C.- LE MIRACLE TCHÈQUE
1.- Le meilleur élève d'Europe Centrale ?
La République tchèque est le premier pays d'Europe Centrale à avoir été admis au sein de l'OCDE. Après 2,6 % en 1994 et 4,8 % en 1995, la croissance économique serait de 4,5 % en 1996, soit légèrement en-deçà des prévisions (5,5 %). Cependant, le dynamisme de l'investissement ne s'est pas démenti et la consommation des ménages a continué à croître. En revanche, les importations augmentent deux fois plus vite que les exportations, même si la République tchèque a admirablement réorienté son commerce vers l'Ouest.
Au terme de cette troisième année consécutive de croissance, le PIB serait encore en termes réels 10 % en-deçà de son niveau de 1985. Mais il est difficile de trancher cette question, car les outils de mesure ont changé et les statistiques officielles prennent mal en compte l'essor du secteur privé et particulièrement les services, dont une partie relève de « l'économie grise ».
Il est clair aussi que les emplois perdus lors des restructurations ont été compensés par le développement de services, ce qui expliquerait que le chômage ne se soit pas aggravé. A la fin de 1996, le taux de chômage était de 3,5 (pour 2,4 en 1995). La faiblesse de ce taux a contribué à engendrer des tensions sur le marché du travail et a entretenu les pressions salariales.
Les perspectives pour 1997 sont bonnes puisqu'on s'attend à une poursuite de l'expansion (4,5 à 5 %), toujours tirée par une forte demande interne et une augmentation tolérable du chômage (de l'ordre de 0,6 point). L'inflation devrait se maintenir à son niveau actuel (8,8 %), malgré les tensions et les anticipations inflationnistes.
D'autre part, la République tchèque jouit d'une monnaie forte. Devenue convertible en octobre 1995, la couronne tchèque reste soumise à des pressions contradictoires provenant de la forte dégradation du solde commercial et de l'afflux de devises à l'origine de l'excédent de la balance des capitaux. La monnaie nationale s'est appréciée en termes réels de 42 % contre le dollar et de 33 % contre le mark depuis 1992, posant des problèmes de compétitivité aux exportateurs tchèques déjà touchés par une forte croissance des salaires.
Rappelons que la parité de la couronne, définie par rapport à un panier composé à 65 % de DM et à 35 % de dollars, évoluait depuis 1990 et jusqu'en février 1996 à l'intérieur d'une bande de #177; 0,5 % sans aucun ajustement de parités. Depuis février 1996, la bande est comprise entre + 7,5 %.
Aujourd'hui, les tenants de la thèse de la dévaluation mettent en avant le ralentissement des importations et l'ampleur du déficit commercial. Ils soutiennent aussi que le taux de change actuel n'est pas réaliste et ne résulte que de l'écart fortement positif de taux d'intérêt en faveur de la couronne. De plus, la surévaluation serait de nature à pénaliser l'investissement direct étranger en République tchèque. Les adversaires de la dévaluation, quant à eux, ne manquent pas de souligner qu'une éventuelle dévaluation risquerait d'abord de se traduire par un renchérissement des achats à l'étranger au moment où les besoins en équipements sont très grands.
Le Gouvernement, fidèle à sa position libérale, s'est refusé jusqu'à présent d'intervenir, bien qu'il dispose d'une marge potentielle de dépréciation de 10 à 11 points (un peu supérieure à l'écart de 9 points entre les taux d'intérêt à court terme en République tchèque et ceux en vigueur en Allemagne).
Enfin la République tchèque dispose d'un autre atout : un budget parfaitement en équilibre. Ainsi, à bien des titres, les performances de la République tchèque sont remarquables, même si l'adaptation structurelle de son économie n'est pas encore très poussée et si l'assainissement du système bancaire et du marché boursier , la dérégulation des tarifs publics, la poursuite de la libération des loyers, la privatisation des réseaux d'énergie et des grandes banques, l'amélioration du système d'assurance santé, la remise en ordre de la santé publique et des transports, sont autant de tâches urgentes qui attendent le Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, plus que la monnaie forte ou l'équilibre budgétaire, ce qui continue à surprendre les observateurs, c'est la faiblesse du taux de chômage. D'aucuns y voient l'origine du miracle tchèque.