B. ET UN PROCESSUS DÉMOCRATIQUE FRAGILE SE DESSINE
Le
Yémen est la seule République de la péninsule arabique et
cette caractéristique n'est pas pour rien dans la chaleur des relations
entre ce pays et la France. La délégation du groupe
sénatorial a offert au Président de la République Ali
Abdallah Saleh une copie de la Marseillaise de Rude pour honorer son action en
faveur de la démocratie.
La République du Yémen est de plus une des rares
Républiques du monde arabe à pratiquer le pluralisme politique.
Si le processus démocratique n'est pas parvenu à son terme, s'il
connaît des insuffisances et des limites, force est de constater qu'il a
connu depuis dix ans peu de retours en arrière et qu'il a
bénéficié des encouragements des institutions
internationales.
1. Une démocratie en chemin...
Le Yémen, malgré l'illettrisme d'une grande part de sa population et ses difficultés économiques qui permettraient dans d'autres pays d'éluder la question de la démocratie, peut s'honorer d'un bilan plutôt satisfaisant au regard de ses onze années de vie démocratique. Les progrès récents ont dissipé certains doutes suscités par le déroulement de la campagne pour les élections présidentielles de 1999.
a) Une Constitution adoptée par le peuple
La
Constitution yéménite a été adoptée par
référendum en mai 1991, amendée le 29 septembre 1994 par
le Parlement, puis le 20 février 2001, par le Parlement et par
référendum.
Deux articles sont tout particulièrement à remarquer :
- Article 4 : « le peuple est le détenteur et la source
du pouvoir. Il l'exerce directement par la voie du référendum et
des élections générales... »
- Article 5 : « le régime politique de la
République repose sur le pluralisme politique et le multipartisme en vue
de l'alternance pacifique au pouvoir. »
Ces deux articles paraissent relativement communs pour la Constitution d'une
démocratie occidentale. Ils sont en revanche plus rares dans les
Constitutions de la région.
Les révisions constitutionnelles ne sont pas nécessairement en
elles-mêmes porteuses de davantage de démocratie. Elles traduisent
d'abord le rapport des forces politiques du moment. Ainsi, l'article 3 de la
Constitution a été amendé sous l'influence d'al-Islah,
dont la montée en puissance s'est faite au détriment du
PSY : de source principale de la législation, la Chari'a est
devenue source unique de législation.
De même, l'allongement de la durée des mandats de 5 à 7 ans
pour le Président de la République et de 4 à 6 ans pour la
durée du mandat des députés lors de la dernière
révision constitutionnelle, deux mois avant la tenue des
législatives peut surprendre l'observateur occidental, surtout en France
où les débats récents ont plutôt porté sur un
raccourcissement du mandat présidentiel.
Par contre, l'élargissement des pouvoirs du Conseil Consultatif, permet
d'envisager l'instauration d'un parlement bicaméral. La
nécessité pour le Conseil Consultatif et le Parlement de
présenter au moins trois candidats contre deux auparavant
améliore le dispositif de l'élection présidentielle,
remédie aux défauts constatés en 1999 et élargit le
champ politique.
b) Un système politique multipartite
Le Parlement constitue l'expression même du multipartisme yéménite.
Partis au Parlement issu des élections de 1997 |
|
|
|
CPG |
187 |
al-Islah |
53 |
Parti Ba'as |
2 |
Partis nassériens |
3 |
Indépendants |
54 |
Élection reportée |
2 |
TOTAL |
301 |
Le PSY n'est aujourd'hui plus véritablement représenté au Parlement en raison de son boycott des élections législatives d'avril 1997. Le report des élections législatives d'avril 2001 auxquelles le PSY aurait participé, à avril 2003, en raison de la prolongation du mandat de député de 4 à 6 ans, a porté un coup d'arrêt au retour du PSY sur la scène politique.
Les trois principaux partis politiques
-Le CPG,
le Congrès Populaire Général, est le parti du
Président de la République Ali Abdallah Saleh. Il est aujourd'hui
le seul parti représenté au Gouvernement après la sortie
du parti al Islah de la coalition en 1997. Le CPG détient la
majorité des sièges au Parlement. Il vient également de
remporter les élections locales avec plus de 60% des voix.
-Le parti islamique du Rassemblement yéménite pour la
Réforme (al-Islah) reste un parti qui compte malgré sa sortie de
la coalition gouvernementale. Proche du pouvoir sur le plan idéologique
et politique, Al Islah adresse pour autant des critiques parfois assez vives au
gouvernement. Les récentes élections locales ont ainsi
été l'occasion de conflits assez nourris entre le pouvoir et ce
parti. Pour autant, on ne peut le considérer comme un véritable
parti d'opposition d'un pays à représentation bipartisane. Al
Islah, fortement représenté au Parlement et dans les institutions
locales, est toujours le deuxième parti du Yémen. Son chef,
Cheikh al-Ahmar, est Président de l'Assemblée Nationale.
-Le parti socialiste, PSY, a connu bien des déboires depuis la
réunification de 1990. Ex-parti unique du Yémen du sud, à
l'idéologie marxiste, ses résultats électoraux l'ont
très tôt marginalisé par rapport aux partis du Nord, CPG et
al-Islah. Grand perdant de la guerre civile de 1994, accusé de tentative
de sécession, le PSY a perdu à cette occasion la plus grande
partie de ses cadres dirigeants partis en exil. Son boycott des
élections législatives de 1997 l'a encore marginalisé. Son
candidat n'a pu se présenter aux élections présidentielles
de 1999, sa candidature n'ayant pas été acceptée en amont
par un nombre suffisant de députés. Aux élections du 20
février 2001, le PSY a recueilli 4% des voix.
Le multipartisme yéménite dont la délégation du
groupe sénatorial peut témoigner, à la suite de ses
rencontres avec les dirigeants du CPG, du PSY et le Cheikh al-Ahmar,
Président d'al-Islah, est bien vivant. Il rencontre néanmoins des
limites liées à la difficile émergence d'une opposition et
aux conditions matérielles dans lesquelles les partis
yéménites exercent leur activité.
Deux des trois principaux partis yéménites peuvent aujourd'hui
être considérés comme faisant partie de l'opposition. Le
PSY est celui qui dénonce le plus vigoureusement la politique du
gouvernement yéménite. Son discrédit lié à
la « sécession » de 1994, sa faible audience
électorale, sa difficulté à disposer de moyens suffisants
pour faire campagne l'empêche de jouer le rôle auquel il
prétend dans la vie politique yéménite. De plus,
malgré le soutien de quatre petites formations d'opposition (le Parti
unioniste nassérien, le Baas yéménite et les partis
islamistes d'Al Haq et de l'Union des forces populaires), le candidat du PSY
à l'élection présidentielle de 1999 n'a pas recueilli
les
10 % des voix des parlementaires nécessaires à la
participation à l'élection. On a ainsi pu parler avec raison en
1999 à propos de l'élection présidentielle de
« rétrécissement du champ politique ».
De son côté, al-Islah, parti beaucoup plus puissant, a des
positions politiques contrastées. Il ne fait plus partie depuis 1997 de
la coalition au gouvernement. Il garde néanmoins la présidence du
Parlement alors qu'il y est minoritaire. al-Islah a une réelle
liberté de ton, un crédit important dans l'opinion avec 20% des
sièges dans les conseils de gouvernorat et 22% dans les conseils de
district. Toutefois, il n'a pas souhaité présenter de candidat
contre Ali Abdallah Saleh à l'élection présidentielle de
1999. Les liens personnels entre le Cheikh Al-Ahmar et Le Président de
la République, la proximité politique et idéologique,
même sur l'Islam, entre le CPG et al-Islah n'amènent pas ce
dernier parti à assumer une opposition réelle. Les
évènements récents ont néanmoins conduit al-Islah
à durcir ses positions. Le déroulement mouvementé de la
campagne pour les premières élections locales du 20
février 2001 a amené al-Islah à contester vigoureusement
les conditions dans lesquelles se sont tenues les élections. Les
résultats dans de nombreuses circonscriptions ont été mis
en cause par des partisans de l'Islah en colère, à travers des
manifestations de plusieurs milliers de personnes et parfois des heurts
armés. Très récemment, la décision du gouvernement
de placer les écoles coraniques financièrement et
administrativement dans le budget du ministère de l'Éducation a
été vivement contestée par al-Islah. Le Cheikh Al-Ahmar a
ainsi refusé de présidé les séances du Parlement
durant lesquelles ont été discutées ces mesures.
Cheikh Al-Ahmar
Âgé de près de 65 ans, le Cheikh Al-Ahmar
est le
très puissant Chef de la Confédération tribale des Hashed,
disposant d'une grande autorité sur la moitié Nord du pays.
Seigneur féodal par excellence, très soutenu politiquement et
financièrement par l'Arabie Saoudite, il a toujours eu une attitude
hostile à une future union avec le Yémen du Sud. Il a eu des
relations conflictuelles avec le pouvoir en place à Sanaa, sous la
Présidence d'Al-Hamdi (1974-1977).
Ne pouvant se permettre de heurter de front le pouvoir de ce Cheikh, qui a la
possibilité de lever du jour au lendemain des dizaines de milliers
d'hommes en armes, le Président Ali Abdallah Saleh a choisi depuis son
arrivée au pouvoir de composer avec lui en l'associant à la
direction du pays au sein d'un Conseil Consultatif de 15 membres
créé en mai 1979, en le nommant en août 1982 à la
Commission Permanente du Congrès Populaire Général et en
facilitant son accession à la Présidence de l'Assemblée
Nationale.
Quelques dates :
Septembre 1990 : Crée son propre parti « Al-Tajammu Al
Yemeni-Li'l-Islah » (le « Rassemblement
Yéménite pour la Réforme »), qui ouvre son
siège à Sanaa le 3 janvier 1990.
Avril-Mai 1991 : Combat l'article 3 de la Constitution qui stipule que
« la Chari'a est la source principale (et non pas unique) de la
législation ».
Août 1991 : Inaugure le siège de Al-Islah à Dhamar
15 mai 1993 : Président du Parlement
18 mai 1997 : Reconduit à la Présidence du Parlement
L'exercice du multipartisme est enfin contrarié par les conditions
matérielles dans lesquelles travaillent les partis politiques.
La délégation du groupe sénatorial en rencontrant les
membres du bureau politique du PSY a pu constater les obstacles et
matériels et financiers que peuvent rencontrer les partis politiques au
Yémen. Le PSY se plaint en effet de la confiscation de l'ensemble de ses
biens, mobiliers
6(
*
)
et immobiliers,
depuis 1994, de leur non-restitution et de l'absence de paiement d'un loyer
compensatoire pour les immeubles occupés par les administrations
d'État. Le PSY affirme vivre uniquement des cotisations de ces membres,
environ 200.000, recrutés parmi les couches les plus pauvres de la
population. La possibilité de promouvoir ses idées lui
paraît aujourd'hui limitée : le PSY dispose d'un journal,
mais en raison de la forte proportion d'illettrés au Yémen,
souhaiterait également avoir accès à la
télévision et à la radio.
Au-delà de la situation du PSY, héritée de la guerre
civile de 1994, se pose la question du financement public des partis
politiques
7(
*
)
et de leur égal
accès aux médias. L'encouragement de la vie démocratique
yéménite passera sans doute à terme, comme dans toute
République, par la définition d'un meilleur statut du parti
politique.
c) Un Parlement à l'existence réelle
Contrairement à d'autres Parlements du monde arabe, le
Parlement yéménite, qui compte 301 membres, est une réelle
enceinte de débats même si l'impact de ses décisions est
parfois limité.
À côté de ce Parlement existe un Conseil Consultatif qui
tend à devenir de plus en plus une seconde chambre. Ce Conseil compte,
depuis la réforme constitutionnelle, 111 membres.
Les pouvoirs de ce Conseil ont été élargis et sa
représentativité améliorée. Le bicamérisme
yéménite, parce qu'il favorisera l'expression des
sensibilités les plus diverses et qu'il permettra une meilleure
concertation en amont de la décision devrait apporter une contribution
majeure à la démocratisation du pays.
L'élargissement des pouvoirs du Conseil Consultatif,
dénommé aujourd'hui Conseil de la Choura
8(
*
)
, revêt deux aspects majeurs :
- Son association, avec le Parlement, à la désignation des
candidats à l'élection présidentielle.
- Son nouveau rôle joué en matière de ratification des
traités et des accords de défense.
Le conseil de la Choura a également un rôle de conseil
auprès du Président de la République.
Le mode de nomination des membres du Conseil de la Choura a fait l'objet
d'amples débats lors du passage de la délégation du groupe
sénatorial à Sanaa. La délégation, reçue par
le Président de la République, l'a entendu souhaiter que les
conseillers soient élus, au moins en partie, par les conseils locaux, ce
qui aurait fait du conseil une assemblée élue au suffrage
universel indirect, sur le modèle du Sénat français. Le
Président de la République a d'ailleurs indiqué que la
réforme constitutionnelle avait été inspirée d'une
part par l'exemple du Sénat américain et d'autre part par
l'initiative
9(
*
)
du Sénat
français de réunir le 14 mars 2000 à Paris tous les
Sénats du monde.
Les opposants au projet du Président ont été nombreux,
notamment parmi les anciens membres du Conseil Consultatif qui se sont
prononcés pour une reconduction pure et simple de leur mandat, mais
aussi parmi les députés qui ont craint l'émergence d'une
légitimité concurrente.
Pour des motifs constitutionnels, l'élection des membres du Conseil
Consultatif n'étant pas prévue par la dernière
réforme de la Constitution, le Président de la République
Ali Abdallah Saleh a dû renoncer à l'élection et s'est
résolu à désigner lui-même les conseillers. Il l'a
fait dans un souci d'ouverture certain puisque l'on compte parmi les 111
membres du nouveau Conseil consultatif plusieurs figures de l'opposition,
notamment le secrétaire général du parti unioniste
nassérien, Abdel Malek al-Mikhlafi, le chef du parti Baas
yéménite pro-irakien Kassem Salam et le
secrétaire-général adjoint du parti islamiste al-Islah,
Abd al-Wahab al-Ansi.
Sans doute a-t-il eu raison trop tôt : le Conseil Consultatif sera
certainement encore appelé à évoluer, conformément
aux ambitions réformatrices du Président de la
République.
d) État de droit : la réalité yéménite
Si
l'État de droit n'est pas un concept yéménite, il permet
néanmoins de confronter, sur un certain nombre de points, la jeune
démocratie yéménite aux démocraties occidentales.
Il en ressort tout d'abord que la liberté d'expression
bénéficie au Yémen d'assises solides. La presse
yéménite, malgré le fort taux d'analphabétisme, est
ainsi très florissante depuis le début de l'unification et
bénéficie d'une certaine autonomie par rapport au
pouvoir
10(
*
)
. La
délégation du groupe sénatorial a pu le vérifier,
lors de la conférence de presse à la résidence de
l'Ambassadeur de France
Dans les centaines de Maqial où les Yéménites se
réunissent quotidiennement pour mâcher le qât se
déploie un véritable débat intellectuel, non
dépourvu de liberté de ton et de vigueur.
Enfin, un mouvement associatif nombreux et varié manifeste
également l'émergence d'une véritable
société civile.
Sur le plan de la sécurité, le Yémen n'offre pas encore
aujourd'hui toutes les garanties souhaitables. Sécurité juridique
tout d'abord où les investisseurs étrangers se plaignent de la
fragilité des contrats commerciaux et de la difficulté d'obtenir
gain de cause devant les tribunaux en cas de contentieux.
Sécurité des personnes également : si la ville de
Sanaa est bien moins dangereuse pour le promeneur que le centre-ville de
n'importe quelle capitale occidentale, le nombre important de morts liés
à des crimes de sang pose problème. Le présent rapport a
déjà évoqué l'insécurité liée
aux conflits tribaux. Il souhaite mettre aussi l'accent sur la question du
terrorisme islamiste au Yémen et de la capacité du gouvernement
à l'éradiquer. Ce terrorisme ne doit en rien être confondu
avec l'action du parti al-Islah, conservateur. Il concerne une frange
très marginale de la population, d'anciens d'Afghanistan notamment, qui
à travers l'enlèvement d'Abyane, l'attentat contre l'Ambassade de
Grande-Bretagne à Sanaa et celui contre le croiseur américain USS
Cole ternit l'image internationale du Yémen.
L'enlèvement d'Abyane en décembre 1998, revendiqué par
l' « armée islamiste » a causé la mort
de trois touristes : deux Britanniques et un Australien. L'attentat contre
le croiseur USS Cole en octobre 2000 a, lui, coûté la vie à
17 marins américains et fait 35 blessés. Le lendemain, c'est
l'Ambassade de Grande-Bretagne qui était la cible d'un attentat à
la bombe, heureusement sans victime.
Les autorités yéménites n'ont pu faire toute la
lumière sur les auteurs de ces attentats qui témoignent de la
présence de petits groupes islamistes armés
incontrôlés et manipulés par l'extérieur
11(
*
)
. Le FBI enquête depuis l'attentat
de l'USS Cole sans avoir établi toutes les
responsabilités
12(
*
)
.
Sans que l'islamisme soit un danger au Yémen, ces petits groupes
terroristes mettent gravement en cause l'État de droit en ce qu'ils
menacent les principes constitutionnels du Yémen et font peser le doute
sur la capacité du gouvernement à être maître de la
sécurité intérieure.
Enfin, toujours s'agissant de l'État de droit, le Yémen est un
des États au monde qui applique le plus la peine de mort : un
durcissement s'est même opéré depuis 1998. Les
exécutions sont publiques et leur nombre peut être
évalué à une centaine depuis juin 1998.
2. Aux avancées récentes...
a) Une avancée majeure : le début de la décentralisation
Les
nouveaux conseils de districts et de governorats
13(
*
)
élus, constituent la base d'une
future décentralisation. La vie, dans les premières
années, de ces conseils élus, réunis pour la
première fois le 20 mars 2001, conditionnera sans doute l'avenir de la
décentralisation yéménite.
La délégation du groupe sénatorial a rencontré, en
compagnie du Vice-Gouverneur de Seyyun, deux nouveaux élus locaux. A
cette occasion, elle a pu mieux entrevoir la manière dont seront
organisés ces conseils.
Il semble que les exécutifs locaux seront toujours
désignés, soit par le Président de la République
pour les gouverneurs, soit par le gouvernement pour les responsables de
district. Un certain nombre de leurs adjoints, membres également de
l'exécutif, seront eux élus par les conseils, les élus se
répartissant entre différentes commissions dont l'une sera
consacrée au développement économique régional.
b) Un progrès à encourager : la participation des femmes à la vie publique
Le Yémen est un des rares pays, sinon le seul pays de la péninsule arabique, à autoriser le vote des femmes. Si leur participation à la vie publique est cependant modeste, 31 sont membres des conseils locaux, deux sont députés, deux sont membres du Conseil Consultatif 14( * ) et, depuis le dernier remaniement ministériel d'avril 2001, une est ministre 15( * ) .
3. Dont les élections rendent encore imparfaitement compte
Le
peuple yéménite est régulièrement convoqué
à des élections. En 1993 et en 1997 ont eu lieu les
élections législatives. La première élection au
suffrage universel du Président de la République depuis
l'unification a, elle, eu lieu en 1999. Enfin se sont tenues en février
2001 les premières élections locales au Conseil de gouvernorat et
de district.
Ces élections ont présenté certains défauts, que
les autorités yéménites ont en général
reconnus et qu'elles cherchent à corriger au fur et à mesure.
L'organisation des élections s'est tout d'abord heurtée à
des problèmes logistiques. La délégation du groupe
sénatorial a rencontré le Président du Comité
électoral suprême, M. Alawi al-Attas, qui a insisté sur la
difficulté de faire face à l'organisation des scrutins, avec des
comités électoraux peu qualifiés. Il a mentionné,
parmi les problèmes rencontrés à l'occasion du dernier
scrutin, ceux des emblèmes électoraux pour tenir compte de
l'analphabétisme d'une grande part de la population, de l'édition
des bulletins de vote, du contrôle des centres de vote. Le Yémen
fait dès lors souvent appel à la coopération
internationale en matière d'élections. L'Union Européenne
a ainsi fourni au Comité électoral son matériel
informatique pour le scrutin présidentiel de 1999. De son
côté, l'Allemagne a fourni le papier des bulletins de vote et la
France pour 400.000 francs d'encre indélébile devant permettre
d'éviter les votes à répétition.
Symboles des partis politiques
yéménites
pour
les élections législatives de 1997
CGP : cheval
Al-Islah : soleil
Parti nassérien populaire : croissant
Parti Baas : croissant et étoile
Parti démocratique nassérien : palmier
Parti populaire réformiste nassérien : échelle
Parti de l'alliance yéménite : chameau
Front national démocratique : poignard
Al Haq : pigeon
Parti national et social : mains croisées
Au-delà des difficultés matérielles, les scrutins de 1997,
1999 et 2001 se sont déroulés, tant durant la campagne
électorale que le jour du vote, de manière contrastée. La
comparaison des élections yéménites avec les autres
scrutins du monde arabe a néanmoins suscité, à juste
titre, les encouragements et les félicitations des pays occidentaux dont
la France.
a) Les élections législatives de 1997
Ces
élections ont été marquées par un boycott majeur,
celui du PSY, qui, s'il n'a pas remis en cause la validité du scrutin a
rendu difficile l'évaluation du rapport des forces politiques dans le
pays. 3.851 candidats, dont 3.000 indépendants se sont inscrits, 1.539
renonçant à se présenter le jour du scrutin.
Le département d'État américain dans un point de presse a
considéré ces élections comme « un pas
significatif vers le développement de la participation politique et un
système politique représentatif ». Malgré des
violences isolées, les observateurs locaux et internationaux ont
amené le Département d'État à qualifier ce scrutin
de « libre et sincère ».
16(
*
)
b) L'élection présidentielle de 1999
Si
l'élection présidentielle de 1999 a été
plutôt décevante au regard des espoirs que le régime avait
lui-même entretenus
17(
*
)
, elle
a été néanmoins reconnue comme ce qu'elle
était : la première élection d'un chef d'État
yéménite au suffrage universel direct.
Ali Abdallah Saleh n'a pas eu face à lui de challenger crédible.
Le refus de l'Islah de présenter un candidat y a été pour
une part. Le refus des membres du Parlement yéménite de porter
10% de leurs voix sur l'unique véritable candidat d'opposition restant,
le socialiste Ali Saleh Obad, a ôté au scrutin du 23 septembre
1999 son caractère pluraliste.
Les électeurs ont eu le choix entre Ali Abdallah Saleh et Najib Qahtant
al-Chaabi, député quasiment inconnu, membre de la même
formation politique que le Président, se présentant sous une
étiquette indépendante. Malgré une campagne
sérieuse de ce dernier et quelques apparitions à la
télévision, le score a été sans appel, Ali Abdallah
Saleh étant réélu avec 96,1% des suffrages.
18(
*
)
La communauté internationale, si elle n'avait pas envoyé
d'observateurs, malgré les vives critiques de l'opposition socialiste, a
rendu hommage à cette première élection
présidentielle au suffrage universel, répétition pour les
scrutins suivants. Le chef de l'État français a ainsi
félicité son homologue yéménite en ces
termes : « votre élection vient confirmer l'engagement de
votre pays sur le chemin de la démocratie. La France s'en
félicite et soutient avec sympathie ce choix déterminé en
faveur du droit et des institutions. »
19(
*
)
Les derniers amendements constitutionnels approuvés par le
référendum du 20 février 2001 devraient ouvrir plus
largement le prochain scrutin, prévu en 2006 : 3 candidats devront
au minimum être présentés par le Parlement et le Conseil
Consultatif, chacun ayant obtenu au minimum 5% des voix des membres des deux
assemblées.
20(
*
)
Ali Abdallah Saleh, Président de la République du Yémen
Après ses études primaires, il s'engage à
16
ans dans l'armée de l'imam Badr, puis entre en 1960 à
l'école des sous-officiers de Taëz. Après la
révolution de 1962, il participe aux différents épisodes
de la guerre civile contre les partisans de l'imam soutenus par l'Arabie
Saoudite. Il entre en 1964 à l'école des blindés puis fait
carrière dans les Services de Sécurité de
l'État-major des armées jusqu'en 1974.
Lieutenant en 1974, commandant en 1975, gouverneur militaire de la province de
Taëz en 1977, il devient d'abord au lendemain de l'assassinat de son
prédécesseur Ahmed Al Ghasmi membre du conseil
présidentiel temporaire avant d'être élu par une
assemblée constituante, Président de la République et
commandant en chef des forces armées le 17 juillet 1978. Élu le
30 août 1982 secrétaire général du Congrès
populaire général nouvellement créé, il a ensuite
été réélu à la présidence de la
République le 22 mai 1988.
Le 22 mai 1990, aux termes de la nouvelle Constitution née des accords
de réunification, il est devenu président du Conseil
présidentiel tripartite. Le 1
er
octobre 1994, à
l'issue de la guerre civile et des amendements de la Constitution qui ont
suivi, Ali Abdallah Saleh a été élu Président de la
République du Yémen unifiée.
Né en 1942, père de cinq enfants, Ali Abdallah Saleh est
originaire de Bait al Ahmar, au Sud Est de Sanaa. Il est membre de la
communauté zaydite.
c) Les élections locales du 20 février 2001
Si la campagne pour les élections locales a enregistré de nombreux incidents, parfois sanglants 21( * ) , elle peut néanmoins être considérée comme un élément de satisfaction pour la République du Yémen. 30.000 personnes se sont portées candidates pour environ 7.000 sièges : 401 sièges pour les Conseils provinciaux et 6.734 sièges pour les conseillers de districts. 100 femmes se sont portées candidates et 31 22( * ) ont été élues.
Résultats (partiels) des élections locales du 20 février 2001
Governorats (sièges remportés) |
Districts (sièges remportés) |
|
CPG |
253 |
3703 |
Al Islah |
77 |
1391 |
PSY |
16 |
210 |
Indépendants |
30 |
702 |
Parti nassérien |
|
26 |
Parti baas |
|
6 |
Front National |
|
3 |
Union des forces populaires |
|
2 |
Al Haq |
|
1 |
Les
résultats sont toujours contestés dans certaines circonscriptions
par des militants d'Al-Islah. Le PSY a lui aussi dénoncé de
nombreuses fraudes, dont celles liées au vote multiple de membres des
forces armées qualifiées de « forces électorales
mobiles
23(
*
)
».
Pour autant, ces premières élections constituent les
prémisses d'une décentralisation au Yémen et peuvent
être vues dans cette perspective comme une avancée
démocratique encourageante.
d) Un tabou : l'alternance
Si les élections provoquent d'indéniables ouvertures dans la vie politique yéménite, elles restent encore sous contrôle du Président de la République, du CPG et de l'armée, celle-ci se considérant comme le fer de lance de l'intérêt général, de la modernisation et de la stabilité intérieure. Dès lors, l'alternance à un très haut niveau ne paraît pas aujourd'hui d'actualité, Ali Abdallah Saleh jouissant au demeurant, semble-t-il, en l'absence de sondages, d'une très bonne côte de popularité.