Groupe interparlementaire d'amitié

France-Arménie (1 ( * ))

Les enseignements de la coopération décentralisée en Arménie : l'exigence de durée et de coordination des actions

Actualisation de l'étude conduite, en 2011, par le groupe interparlementaire d'amitié France-Arménie

Avant-propos

Mesdames, Messieurs,

À l'occasion du vingtième anniversaire de l'indépendance retrouvée de la République d'Arménie, le groupe interparlementaire d'amitié France-Arménie du Sénat, à l'initiative de son président, notre ancien collègue Serge Lagauche, avait publié, en 2011, un panorama de la coopération conduite par les collectivités territoriales françaises dans ce pays.

Neuf ans plus tard, il est apparu opportun d'actualiser ce document, au 30 septembre 2020, tant d'événements étant intervenus entretemps.

L'Arménie a aujourd'hui abordé une nouvelle étape de son histoire. Les projets conduits par les collectivités françaises se sont, dans de nombreux cas, poursuivis et adaptés aux diverses évolutions constatées depuis leur première mise en oeuvre, s'attachant à mieux répondre aux demandes de leurs partenaires arméniennes, tel le projet du maire d'Erevan en matière de planification urbaine.

En 2017, le ministre des Affaires étrangères, M. Jean-Marc Ayrault, soulignait combien l'action extérieure des collectivités constituait « un atout de tout premier plan pour l'attractivité de la France et pour la solidarité internationale » 2 ( * ) .

En effet, l'expertise française en la matière couvre de nombreux domaines.

Par ailleurs, le cadre juridique de la coopération décentralisée a encore évolué, avec de nouveaux outils à la disposition des collectivités territoriales.

La crise sanitaire a quelque peu bouleversé cette actualisation en limitant aux échanges écrits les relations entre le groupe d'amitié sénatorial et les collectivités territoriales. Les rencontres programmées au printemps 2020 avec les collectivités arméniennes, qui auraient utilement enrichi ce document, n'ont pu se dérouler.

Que soient ici chaleureusement remerciées les collectivités qui ont accepté de participer à l'actualisation de l'étude réalisée en 2011. Leurs contributions permettent de mesurer le chemin accompli depuis lors, la réalisation des projets, l'inflexion de leurs coopérations et leur intervention dans de nouveaux champs.

I. LES DERNIÈRES MODIFICATIONS du CADRE JURIDIQUE DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

Les articles L. 1115-1 à L. 1115-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT), insérés au sein du titre consacré à la libre administration des collectivités, régissent l'action extérieure de ces dernières dans le respect de la compétence exclusive de l'État pour conduire les relations internationales de la France.

Cette compétence locale, qui s'est développée avec la décentralisation initiée en 1982, n'a cessé de se déployer depuis. Complémentaire des relations étatiques, elle s'exerce à échelle plus fine auprès des collectivités des partenaires étrangers. Aujourd'hui, après le recensement établi par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE), on dénombre environ 10 700 projets impliquant près de 4 700 collectivités françaises, soit des partenariats avec 8 150 collectivités étrangères de 134 pays 3 ( * ) .

Ces quelques données illustrent l'ampleur de cette « diplomatie de proximité », selon les mots de M. André Laignel, premier vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF) et président du Comité des finances locales (CFL), dans son rapport au ministre de l'Europe et des Affaires étrangères sur l'action extérieure des collectivités territoriales françaises. Il notait ainsi : « C'est donc aujourd'hui l'ensemble de la puissance publique - État et collectivités territoriales - qui incarne, chacun dans leur domaine de responsabilité et dans le respect du rôle de l'État, la diplomatie française aux yeux de nos partenaires étrangers » 4 ( * ) .

Le législateur est intervenu en 1992 pour l'encadrer, allant au-delà de la seule coopération transfrontalière dans le cadre de laquelle les régions pouvaient, avec l'autorisation du Gouvernement, organiser des contacts réguliers avec des collectivités décentralisées étrangères ayant avec elles une frontière commune 5 ( * ) .

Le Sénat a accompagné les projets des collectivités en intervenant à plusieurs reprises pour adapter le volet législatif au développement et à l'évolution de la coopération décentralisée. Les dispositions rappelées ci-après n'énoncent pas celles concernant la coopération transfrontalière et intra-européenne ou la coopération régionale des collectivités d'outre-mer, inopérantes dans le cadre des relations avec les entités locales arméniennes.

A. LE PÉRIMÈTRE DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

L'action extérieure des collectivités territoriales est juridiquement déterminée par l'article L. 1115-1 du CGCT.

En premier lieu, elle est soumise au respect des engagements internationaux de la France , traités et accords de l'article 55 de la Constitution, et à celui de « la conduite de ses relations diplomatiques » 6 ( * ) , ce qui induit la non-contradiction des interventions locales avec l'action internationale de l'État.

Il s'agit ensuite d'une compétence de principe des collectivités, par l'effet de la loi du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements, adoptée à l'initiative de notre ancien collègue Michel Thiollière. Le libellé de la compétence a été modifié en 2014 pour sécuriser les interventions des entités françaises 7 ( * ) : son champ a été, en conséquence, élargi pour prendre en compte les diverses formes de la coopération décentralisée. Désormais, la compétence vise à « mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire ».

Les différents échelons de collectivités peuvent intervenir à l'étranger à tout niveau : aux termes de l'article L. 1115-1 précité, sont compétents les collectivités territoriales et leurs groupements (établissements publics de coopération intercommunale, syndicats mixtes, pôles métropolitains, pôles d'équilibre territoriaux et ruraux, agences départementales, institutions ou organismes interdépartementaux et ententes interrégionales) 8 ( * ) , qui peuvent mener leurs actions auprès d'une collectivité étrangère d'un rang différent du leur dans leur ordre juridique interne, le législateur n'ayant pas exigé le respect de relations à un niveau équivalent.

À cet égard, la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République n'a entraîné aucune conséquence.

Pour sa part, une circulaire du 20 avril 2001 a défini les partenaires étrangers comme « les collectivités, autorités ou organismes exerçant des fonctions territoriales ou régionales et considérées comme telles dans le droit interne de chaque État » 9 ( * ) .


* ( 1 ) Membres du groupe interparlementaire d'amitié France-Arménie : M. Gilbert Devinaz, Président, MM. Jean-Michel ARNAUD, Serge BABARY, Jérémy BACCHI, Guy BENARROCHE, Étienne BLANC, Hussein BOURGI, Mme Valérie BOYER, MM. Bernard BUIS, Olivier CADIC, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, MM. Mathieu DARNAUD, Vincent ÉBLÉ, Rémi FÉRAUD, Bernard FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jean-Noël GUÉRINI, Joël GUERRIAU, Loïc HERVÉ, Jean HINGRAY, Mme Christine LAVARDE, MM. Ronan LE GLEUT, Jean-Yves LECONTE, Hervé MARSEILLE, Mme Marie-Pierre MONIER, MM. Pierre OUZOULIAS, Philippe PEMEZEC, Didier RAMBAUD, Stéphane RAVIER, Mme Évelyne RENAUD-GARABEDIAN, MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal SAVOLDELLI, Lucien STANZIONE, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, M. Mickaël VALLET et Mme Anne VENTALON.

_________________________________________

N° GA 157 - Septembre 2021

* 2 Cf. le livre blanc établi par le ministère des Affaires étrangères et la commission nationale de la coopération décentralisée, « Diplomatie et territoires - Pour une action extérieure démultipliée » (La documentation française, 2017).

* 3 Cf. le site du MEAE : https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/action-exterieure-des-collectivites-territoriale/

* 4 Cf. le rapport « Nouvelles approches... Nouvelles ambitions » (23 janvier 2013) : https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/RAPPORT_LAIGNEL_23janvier2013_cle8aa675.pdf

* 5 Cf. l'article 65 de la loi du 2 mars 1982 portant droits et libertés des communes, des départements et des régions.

* 6 Cf. la circulaire des ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères du 24 mai 2018 (http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2018/05/cir_43376.pdf).

* 7 Cf. l'article 9 de la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

* 8 Cf. l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales.

* 9 Cf. la circulaire des ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères du 20 avril 2001.

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