Colloque Sénat-Essec-Afrique SA sur l'Afrique - 27 janvier 2005
Colloque Sénat-Essec sur l'Afrique - 27 janvier 2005
Actes du deuxième colloque « AFRIQUE SA » :
ENSEMBLE, DYNAMISONS LE SECTEUR PRIVÉ
Message de bienvenue de Christian Poncelet,
Président du Sénat,
lu par Jacques PELLETIER,
Sénateur
« Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Le Sénat est particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui cette seconde édition des rencontres « Afrique SA » organisée comme en 2003 en partenariat avec nos amis du groupe Essec. Les aléas de mon emploi du temps ont voulu que je sois à l'étranger au moment où s'ouvrent nos travaux : plus précisément à Auschwitz, pour y commémorer le soixantenaire de cette date tragique du 27 janvier 1945, où furent découvertes les premières traces des camps d'extermination. Mais mes collaborateurs et moi-même avons suivi attentivement la préparation de ce colloque, et soyez convaincus que mon intérêt n'en est pas moindre.
Il faut avouer que le thème de cette journée, « Ensemble, dynamisons le secteur privé en Afrique », a de quoi stimuler la réflexion ! Cet intitulé est à lui seul tout un programme, pour ne pas dire un véritable défi... Je remercie nos amis de l'Essec d'avoir relevé la gageure et, dès le départ, d'avoir songé à y associer le Sénat, car notre assemblée est très attachée au développement humain et économique de l'Afrique, avec laquelle la France entretient tant de liens privilégiés, forgés dans l'Histoire.
Cette remarque vaut bien sûr en premier lieu pour les pays africains francophones, avec lesquels nous maintenons un dialogue naturel de tous les instants. Je tiens à cet égard à rendre hommage à S. Exc. M. Abdou Diouf, un ami fidèle et de longue date qui devait nous faire l'honneur de sa présence en fin de matinée, en tant que Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie, mais qui, lui aussi, a dû annuler sa participation au dernier moment pour des raisons imprévues. Mais nous avons aussi d'excellentes relations avec les pays africains non francophones, qui disposent d'ailleurs au Sénat d'interlocuteurs actifs auprès de plusieurs de nos groupes d'amitié.
Je ne crois pas utile d'aborder sur le fond les thèmes de travail de cette journée : l'environnement macroéconomique africain, les rapports entre le secteur privé et le secteur public, la valorisation du potentiel humain... La diversité et l'expérience des intervenants qui vont se succéder à la tribune toute la journée permettront, je n'en doute pas, de traiter en détail tous ces sujets et notamment celui de la formation des cadres africains de haut niveau.
Je tiens en revanche à saluer tous les partenaires de cette rencontre - le MEDEF, Jeune Afrique l'Intelligent, Bolloré, pour n'en citer que quelques-uns -, qui apporteront, chacun dans son domaine, un utile éclairage sur ces thèmes complexes.
Pour ma part, je voudrais simplement insister sur l'importance fondamentale que le Sénat attache à la formation des cadres des pays en voie de développement, tant ceux du secteur privé - qui crée les richesses - que ceux du secteur public, dont la mission est d'assurer la bonne gouvernance et une répartition équitable de ces richesses.
Pour atténuer le fossé économique qui se creuse entre le Nord et le Sud, et pour alléger la pression migratoire qui s'exerce sur les États de l'Union européenne - notamment ses anciennes puissances coloniales, comme la France - la voie la plus crédible reste à mes yeux de créer sur place les conditions de la prospérité économique et d'une stabilité politique durables. Bien entendu, cette démarche, cette démarche doit être appuyée par la communauté internationale - les États les plus aisés, les bailleurs internationaux et les grandes ONG - mais elle exige surtout la mobilisation, en Afrique même, de la société civile et du secteur privé, en particulier celle des petites et des moyennes entreprises.
Comme je l'avais suggéré il y a deux ans, la « bonne gouvernance » n'est seulement pas un concept politique qui serait l'affaire exclusive des gouvernements et des décideurs publics ; c'est aussi une exigence de terrain, un « projet d'entreprise » auquel doivent adhérer les responsables privés à tous les niveaux. Faute de quoi, l'aide internationale sera dépourvue d'efficacité, comme tant d'autres déclarations d'intentions sans effets concrets. Or la formation des jeunes cadres africains - sur place ou dans un grand établissement français - est véritablement un acte de « bonne gouvernance ».
Ce n'est pas une action de coopération parmi d'autres, c'est d'abord une chance offerte à l'avenir, car les étudiants d'aujourd'hui seront les entrepreneurs de demain, ceux sur lesquels leurs pays pourront compter pour prendre le relais de la coopération internationale et assurer les voies propres de leur développement durable.
Il y a, dans ce domaine, un effort important de pédagogie à mener : l'investissement dans l'homme est un investissement à long terme, certes, mais c'est toujours un « investissement productif ».
N'ayons pas peur de marteler ce message, car si dans les grandes rencontres internationales, ces principes semblent faire l'unanimité, force est de reconnaître que, sur le terrain, il y a bien souvent un fossé entre les principes et la pratique...
Je ne voudrais pas conclure sans évoquer la délicate question de la corruption, qui - en Afrique comme ailleurs - compromet trop souvent, en aval, les efforts coûteux consentis en amont en faveur du développement.
Vous le savez, dans beaucoup d'États, les circuits de la décision économique sont tributaires de la corruption ou d'influences qui faussent le jeu de la concurrence et dissuadent les initiatives étrangères. Ce fléau est encore plus ravageur dans les pays où, précisément, les moyens manquent le plus et où les ressources sont comptées.
Plusieurs gouvernements africains se sont attelés, eux aussi, à endiguer ces phénomènes, mais ils doivent plus que d'autres pouvoir compter sur l'appui de la communauté internationale, notamment celui de la France, qui, sans se poser en donneuse de leçons, a élaboré des mécanismes anti-corruption qui pourraient utilement inspirer leur réflexion.
S'agissant du développement des entreprises, le Sénat n'est pas en reste. Depuis mon élection à sa présidence, je m'attache à faire de cette institution la « Maison des entrepreneurs » et dans ce cadre, j'ai souhaité multiplier les opérations concrètes en direction du monde des affaires.
Comme nous - et même plus que nous - les entrepreneurs doivent porter leur regard au-delà des frontières nationales ou européennes, non seulement pour y gagner des parts de marché mais aussi, quand ils le peuvent, pour apporter leur contribution au développement.
Je suis donc heureux qu'aujourd'hui nos entrepreneurs trouvent une nouvelle occasion de prendre conscience du formidable vivier de compétences qu'offrent les cadres et les futurs cadres africains : aussi bien ceux qui opèrent dans leur État d'origine que ceux qui travaillent ou étudient en France.
Je souhaite à tous un excellent, studieux et fructueux colloque, en espérant que vous garderez de votre passage au Sénat un bon souvenir, qui vous incitera à y revenir. »