L'encadrement financier du processus électoral
Echanges avec la salle
John LAUGHLAND, Institut de la Démocratie et de la Coopération
L'Union européenne interdit à ses partis de financer des candidats, mais se garde le droit de mener des campagnes d'information. Or ces dernières se sont révélées clairement partisanes lors du référendum sur la Constitution européenne, notamment en Irlande. Quel cadre juridique permettait d'empêcher la confusion entre les deux types de campagnes, d'information et électorale ?
Marie-France TCHAKALOFF
La campagne de l'Union en faveur du traité était clairement affichée et il n'y a eu aucune immixtion des partis dans son financement. J'en ignore le montant global, mais je suppose que ses crédits provenaient des directions de l'Information de la Commission et du Parlement. J'ajoute que tous les partis européens représentatifs sont financés, y compris les eurosceptiques.
Les travaux de l'après-midi seront placés sous la présidence de Jean-Claude MASCLET, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne Paris I.
La question du financement international non régulé
de la vie politique
Bernard OWEN,
Secrétaire général du CECE
La loi française régit depuis 1901 les associations. A une époque d'opposition politique puissante, cette loi apparemment très libérale permettait en réalité aux autorités de garder la main sur les agissements de ces associations.
En pleine Guerre froide, l'accord d'Helsinki a tâché de rapprocher en 1975 les Etats-Unis, l'URSS et l'Europe. Il prévoyait notamment que les Etats membres de la CSCE n'interviendraient en aucune façon, directement ou indirectement, individuellement ou collectivement, dans les questions internes et externes relevant de la juridiction des Etats. Les actions de coopération et de sécurité étaient donc strictement encadrées.
A la suite de l'effondrement de l'URSS, l'OSCE a réuni ses membres à Copenhague en 1990. A cette occasion, le statut des ONG s'est trouvé élargi : elles pouvaient désormais se rendre au-delà de leurs frontières, en étant admises dans l'État d'accueil au même statut que celui de leur pays d'origine ; elles étaient aussi admises à transporter des fonds sans limite. Quelques mois plus tard a été créé à Varsovie l'ODIHR (Office for Democratic Institutions and Human Rights). Emanation de l'OSCE. Cette ONG quasi institutionnelle a, en réalité, beaucoup moins agi dans le domaine de la sécurité collective que dans celui de la démocratie et des élections.
En Europe, le Conseil de l'Europe a reconnu en 1986 la personnalité légale des ONG, qui seraient désormais admises automatiquement comme telles par les Etats membres aux mêmes conditions. En mars 2003, il a autorisé la libre circulation de fonds et donc rejoint les dispositions de Copenhague. Par ailleurs, les ONG peuvent créer ou accréditer des succursales et sont considérées comme pouvant représenter l'expression réelle des citoyens contre des groupes de pression. Cette affirmation pose question, dans la mesure où ces ONG ne sont pas élues.
Les ONG intervenant dans le domaine de la démocratie travaillent en théorie selon des méthodes d'observation neutres, toutefois leurs conférences de presse et rapports préliminaires ne sont pas exempts de considérations politiques. Elles interviennent également dans l'assistance électorale et rendent des avis sur des projets de loi ou de codes dans le domaine des élections. Le plus souvent, elles travaillent en lien avec l'OSCE ou le Conseil de l'Europe, mais les positionnements de chacun ne sont pas clairement distingués. En 1999 à Séville, il avait été proposé de voter sur la question, mais elle n'a pu être tranchée.
Un autre mode d'action, souvent méconnu, réside dans les actions « spontanées non violentes ». En 1972, Gene SHARP publie The politics of nonviolent actions et crée une véritable bible en 198 articles sur la manière de réagir face à des autorités dont on souhaite l'échec à des élections. Son organisation, de taille modeste, est présidée par Robert HELVEY, ancien colonel de l'armée américaine. Dans les faits, ses principes ne sont pas applicables contre des gouvernements totalitaires, qui les contrent par la brutalité, et ne valent que dans des pays en voie de démocratisation, où les autorités n'osent pas agir contre ces actions non violentes en apparence spontanées. Le déroulement des opérations est quasi-militaire. Les activistes sont présents sur place deux ans avant une élection majeure. Ils recourent au lobbying, à des défilés utilisant le sens de l'humour, à des couleurs symboliques, à la fraternisation et à la pression sur les individus, mais aussi à une installation très organisée et bloquante dans la ville. Des dérapages peuvent toutefois intervenir, comme en Arménie en 2008 lorsque des personnes ont été tuées au moment de la dispersion par les autorités. De manière générale, le fait de privilégier le jeu de la rue au jeu des élections interroge.
Ce type d'actions est financé par des organisations comme la NED (National Endowment for Democracy), USAID, l'OSI (Open Society Institute) ou encore les fondations SOROS. Ces organismes ont pour la plupart été créés par des personnes s'étant enrichies de façon obscure suite à des investissements dans des fonds spéculatifs, et qui se permettent de remplacer les gouvernements qui ne leur conviennent pas. Ils mettent alors en avant une flagship philantropy . Les sommes en jeu sont considérable : US AID dispose d'1 milliard de dollars par an et l'OSI de 400 millions. Le passage de ces sommes de l'obscurité des fonds spéculatifs à la société ouverte demeure peu transparent, car masqué par nombre d'associations écrans qui empêchent de remonter jusqu'à la source. Ce phénomène est d'autant plus gênant que ces associations ne sont pas soumises aux règles qui s'imposent aux partis politiques proprement dits.
En conclusion, il est important de revenir sur le caractère éminemment particulier de chaque système électoral. La France possède un dispositif élaboré, mais elle ne peut l'exporter tel quel et n'a pas à donner de leçon dans ce domaine. Elle ne peut que suggérer et se poser en médiateur. On pourrait souhaiter que cette attitude inspire aussi les ONG !