II. PARIS (10-11 AVRIL 2013)
A Paris, l'Association interparlementaire a conduit ses travaux lors de deux séances de travail, l'une sur des sujets liés au développement durable et l'autre sur les industries agro-alimentaires.
A. ALLOCUTION D'OUVERTURE DE M. CLAUDE BARTOLONE, PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Chers collègues et amis,
L'Assemblée nationale s'honore d'accueillir aujourd'hui la 39 ème session annuelle de l'Association interparlementaire France-Canada, dont le dynamisme illustre la qualité des liens qui unissent nos deux pays. L'Assemblée nationale n'entretient de liens aussi privilégiés qu'avec un nombre très réduit de pays : la Russie, plus récemment la Chine et l'Algérie, bientôt le Maroc, et aussi la province du Québec. C'est dire combien les parlementaires français sont attachés au dialogue et à l'amitié avec le Canada, et à la vitalité de notre Association interparlementaire.
Mesdames les présidentes, soyez tout particulièrement remerciées, l'une et l'autre, pour l'énergie avec laquelle vous animez et coordonnez les travaux de l'Association depuis plusieurs années. Je me félicite également que l'Association donne l'exemple en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, et même mieux encore, puisque, pour la première fois de son histoire, la section canadienne et la section française sont simultanément présidées par des femmes. Nous avons d'ailleurs beaucoup à apprendre de nos amis canadiens, puisque six des treize provinces et territoires canadiens, dont l'Ontario, le Québec et la Colombie-britannique, sont dirigés par des premières ministres.
Je salue également l'ensemble des parlementaires canadiens, qui ont fait le déplacement en France à l'occasion de cette session. Certains d'entre eux, comme les honorables Serge Joyal, Jean-Claude Rivest ou encore Denis Coderre, connaissent parfaitement notre pays, qu'ils fréquentent assidument depuis de nombreuses années. D'autres le découvrent peu à peu, comme Mme Loïs Brown, qui n'épargne aucun effort pour en apprendre la langue, qui est aussi la langue du Canada.
Le français, en effet, est au coeur du patrimoine culturel que nous partageons. Le Canada est l'un des fers de lance de la francophonie. Votre attachement sans faille à la langue française, chers collègues canadiens, ne s'est jamais démenti, alors même que l'anglais est largement majoritaire sur votre continent et qu'il progresse partout ailleurs. Le Québec, bien sûr, est le coeur de l'Amérique francophone, mais le français au Canada dépasse les frontières de la Belle Province : le Nouveau-Brunswick, où se trouve l'Acadie que représente M. Godin, mais aussi l'Ontario, la Nouvelle-Ecosse ou encore l'Alberta, que représente Mme Tardif, comptent d'importantes communautés francophones. La francophonie est plus qu'une langue en partage : c'est le véhicule de nos valeurs, d'une certaine conception de notre civilisation.
La France et le Canada sont aujourd'hui deux grandes démocraties, qui partagent un même attachement viscéral au respect des droits de l'Homme, à la promotion de la bonne gouvernance et à la consolidation de la paix. Nous défendons ensemble des valeurs communes dans différentes enceintes internationales auxquelles nous appartenons, de l'OTAN au G8 et à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Nos deux pays ont été à l'origine de l'adoption par l'UNESCO de la Convention sur la diversité des expressions culturelles. Au nom de la paix et de la sécurité internationales, nous sommes intervenus en étroite concertation dans plusieurs pays en crise, en Afghanistan, en Haïti et en Libye par exemple. Je tiens à saluer le soutien immédiat que le Canada a apporté à l'intervention des forces françaises au Mali.
Lors de sa visite au Canada le mois dernier, le Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, soulignait notre communauté de points de vue sur les grandes questions internationales, du Mali à la Syrie ou encore à la Corée, compte tenu de la situation qui prévaut actuellement dans cette péninsule.
La visite du Premier ministre a également été l'occasion de mettre en avant nos étroites relations économiques. Le Canada, riche en ressources naturelles, est aussi une économie de la connaissance de tout premier ordre. La solidité de son secteur bancaire lui a permis de résister de manière remarquable à la crise financière. Sa croissance économique s'appuie sur le développement rapide des activités extractives, notamment dans l'Alberta. Qu'il s'agisse d'hydrocarbures, d'industries de pointe ou de technologies de l'information, les échanges bilatéraux franco-canadiens sont en augmentation. La France est d'ailleurs le 7 ème investisseur étranger au Canada, où 550 entreprises françaises emploient plus de 85 000 personnes.
Le dynamisme de ces échanges économiques repose aussi sur une solide coopération universitaire et scientifique qui garantit la mobilité des personnes, notamment des jeunes et des chercheurs. Nous attendons tous à présent la signature de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, qui contribuera encore, j'en suis sûr, au rehaussement de nos relations économiques 3 ( * ) .
En somme, la France et le Canada sont deux partenaires historiques dont la proximité culturelle et la communauté de vues ne se sont jamais démenties. Mais la chance de notre relation, c'est également le formidable terrain d'expérimentation qui existe entre nos deux modèles économiques. De ce point de vue, les travaux comparatifs que conduit l'Association sont extrêmement utiles, car ils sont en prise directe avec les enjeux majeurs de nos sociétés modernes, qui affectent la vie quotidienne des citoyens : le développement durable et l'industrie agro-alimentaire, sur lesquels vous avez déjà commencé à échanger, sont, de ce point de vue, des exemples éclairants.
Alors que nous venons de célébrer la semaine du développement durable, vous vous saisissez aujourd'hui de trois thèmes environnementaux d'une importance cruciale pour les sociétés d'aujourd'hui et celles de demain : la gestion de l'eau, l'utilisation des intrants agricoles et la protection des milieux fragiles. Ce sont des défis communs, et je me réjouis que le dialogue interparlementaire puisse se les approprier, fort de l'expertise et de la connaissance de terrain de nos élus. De même, votre Association débat des industries agro-alimentaires, un sujet dont vous avez déjà pu discuter lors de votre séjour en Gironde, où vous avez visité des exploitations agricoles. En Europe, plusieurs scandales récents ont mis en lumière la complexité croissante des circuits de commercialisation des produits alimentaires et la multiplication parfois opaque des intermédiaires entre producteur et consommateur, qu'ils soient transformateurs ou distributeurs de produits. Sur cette question essentielle qui est au coeur de la vie de la cité démocratique, les parlementaires ont un indispensable rôle d'information et de contrôle. Par vos travaux, vous contribuez à nourrir - c'est le cas de le dire - le débat public, à partager les expériences, à identifier les bonnes pratiques et, in fine , à rendre nos sociétés plus sûres, plus durables, plus fortes face aux turbulences du monde actuel.
Pour toutes ces raisons, je tiens à vous redire combien je me réjouis de la vitalité de l'Association interparlementaire France-Canada, des chaleureux liens d'amitié qu'ont tissés ses membres par-delà les appartenances politiques - je vous ai vue, Mme la Présidente Tardif, échanger des salutations affectueuses avec de nombreux élus français, illustrant ainsi parfaitement cette amitié - et de la contribution qu'elle apporte aux excellentes relations qu'entretiennent nos deux pays, aujourd'hui comme hier.
« Les chemins qui vont droit devant s'escaladent » , écrivait Gilles Vigneault. Face aux multiples défis qui se présente à nous - la crise économique et sociale, le rééquilibrage de la richesse mondiale, les changements climatiques - nous ne devons ni reculer, ni tergiverser, mais escalader ces obstacles ensemble, forts de notre histoire commune et de notre attachement à des valeurs profondément enracinées qui fondent nos deux démocraties.
Mesdames et messieurs les parlementaires, permettez-moi d'ajouter un dernier mot. Bien entendu, la diplomatie entre les États est indispensable. Que les chefs d'État et de gouvernement aient l'occasion de discuter, d'échanger, et de renforcer leurs points de vue est indispensable. À côté de cette diplomatie-là, il y a la diplomatie parlementaire. Nous sommes au premier rang pour représenter les préoccupations et les rêves de nos compatriotes. Je suis intimement persuadé que ces échanges entre parlementaires français et canadiens sont eux aussi indispensables pour à la fois renforcer cette amitié séculaire, et pour nous permettre de montrer, dans une période de doute et d'inquiétude, que par la proposition politique, en relation avec les citoyens, nous pouvons leur donner envie de ne pas avoir peur du nouveau monde dans lequel nous sommes entrés.
À chacune et à chacun d'entre vous, je souhaite donc bon séjour et bon travail !
* 3 Le 18 octobre 2013, l'UE et le Canada ont signé un Accord économique et commercial global (AECG)