B. UN MAILLON INDISPENSABLE ENTRE L'EUROPE ET LE MONDE SLAVE
1. Une volonté réelle d'ancrage à l'Europe
Tous les
interlocuteurs de la délégation sénatoriale ont tenu
à affirmer leur volonté de voir leur pays intégrer
rapidement l'OTAN et l'Union européenne. Ce rapprochement, perçu
comme un gage de prospérité économique, de
sécurité et le signe d'une reconnaissance démocratique,
est l'objectif prioritaire de la politique lituanienne.
Consciente des aléas qui rendent imprévisibles ses relations avec
la Russie, la Lituanie entend privilégier le développement de ses
relations avec l'Europe occidentale.
a) La coopération européenne
La
Lituanie, dès son indépendance, a cherché à
développer ses relations avec de nombreux européens.
L'adhésion au Conseil de l'Europe le 14 mai 1993 en a
été le premier point d'ancrage en Europe. Le Président
Brazauskas a par ailleurs pris soin de faire ses premières visites
officielles en Occident pour couper court aux accusations de
" dérive orientale ".
La Lituanie est en outre membre de la CSCE : cette intégration a
constitué non seulement un moyen supplémentaire d'accroître
la sécurité de la Lituanie en Europe mais aussi d'affirmer,
dès les premières années de l'indépendance,
à la Communauté internationale son engagement démocratique.
Ce souci de sécurité transparaît également à
travers le statut de partenaire associé à l'UEO dont la Lituanie
bénéficie grâce à une initiative
franco-allemande.
b) La Lituanie et l'Union européenne
Le
Conseil européen de Copenhague avait confirmé la vocation
reconnue aux Etats baltes à rejoindre l'Union européenne le
moment venu, au même titre que les autres pays d'Europe centrale et
orientale. La signature le 12 juin 1995 d'un accord d'association
avec l'Union européenne et la participation comme invité du
Président Brazauskas au Conseil européen de Cannes le
27 juin 1995 ont renforcé cette perspective et ont mis la
Lituanie sur un pied d'égalité avec les six pays d'Europe
centrale préalablement associés, ce qu'ont confirmé les
conclusions du Conseil européen de Madrid. La Lituanie a
déposé officiellement sa candidature à l'Union
européenne en décembre 1995 et a ratifié en
juin 1996 le traité d'association avec l'Union européenne,
après avoir procédé à la nécessaire
modification de sa constitution. Comme les autres pays associés, la
Lituanie se prépare activement à son intégration à
l'Union européenne. La gestion des questions européennes a
été récemment modifiée, après la suppression
en mars dernier du poste de Ministre des Affaires européennes,
occupé par Mme Andrikiene, qui a laissé la place à
une structure interministérielle rattachée au Premier ministre.
La Commission européenne a rendu à la mi-juillet 1997 ses
avis sur les pays candidats à l'entrée dans l'Union. S'agissant
de la Lituanie, elle a conclu que :
- la Lituanie présente les caractéristiques d'une
démocratie disposant d'institutions stables garantissant la
primauté du droit, les droits de l'Homme et le respect des
minorités et leur protection ;
- la Lituanie a fait des progrès considérables dans la
création d'une économie de marché, mais elle aurait des
difficultés sérieuses à faire face à la pression
concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de
l'Union à moyen terme ;
- la Lituanie a fait des progrès dans la transposition et
l'application de l'acquis communautaire particulièrement en
matière de marché unique. Si elle entreprend des efforts
considérables, elle devrait être à même de participer
pleinement au marché unique à moyen terme. Des efforts
particuliers, notamment en termes d'investissements, seront nécessaires
pour appliquer complètement l'acquis dans des secteurs tels que
l'agriculture, l'énergie et l'environnement. Le renforcement de ses
structures administratives est indispensable si la Lituanie veut disposer des
instruments permettant d'appliquer et de faire respecter l'acquis effectivement.
A la lumière de ces éléments, la commission a
estimé que les négociations d'adhésion à l'Union
européenne devraient être ouvertes avec la Lituanie dès
qu'elle aura fait des progrès suffisants pour satisfaire aux conditions
d'adhésion définies par le Conseil européen de Copenhague.
La Commission est arrivée à une conclusion identique pour la
Lettonie. En revanche, l'Estonie a été considérée
comme prête à engager des négociations, moyennant des
efforts dans différents domaines tels que la naturalisation des
non-citoyens, l'environnement et l'organisation administrative. La principale
différence que souligne la Commission entre l'Estonie et les deux autres
Etats baltes est le critère de la " capacité à faire
face à la pression concurrentielle et aux forces du marché
à l'intérieur de l'Union à moyen terme ". L'Estonie
devrait selon la commission être en mesure d'accomplir les progrès
nécessaires pour satisfaire à moyen terme à ce
critère, alors que cela semble beaucoup plus aléatoire pour les
deux autres.
Les Lituaniens, qui n'ont pas les problèmes de minorités que
connaît l'Estonie, ont tendance à considérer ces
conclusions comme injustes -même s'ils se défendent de
dénigrer officiellement la candidature estonienne. La Lituanie estime,
en outre, qu'ayant joué un rôle clé dans la
désintégration de l'URSS, en résistant aux pressions
extrêmes des autorités soviétiques pour retirer sa
proclamation d'indépendance, il lui paraissait normal d'être
admise la première à adhérer à l'Union
européenne.
La Lituanie a décidé de tout mettre en oeuvre pour
démontrer qu'elle était prête à entamer des
négociations dès 1998. Des commentaires ont été
préparés en réponse à l'avis de la Commission
(" self avis "), intégrant les dernières
évolutions dans les différents domaines étudiés par
Bruxelles. De même une conférence internationale a
été organisée à Vilnius en septembre 1997
à l'attention des Etats membres, portant sur le thème
" Lituania for Europe " et visant à démontrer
l'importance des progrès effectués. Le Conseil européen de
Luxembourg de décembre 1997 a cependant entériné
l'avis de la Commission en ne retenant, à ce stade, que Tallinn pour
entamer des négociations avec l'Union européenne à partir
du printemps 1998.
Malgré cette déception, la Lituanie a endossé, dès
avril 1998, le programme d'intégration individuelle défini en
mars 1998 par la Commission européenne pour tous les candidats
éventuels.
En 1998, la Mission du FMI a conclu que " la Lituanie a fait des
progrès impressionnants pour obtenir la stabilité
financière et une croissance rapide en même temps qu'elle atteint
les buts de transformation structurelle irréversible pour son
intégration à l'Europe ". C'est à cette même
conclusion que le Price Waterhouse Coopers a abouti dans l'étude que le
bureau a réalisée en août 1998 sur le profil
économique de la Lituanie.
La Lituanie espère donc maintenant qu'à la fin de 1998, le
rapport de la Commission de Progrès de l'Union européenne
recommandera au Conseil européen de Vienne d'inviter la Lituanie
à commencer la phase des négociations.
Signalons que le groupe France-Pays Baltes du Sénat a, dès 1997,
regretté le choix effectué par la Commission européenne.
Cette exclusion purement technique de la Lituanie, basé sur des
statistiques peu récentes, comme l'a reconnu M. C. Bueghard,
Directeur général de la direction générale de la
Communauté européenne, qui coordonne les relations avec les pays
de l'Europe centrale et orientale, a été considérée
par les Lituaniens, à juste titre, comme injuste et politiquement
aberrante.
A l'heure où le litas pourrait être rattaché à
l'Euro, comme l'a suggéré la délégation
sénatoriale lors de l'entretien avec le Premier ministre, M. Vagnorius,
il est urgent d'intégrer la Lituanie dans la famille européenne,
dans le contexte de la crise russe.