LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE : UN SUCCÈS INCONTESTABLE
1. L'héritage d'un passé glorieux
La
culture et l'Histoire mongoles sont ancrées dans un passé
glorieux illustré notamment par les conquêtes de Gengis Khan
et par la constitution d'un empire exceptionnel qui, à son
apogée, n'a pas eu d'équivalent dans l'Ancien Monde : de la
Corée jusqu'à la Hongrie et l'Égypte, et de la
Sibérie au sud de l'Iran.
Le souvenir de Gengis Khan reste omniprésent dans la
réalité mongole (la visite de la délégation
sénatoriale coïncidait d'ailleurs, cette année, avec la
célébration d'un anniversaire important de l'épopée
gengiskhanide).
Au XIII
ème
siècle, la « Pax
Mongolica » ainsi qu'un réseau remarquable de voies de
communication favorisèrent les échanges avec l'Europe, notamment
le commerce transitant par la Route de la Soie.
Dès cette lointaine époque, l'Occident entretint ainsi quelques
liens avec la Mongolie, visitée entre autres par Marco Polo.
Les premiers contacts officiels entre la France et la Mongolie ont
été établis en 1254, lorsqu'un émissaire de
Saint-Louis, Guillaume de Rubrouck, fut reçu par le Grand Khan
Möngke
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)
.
2. Soixante-quinze ans de communisme dans l'orbe de l'URSS
A
l'époque moderne, les vicissitudes de l'Histoire ont confiné la
Mongolie dans une situation de dépendance, voire de domination
étrangère.
Devenue province de l'Empire chinois (dynastie mandchoue des Qing) jusqu'en
juillet 1911, la Mongolie, connaît une brève période
d'indépendance sous l'autorité politique et théocratique
du Bogdo Gegen, le chef du culte lamaïste mongol (une déclaration
russo-chinoise de 1913 confirme cette indépendance).
Mais très vite, le pays se trouve partiellement occupé, tour
à tour par les troupes républicaines chinoises, les armées
de la Russie blanche et les troupes levées par un illuminé
d'origine balte, le baron Urgern Von Stenberg, dont l'ambition, pour
contrecarrer la révolution bolchevique, est de fonder un ordre militaire
de chevaliers bouddhiques.
A partir de 1921, commence la « seconde Révolution
mongole », conduite par le chef du Parti Populaire Mongol (PPM)
proche des bolcheviques : Soukhebator. A sa mort en 1923, le pouvoir passe
à Horlogiin Tchoibalsan.
La Mongolie, tout en conservant son indépendance, s'érige en 1924
en République populaire, strictement alignée sur l'URSS.
L'ancienne capitale, Ourga, est alors rebaptisée Oulan-Bator (le
« Héros rouge »).L'économie mongole sera
progressivement collectivisée sur le modèle soviétique,
tandis que sont organisées durant la période stalinienne des
purges politiques et une sévère répression antireligieuse,
où disparaissent près de 100 000 personnes (le
septième de la population d'alors) et environ
700 monastères. L'écriture mongole traditionnelle est
progressivement remplacée par l'alphabet cyrillique.
Après la disparition du maréchal Tchoibalsan en 1952, le
« Brejnev mongol » Yumjaagin TSEDENBAL, Secrétaire
général du Parti communiste mongol (le PPRM) prend la tête
du pouvoir et accentue encore la collectivisation, y compris celle du cheptel,
principal élément à la fois économique et
identitaire mongol. L'adoption de la Constitution de 1960 consacre les
principes collectivistes de l'organisation politique et sociale du
régime
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.
En 1962, l'entrée de la Mongolie dans le COMECON et l'installation sur
son territoire de 55 000 soldats soviétiques (pour une armée
mongole comptant seulement 20 000 hommes) placent de fait ce
pays en position de « glacis » entre l'URSS et la Chine.
3. L'instauration rapide d'un État de droit à partir de 1990
Après 32 ans de pouvoir, TSEDENBAL est remplacé
en
1984 par une personnalité plus libérale, Jambyn BATMÖNK, qui
s'efforce de promouvoir des concepts inspirés de la perestroïka et
de la glasnost ; les quelques observateurs occidentaux de la vie politique
mongole se hasardent alors à qualifier ce mouvement de
« mongolstroïka ».
La chute du mur de Berlin, la création d'une Association
démocratique mongole en 1989, et la multiplication de manifestations
populaires spontanées vont accélérer cette tendance et
acculer le Comité central du PPRM à la démission en mars
1990.
Dans le même temps, l'effritement de l'URSS va permettre à la
Mongolie de trouver les voies propres de sa libéralisation politique.
Le multipartisme est introduit en mai 1990, et des élections libres et
pluralistes sont organisées dès juillet 1990, mettant en
présence six partis.
Une nouvelle Constitution, adoptée en janvier 1992, établit un
régime de type semi-parlementaire.
Le Parlement monocaméral
, le Grand Khoural, composé
de 76 membres élus pour quatre ans au suffrage universel
direct est défini comme «
l'organe le plus
élevé du pouvoir
». Il nomme le gouvernement qui
est responsable devant lui, et peut mettre en jeu la responsabilité
politique du Président selon une procédure qui n'est pas sans
rappeler l'
impeachment
américain.
Le Président de Mongolie est élu au suffrage universel
direct
pour quatre ans. Chef des armées et Président du
Conseil national de sécurité (en charge des hautes questions de
politique étrangère et de défense), le Président
dispose d'un droit de veto législatif mais ne peut dissoudre le
Parlement. Il soumet au Parlement le nom du Premier ministre, selon le
résultat des élections législatives. Au delà de ses
pouvoirs constitutionnels, le Président jouit d'une grande
autorité morale et à ce titre, il exerce un rôle de
médiation politique essentiel, spécialement en cas de conflits
entre le Parlement et la population.
La Constitution garantit le respect des Droits de l'Homme, la liberté
religieuse, le droit de propriété et le bon fonctionnement de la
justice (sous le contrôle de la Cour suprême).
Une Cour constitutionnelle de neuf membres, nommés par le grand Khoural
sur proposition, par tiers, du Président, de la Cour Suprême et du
Khoural, vérifie le respect de la Constitution par les lois et
décrets ; elle peut être saisie par le Président, le
Premier ministre ou le Grand Khoural, mais peut aussi se déclarer
compétente de sa propre initiative ou sur pétition populaire.
4. La culture de l'alternance
Les
premières élections pluralistes de juillet 1990 avaient
donné la majorité au PPRM (Parti populaire
révolutionnaire mongol), c'est-à-dire à l'ex-parti
communiste, profondément transformé, acquis au libéralisme
et qui demeure un pivot essentiel de la vie politique mongole.
C'est également des rangs du PPRM qu'était issu le premier
Président de Mongolie, M. OTCHIRBAT, réélu en 1993, de
même que l'actuel Président, M. BAGADANDI (élu en 1997
en réélu en 2001).
Pour autant, la Mongolie a très rapidement pratiqué l'alternance
politique, en portant au pouvoir en juin 1996 une équipe
néo-libérale organisée autour de l'Union
démocratique (coalition incluant notamment le Parti National
Démocrate et le Parti Social Démocrate).
Toutefois, les tensions sociales provoquées par le programme de
redressement économique du nouveau gouvernement ont replacé le
PPRM en position forte, d'abord aux élections locales de 1996 (où
il emporte la direction de 15 des 18 assemblées d'aïmag
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)
, puis aux élections
législatives de juillet 2000, où il a obtenu 72 des 76
sièges.
En l'état actuel,
le PPRM occupe donc une position centrale au sein
de la vie politique mongole
, puisqu'il détient la présidence,
le Parlement et la quasi-totalité des postes de gouverneurs
d'aïmag.
De fait, l'opposition paraît fragilisée, divisée (avec,
notamment, le Parti démocratique et un nouveau parti créé
par M. OYUN
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)
, le Parti du courage
civique et républicain) et surtout trop peu nombreuse pour pouvoir
exercer une influence significative.
Mais la situation politique n'a rien de figé, d'autant que maintes
réformes se révèlent plus difficiles qu'escompté et
que le système, en favorisant l'instauration du dialogue social, peut,
comme partout, faire surgir des tensions et des situations conflictuelles -des
grèves de grande ampleur, par exemple- propices aux changements de
majorité.
Quoi qu'il en soit, au delà des contingences -somme toute normales- du
jeu partisan et de la démocratie pluraliste, le régime politique
mongol a démontré, en une dizaine d'années, à la
fois sa stabilité institutionnelle et sa capacité à
organiser une transition pacifiée du communisme d'avant 1990 vers un
système fondé sur des valeurs conciliant libéralisme et
culture mongole traditionnelle.
Cette évolution s'est accomplie sans heurt majeur, les acquis de la
démocratisation étant consolidés progressivement. Avec une
presse restée indépendante et des libertés publiques et
individuelles respectées,
la Mongolie est aujourd'hui parvenue
à un bon niveau de maturité démocratique.
En revanche, sur le plan économique, la Mongolie doit encore relever de
grands défis.