B. UNE CONJONCTURE POLITIQUE FAVORABLE AU PREMIER MINISTRE
1. Une coalition libérale-conservatrice au pouvoir depuis 1996
La vie
politique australienne gravite autour de
deux grands partis, le parti
libéral, dirigé par l'actuel Premier ministre, M. John Howard, et
le parti travailliste - l'Australian Labour Party (ALP) - animé par M.
Kim Beazley.
Les formations d'appoint sont le
parti national
(conservateur,
représentant majoritairement l'Australie rurale) et le
parti
démocrate
, dont l'influence croît à l'aune de son
pragmatisme. Le parti xénophobe « One Nation », qui
avait fait une percée lors du scrutin de 1996, a été
laminé en 1998.
En mars 1996, la coalition libérale-conservatrice (alliance du parti
libéral et du parti national) retrouvait le pouvoir après douze
ans de gouvernement travailliste.
Le nouveau Premier ministre, M. Howard, a alors mis en oeuvre une
politique libérale de dérégulation de l'économie
et d'assainissement des finances publiques
.
Le déroulement de son premier mandat a été
compliqué par des relations malaisées avec le Sénat,
où le Gouvernement n'avait pas la majorité, et la
nécessité d'obtenir l'accord de l'opposition ou de
sénateurs indépendants pour faire adopter ses projets de loi.
Confronté aux pressions, parfois contradictoires, de groupes
d'intérêt divers et de l'opposition du Sénat, le
Gouvernement de M. Howard a éprouvé de nombreuses
difficultés dans la mise en oeuvre de son ambitieux programme de
libéralisation de l'économie australienne. Le Premier ministre a
souvent été contraint à des volte-faces de dernière
minute pour tenir compte du mécontentement de certains secteurs de son
électorat. Une succession malheureuse de « conflits
d'intérêts » concernant les membres du Gouvernement a
contraint sept ministres au départ, ternissant ainsi l'image
d'intégrité rigoureuse que le Premier ministre avait promue lors
de sa campagne électorale.
2. Les élections anticipées de 1998 : un pari réussi
C'est
dans ce contexte peu favorable que le Premier ministre, dont l'autorité
se trouvait de plus en plus contestée au sein de son parti, a dissous le
Parlement et décidé la tenue d'
élections
anticipées centrées sur un
vaste projet de réforme
fiscale, comprenant notamment l'introduction d'une TVA, intitulée Goods
and Services Tax (GST).
L'impopularité de la GST, déjà responsable de
l'échec de la Coalition libérale-conservatrice aux
élections législatives de 1993, faisait du thème choisi
pour la campagne électorale un véritable défi pour le
Gouvernement.
Finalement, grâce à une campagne énergique s'appuyant sur
de bonnes performances économiques, la promesse d'une baisse de
l'impôt sur le revenu pour tous les Australiens et l'engagement personnel
de M. Howard, la Coalition libérale-conservatrice a pu
remporter
les élections mais avec une majorité réduite.
La Coalition a conservé la majorité à la Chambre des
représentants, avec 80 sièges sur 148, mais sa situation au
Sénat s'est détériorée. Lors de la
précédente législature, avec 37 sièges de
sénateurs sur 76, le Gouvernement avait réussi à
légiférer en gagnant au coup par coup l'appui de deux
sénateurs indépendants pour ses projets de loi les plus
importants. Mais dans la nouvelle configuration, le Gouvernement ne disposant
que de 35 sièges au Sénat, il doit désormais obtenir
l'accord des Démocrates ou des Travaillistes
.
3. Une configuration parlementaire qui facilite l'action du Gouvernement
Le
passage du projet de réforme fiscale au Parlement a donné une
première mesure de cette nouvelle situation.
Le Gouvernement a dû s'incliner face à une majorité de
sénateurs et accepter la création d'une commission
d'enquête d'une durée de plusieurs mois. Après
l'échec d'un accord avec les deux sénateurs indépendants,
le Premier ministre, assisté du Trésorier, M. Costello, a
alors entamé des négociations avec les Démocrates qui ont
abouti, au terme de discussions-marathon, à l'adoption, fin juin 1999,
de la loi introduisant la GST.
Les concessions consenties par le Gouvernement afin d'obtenir l'accord des
Démocrates - limitation des baisses d'impôts pour les hauts
revenus, exemption des produits alimentaires du champ de la GST -, si elles ont
mécontenté une partie du patronat, ont également rendu la
réforme plus « équitable » sur le plan social
et donc politiquement plus acceptable pour les électeurs.
Les Démocrates, initialement un petit parti protestataire, sont devenus
sous l'influence de leur dirigeante, Mme Lees, et grâce à
l'accord avec le Gouvernement sur la GST, un parti pragmatique ouvert aux
compromis.
Cette association avec le parti démocrate sur les questions
économiques devait également permettre de faire progresser
l'épineuse question aborigène
sur deux problèmes
importants restés en suspens. C'est en effet M. Ridgeway,
sénateur aborigène et démocrate, qui fut à
l'origine d'un double compromis.
Le premier introduisait un lien de « parenté »
(kinship) entre les Aborigènes et la terre australienne dans le projet
de préambule de la Constitution proposé aux électeurs lors
du référendum du 6 novembre 1999. Cet amendement a cependant
été rejeté.
Le second consistait en une formule acceptable d'excuses -parlementaires -
pour les erreurs commises dans le passé - par les
gouvernements - à l'égard de la communauté
aborigène.
Ces tentatives de pacification à l'égard de la communauté
aborigène devraient permettre au Premier ministre d'éviter des
embarras majeurs pendant la période des Jeux olympiques, que les
Aborigènes ont décidé de mettre à profit pour faire
entendre leurs revendications.
S'il est encore trop tôt pour parler d'une constitution des
Démocrates en « troisième force », les
Travaillistes ont réagi à ce risque de marginalisation en
choisissant de ne pas laisser aux Démocrates le monopole de l'opposition
constructive au Parlement.
Ils ont à leur tour tendu la main au Gouvernement à plusieurs
occasions permettant ainsi l'adoption de lois sur le maintien du
« SMIC jeune » et sur la réforme de la
fiscalité des entreprises.
Le Gouvernement est le grand
bénéficiaire de cette « concurrence » entre
les deux partis d'opposition, la configuration actuelle du Sénat offrant
finalement au Gouvernement des opportunités de négociations
supplémentaires.
Le Gouvernement bénéficie en outre de la faiblesse actuelle de
l'opposition dont la stratégie repose essentiellement sur
l'émergence d'un sentiment anti-GST chez les électeurs. La
récente victoire des Travaillistes dans le Victoria porte cependant
à quatre - sur un total de six - le nombre de chefs de
gouvernement travaillistes au sein de la Fédération.
La stratégie de M. Howard vise à contenir la progression des
Travaillistes en prenant en compte les préoccupations sociales de la
majorité de l'électorat, sans inquiéter l'Australie
conservatrice dont le Premier ministre est proche. La poursuite de la
croissance à un niveau élevé de plus de 4 % lui donne
une marge de manoeuvre importante.