III - UN ACCROISSEMENT DES POUVOIRS D'INVESTIGATION
L'extension des moyens accordés aux commissions d'enquête en a fait des instruments d'investigation performants, dotés d'une capacité d'influence non négligeable ; par ailleurs, le cadre du contrôle parlementaire s'est élargi grâce à l'instauration de la session unique, en 1995.
A) Les commissions d'enquête et les missions d'information : des instruments d'investigation performants
Considéré dès l'origine comme le corollaire indispensable des pouvoirs du Parlement, le droit d'enquête a suscité de nombreux abus sous les républiques précédentes. C'est pourquoi, les fondateurs de la Vème République l'ont enfermé dans un cadre contraignant, tandis que le phénomène majoritaire le privait par la suite d'une grande part de son intérêt.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, modifiée dispose : « les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information...en vue de les soumettre à l'assemblée qui les a créées. »
a) Tout député peut demander la création d'une commission d'enquête
Toutefois, conformément au principe de séparation des pouvoirs, celle-ci ne sera possible qu'en l'absence de poursuites judiciaires concernant les faits visés ; de même, l'ouverture d'une procédure judiciaire met fin à ses travaux.
La mise en place d'une commission d'enquête résulte d'une décision de l'Assemblée, qui marque le terme d'une procédure complexe. Il ressort de la pratique que la recevabilité de la demande de création est largement fonction de l'opportunité politique et dépend du bon vouloir de la majorité. Toutefois, il a été institué dès 1988 à l'Assemblée nationale, en marge du règlement, un « droit de tirage » permettant à chacun des groupes politiques de faire inscrire à l'ordre du jour complémentaire une proposition de création d'une commission d'enquête par session ; cette pratique devrait s'étendre, conformément aux voeux du Président Fabius.
La désignation des membres de la commission d'enquête s'effectue à la proportionnelle des groupes politiques ; leur nombre a été fixé par le règlement de chaque Assemblée (trente députés, au plus ; et vingt-et-un sénateurs).
Le domaine d'investigation de la commission d'enquête doit concerner soit des faits déterminés, soit la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale.
b) Deux réformes intervenues en 1977 et 1991, ont donné aux commissions d'Enquête des moyens nouveaux, tout en apportant à leur fonctionnement des améliorations substantielles.
S'agissant des demandes de documents et envois de questionnaires, les commissions d'Enquête peuvent, comme la commission des Finances, demander la collaboration de la Cour des Comptes (notes d'information, réponses aux questions de commissaires, enquête sur la gestion des organismes qu'elle contrôle) et recourir à l'assistance technique d'experts.
* La loi du 19 juillet 1977 leur a, en outre, conféré un droit de citation directe pour les auditions, technique la plus employée et sans doute la plus efficace. Ce droit est assorti de sanctions pénales, qui ont été aggravées en 1991.
* La même loi a, par ailleurs, donné aux rapporteurs la possibilité de mener des investigations sur pièces et sur place, en les habilitant à se faire communiquer tout document de service (sauf ceux revêtant un caractère secret). La limite à ce pouvoir d'investigation réside dans le respect du principe de séparation entre l'autorité judiciaire et les autres pouvoirs.
* La loi du 20 juillet 1991 a posé le principe de la publicité des auditions, chaque commission étant libre de l'organiser par les moyens de son choix : ouverture au public, à la presse écrite et audiovisuelle...
Le secret couvre toujours les autres travaux, comme par exemple, les délibérations internes concernant l'élaboration du rapport. En outre, la commission peut décider le huis-clos des auditions, pour garantir notamment la sincérité des dépositions.
La levée du secret des auditions a simplifié le fonctionnement des commissions d'Enquête, et en a accru l'impact auprès du public.
c) De ce fait, les commissions d'Enquête jouissent d'une influence certaine
Les commissions d'Enquête cherchent à pratiquer une critique constructive, et à apporter des remèdes aux maux qu'elles révèlent. C'est pourquoi les conclusions et suggestions occupent en général une grande place dans leurs rapports, qui, en vertu de la loi de juillet 1977, font l'objet d'une publication de droit et doivent être remis dans un délai de six mois suivant la création de la commission.
Les conclusions ne peuvent, par elles-mêmes constituer des décisions ; mais leur publication et l'écho donnés aux travaux dans les médias incitent le Gouvernement à accepter certaines suggestions ou le placent, vis-à-vis de l'opinion, dans une quasi-obligation d'agir 2 ( * ) .
d) Les missions d'information ont une vocation voisine de celle des commissions d'Enquête , les parlementaires utilisant d'ailleurs l'une ou l'autre formule, en fonction du sujet et de l'opportunité politique 3 ( * ) . Elles présentent toutefois l'avantage d'une plus grande facilité de création - elles sont en quelque sorte des sous-commissions créées par une commission permanente, ou communes à plusieurs commissions -, et d'un moindre formalisme dans les règles de fonctionnement (en particulier, aucun délai n'est imposé pour la remise du rapport).C'est pourquoi jusqu'aux réformes de 1977 et 1991, les parlementaires ont eu tendance à privilégier la formule plus souple de la mission d'information.
* 2 C'est ainsi qu'à la suite des travaux de la commission d'enquête créée au Sénat en 1991 sur la « gestion des Services, organismes et administrations chargés d'organiser et de gérer la collecte des produits sanguins utilisés à des fins médicales », dans le cadre de l'affaire dite « du sang contaminé », le ministre de la Santé a déposé un projet de loi réformant l'organisation de la transfusion sanguine ; de même, les travaux de la commission d'enquête sur les sectes, mise en place à l'Assemblée nationale en 1995, ont suscité la création d'un Observatoire sur les sectes.
* 3 cf. quelques exemples de procédures récentes à l'Assemblée nationale :
- Commission d'Enquête sur l'activité et le fonctionnement des tribunaux de commerce
- Commission d'Enquête sur les droits de l'enfant en France
- Mission d'information sur la prévention et la lutte contre les exclusions
- Mission d'information sur le Rwanda