C.- LES INVESTISSEMENTS EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Grâce à sa position stratégique au coeur de l'Europe, à l'excellence de ses indicateurs économiques, à la rapidité de sa transition vers l'économie de marché, au niveau élevé de formation et de qualification de la main-d'oeuvre et aux coûts de production très compétitifs, la République tchèque a attiré, entre 1990 et 1996, six milliards de dollars d'investissement direct étranger.

L'investissement étranger en République tchèque ne s'est vraiment développé qu'avec le lancement du programme de la grande privatisation. Parallèlement à l'émission de titres dans le public par la méthode des coupons, les autorités cèdent des blocs d'actions à des investisseurs étrangers. Au cours de cette première phase, les investisseurs allemands et américains se sont montrés les plus dynamiques, notamment dans l'agro-alimentaire (Pepsi-Cola), le tabac (Philip Morris) et l'automobile (acquisition de Skoda par Volkswagen).

Après le ralentissement dû à la récession de 1993, l'investissement étranger reprend en 1994-1995 avec la seconde vague de privatisation et la prise de participation à hauteur de 27 % du consortium néerlando-suisse Telsource dans l'opérateur public SPT Telecom en 1995 constitue l'investissement étranger le plus important à ce jour.

En 1996, la plus grosse opération a été celle de la prise de participation (49 %) du consortium Shell/Agip/Conoco dans le complexe pétrochimique Unipetrol.

Les investissements étrangers en République tchèque sont très concentrés : les dix premières opérations représentent plus des trois-quarts des capitaux investis dans le pays et les cinq premiers pays investisseurs détiennent 80 % de l'investissement consenti entre 1990 et 1996.

L'Allemagne arrive en tête des investisseurs étrangers, rang qui ne surprend pas vu la proximité géographique et culturelle des deux pays et les traditions déjà existantes. Il reflète également la stratégie défensive de nombreux industriels allemands soucieux de devancer la concurrence sur un marché qu'ils considèrent comme captif.

Depuis 1992, les PME allemandes et autrichiennes sont nombreuse à investir en République tchèque. Leur objectif consiste à développer la sous-traitance et à délocaliser tout ou partie de la fabrication pour tirer profit du différentiel des coûts salariaux entre les pays.

Les États-Unis se placent au deuxième rang avec près de 300 filiales. Leur stratégie est au contraire résolument offensive, car il s'agit pour eux de prendre pied sur un nouveau marché et d'y conquérir rapidement des parts.

La position de la Suisse et des Pays-Bas (3ème et 4ème) est due à l'opération Telsource qui a rejeté la France au cinquième rang avec 530 millions de dollars (9 % des investissements étrangers). Environ 220 entreprises à participation française sont implantées ; elles emploient près de 30.000 salariés et elles ont réalisé un chiffre d'affaires de plus de 7 milliards de francs en 1995. La présence française vise clairement une prise de position sur le marché national et régional.

Investissement direct étranger en Europe Centrale (en M$)

Pays

1995

1990-1995

1996-2000

Hongrie

4.400

11.200

12.968

Pologne

2.500

7.148

21.969

République tchèque

2.500

5.666

15.466

Slovaquie

200

775

2.150

Slovénie

150

501

3.052

Albanie

75

205

583

Bulgarie

150

412

1.428

Roumanie

400

933

4.017

Autres Balkans

100

300

2.210

Europe Centrale

10.475

27.140

63.847

Source : Economist Intelligence Unit.

Principaux investissements étrangers en République tchèque

Investisseur

étranger

Pays

Partenaire tchèque

Secteur

TelSource

Pays-Bas/Suisse

SPT Telecom

Télécommunications

Volkswagen

Allemagne

Skoda

Automobile

Conoco/Agip/Shell

Etats- Unis/Italie/ Pays-Bas

Unipetrol

Pétrochimie

Philip Morris

Etats- Unis

Tabak Kutna Hora

Tabac

Danone-Nestlé

France/Suisse

Cokoladovny

Agro-alimentaire

Daewoo

Corée

A via

Camions

IFC-Kaiser

Etats-Unis

Nova H ut

Acier

Glaverbel/Asahi

Belgique/Japon

Glavunion Teplice

Verre

Deutsche Telekom/Stet

Allemagne/Italie

Telekomunikacni/ Sporitelni Kapital

Télécommunications

Ling AG

Allemagne

Linde Technoplyn

Gaz

Source : Czechinvest.

La France se distingue dans l'agro-alimentaire avec Bongrain (fromages), Générale Sucrière, Sucreries de l'Aisne et Danone qui a acquis deux entreprises importantes : Cokoladovny (7.000 salariés dans la biscuiterie chocolat et producteur du célèbre biscuit tchèque « Biscoty ») en partenariat avec Nestlé et Benesov (produits laitiers) permettant ainsi au numéro 1 français de vendre ses yaourts dans la plupart des moyennes et grandes surfaces du pays. Dans l'emballage alimentaire, Péchiney a réalisé un important investissement avec Strojobal.

Viennent ensuite la construction et les travaux publics avec Ciments Français, Lafarge, Sénéchal Saint-Gobain, Jean Lefebvre, Dumez GTM, Colas, CBC et Solétanche. Dans l'immobilier, plusieurs groupes français sont associés dans le prestigieux projet de Myslbek (45.000 m2 de bureaux et de commerces dans le coeur de Prague à côté du Théâtre des États).

Les Français sont présents également dans les services urbains avec la Générale des Eaux à Prague (chauffage urbain et déchets) et à Podebrady (eau) et avec La Lyonnaise des Eaux à Brno, Ostrava et Karlovy Vary (eau).

Les biens d'équipement, et notamment l'industrie électrique et mécanique, sont représentés par Cégélec, EDF, Leroy Sommer, Poclain et Schneider, l'ingénierie par Krebs et Sofregaz.

Renault a racheté les autobus Karosa, Metacco a racheté le fabricant de remorques BSS et plusieurs équipementiers (Bertrand Faure, Lucas France, Valeo) se sont installés en République tchèque par des prises de participation.

France Télécom, qui n'a pas eu le marché de l'opérateur, est associé à une société de messageries.

La BNP, la Société Générale et le Crédit Lyonnais ont créé des filiales et le CCF a pris une participation dans la sixième banque tchèque. Les services aux entreprises (Ecolinge) et aux collectivités (Eurest, Sodexho) ainsi que de nombreux cabinets de conseil et d'audit se sont implantés.

Toutefois, certains secteurs ont été jusqu'ici délaissés par les investisseurs français, parmi lesquels la grande distribution (échec d'Auchan), l'assurance et le tourisme. Il reste encore, de toute façon, de nombreuses opportunités d'investissement liées en partie à la fin des privatisations (14 milliards de dollars, une cinquantaine d'entreprises dites stratégiques).

Tout d'abord, le pays a besoin de poursuivre la modernisation de ses infrastructures. D'autre part, les fonds d'investissement seront amenés à revendre leurs participations ou à ouvrir leur capital à des investisseurs privés.

Plusieurs secteurs retiendront l'attention des industriels et des investisseurs français :

- les sociétés régionales de distribution de gaz et d'électricité ;

- la rénovation de la dépollution des centrales thermiques ;

- la cogénération (production de chaleur par gaz ou charbon) ;

- le nucléaire (mise aux normes des centrales et maintenance - stockage des déchets) ;

- la protection de l'environnement (la République tchèque est, avec l'ancienne Allemagne de l'Est, le pays le plus pollué de la région) ;

- la rénovation des logements sociaux ;

- la rénovation du réseau ferré (Prague est un carrefour qui devrait retrouver son rôle d'avant 1948) ;

- le secteur de la brasserie ;

- le secteur bancaire (grâce aux prochaine privatisations de banques dotées d'excellents réseaux de guichets).

Mais lorsqu'on évoque devant certains entrepreneurs français leur attitude en République tchèque, ils s'empressent d'imputer leur prudence à la lenteur du processus de négociation, à l'imprécision du calendrier fixé par le Gouvernement tchèque et au manque de visibilité sur la rentabilité.

Ainsi, EDF s'est refusé encore aujourd'hui à prendre une participation de 100 millions de francs (6 % de la société) dans VCE, société de distribution de l'électricité de Bohême de l'Est. En effet, bien que de l'avis des diplomates français, cette prise de participation puisse être un signe d'intérêt préparant une acquisition majoritaire lors de la privatisation complète de la société, EDF estime que cela est trop cher payer une participation minoritaire (l'action est proposée par le Fonds d'investissement à 3.000 Kc alors qu'elle se négocie à 1.800 à la Bourse). EDF considère qu'on ne saurait s'engager quand on ignore quels seront les prix de fourniture et les prix de vente au public sur les dix années qui viennent. Or, le Gouvernement tchèque, sur ce point, hésite à concrétiser ses orientations et ne propose, bien sûr, aucun calendrier de hausse des tarifs électriques. De plus, EDF avance, à juste titre, qu'il est prudent d'attendre une loi sur l'électricité qui définira clairement les tâches entre producteurs, transporteurs et distributeurs. Aujourd'hui, une participation minoritaire reviendrait à se remettre aveuglément entre les mains de distributeur VCE et du producteur CEZ qui dispose d'un monopole. Cet exemple illustre la difficulté des privatisations des entreprises les plus sensibles.

Le secteur aéronautique peut susciter des commentaires du même ordre, compte tenu de la confusion entretenue entre l'ouverture du capital d'Aero-Vodochody (appel d'offres en cours) et d'éventuelles fournitures d'avions à l'armée tchèque. Mais une grande vigilance est indispensable, car le contexte peut se clarifier à court terme et les intervenants européens ou américains sont tous à l'affût...

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