CHAPITRE IV - LES RELATIONS ÉCONOMIQUES DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
A.- LES ÉCHANGES COMMERCIAUX
C'est en mesurant l'extraordinaire mutation du commerce extérieur de la République tchèque que l'on saisit parfaitement ce que le retour en Europe signifie pour ce pays et combien son entrée dans l'Union européenne semble logique. En effet, avant la Révolution de velours, les pays dits occidentaux occupaient une place très modeste dans les échanges avec l'ancienne Tchécoslovaquie. C'était en tout cas vrai pour la France, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Japon, car l'Allemagne et l'Autriche y étaient déjà bien implantées. Toutefois, les échanges se faisaient essentiellement avec les pays du Comecon au sein d'un ensemble qui visait en vain à l'autarcie et qui renforçait surtout l'interdépendance la plus étroite entre les membres.
Parts de marché des principaux concurrents dans les importations tchécoslovaques |
|||
1989 |
1991 |
||
RFA |
9,2 % |
Allemagne |
20,3 % |
Autriche |
5,5 % |
Autriche |
7,9% |
Suisse |
3,4 % |
Italie |
3,3 % |
Royaume-Uni |
2,2 % |
Suisse |
2,4 % |
Italie |
1,7 % |
France * |
2,3 % |
France |
1,5 % |
France ** |
3,7% |
Japon |
0,5 % |
Royaume-Uni |
2,1 % |
Etats-Unis |
0,3 % |
Etats-Unis |
1,8 % |
Japon |
1,2 % |
* Source : * Commerce extérieur tchécoslovaque
** Douanes françaises hors Airbus
Mais les habitudes de consommation évoluent très vite vers le modèle occidental et la nécessité pour les entreprises tchèques de se doter de moyens modernes ne pouvaient manquer de faire croître les importations et de provoquer un déséquilibre.
Depuis la chute du communisme, le rapport exportations/PNB s'est sensiblement accru, passant de 28,5 % en 1990 à 41,7 % en 1994. S'il est vrai que de 1990 à 1993 le PNB a fortement diminué, les exportations ont, en revanche, évolué très favorablement, au point même de résorber en partie la chute vertigineuse de la consommation intérieure. En 1994, les exportations ont commencé à stagner et la croissance économique enregistrée cette année là (+ 2,7 %) doit donc être imputée exclusivement à la reprise de la consommation interne et aux investissements.
Le rapport importations/PNB s'est, lui aussi, sensiblement amélioré depuis 1990 (de 31 % à 42,8 %). Cette évolution a été rendue possible par la libéralisation du commerce extérieur et, comme il a été dit, par la préférence accordée par les consommateurs aux produits de meilleure qualité et par les besoins en équipements des nouvelles entreprises.
Évolution des importations et exportations depuis 1990 |
||||
Exportations |
Importations en US $ millions |
Balance |
||
1990 |
8.991 |
9.852 |
- 860 |
|
1991 |
7.414 |
6.677 |
+ 760 |
|
1992 |
8.842 |
10.273 |
- 1.431 |
|
1993 |
13.203 |
12.858 |
+ 345 |
|
1994 |
14.295 |
14.731 |
- 436 |
Évolution des importations et exportations par rapport au PNB (en %) |
||
Exportations |
Importations |
|
1990 |
28,5 |
31,0 |
1991 |
32,5 |
30,0 |
1992 |
32,6 |
36,4 |
1993 |
42,8 |
41,2 |
1994 |
41,7 |
42,8 |
Il s'ensuit naturellement que les exportations tchèques ont subi des modifications structurelles importantes. Ainsi, la part des machines et du matériel de transport a fléchi de manière spectaculaire passant de 37,8 % à 26,1 %. Ce recul reflète l'effondrement du commerce avec les partenaires du COMECON, gros clients de matériel de transport (locomotives, wagons, trains, bus, camions). En contrepartie, on note un accroissement sensible de la part des matières premières (de 3,3 % à 7 %), des produits finis (de 24,4 % à 30,5 %) et des produits chimiques (de 7,9 % à 9,9 %). Destinées surtout à l'Europe Occidentale, ces exportations révèlent le nouveau rôle joué par la République tchèque dans le système économique européen, à savoir celui de fournisseur de matières premières, de biens de consommation d'une qualité ordinaire et de produits chimiques élémentaires.
Exportations (en %) |
|||||
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
|
Denrées alimentaires |
5,4 |
7,9 |
8,1 |
6,5 |
5,2 |
Boissons et tabac |
0,5 |
0,9 |
0,7 |
1,2 |
1,2 |
Matières premières |
3,3 |
5,7 |
6,5 |
6,1 |
7,0 |
Produits minéraux et lubrifiants |
4,9 |
5,5 |
5,7 |
6,2 |
5,7 |
Huiles végétales et animales |
0,4 |
0,2 |
0,1 |
0,2 |
0,3 |
Produits chimiques |
7,9 |
9,9 |
9,2 |
9,3 |
9,9 |
Produits manufacturés |
24,4 |
28,1 |
32,3 |
30,8 |
30,5 |
Machines et matériel de transport |
37,8 |
30 A |
25,4 |
27,4 |
26,1 |
Divers produits finis |
12,9 |
11,4 |
12,0 |
12,3 |
14,1 |
Marchandises non classées |
2,5 |
- |
0,1 |
- |
- |
Source : Service tchèque de Statistiques : CSU
Les importations ont également subi de profonds changements dans leur structure. La part des produits minéraux et des lubrifiants, ainsi que celle des matières premières, ont sensiblement régressé, passant respectivement de 17,7 % à 6,8 % et de 10,1 % à 4,9 %. Cette évolution s'explique par une baisse de la consommation de matières premières consécutive à la récession des années 1990-1993 (baisse de la production industrielle et de la consommation des ménages) et par la réalisation d'investissements industriels destinés à économiser l'énergie. On remarque également une progression importante des machines et du matériel de transport, de 30,8 % à 34,9 %, des produits finis, de 11,1 % à 16,4 % et des produits chimiques de 9,1 % à 13,1 %. Ces accroissements sont dus aux importations massives d'Europe Occidentale de voitures, de biens de consommation et de médicaments.
Les deux tableaux suivants illustrent la ventilation géographique des importations et des exportations. Ils montrent de manière éloquente la réorientation des importations et des exportations tchèques vers les pays de l'Europe Occidentale. Les échanges commerciaux avec l'ex-Union soviétique continuent à se rétracter, mais la part du commerce avec les autres pays d'Europe Centrale et Orientale est de nouveau en hausse. Ce revirement est le résultat de l'entrée en vigueur de l'Accord de Libre Echange d'Europe Centrale (CEFTA : Central European Free Trade Agreement) conclu entre la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque.
Ventilation par groupes de pays
Part dans les importations (en %) |
||||
1989 |
1992 |
1993 |
1994 |
|
UE |
26,4 |
47,2 |
42,6 |
45,1 |
AELE |
7,7 |
13,8 |
12,0 |
13,2 |
Autres pays à économie de marché (Japon, Etats-Unis, Canada) |
3,0 |
8,3 |
5,7 |
6,2 |
Slovaquie |
- |
- |
17,5 |
14,2 |
Ex-URSS |
30,8 |
18,1 |
11,1 |
9,9 |
Europe Centrale et Orientale |
18,5 |
5,8 |
5,0 |
5,3 |
Pays à économie planifiée- |
6,1 |
1,1 |
U |
0,7 |
Pays en voie de développement |
7,5 |
5,7 |
5,0 |
5,4 |
Part dans les exportations (en %) |
||||
1989 |
1992 |
1993 |
1994 |
|
UE |
26,2 |
52,8 |
42,3 |
45,9 |
AELE |
8,5 |
10,6 |
8,5 |
10,2 |
Autres pays à économie de marché (Japon, Etats-Unis, Canada) |
2,3 |
4,1 |
3,5 |
3,9 |
Slovaquie |
- |
- |
21,5 |
16,3 |
Ex-URSS |
30,8 |
8,9 |
6,3 |
6,1 |
Europe Centrale et Orientale |
19,1 |
12,2 |
7,2 |
9,4 |
Pays à économie planifiée |
4,2 |
1,2 |
2,2 |
0,7 |
Pays en voie de développement |
8,9 |
9,9 |
8,5 |
7,4 |
D'autre part, un accord d'association a été conclu entre la République tchèque et l'Union européenne le 4 octobre 1993 à Luxembourg. Cet accord fait suite à l'accord du 16 décembre 1991 avec la République fédérative tchèque et slovaque. Il est entré en vigueur le 1er février 1995 et il se compose, outre un préambule, de dispositions politiques et commerciales, ainsi que de nombreuses annexes qui régissent le commerce des produits dits stratégiques (acier, textiles, produits agricoles), seuls produits partiellement soumis à des restrictions quantitatives par l'Union européenne. Il prévoit la suppression des droits de douane sur la plupart des produits tchèques et sur les autres, il fixe des taux réduits qui diminueront progressivement. La République tchèque s'engage à offrir la réciproque : mais moins rapidement, car elle accepte simplement d'accorder une tarification plus avantageuse aux pays de l'Union européenne. Cette tarification devra tendre progressivement vers la suppression des droits.
Depuis quatre ans, les échanges commerciaux de la République tchèque se caractérisent par une augmentation plus rapide des importations que des exportations. Le solde se dégrade particulièrement avec ses partenaires européens. Comme la République tchèque sera contrainte d'ouvrir entièrement ses frontières à partir du 1er janvier 1997, on peut craindre que ce déficit ne devienne structurel, même s'il est aussi le gage d'une rapide modernisation de l'appareil industriel tchèque et d'une adaptation à la consommation occidentale.