E. EXEMPLE DE LA VILLE D'IIDA : RECONSTRUIRE LA VILLE EN PÉRIODE DE DÉPOPULATION
M. Mitsuo MAKINO, maire d'Iida
Je vous remercie de m'avoir invité à ce colloque franco-japonais sur l'aménagement urbain. La ville d'Iida se trouve au centre du Japon, à mi-chemin entre Tokyo et Nagoya. Elle est entourée par deux chaînes montagneuses des Alpes japonaises, Alpes centrales et Alpes du Sud, d'environ 3 000 mètres d'altitude. Sa population s'élève à 105 000 habitants.
Vous pouvez voir sur cette carte le tracé du projet de train à sustentation magnétique, qui sera mis en service d'ici quatorze ans. Il y a un mois, il a été annoncé que la ville d'Iida ferait partie des villes desservies par ce train, et notre ville est devenue tout à coup célèbre au Japon. Le vaste territoire communal s'étend sur environ 658 km 2 et est traversé par le fleuve Tenryû-gawa. L'altitude de la ville atteint 3 000 mètres par certains endroits. Iida et 14 communes environnantes constituent un district urbain d'une population de 170 000 habitants. Iida est la ville-centre de cette unité urbaine.
Le centre-ville d'Iida a été presque entièrement dévasté par un incendie en 1947. 80 % de ce secteur a été détruit non pas par les bombardements, mais par le feu. L'histoire d'après-guerre de la ville a donc commencé avec cette ruine. La ville était alors occupée par l'armée américaine. Trois allées coupe-feu d'une largeur de trente à quarante mètres ont été aménagées. Pour la première fois après la Seconde Guerre mondiale, un plan d'urbanisme a été mis en oeuvre dans une ville de province du Japon et la ville en question était Iida. Comme l'automobile n'était pas encore très développée, les habitants se sont posé des questions sur l'utilité d'allées d'une telle largeur. Les enfants de la ville ont proposé d'y planter une rangée de pommiers. Ils ont même proposé de s'occuper de ces pommiers pour faire d'Iida une belle ville. Depuis, soixante ans se sont écoulés. L'allée de pommiers traverse toujours le centre-ville. Génération après génération, les collégiens se sont occupés de ces arbres. Il s'agit du point de départ de notre urbanisme. Le soin apporté à ces pommiers est emblématique de l'état d'esprit des habitants d'Iida.
Nous avons déjà évoqué le déclin démographique qui frappe le Japon. Il y a environ cent ans, sa population était d'environ 33 millions d'habitants. Elle a ensuite atteint son plus haut niveau avec plus de 120 millions d'habitants en 2000 avant de baisser. Elle arrivera d'ici cent ans au même niveau qu'il y a cent ans. On estime que la population sera de 47 millions d'habitants en 2100. La situation est choquante. Et la part des personnes de plus de 65 ans dans la population totale, qui est actuellement d'environ 20 %, augmente. Elle atteindra 40 % en 2100. Dans cette situation, il convient de se demander comment mener à bien une politique de la ville durable. Tel est le défi auquel sont confrontées les collectivités locales japonaises, quelle que soit leur taille. Iida ne fait pas exception. Le district urbain comptait plus de 210 000 habitants en 1950. Aujourd'hui, il compte moins de 170 000 habitants. En 2035, on estime qu'il n'y aura plus que 130 000 habitants. À l'époque où la population augmentait, l'urbanisation a progressé, et les communes ont fusionné. C'est ainsi que le centre-ville et ses zones périphériques ainsi que des zones rurales ont formé une grande agglomération.
Aujourd'hui, le problème du déclin démographique nous amène à réfléchir à l'aménagement urbain de demain. Certains préconisent de créer une ville compacte, en concentrant la population dans la zone centrale de la ville, mais notre commune ne mène pas de politique urbaine dans ce sens. Comme je vous en ai parlé tout à l'heure, au centre-ville d'Iida, les enfants apprécient les pommiers dont ils s'occupent avec soin. Devant le musée des beaux-arts, il y a un magnifique cerisier centenaire. La zone industrielle située en périphérie du centre-ville bénéficie d'un environnement agréable. La vallée de Tenryû est un site touristique de grande renommée. La ville s'adosse au Mont Kazakoshi, montagne emblématique d'Iida. Il y a des villages traditionnels authentiques toujours habités à 1000 mètres d'altitude, dans les Alpes du Sud. Dans les zones rurales, on trouve des rizières en terrasses ou des maisons traditionnelles. À l'automne, des chapelets de kakis sont suspendus autour de ces maisons pour la préparation des fruits secs. Tout cela fait partie d'Iida, et il n'est pas envisageable de supprimer tous ces quartiers magnifiques présentant chacun ses spécificités, pour regrouper leurs habitants dans un seul secteur. Notre approche vise à conserver ces pôles locaux qui constituent des bassins de vie et à assurer une meilleure coordination entre eux. Cette politique est similaire à celle de Kumamoto.
Dans un tel contexte démographique, il nous importe de préserver les spécificités et l'identité de chaque quartier, et d'assurer une gestion urbaine durable pour l'ensemble du territoire communal. La même politique urbaine durable doit être menée également à l'échelle de l'agglomération. En effet, le territoire couvrant Iida et les treize autres communes constitue un bassin économique et de vie. Les communes situées autour d'Iida sont également des pôles locaux et nous devons les coordonner entre eux d'une part, et entre eux et Iida, d'autre part.
J'aimerais vous présenter le service médical et le service en faveur du développement économique mis en oeuvre dans le cadre du district urbain. D'abord, en matière de santé, les Japonais bénéficient d'une longévité exceptionnelle. Les habitants du département de Nagano, dans lequel se situe la ville d'Iida, vivent plus longtemps, et les habitants d'Iida, en particulier, battent des records. L'espérance de vie à Iida et ses environs est de 80,5 ans pour les hommes, et de 87,3 ans pour les femmes. Et dans notre agglomération, les dépenses de sécurité sociale pour les personnes âgées de 75 ans et plus s'élèvent à 5 600 euros par an. Ce montant est inférieur à la moyenne nationale. Cela signifie que les personnes âgées restent longtemps en bonne santé. Le nombre de médecins pour 100 000 habitants est de 173 dans notre région, tandis que la moyenne nationale est de 219. Il y a donc moins de médecins dans notre région, mais nous n'avons pas de problème de désertification médicale.
Le service médical est organisé à l'échelle du district. L'hôpital municipal d'Iida traite plutôt des cas pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Les autres cas sont pris en charge par les autres établissements hospitaliers. Les cabinets médicaux et dispensaires assurent pour leur part la consultation pour les patients sans signe de gravité. Cette répartition des rôles permet d'offrir des soins médicaux sur l'ensemble du territoire avec un nombre limité de médecins. Ce service s'appuie sur une convention signée par les quatorze communes qui font partie du district.
Les quatorze communes coopèrent également pour la promotion économique du territoire. Les organisations patronales et les collectivités locales ont créé le Centre industriel Shinshû du sud-Iida pour soutenir l'innovation. À titre d'exemple, une société privée implantée à Iida a installé des panneaux photovoltaïques sur le toit d'une crèche municipale. L'installation a pu être réalisée grâce à un fond d'investissement dont des citoyens d'Iida et des autres régions du Japon ont acquis des parts. Si l'administration communale avait été la seule à financer ce projet, son budget aurait été beaucoup moins important. La ville d'Iida est labellisée « ville modèle pour l'environnement ».
Enfin, la région compte de nombreuses entreprises qui s'associent dans le cadre d'un grand projet industriel. Ces entreprises, spécialisées dans la mécanique de précision ou l'électronique, mutualisent leurs savoir-faire pour produire des pièces aéronautiques. Grâce à ce projet, les entreprises de notre territoire pourront fournir à l'avenir des pièces techniques à Airbus ou à Boeing.
Tous ces projets ne pourraient pas être menés à bien par une seule ville. La dynamique intercommunale s'avère donc décisive pour faire face aux défis du déclin démographique.
Dans quatorze ans, le train à sustentation magnétique reliera Iida à Tokyo en 40 minutes, contre quatre heures en bus aujourd'hui. Osaka et Nagoya seront respectivement à 40 minutes et 20 minutes. Les habitants ne sont pas pour autant enthousiastes. Pourquoi ? Je viens de vous parler des pôles locaux dont nous devons assurer le développement équilibré et durable. La population diminue et les acteurs locaux mènent une réflexion sur la politique urbaine de demain. Le projet du train à sustentation magnétique est un nouvel élément à prendre en considération dans notre politique urbaine. L'aménagement urbain du secteur de la future gare risque de nuire au développement des autres secteurs. Il est donc nécessaire de considérer le quartier de la future gare comme un nouveau pôle local, et de mener une politique urbaine permettant à chacun des pôles locaux de jouer pleinement son rôle. La ville d'Iida et ses communes environnantes continueront à travailler ensemble pour créer le territoire de demain.