Table ronde n°1

Table ronde n°2

TABLE RONDE 2 : LA DIMENSION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DE LA CRISE TRAVERSÉE PAR LA HONGRIE - LA PLACE DE L'ÉTAT ET SON RÔLE

Table ronde animée par : M. Philippe GODFRAIN, journaliste

INTERVENANTS

M. Zsigmond JÁRAI, économiste, ancien président de la Banque nationale de Hongrie ;

M. Jacques MAIRE, ancien PDG d'Axa Hongrie, directeur au ministère des Affaires étrangères ;

M. László CSABA, économiste, professeur à l'Université d'Europe centrale de Budapest.

M. Philippe GODFRAIN, journaliste

Mesdames et Messieurs,

Cette table ronde vise à traiter de la dimension économique et sociale de la crise traversée par la Hongrie. Pour débattre de ce thème, trois intervenants se succéderont à cette tribune.

M. Zsigmond Járai, ancien ministre des Finances et ancien gouverneur de la Banque centrale hongroise, sera le premier à intervenir. Au long de sa carrière, il a endossé de multiples fonctions, à la Banque de développement de Budapest et à la Bourse de Budapest qu'il a présidée. Il a également été conseiller pour de nombreuses maisons d'investissement.

Nous aurons ensuite le plaisir d'écouter l'intervention de M. László Csaba, professeur d'économie à l'Université d'Europe centrale depuis 2000, également membre de l'Académie des sciences de Hongrie. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages portant sur l'économie des pays émergents.

Enfin, nous accueillerons M. Jacques Maire, diplomate économique, spécialiste de la Hongrie. Ancien président-directeur général d'Axa Hongrie, il nous apportera un éclairage d'expert et d'homme de terrain.

Je propose de structurer le propos en deux temps. Il s'agira dans un premier temps de dégager un bilan des principales mesures sociales et économiques mises en oeuvre depuis 2010 en Hongrie. Dans un second temps, nos intervenants échangeront sur les perspectives économiques et sociales qu'ils perçoivent, tant pour la Hongrie que pour ses partenaires européens, la France en particulier.

M. Zsigmond JÁRAI, économiste, ancien président de la Banque nationale de Hongrie

Mesdames et Messieurs,

Je remercie le groupe d'amitié France-Hongrie du Sénat de m'avoir invité à m'exprimer à cette tribune.

Au cours des vingt dernières années, la structure de l'économie hongroise a changé radicalement. Aujourd'hui, l'économie hongroise est une économie moderne et la Hongrie est l'un des pays les plus intégrés à l'Union européenne. En témoignent les échanges extérieurs hongrois, largement tournés vers l'Europe.

Avant la crise financière de 2008, une certaine indiscipline budgétaire a conduit à contracter de nombreux crédits. Depuis son adhésion à l'Union européenne en 2004, la Hongrie est marquée par un déficit excessif. La crise financière a durement frappé le pays, qui a vu son déficit et sa dette publique augmenter et sa compétitivité diminuer. L'aide financière accordée par l'Union européenne a permis d'éviter une situation de faillite.

En 2009, Gordon Bajnai, nouveau Premier ministre socialiste de la Hongrie, a appliqué les mesures économiques préconisées par le Fonds monétaire international (FMI) : restriction budgétaire, baisse des salaires et des pensions de retraite, coupes dans les budgets du secteur de la santé et des services sociaux. En 2010, le nouveau gouvernement de centre droit dirigé par Viktor Orbán, a réorienté la politique économique. Constatant les difficultés rencontrées par les pays ayant mis en oeuvre des politiques d'austérité (la Grèce et le Portugal), le gouvernement a choisi la voie de la relance pour favoriser l'emploi et améliorer la situation des ménages et des PME. La baisse du déficit public reste une priorité fondamentale, tout comme la préservation de la stabilité sociale.

La nouvelle politique économique donne déjà de premiers résultats. La Hongrie est aujourd'hui en mesure de rembourser les crédits étrangers. Le 29 mai 2013, la Commission européenne a recommandé une sortie de la procédure de déficit excessif. L'un des principaux problèmes reste le surendettement des ménages et des PME en devises étrangères, en particulier le franc suisse. Grâce à un programme de travaux publics, la situation de l'emploi montre des signes d'amélioration. L'inflation se maintient sous le seuil de 3 % et le taux de change est stabilisé. Mais avant tout, les mesures économiques ont permis le maintien de la paix sociale dans le pays. La corruption a été réduite, même si elle continue d'exister.

Malgré ces résultats satisfaisants, les marges de manoeuvre restent étroites car la crise internationale perdure. La santé économique de la Hongrie dépend largement de la croissance économique de ses partenaires européens, en particulier de l'Allemagne, deuxième partenaire de la Hongrie. Les faibles taux de croissance enregistrés dans l'Union européenne affectent les exportations hongroises.

L'objectif d'un maintien du déficit sous la barre des 3 % a toujours été considéré comme primordial en Hongrie. Il s'est vite avéré qu'il serait impossible de l'atteindre sans mettre en oeuvre certaines mesures de restriction budgétaire. Des baisses des dépenses publiques ont été engagées, bien que difficilement, en raison des forts besoins des secteurs de l'enseignement, de la santé, de la recherche et développement. Elles ont été accompagnées par la mise en place d'impôts exceptionnels touchant les banques et différents secteurs de l'économie. La politique monétaire de la Banque nationale hongroise vise davantage à relancer l'économie qu'à favoriser les restrictions budgétaires, contrairement à la politique monétaire de l'Union européenne. Depuis trois ans, le gouvernement s'est ainsi toujours montré en faveur de la relance et de la croissance pour maintenir la stabilité financière du pays.

Ce volontarisme dont fait preuve le gouvernement pour la transformation de l'économie hongroise a conduit à l'adoption de nombreuses réformes et à la promulgation de nombreuses lois. Ces changements législatifs ont généré une incertitude majeure pour les entreprises. Le FMI s'est quant à lui montré défavorable à cette politique économique.

Malgré ces difficultés, je reste optimiste quant à la relance de l'économie et j'espère que la Hongrie rattrapera la trajectoire de la France et de l'Allemagne. En 2012, l'investissement étranger en Hongrie a représenté plus de 10 milliards d'euros, principalement dans les secteurs de l'automobile et des télécommunications. L'investissement étranger est la condition d'une relance durable en Hongrie. Les perspectives qui prévalaient au début des années 2000 (une croissance du PIB de 4 % à 5 %) ne pourront vraisemblablement être tenues. Nous espérons aujourd'hui une croissance positive, de 1 % à 2 %. Après les profonds changements structurels de l'économie hongroise, je suis optimiste quant à la période à venir, qui je l'espère, sera celle de la stabilité.

M. Philippe GODFRAIN

Merci de nous avoir fait part de votre vision de la situation hongroise et de son avenir, qui laisse présager, espérons-le, que l'instabilité législative n'effraiera pas les investisseurs étrangers. Peut-être pourrons-nous nous interroger sur ce moment de bascule entre la frénésie législative et l'apaisement attendu par de nombreux investisseurs ?

J'invite à présent M. László Csaba, économiste et observateur privilégié de la situation hongroise, à nous faire part de son regard de spécialiste sur ce qui différencie la Hongrie des autres pays de la zone.

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