PANEL N°2 :

« PERFORMANCES AGRICOLES ET POTENTIEL DE L'INDUSTRIE AGROALIMENTAIRE » EN PRÉSENCE DU MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DU DÉVELOPPEMENT RURAL

Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique

Ont participé à cette table ronde :

M. Kobenan-Kouassi ADJOUMANI, ministre d'État, ministre de l'Agriculture et du Développement rural de la Côte d'Ivoire

M. Patrick POIRRIER, président du groupe Cémoi

M. Jérôme FABRE, président de la Compagnie fruitière

M. Philippe BERNARD, président du groupe Bouchard

M. Arnaud FLEURY - L'agriculture est l'un des moteurs de l'économie en Côte d'Ivoire (25 % du PIB), premier pays producteur de cacao, de noix de cajou, etc. Où en est le développement économique de la Côte d'Ivoire aujourd'hui, Monsieur le ministre ? Êtes-vous satisfait du programme national d'investissement agricole, dont le coût est estimé à dix-huit milliards d'euros sur une période de sept ans ? Êtes-vous satisfait des résultats pour arriver à une autonomisation suffisante et une transformation de valorisation des cultures ?

M. Kobenan-Kouassi ADJOUMANI, ministre d'État, ministre de l'Agriculture et du Développement rural - Nous sommes très satisfaits des résultats. Notre pays a opté pour un développement économique basé sur le secteur agricole. Nous avons certes un nombre restreint de spéculations choisies et financées (café et cacao), mais elles ont joué le rôle de locomotive du progrès dans notre pays. Ce binôme nous permet aujourd'hui de tenir nos promesses au plan économique, car le café et le cacao, à eux seuls, représentent 40 % des recettes d'exportation. Cependant, nous n'avons pas uniquement ces spéculations. Nous avons un secteur agricole très diversifié, ce qui constitue l'un des points forts de l'économie ivoirienne passant souvent inaperçu. Nous pratiquons une large gamme de cultures, qui participe à notre économie : l'hévéa, le palmier à huile, le coton, la banane de serre, l'ananas, ainsi que le riz qui est un secteur très prisé, le manioc, le maïs, etc. Nous sommes très satisfaits car la mise en oeuvre du programme national d'investissement, avec les réformes opérées dans certaines filières comme celles du café, du cacao, du coton, de l'hévéa et du palmier, permet une croissance continue du produit national agricole. Nous sommes aujourd'hui leader africain, voire mondial, dans plusieurs productions.

M. Arnaud FLEURY - Quels sont les challenges pour le secteur agricole ivoirien ? Je pense à la mécanisation, à un moindre recours aux intrants étrangers, à l'inclusion et au renforcement de la performance économique de ces filières.

M. Kobenan-Kouassi ADJOUMANI - La production agricole a connu une croissance exceptionnelle ces dernières années mais il reste d'importants défis à relever. Il faut gagner le pari de la modernisation des moyens de production. Aujourd'hui, 60 % des exploitants agricoles ont plus de soixante ans. Il faut renouveler la classe des producteurs. Or il n'est pas possible d'attirer les jeunes dans l'agriculture si nous continuons à produire avec des dabas et des machettes. Il existe donc un véritable défi de mécanisation agricole et nous sommes dans une dynamique collaborative avec l'association Coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) par le biais du service économique de l'ambassade de France afin de développer des solutions viables et accessibles aux producteurs. Tout notre défi réside dans la disponibilité de semences de qualité. La plupart des exploitants agricoles est obligée de recourir aux semences importées. Or, avec les problèmes de transport et de conservation loin des zones de production, il arrive souvent que ces semences subissent des aléas, ce qui a des incidences sur leur taux de germination lorsqu'elles arrivent au niveau des producteurs. Un programme moderne est en cours pour faciliter l'installation de producteurs semenciers privés. Il existe aussi le problème d'irrigation, mais le défi principal reste celui de la conservation et de la transformation in situ de nos productions. La transformation locale est en effet très faible, ce qui implique que la plus grande partie de la valeur ajoutée de la production agricole est engloutie dans les exportations.

M. Arnaud FLEURY - Les industries agroalimentaires représentent 15 % du PIB (brasserie, minoterie, produits de la pêche, etc.), mais pas suffisamment sur les produits agricoles (café, cacao, banane, maraîchers, etc.). Avez-vous des projets d'avantages fiscaux pour développer les investissements en agroalimentaire de transformation ?

M. Kobenan-Kouassi ADJOUMANI - Nous avons une politique qui permet à tous ceux qui s'installent en Côte d'Ivoire pour faire de la transformation de bénéficier de certains avantages. Nous voulons que des investisseurs privés viennent en Côte d'Ivoire du fait des faveurs qui leur sont proposées. La France a toujours été un partenaire sûr pour la Côte d'Ivoire.

Au niveau de la transformation, nous sommes prêts à accepter toute demande d'implantation d'usines françaises en Côte d'Ivoire. Nous avons travaillé avec Cémoi, qui fait un travail remarquable, et nous voulons que d'autres entreprises françaises s'installent pour aider à moderniser la transformation sur place. Deux zones industrielles sont déjà prévues et dans la filière cacao, d'autres investisseurs privés que l'entreprise Cémoi sont attendus et nous espérons avoir des entreprises françaises. Nous avons mis en place un programme pilote de transformation agricole. Le développement du secteur agroalimentaire est très important pour notre pays, et nous sommes convaincus que les investisseurs français joueront un rôle de catalyseur dans la création de richesses inclusives et dans l'innovation.

M. Arnaud FLEURY - Monsieur POIRRIER, vous êtes président du groupe Cémoi basé à Perpignan. Avec huit cent millions d'euros de chiffre d'affaires, quatorze sites de production en France sur toute la ligne du chocolat, de la fève au consommateur, vous êtes premier producteur mondial de cacao avec 40 % des exports. La filière fait néanmoins face à des défis, notamment en raison des cours bas en ce moment, contrairement à d'autres matières premières, et se pose toujours la question de la valorisation. Racontez-nous votre sentiment, en tant qu'acheteur principal sur la zone. Combien satisfaites-vous de vos besoins en Côte d'Ivoire ?

M. Patrick POIRRIER, président du groupe Cémoi - Je voudrais remercier le ministre ESSIS que j'ai rencontré à l'époque quand il était au CPICI. Je peux donc témoigner que le CPICI aide à l'investissement en Côte d'Ivoire et nous avons fait le choix, en tant que groupe Cémoi, d'être présent de la fève jusqu'au produit du consommateur, y compris au niveau de la zone économique d'Abidjan et sur toute la sous-région. Aujourd'hui, nous achetons 95 % de notre cacao en Côte d'Ivoire, qui est le premier producteur mondial. Nous mettons en avant la qualité du cacao ivoirien avec lequel nous travaillons déjà depuis le milieu des années 1990 pour la majorité de notre production de cacao.

M. Arnaud FLEURY - Vous avez monté une usine de transformation. À quel niveau la filière doit-elle se moderniser ? Peut-être faut-il avoir des plantations plus environnementales, penser à la reforestation, etc.

M. Patrick POIRRIER - Nous travaillons déjà avec des coopératives et le but est d'avoir un accès direct à un cacao de qualité avec des coopératives. Le défi auquel est confrontée la filière reste l'image que nous avons de plantations énormes. En réalité, la production de cacao en Côte d'Ivoire passe par une multitude de petits planteurs qui sont groupés en coopératives. Nous avons un programme « transparence cacao » qui nous permet d'aller au plus près des planteurs. S'agissant de la lutte contre la déforestation, dans la filière cacao, nous en sommes à l'étape suivante de reforestation. Il y a eu des modèles économiques dans les années 1980 avec des plantations en plein soleil alors qu'habituellement, les cacaoyers poussent à l'ombre de la forêt. Nous aidons ainsi les planteurs à replanter et à sélectionner des essences qui leur permettront d'avoir une retraite car ce bois assure de l'ombrage, lequel implique moins de dépenses de traitement pour le planteur et pas de perte de rendement. Une plantation sous ombrage produit bien, voire mieux qu'une plantation en plein soleil, et elle permettra aussi dans l'avenir d'avoir un revenu par le bois.

M. Arnaud FLEURY - Vous avez une usine de première torréfaction des fèves et une usine de produits finis de tablettes. Il y a eu de sérieux problèmes de coupure d'électricité cette année, ce n'est pas toujours très simple. Comment cela se passe-t-il : avez-vous l'intention d'investir de manière importante en CAPEX sur cette transformation ou pensez-vous que les conditions ne sont pas suffisamment réunies aujourd'hui ?

M. Patrick POIRRIER - Notre usine de première transformation tourne à feu continu du 1er janvier au 31 décembre. Nous avons donc besoin d'électricité. L'avenir de la transformation passera aussi par la cogénération. La transformation de cacao génère aussi des coques de cacao que nous pouvons valoriser en engrais dans les plantations de bananes, voire utiliser pour la production d'énergie. L'énergie est un facteur crucial pour nous. Nous pensons aujourd'hui à étendre cette entreprise, sachant que nous avons déjà fait des investissements importants. Nous avons en outre investi il y a une dizaine d'années sur une chocolaterie et fait le choix de la qualité avec un chocolat 100 % pur beurre de cacao. Ce projet est à la taille de la sous-région.

M. Arnaud FLEURY - Vous avez dit qu'il fallait travailler en cluster.

M. Patrick POIRRIER - Aujourd'hui, nous avons confié au planteur la première transformation qui est le goût, mais nous travaillons aussi sur des centres de fermentation qui permettent aux coopératives d'améliorer aussi leur rentabilité. Nous travaillons avec d'autres entreprises comme Airbus car nous avons besoin de géolocalisation, d'images satellites et de traçabilité. C'est un travail qui se fait en commun.

M. Arnaud FLEURY - Vous êtes une entreprise familiale et vous le revendiquez. Mais vous allez vous marier avec une entreprise belge et vous allez donc grossir. Allez-vous continuer à être aussi amicaux vis-à-vis de la Côte d'Ivoire, et cela ne va-t-il pas renforcer les acheteurs internationaux qui sont déjà très concentrés, ce qui a tendance à tirer les prix vers le bas ?

M. Patrick POIRRIER - Nous resterons une entreprise familiale. L'idée est de croître entre entreprises familiales pour pouvoir lutter à armes égales avec des entreprises qui continuent à se concentrer. Ce secteur doit continuer à se transformer, c'est la compétitivité, on doit continuer à avancer. Ce qui nous intéresse aujourd'hui est de pouvoir travailler en direct avec des planteurs et des coopératives. Le dernier point a trait à la qualité, au goût, mettre en avant l'origine ivoirienne, qui n'est pas assez visible de votre point de vue.

M. Patrick POIRRIER - Nous travaillons sur ces aspects. Nous indiquons « origine Côte d'Ivoire » sur tous nos emballages dès que nous le pouvons. C'est aussi par le travail du marketing pays que nous pourrons mettre en avant l'origine Côte d'Ivoire. Nous comparons souvent avec le café de Colombie : le marketing d'origine est un réel marketing permettant de valoriser une valeur immatérielle.

M. Arnaud FLEURY - Jérôme FABRE, vous êtes président exécutif de la Compagnie fruitière basée à Marseille, entreprise familiale avec sept cent millions d'euros de chiffre d'affaires, dont un tiers représenté par la Côte d'Ivoire avec principalement la banane, mais également la mangue et l'ananas. Vous êtes aussi dans une logique totalement intégrée. Pouvez-vous nous donner quelques chiffres sur la banane en Côte d'Ivoire ?

M. Jérôme FABRE, président de la Compagnie fruitière - Nous sommes complètement intégrés en effet. La banane en Côte d'Ivoire représente environ quatre cent mille tonnes, soit près de la totalité de la consommation française, qui s'élève à six cent mille tonnes, et environ 8 % du marché européen (environ cinq à six millions de tonnes). Il s'agit d'un opérateur important pour le marché européen - plus de la moitié des bananes ivoiriennes sont envoyées sur le marché européen, tandis qu'une partie est envoyée sur le marché régional, qui représente un vrai marché de croissance pour les productions agricoles.

M. Arnaud FLEURY - Vous êtes donc un acteur intégré, des plantations jusqu'à la distribution en Europe auprès des centrales d'achat, en passant par la logistique portuaire et maritime. Pour autant, la filière de la banane ne se porte pas très bien.

M. Jérôme FABRE - Nous sommes effectivement totalement intégrés, comme beaucoup d'entreprises internationales dans le commerce de la banane. Les marges sont extrêmement faibles - il s'agit d'une commodity et de ce fait, la compétitivité est très forte. Nous opérons tous avec la même variété de banane. Il existe deux mille variétés dans le monde et seules deux sont commercialisées. Il existe des effets terroirs mais aujourd'hui, 75 % du marché mondial est contrôlé par les latino-américains qui ont un avantage comparatif structurel car ils se trouvent en zone dollar. Le franc CFA, qui est un vrai soutien pour un pays comme la Côte d'Ivoire, lui donne aussi un manque de compétitivité par rapport au dollar qui est structurellement moins cher.

M. Arnaud FLEURY - Vous m'avez dit aussi que vous n'étiez pas soutenus par l'Union européenne. Que réclamez-vous ?

M. Jérôme FABRE - On parle beaucoup de local content, en disant qu'un investisseur français qui s'installe en Côte d'Ivoire doit développer du local content. Je suis d'accord et nous le faisons en travaillant avec de nombreux sous-traitants et partenaires de qualité ivoiriens. Cependant, une agriculture d'exportation a besoin de marchés, et pas uniquement de subventions. De ce fait, l'idée d'avoir un african content ou un ivorian content dans les achats des grandes et moyennes surfaces (GMS) françaises et européennes, et donc de donner une préférence à la banane ivoirienne et africaine, et aux fruits ivoiriens et africains de manière générale, cela semble être une idée qui peut faire sens.

M. Arnaud FLEURY - Aujourd'hui se pose la question de l'intégration. Qu'est-il possible de faire en intégration avec la banane ?

M. Jérôme FABRE - La banane, même s'il s'agit d'un produit de base, comprend de nombreuses segmentations. Nous avons joué sur la gustativité en créant par exemple une segmentation de bananes très gustatives, les bananes « suprêmes ». Nous pouvons aussi en faire de la farine, et des filières de fruits séchés se développent de plus en plus avec une réelle augmentation de la consommation. En matière de qualité de production, il existe aussi les filières équitables et nous sommes même aujourd'hui le leader du commerce équitable en France et en Afrique subsaharienne. Il existe également le bio, à ne pas négliger car les taux de croissance sont à deux chiffres. Ce sont autant d'exemples pour améliorer la valeur des produits au-delà de la transformation. Ces filières leader que sont le cacao, la banane et la mangue peuvent permettre l'émergence de produits de transformation (produits phytosanitaires, engrais) qui vont accompagner de nouvelles filières (papier en fibre de bananier par exemple) dans lesquelles il est possible d'avoir de l'investissement étranger, en partenariat avec l'investissement ivoirien. À la fin des années 1990, la Côte d'Ivoire était le leader mondial du commerce de la banane. Aujourd'hui, c'est le Costa Rica mais cela ne signifie pas que la Côte d'Ivoire ne peut pas revenir, avec un leadership mondial et des produits transformés.

M. Arnaud FLEURY - Pourquoi ne faites-vous pas l'emballage ?

M. Jérôme FABRE - Il s'agit d'une question de taille critique. Pour pouvoir faire une cartonnerie de taille significative, il faut un volume minimum. Or aujourd'hui, nous n'avons pas encore atteint la taille critique : la Côte d'Ivoire produit quatre cent mille tonnes de bananes par jour, alors que l'Équateur, qui est le principal concurrent, en produit huit millions de tonnes. En Équateur, il existe donc des cartonneries et des productions d'engrais dédiées à la banane, et même un ministre de la banane, mais en Afrique, nous n'avons pas encore atteint la taille critique.

M. Arnaud FLEURY - Je voudrais citer un rapport diligenté par l'Union européenne qui estime les besoins de la filière banane entre deux cent mille et quatre cent mille euros pour la Côte d'Ivoire. Il existe d'autres produits intéressants, les légumes, les agrumes, les autres fruits comme la mangue et l'ananas. Il faut professionnaliser tout cela et y croire.

M. Jérôme FABRE - La Côte d'Ivoire présente comme avantages d'avoir des terres, de l'eau, un climat très diversifié entre le Nord et le Sud du pays, des infrastructures, ainsi que des femmes et des hommes qui sont compétents en matière d'agriculture (travailleurs dans les champs et personnels d'encadrement). Il faut cependant développer une nouvelle génération d'agri-entrepreneurs. Il s'agit d'une filière rapidement créatrice d'emplois et dans laquelle nous pouvons aider à créer des entrepreneurs locaux.

M. Arnaud FLEURY - Philippe BERNARD, vous travaillez dans la concession en France de matériel agricole, espaces travaux publics, manutention, etc. Votre entreprise fait quatre-vingt-quinze millions d'euros de chiffre d'affaires. Vous avez décidé de vous implanter en Côte d'Ivoire pour commercialiser du matériel agricole essentiellement, n'est-ce pas ? Racontez-nous comment cela se passe.

M. Philippe BERNARD, président du groupe Bouchard - Pourquoi la Côte d'Ivoire ? Nous estimons tout d'abord que le continent africain est celui qui aura la plus grosse croissance dans les années qui viennent. Il s'agit en outre d'un pays francophone. Enfin, il s'agit d'un pays agricole dans lequel, alors qu'en France nous faisons une récolte agricole par an, il est possible d'en faire deux ou trois, voire quatre. Nous travaillons à la fois avec de grosses entreprises et avec des agriculteurs ivoiriens qui peuvent commencer avec de petites fermes. Nous sommes en Côte d'Ivoire depuis six ans et notre société est de droit ivoirien. À part le directeur qui est français, nous n'avons que des employés ivoiriens, multi-ethnies et multi-religions.

M. Arnaud FLEURY - En termes de contenu local, qu'est-ce qui pourrait être produit localement en matériel agricole sophistiqué ?

M. Philippe BERNARD - Je pense que c'est trop tôt, mais la Côte d'Ivoire a un vrai potentiel de croissance en agriculture et en autosuffisance sous réserve que nous puissions aider l'agriculture. Le gros problème concerne le financement de l'agriculture et de l'agriculteur, pour investir dans du matériel et/ou des usines de transformation.

Nous estimons que le gros problème a trait non pas à la réglementation douanière mais au manque de fluidité pour sortir les matériels du port et aux taxes douanières qui surenchérissent ces derniers et diminuent le potentiel d'achat des agriculteurs.

M. Arnaud FLEURY - Vous m'avez dit au téléphone que les économies d'échelle étaient réalisables après quinze ans, et que vous visiez vingt à vingt-cinq millions d'euros de chiffre d'affaires - vous êtes à deux ou trois millions aujourd'hui. Est-ce possible ?

M. Philippe BERNARD - Bien sûr. Nous partons du principe que pour créer une filiale, il faut environ cinq ans : pendant la première année, nous découvrons le pays, pendant la deuxième et la troisième années, nous découvrons les clients, et pendant la quatrième et la cinquième années, les clients apprennent à nous connaître. Il faut que nos clients nous fassent confiance, et la confiance se gagne. Pour qu'une filiale se développe, il faut un temps certain.

M. Arnaud FLEURY - Comment sont les marges ?

M. Philippe BERNARD - Comme en France. Nous apportons exactement le même service en Côte d'Ivoire que celui que nous apportons en France, avec un service après-vente, des pièces détachées, du matériel d'occasion, etc.

M. Arnaud FLEURY - Il n'y a pas que le secteur agricole, vous vous intéressez également au forestier, à la manutention, aux travaux publics.

M. Philippe BERNARD - Tout à fait, nous reproduisons en Côte d'Ivoire ce que nous faisons en France.

De la salle - Je suis président d'une organisation spécialisée dans la valorisation des coproduits de la noix de cajou en solutions chimiques à forte valeur ajoutée. Aujourd'hui, nous avons réussi à réunir une ressource d'excellence en France. Nous souhaiterions implanter notre solution en Afrique, en Côte d'Ivoire, mais il s'agit de solutions à forte valeur ajoutée et propriété intellectuelle. Nous avons donc des difficultés à financer 100 % du projet en Afrique avec des partenaires locaux. Comme il s'agit d'un sujet-clé pour l'État ivoirien, il faudrait que ce dernier soit un peu plus entreprenant. Quelles solutions peut-il proposer ?

De la salle - Quelle est la stratégie du groupe de Monsieur FAVRE au niveau de la transformation des autres produits ? Avez-vous une stratégie de diversification de produits et de transformation locale ?

M. Jérôme FABRE - Notre produit principal étant la banane, je serais tenté de vous dire qu'il s'agit déjà d'un produit parfait en soi, parfaitement adapté à la consommation. Nous nous sommes demandé ce que nous pouvions faire comme produits transformés : de la farine, des bananes séchées, des chips, etc. Sur l'ananas, c'est plus simple (jus, fruit séché, etc.), comme pour la mangue. Il faut avoir en tête qu'un hectare de banane est productif entre six et dix ans et qu'il faut ensuite le mettre en jachère. Pendant la jachère, nous pouvons réfléchir à planter des plantes fourragères permettant de faire un apport de revenu pour le fourrage. Nous pouvons aussi utiliser les coproduits. Au Ghana par exemple, nous avons un partenaire auquel nous donnons les déchets de bananes et qui produit des insectes. Les larves d'insectes mangent les bananes, et nous récupérons l'excrément de ces larves d'insectes qui font du compost. En parallèle, notre partenaire produit ces insectes puis en fait de la farine pour nourrir le bétail et le poisson.

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