2.- Enjeux politiques
Les enjeux politiques sont sans doute plus importants et de nature à avoir des conséquences d'une plus longue durée que les enjeux économiques.
La première conséquence de l'entrée de la République tchèque dans l'Union européenne est d'ordre interne et relève de la psychologie des peuples. Comment un pays qui a si récemment accédé de nouveau à l'indépendance et à la pleine souveraineté nationale, s'accommodera-t-il des nécessaires limitations imposées à cette souveraineté au sein d'une Europe dont les modes de décision feront sans doute une large place à la règle majoritaire quand il y accèdera ?
Le deuxième enjeu politique est lié à la philosophie de l'actuel Gouvernement tchèque qui se place, comme l'Angleterre thatcherienne, dans le camp des Euroréalistes, et dont le libéralisme s'oppose apparemment à la politique de redistribution pratiquée par Bruxelles. Les discours de Vaclav Klaus sont d'ailleurs régulièrement émaillés de remarques sévères à l'égard de la technocratie européenne. Sur ce point, on se référera au contraste existant entre les propos publics et la conduite effective de la politique économique tchèque, dont plusieurs exemples ont été donnés ici et on n'exagèrera donc pas les éventuelles inquiétudes.
Le troisième enjeu est d'ordre régional. Un pays placé à l'intersection des mondes germanique et slave est voué par nécessité à la régionalisation et avec le démantèlement du rideau de fer, les vieilles traditions tchéco-allemandes et tchéco-autrichiennes devraient être rétablies et des axes Prague-Dresde et Ostrava-Cracovie, Brno-Vienne ou Brno-Bratislava ne manqueront pas de se reconstituer. L'intégration européenne ne fera que renforcer cette tendance à une organisation régionale de fait. Or, jusqu'à présent, le Gouvernement tchèque n'a pas considéré que l'organisation des collectivités locales fût une priorité. C'est oublier que les démocraties membres de l'Union européenne n'ont pas seulement appliqué les principes démocratiques à la gestion générale de l'État mais aussi à l'échelon local par le relais des collectivités, assurant ainsi la souplesse nécessaire à une bonne adaptation à l'Europe des régions. Mais le temps facilitera assurément les évolutions envisageables et mieux vaut en ce domaine aussi relativiser les oppositions de doctrine.
Ce n'est pas faire preuve d'un optimisme trop grand que de déclarer que l'entrée de la République tchèque dans l'Union européenne sera bénéfique pour le futur concert des nations européennes et que les avantages que tous en tireront balayeront les inquiétudes qui naissent naturellement à l'approche de tout changement. Les Tchèques sont un peuple libre d'esprit, entreprenant et réaliste qui ne pourra pas se contenter de ses relations régionales. Il aspire naturellement à prendre toute sa place en Europe et nous ne pouvons que nous réjouir à l'idée qu'il y apporte, avec la promesse de performances plus remarquables encore que celles qu'il vient d'accomplir, les grandes qualités d'un peuple décidé à réussir.
CONCLUSION |
Malgré quelques secteurs, que l'urgence de la situation a fait négliger, comme l'environnement et la santé, la République tchèque est passée avec efficacité et succès d'une économie planifiée au service du Comecon à une économie de marché résolument tournée vers l'Europe. Ce faisant, le Gouvernement, que ses détracteurs critiquent pour son peu d'intérêt pour la politique sociale, a pourtant su tempérer son libéralisme d'un pragmatisme où les considérations sociales n'étaient pas absentes et il a su se concilier un soutien populaire dans des opérations aussi difficiles que celle des privatisations. En ce qui concerne la politique économique, on peut affirmer avec lui que la transition est achevée, à l'exception importante de l'organisation des marchés financiers.
Il est clair cependant que cette économie est encore en mutation mais, malgré le scepticisme de certains observateurs, les changements structurels avancent à un rythme plus rapide que dans les autres pays de la région et les critères de Maastricht sont d'ores et déjà respectés en termes de solde des finances publiques, d'endettement de l'État et de stabilité externe de la monnaie.
La seule question que l'on puisse encore se poser concerne la durée nécessaire pour rattraper les niveaux de revenus et les niveaux de vie des pays de l'Union européenne ; ce temps de rattrapage peut-il être fixé à une dizaine ou une vingtaine d'années ? Il semblerait que les résultats macro-économiques récents soient assez satisfaisants pour entretenir l'optimisme : chômage réduit, inflation maîtrisée, croissance soutenue, vigueur de l'épargne et de l'investissement. A cela il faut ajouter l'influence bénéfique du voisin allemand et la proximité de marchés prospères.
Le succès de la République tchèque, sept ans seulement après le changement de régime, doit aussi quelque chose à l'absence de conflit politique grave pendant cette période et à la maturité politique et à la modération naturelle des Tchèques. Le nouveau régime est suffisamment stable et légitime pour avoir dissuadé les électeurs d'opter pour l'alternance. Quand bien même ils le feraient, ce ne serait pas un retour en arrière au profit de l'ancien parti totalitaire puisque la République tchèque est au fond la seule démocratie nouvelle où l'alternance ne soit pas incarnée par les anciens communistes.
Ce succès est aussi à mettre au crédit des traditions tchèques et à celui d'une population active, souple et qualifiée et surtout il repose sur une volonté, qui est celle de toute la nation, de s'en sortir. Aujourd'hui les sondages montrent que les Tchèques ont confiance en l'avenir et qu'ils sont fiers des résultats de leur pays.
La République tchèque dispose donc de tous les atouts nécessaires à une pleine réussite au sein de l'Union européenne. Sa vocation naturelle est européenne et que ce soit par le coeur ou par la raison, il faut souhaiter qu'elle la suive.
CARTE DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
CHRONOLOGIE SUCCINCTE |
VIIè siècle : début légendaire de la dynastie des Premyslides
863 : mission de Saint-Cyrille et Saint-Méthode
880 : baptême par Saint-Méthode du duc tchèque Borijov
935 : assassinat du roi Vaclav (Saint-Wenceslas)
1002 : la Bohême entre dans le Saint-Empire Romain Germanique
1212 : le roi de Bohême devient l'un des sept électeurs de l'Empereur
XIIIè siècle : arrivée de colons allemands en Bohême
1346 : Charles de Luxembourg, Empereur
1415 : mort sur le bûcher de Jean Hus
1526 : Ferdinand de Habsbourg monte sur le trône de Bohême
1618 : début de la Guerre de Trente Ans
1620 : bataille de la Montagne Blanche
1620-1918 : monarchie habsbourgeoise
28 octobre 1918 : création de la Tchécoslovaquie - Première République
1938 : accords de Munich
1945 : libération du territoire
Février 1948 : coup d'État communiste en Tchécoslovaquie
1968 : Printemps de Prague réprimé par l'Armée soviétique
1968-1989 : occupation soviétique
Novembre 1989 : Révolution de velours et élection à la Président de la République du dissident Vaclav Havel
1990
8-9 juin : premières élections libres depuis 1946 et triomphe du Forum civique
septembre : annonce de la privatisation par coupons
la Tchécoslovaquie rejoint le FMI
octobre : vote de la petite privatisation
1991
février : le Forum civique éclate en deux parties distinctes
vote de la loi sur la grande privatisation
avril : création de l'ODS de Vaclav Klaus et de l'OH de Jan Dienstbier
mai : le Président Havel s'oppose à la publication des noms des anciens membres de la police secrète
juin : le départ des troupes soviétiques s'achève
juillet : protocole de démantèlement du Pacte de Varsovie
1992
5-6 juin : élections législatives - Victoire de l'ODS
Vaclav Klaus est nommé Premier ministre
27-29 octobre : disparition de la République Fédérative Tchéco-Slovaque prévue pour le 31 décembre 1992
15 novembre : la future République tchèque est admise dans la CSCE à compter du 1er janvier 1993
16 décembre : adoption de la nouvelle Constitution tchèque
1993
janvier : Vaclav Havel est élu Président de la nouvelle République
résultats de la première vague de privatisations :
5.200.000 actionnaires
277.700.000 actions vendues
entrée à l'ONU
mai : création d'un groupe de travail en vue d'établir un dialogue avec les Sudètes
septembre : la polémique se poursuit sur la restitution des biens de l'Église
octobre : début de la deuxième vague de privatisation
Vaclav Havel prononce un discours au sommet du Conseil de l'Europe à Vienne
1994
janvier : la République tchèque dépose sa candidature à l'OCDE
mars : la République tchèque adhère au Partenariat pour la Paix
mai : le Gouvernement tchèque annonce le remboursement par anticipation d'un prêt du FMI de 430 millions de dollars
juin : Vaclav Klaus annonce une hausse du PIB de 3,5 %
septembre : entretiens à Paris entre Edouard Balladur et Vaclav Klaus au sujet de l'entrée de la République tchèque dans l'Union européenne
1995
juin : le projet de réforme territoriale est rejeté par les députés
novembre : la République tchèque devient le 26ème membre de l'OCDE
décembre : le Premier ministre annonce qu'il remettra la demande officielle d'adhésion à l'Union européenne en janvier 1996
1996
mai-juin : élections législatives
recul de la coalition gouvernementale qui conserve cependant le pouvoir
Vaclav Klaus reconduit à la tête du Gouvernement
novembre : premières élections sénatoriales, remportées par la coalition gouvernementale
1997
janvier : signature de la déclaration germano-tchèque
( avril : voyage d'État du Président de la République Jacques Chirac à Prague)
SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES |
- E. Lhomel et T. Schreiber - L'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE - La Documentation française, 1991
- E. Lhomel et T. Schreiber - L'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE - La Documentation française, 1992
- E. Lhomel et T. Schreiber - L'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE - La Documentation française, 1993
- E. Lhomel et T. Schreiber - L'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE - La Documentation française, 1995
- E . Lhomel - TRANSITIONS ÉCONOMIQUES À L'EST - La Documentation française, 1995
- E. Lhomel et T. Schreiber - L'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE - La Documentation française, 1996
- Kees Zijlstra - LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE : UN CAS DE FIGURE - Assemblée de l'Atlantique-Nord, 1995
- UN MARCHÉ : LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE - Les Éditions du CFCE, 1993
- LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE - OCDE, 1996
- S'IMPLANTER EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE - DREE, 1996
- Jacques Golliet - L'ÉLARGISSEMENT À L'EST DE L'UNION EUROPÉENNE : QUELLES PERSPECTIVES ? - Rapport du Sénat n° 567, 1993-1994
- Denis Badré - UNION EUROPÉENNE : LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES ET BUDGÉTAIRES DE L'ÉLARGISSEMENT À L'EST - Rapport du Sénat n° 228, 1995-1996
- Xavier de Villepin - LA RÉNOVATION DE L'ALLIANCE ATLANTIQUE ET LE DÉVELOPPEMENT DE L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE - Rapport du Sénat n° 257, 1994-1995
- ÉTUDE DU MARCHÉ DU TRAVAIL DANS LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE - OCDE, 1995
- EXAMEN DES POLITIQUES AGRICOLES : RÉPUBLIQUE TCHÈQUE - OCDE, 1995
- CONSTITUTIONS D'EUROPE CENTRALE, ORIENTALE ET BALTE - La Documentation française, 1996
- STRUCTURE ET FONCTIONNEMENT DE LA DÉMOCRATIE LOCALE : RÉPUBLIQUE TCHÈQUE - Conseil de l'Europe, 1994
- Jean Cluzel - L'AUDIOVISUEL EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE - LGDJ, 1996
- UNE HISTOIRE DE L'INSTITUT FRANÇAIS DE PRAGUE - Les Cahiers de la Stepanska, 1993
PROGRAMME DE LA MISSION
À PRAGUE
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Lundi 3 février 1997
09 h 10 : Arrivée à Ruzyne
10 h 15 : Départ de l'Ambassade avec M. l'Ambassadeur
10 h 30 : M. Richard SALZMAN, président de la Komercni Banka, sénateur
11 h 30 : M. Jiri FRANC, secrétaire général de la Bourse de Prague
12 h 30 : M. Ondrej CERNY, Directeur de l'Institut National du Théâtre
13 h 00 : Déjeuner de travail à la Résidence
14 h 45 : Départ avec M. l'Ambassadeur
15 h 00 : M. Ivan KOCARNIK, ministre des Finances
17 h 00 : Réunion au PEE avec le conseiller commercial et les hommes d'affaires français établis à Prague
18 h 30 : Rencontre à la Résidence avec des représentants de l'UFE et de l'ADFE
20 h 00 : Dîner à la Résidence avec les représentants des principales banques tchèques et étrangères à Prague
Mardi 4 février 1997
8 h 45 : Départ de la Résidence
09 h 00 : M. Jiri POSPISIL, vice-président du groupe ODS du Sénat
09 h 30 : M. Jaroslav JURECKA (ODS), président de la Commission de l'Economie, de l'Agriculture et des Transports du Sénat
10 h 30 : Mme Libuse BENESOVA (ODS), président de la Commission de l'Aménagement du territoire, de l'Organisation territoriale et de l'Environnement du Sénat
11 h 45 : Déjeuner avec les sénateurs suivants :
- M. Ludek ZAHRADNICEK (ODS)
- M. Vitezslav MATUSKA (CSSD)
- M. Oldrich DOCEKAL (KDU-CSL)
- M. Jitka SEITLOVA (ODA)
14 h 05 : M. Petr PITHART, président du Sénat
14 h 30 : Mme Jaroslav MOSEROVA (ODA), vice-présidente du Sénat, en charge des Relations internationales
15 h 00 : M. Frantisek VIZEK (CSSD), président de la Commission des Pétitions, des Droits de l'homme, des Sciences, de l'Education et de la Culture du Sénat
16 h 00 : Visite à la chambre des députés et entretien avec M. Jaromir KALUS, Président du Groupe interparlementaire République Tchèque-France
17 h 00 : Conférence de presse
20 h 35 : Départ pour Paris