2. Le diplôme : de l'obligation à l'explosion de l'offre d'étudiants
La nécessité du diplôme de journalisme, définie par le décret-loi n° 972/69, a eu des effets secondaires immédiats. La législation a créé une certaine réserve de marché pour les journalistes diplômés et l'entrée des amateurs dans la profession a été interdite, bien qu'il existait encore des brèches pour l'entrée sur le marché sans formation universitaire 416 ( * ) . Cette équation a eu pour résultat une explosion du contingent d'étudiants. D'après l'annuaire de l'Institut Brésilien de Géographie et Statistiques, l'IBGE, de 1972, le nombre d'inscriptions a doublé entre 1969 et 1971, passant de 1 547 à 3 013 étudiants 417 ( * ) .
Une demande forte de la part des étudiants, une réponse inadéquate de l'État ne proposant pas de nouveaux cours publics, résultat : la formation en journalisme est devenue une grosse affaire commerciale dans le pays. Dans un processus néolibéral de transfert à l'initiative privée de l'exploitation de l'enseignement universitaire brésilien dans son ensemble, le journalisme n'a pas échappé à la règle. De 58 écoles de journalisme en 1970, on est passé à 250 en 2002, et à 443 en 2003. D'une année sur l'autre, le bond a été de 77 %. Parmi celles-ci, seuls 74 sont publiques, contre 369 privées. Ces données sont issues du Recensement de l'Enseignement Supérieur du Ministère de l'Éducation (MEC) 418 ( * ) . Ces statistiques officielles sont contestées par la Fédération Nationale des Journalistes (Fenaj), qui soutient que le MEC a comptabilisé conjointement, à tort, les cours de journalisme et ceux des autres carrières de la Communication Sociale. Pour la Fédération, le nombre correct serait légèrement plus faible : 312 formations.
Indépendamment du fait de savoir qui détient les statistiques correctes, en considérant que tous les ans, chaque faculté forme, en moyenne, deux classes de journalisme composées chacune d'environ 25 journalistes, un rapide calcul nous indique que 15 000 à 22 000 nouveaux professionnels parviennent chaque année sur le marché du travail. Ce contingent représente à peu près le nombre de postes officiels de travail offerts par toutes les entreprises journalistiques en 2004 (voir détails dans la IIe Partie, Chapitre II-I - Le profil du marché du travail du journaliste au Brésil). Dans un témoignage auprès de la Commission d'Éducation, Culture et Sport de la Chambre des Députés, le directeur de la Faculté Cásper Libero de journalisme, Erasmo de Freitas Nuzzi, a considéré que la quantité de cours de journalisme était disproportionnée. Il y a trop d'élèves qui suivent ce cours . Devant la grande quantité de professionnels, la lutte pour une place au soleil est chaque jour plus âpre 419 ( * ) .
Le volume de l'offre de nouveaux journalistes constitue l'un des éléments ayant forcé à l'extension du territoire d'activité journalistique au Brésil (Voir détails dans la IIe Partie - Les contours du marché du travail et des médias de source au Brésil). Nous détaillerons davantage plus loin, dans l'item I -D - Les transformations structurelles du secteur médiatique, les phénomènes qui ont entraîné ce déplacement des frontières professionnelles, provoqué par une nécessité de survie sur le marché du travail.
* 416 Le règlement professionnel du journaliste brésilien établit trois qualités de Registre: celui du journaliste professionnel , qu'exige un diplôme en journalisme et qui permet l'exercice de toutes les fonctions journalistiques. Pour quatre autres fonctions - reporters-photographes, reporters cinéma, illustrateurs et maquettistes -, il est exigé exclusivement le domaine technique. Les professionnels de ce deuxième groupe ne peuvent pas travailler sur le terrain de l'écriture ou du reportage écrit, mais seulement dans l'activité définie par l'encadrement. La troisième catégorie, qui s'appelle journaliste provisionado , n'est valable que pour les villes que n'ont pas d'un cours de Journalisme. Elle représente une condition spéciale d'avoir la carte de presse. Le registre n'est valable que pour le territoire de la ville en cette condition et pour un période de trois ans (renouvelable).
* 417 Cf. IBGE, 1972.
* 418 Divulgués par le Boletim Inep, cf. Comunique-se, 16/08/2005.
* 419 Cf. témoignage auprès de la Commission d'Éducation, Culture et Sport de la Chambre des Députés à l'occasion de l'audience publique pour analyser la réglementation professionnelle des journalistes, réalisée le 19/06/2002. Disponible à l'adresse http://www2.camara.gov.br/comissoes/cec/notastaq/nt19062002.pdf