PREMIÈRE PARTIE :
LE VANUATU : SURVIVANCE DE LA
FRANCOPHONIE
DANS UN ARCHIPEL DU PACIFIQUE SUD
Le
Vanuatu, d'une superficie de 14.700 km2, a une population d'environ
200.000 habitants répartie sur 80 îles et îlots de
l'arc mélanésien, dont 50 sont inhabités, et
s'étend sur 800 kilomètres. Le relief est montagneux, de
type volcanique et corallien. Les deux-tiers de la population vivent sur quatre
îles : Efate, Espiritu Santo, Malakula et Tanna.
Sa situation géographique - le Vanuatu est situé entre la
Nouvelle-Calédonie au sud-ouest et les îles Salomon au nord-ouest
- explique la communauté d'histoire et les ressemblances ethniques et
culturelles qui existent entre le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie.
Ancien Condominium franco-britannique, son clivage linguistique (60 %
d'anglophones, 40 % de francophones) continue à marquer sa vie
politique, économique et culturelle.
I. LA SITUATION POLITIQUE
A. APERCU HISTORIQUE
1. Une colonisation marquée par une rivalité franco-britannique
Au
début du 17
ème
siècle, le Portugais Fernandez
de QUEIROS part du Pérou à la découverte d'un grand
continent austral, la Terra Australis, qui, pensait-on, faisait pendant au
grand continent de l'hémisphère nord. Le 3 mai 1606, il crut
l'avoir découvert et l'appela "Australia del Espirito Santo".
En 1768, Antoine de BOUGAINVILLE quitte la France pour effectuer un voyage
d'exploration : il découvre les îles de Pentecôte, Aoba et
Aurora (Maevo) qu'il appelle Les Grandes Cyclades.
Le Britannique COOK y aborde le 16 juillet 1774 et en dresse un relevé.
Il leur donne le nom de Nouvelles Hébrides, qui restera en vigueur
jusqu'à l'indépendance en 1980. La plupart des îles gardent
le nom donné à cette époque : Tanna, Erromango, Ambrym.
En 1788, LA PÉROUSE, à bord de ses deux navires la Boussole et
l'Astrolabe, traverse les Nouvelles Hébrides avant de se perdre dans les
îles Salomon. D'ENTRECASTEAUX en 1793, puis DUMOND D'URVILLE en 1828,
partent à sa recherche.
En 1789 arrive le célèbre mutin du Bounty, William BLIGH. Il
découvre d'autres îles et revient en 1792 confirmer ses
découvertes.
Le commerce du bois de santal, florissant au début du
19
ème
siècle, cesse en 1868 pour laisser la place aux
blackbirds, recruteurs de main d'oeuvre pour les industries de canne à
sucre de Fidji et du Queensland, les mines de nickel de
Nouvelle-Calédonie, et les plantations de cocotiers des Samoa
occidentales.
Les premiers missionnaires presbytériens arrivent au Vanuatu en 1839,
suivis en 1860 par les Anglicans et en 1887 par les Catholiques. Les infections
apportées par les navires - choléra, petite vérole,
grippe, pneumonie, fièvre jaune, dysenterie - provoquent des
épidémies dans la population, faisant passer leur nombre
d'environ un million au début du 19
ème
siècle
à 650.000 en 1870 et, vingt ans plus tard, à 100.000, pour
atteindre 41.000 habitants en 1935. Les îles d'Anatom et d'Erromango ne
conservent alors que 5 % de leur population initiale.
Les premiers colons débarquent d'Europe en 1854. Alors que les
Britanniques sont négligés par leur pays d'origine, les
Français sont quant à eux soutenus par la France, et
prospèrent. En 1882, John HIGGINSON, spéculateur terrien
français d'origine irlandaise, fonde la Compagnie Calédonienne
des Nouvelles-Hébrides (CCNH). Il acquiert plus de 20 % des terres
exploitées par les britanniques et les chefs locaux. En 1894,
rebaptisée Société Française des
Nouvelles-Hébrides (SFNH), la Compagnie possède 55 % des terres
cultivables du Vanuatu.
Pour mettre fin à la rivalité existant entre les deux
communautés, les deux puissances coloniales créent en 1887 une
Commission navale mixte, reconduite sous la forme d'un condominium
franco-britannique.
2. Un régime original : le Condominium franco-britannique
Le 27
février 1906, le Condominium franco-britannique des
Nouvelles-Hébrides est créé en réponse à
l'expansionnisme germanique dans la région. A cette époque la
population totale est d'environ 2.000 Français, 1.000 Britanniques et
65.000 îliens. Cette autorité est étendue plus tard dans le
Protocole anglo-français de 1914, ratifié le 18 mars 1922. Ces
accords établissent une influence égale entre les deux pouvoirs
coloniaux, sans souveraineté exclusive. Les Nouvelles-Hébrides
sont "territoire d'influence commune". Les Français et les Britanniques
ont des droits égaux. Les Ni-Vanuatu n'ont aucun Etat officiel.
Chaque communauté a des services propres. Il existe deux polices, deux
services de santé, deux systèmes éducatifs - ce qui est
toujours le cas - deux monnaies et deux systèmes pénitentiaires.
Durant la guerre contre le Japon, les troupes américaines font halte au
Vanuatu et quittent l'archipel après la défaite japonaise en
1945, abandonnant une grande partie de leur équipement, en jetant la
plupart à la mer à Luganville, dans l'île de Santo.
Dans les années 60, un mouvement indigène - le Nagriamel -
revendique les terres sur lesquelles veulent s'étendre les colons
déjà installés. Une pétition est
déposée aux Nations-Unies en 1971 par le leader du mouvement,
Jimmy STEVENS, revendiquant l'indépendance du pays. La même
année, le Père Walter LINI fonde le Parti national des
Nouvelles-Hébrides, qui devient plus tard le Vanuaaku Pati, mouvement
anglophone.
En 1975, une assemblée représentative et des conseils municipaux
et communaux sont créés, élus au suffrage universel. Le 11
janvier 1978 est mis en place le premier Gouvernement autonome avec, comme
Président, Georges KALSAKAU. Il sera remplacé en décembre
par le Père Gérard LEYMANG, qui forme un gouvernement
d'unité nationale composé de cinq ministres du Vanuaaku Pati et
cinq ministres modérés.
Le projet de constitution est approuvé le 19 septembre 1979. Des
élections générales sont organisées en 1979 dont le
Vanuaaku Pati sort vainqueur (26 sièges sur 39). Walter LINI devient le
Premier ministre.
3. L'accession à l'indépendance
La date
de l'indépendance est fixée pour le milieu de l'année
1980. Le 30 avril, les négociations entre anglophones et francophones
échouent et le 28 mai des sécessionnistes prennent Luganville
dans l'île de Santo. Les anglophones et les britanniques évacuent
Santo pour Efaté. Le 5 juin 1980, J. STEVENS forme un Gouvernement
à Santo mais sa tentative échoue. Il sera condamné
à 14 ans de prison. Le 18 août, le gouvernement fait appel
à des troupes de Papouasie Nouvelle Guinée pour rétablir
le calme dans l'île de Santo. De nombreux français sont
expulsés. Le premier ministre Walter LINI se refusera longtemps à
favoriser le développement de l'île.
La République du Vanuatu devient indépendante le 30 juillet 1980,
il y a tout juste vingt ans. Le nouvel Etat adopte un régime de type
démocratique parlementaire. La réalité du pouvoir est
détenue par le Premier ministre.
Les langues officielles reconnues par la Constitution sont le bishlamar,
l'anglais et le français.