Académie de Tachkent, des étudiants...

C - Colloques CFCE

- juin 1998 : le Sénat, en collaboration avec le CFCE, a organisé un colloque sur l'Asie Centrale, sous l'égide du groupe d'amitié et de son président

- juin 2000 : colloque Ouzbékistan

-18 octobre 2001: colloque sur l'Asie centrale ( "Colisée")

D - Déplacements d'une délégation du groupe d'amitié

- avril 1996 : Turkménistan et Ouzbékistan

- octobre 2000 : Kazakhstan et Ouzbékistan

- projet de visite d'une délégation du Turkménistan à l'automne 2001


Colloque organisé sous l'égide du Groupe sénatorial d'amitié
France-Asie centrale

par la Direction des Relations internationales du Sénat
et la Direction de l'Information économique et réglementaire du C.F.C.E.
Pour toute information sur les colloques Sénat-CFCE, vous pouvez contacter
le Service des Relations internationales du Sénat :
M. Marc LE DORH, Administrateur des services du Sénat
Tél : 01.42.34.30.52 - Fax : 01.42.34.27.99 - Courrier électronique : m.ledorh@senat.fr
ou consulter le site internet du Sénat : www.senat.fr/international

Synthèse réalisée en temps réel par Ubiqus Reporting (ex-Hors Ligne) - 01 44 14 15 00

www.ubiqus-reporting.com




1 L'accueil d'une délégation, généralement pour une semaine, comprend généralement, outre un ou deux déplacements en province, des entretiens officiels à Paris avec les autorités institutionnelles, ainsi que des entretiens (éventuellement accompagnés de visites) de diverses natures, avec les directions internationales des ministères techniques et de grandes entreprises françaises (publiques ou privées).


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