B. UN PAYSAGE INTÉRIEUR SUR FOND D'ÉLECTIONS

1996 avait vu l'organisation d'élections législatives, permettant le renouvellement du Parlement élu en 1992 dans des conditions très controversées (boycott massif, intimidations, fraudes...).

Avec une participation nettement supérieure à celle de 1992, les élections de 1996 se sont déroulées dans le calme. Bien qu'imparfaites et entachées de certaines irrégularités, elles ont montré la volonté du régime de rester dans une logique démocratique. L'État libanais est sorti renforcé de ce scrutin.

1998 est également une année particulièrement importante à cet égard, marquée par deux échéances électorales :

- les élections municipales, les premières depuis 35 ans (1963), qui se sont déroulées sur quatre dimanches, à partir du 24 mai dernier ;

- les élections présidentielles, prévues pour octobre prochain.

La délégation est donc arrivée à Beyrouth quelques semaines avant les élections municipales. Les péripéties électorales du passé expliquent sans doute l'incertitude persistante des Libanais, à cette date, quant à la réalité du déroulement de ce scrutin...

Signe de la progression de l'État de droit au Liban, ces élections se sont déroulées dans de bonnes conditions et ont été un succès tant pour la démocratie que pour l'État libanais.

1. Les progrès de la démocratie

Le Liban reste marqué par un fort confessionnalisme qui domine la vie sociale mais aussi la vie politique. Cette confessionnalisation du régime n'est pas sans poser de problèmes et, selon certains, sans entraver l'État dans certaines de ses missions.

Á cet égard, on peut se féliciter du fait que les élections municipales se soient déroulées dans une totale transparence confessionnelle, le Parlement ayant refusé d'entériner le principe de la nomination par le Gouvernement d'un tiers des conseillers municipaux.

Par ailleurs, l'État a récemment décidé de délivrer aux citoyens de nouvelles cartes d'identité où ne figure plus ma mention de la religion. Il s'agit là d'un symbole important et d'un pas vers la déconfessionnalisation souhaitée par beaucoup. Cette demande de laïcisation de la société tient au fait qu'exerçant traditionnellement un rôle réel de protection des citoyens et étant au coeur des réseaux de solidarité, les hiérarchies religieuses se sont réservées certaines fonctions régaliennes. C'est ainsi notamment qu'elles régissent le droit de la famille, le droit libanais ignorant le mariage civil.

Cette question du mariage civil était en plein débat lorsque la délégation s'est rendue au Liban et cette dernière a pu constater que la confessionnalisation et ses conséquences dans la vie tant civile que politique étaient de moins en moins bien supportées par une partie de la population libanaise.


• La loi électorale a été bien respectée

L'incompatibilité des fonctions de conseiller municipal ou de mouktar (officier d'État civil distinct du président de municipalité) avec celle de ministre ou de député, a permis à ces derniers de parrainer des listes sans être candidats. La constitution des listes électorales a donné lieu dans chaque camp à des compromis. Les luttes de clans ont été limitées et la concurrence des listes a été, en règle générale, un exercice de démocratie réel.


Le scrutin s'est déroulé dans l'ensemble loyalement

Les conditions de régularité du scrutin ont été bonnes et peu de fraudes ont été enregistrées. L'opposition a elle-même jugé que les incidents avaient été mineurs. Les pressions syriennes semblent avoir été réduites ou discrètes. Les désordres ont été peu nombreux, y compris dans les zones sensibles du pays (Sud, plaine de la Bekaa, banlieue Sud de Beyrouth).

Longtemps repoussées, ces élections ont consacré en définitive la réelle capacité des Libanais à organiser et à défendre leur démocratie.

Il faut aussi souligner qu'en dépit de la brièveté de la campagne électorale (un mois seulement), la population s'y est engagée activement.

Les Libanais se sont mobilisés pour constituer leurs listes et le nombre de candidats a été partout très supérieur à celui des postes à pourvoir, y compris pour les postes de mouktar. La participation a été supérieure à 60 % , sauf dans certaines zones. Les autorités ont mis en oeuvre d'importants moyens pour permettre le déroulement du scrutin dans tous les bureaux de vote (urnes, matériel électoral). La télévision a également joué un rôle de premier plan dans l'expression d'un réel débat public. Elle a couvert, en direct et en continu, les opérations de vote des quatre dimanches. Elle a contribué à mobiliser l'électoral, à valoriser l'enjeu politique de la consultation et à désamorcer les affrontements potentiels. La presse écrite a, quant à elle, publié les résultats rapidement et sans aucune censure.

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