Compte rendu du déplacement effectué par une délégation du groupe interparlementaire
du 22 au 30 mai 20043. Vers une redistribution des influences internationales à Djibouti ?
De l'ensemble de ses audiences et entretiens, la délégation a retiré le sentiment très net qu'en dépit du discours officiel d'attachement de Djibouti à la France, le contexte n'y était plus aussi favorable à notre pays qu'il a longtemps pu paraître, tant sur le plan économique que dans les deux autres grands axes de l'influence française : la présence militaire et la francophonie.
La montée en puissance d'autres partenaires économiques
Tout d'abord, la concurrence d'entreprises étrangères et l'arrivée massive de capitaux arabo-persiques (pour la réalisation du nouveau port en eaux profondes de Doraleh, notamment) et extrême-orientaux bouleversent certaines habitudes ; elles ont en tout cas montré aux entrepreneurs français établis à Djibouti qu'ils n'y jouissaient pas d'un marché captif.
Si, en lui-même, le principe de cette concurrence n'a rien de contestable, resterait cependant à s'interroger sur les « règles du jeu » qui l'encadre, car selon des témoignages autorisés et concordants, il semblerait qu'elle ne s'exerce pas toujours dans des conditions parfaitement égales et transparentes : de nouveaux arrivants bénéficieraient d'appuis et de pratiques préférentielles jouant au détriment des entreprises françaises.
La visite de la délégation sénatoriale à Djibouti, à la une de La Nation
Fondée sur des données irréfutables, telle a été la préoccupation très clairement exprimée par les représentants de plusieurs très grands opérateurs français rencontrés sur place par la délégation sénatoriale.
L'installation d'une base militaire américaine en 2002
En second lieu, la présence militaire française à Djibouti se double aujourd'hui d'une nouvelle présence américaine, avec l'installation, depuis 2001, après les attentats du 11 septembre, d'une base d'environ 1 500 hommes.
Autant qu'a pu en juger la délégation, les Américains se mêlent peu à la population et à la vie djiboutiennes, contrairement aux militaires français et à leurs familles, pleinement intégrés au tissu local. Mais au-delà des apparences, cette présence américaine est un fait majeur nouveau dont il convient de bien mesurer, et la signification, et la portée.
Dès à présent, n'est-elle pas de nature à favoriser certaines surenchères ? Les conditions de renégociation du montant des droits de stationnement des FFDJ en 2003 éclairent d'un jour très actuel cette question, si l'on considère qu'elle a abouti à une majoration sensible du prix du bail consenti à la France, soit 30 millions d'euros par an ( cf . Annexe 2).
A plus long terme, l'installation de la base américaine n'est-elle pas l'amorce d'une redistribution des influences dans une zone où -hors Djibouti- la présence française est déjà faible ?
La francophonie face à de nouvelles concurrences
On peut enfin légitimement s'interroger sur les perspectives de la francophonie à Djibouti, dans un contexte de forte concurrence régionale de l'arabe et de l'anglais.
Certes, la langue française reste une référence incontournable à Djibouti, comme l'a souligné le président Guelleh ; mais il a aussi considéré que pour son pays, la francophonie, en même temps qu'une chance, était également une charge, à laquelle il ne saurait durablement faire face sans une coopération culturelle internationale soutenue.
Les autorités djiboutiennes ont par ailleurs fait observé que trop d'institutions multilatérales de la Francophonie sont peu lisibles et technocratiques. Cela étant, on peut regretter que les députés de Djibouti ne participent plus depuis plus de quatre ans aux travaux de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) 5 ( * ) .
* 5 D'après certains responsables de l'APF, leur absence serait la conséquence du non-paiement de la cotisation prévue par les statuts de cette assemblée interparlementaire ; ainsi, selon le rapport du trésorier de l'APF, le député luxembourgeois M. Jos Sheueur, présenté lors de la XXX ème session plénière de Charlottetown en juillet 2004, « ... Djibouti qui compte désormais plus de quatre années échues de cotisation est considérée comme n'étant plus membre de l'APF en application de l'article 5.7 du règlement de cette assemblée » (aux termes de cet article, toute section qui, pendant plus de quatre années civiles échues, ne s'est pas acquittée de ses cotisations ou n'a pas participé aux activités de l'Assemblée n'est plus membre de l'Assemblée). Il faut noter le caractère automatique de cette sanction, non soumise à l'examen préalable de la Délégation permanente du Bureau de l'APF.