III. HONG-KONG : UNE ÉVOLUTION PLACÉE SOUS LE SIGNE DE LA CONTINUITÉ

La délégation s'est arrêtée à Hong-Kong les 14 et 15 mars 2000, pour des entretiens consacrés à l'évolution de ce territoire et à la présence de l'Australie dans la région Asie-Pacifique.

Elle a pu constater que Hong-Kong avait conservé intégralement son « système séparé » et jouissait d'une très large autonomie. Elle a noté que la transition politique s'est faite « en douceur » et que le rôle économique de Hong-Kong avait été préservé.

La délégation a été notamment reçue par la Présidente du Conseil législatif, Mme Rita Fan, et par le Secrétaire - membre du gouvernement local - aux affaires constitutionnelles, M. Michael Suen. Ces interlocuteurs ont expliqué le statut très particulier de cette région administrative spéciale qu'est Hong-Kong, avec son « haut degré d'autonomie » sous le principe « un pays, deux systèmes ». La réalité dans les faits comme en droit de cette large autonomie a été confirmée par l'ancien « Chief secretary » et ancien Gouverneur par intérim britannique Sir David Aker-Jones, président de Axa Chine, et par M. Mac Glynn, directeur adjoint des services d'information, ancien porte-parole du gouverneur Chris Patten, de nationalité australienne.

A. UNE TRANSITION POLITIQUE « EN DOUCEUR »

1. Le cadre constitutionnel : une large autonomie sous le principe « un pays, deux systèmes »

Le schéma constitutionnel retenu a été conçu pour garantir une très large autonomie de Hong-Kong, notamment dans le domaine économique et commercial.

Le cadre institutionnel dans lequel s'exercent les prérogatives du Gouvernement de Hong-Kong a été défini par deux textes : d'une part, la déclaration conjointe sino-britannique de 1984, texte à valeur de traité international, d'autre part, la loi fondamentale, adoptée par l'Assemblée nationale populaire de Pékin en avril 1990, document ayant vocation à servir de « constitution » du territoire.

Ces documents, dont le contenu se recoupe largement, donnent toute sa portée au concept « un pays, deux systèmes ».

Le principe général reconnu par ces deux textes est de laisser Hong-Kong gouverné par les Hongkongais. A cet effet, au-dessus d'une administration dont la quasi-totalité des cadres est restée en place, y compris au niveau des ministres, ont été mis en place :

- un Chef de l'exécutif , élu en décembre 1996 par un comité de sélection de 400 membres lui-même constitué par Pékin en septembre de la même année ;

- un Conseil législatif comprenant 60 membres, d'abord désignés en décembre 1996 par le même comité de sélection pour l'assemblée qui fut en fonction jusqu'au 30 juin 1998, puis élus le 24 mai 1998 selon un système complexe alliant suffrage universel direct pour un tiers des sièges et suffrage censitaire pour les deux tiers. La part des membres élus au suffrage universel doit progressivement augmenter : elle passera à 24 en septembre 2000 puis à 30 en 2004, soit la moitié du Conseil législatif. En 2007, il reviendra finalement au peuple de Hong-Kong de décider selon quelles modalités sera élu le Conseil législatif.

- une Cour suprême locale (« court of final appeal »).

S'agissant des compétences dévolues à ces autorités, la loi fondamentale de Hong-Kong établit le principe selon lequel seules les questions de défense et de diplomatie échappent à la compétence directe du Gouvernement de Hong-Kong.

La notion d'affaire diplomatique est d'ailleurs interprétée dans le sens le plus étroit possible : ainsi, à titre d'illustration, autant les questions « symboliques » de la souveraineté d'Etat -survols d'aéronefs d'Etat ou escales de navires de guerre- sont effectivement traitées par la représentation à Hong-Kong du Gouvernement de Pékin, autant les visites officielles sont gérées directement et sans interférence par les autorités du territoire.

Dans la très grande majorité des affaires qui touchent à l'identité et à la prospérité de Hong-Kong, les autorités de la région administrative spéciale (RAS) sont ainsi habilitées à gouverner les affaires du territoire de manière directe et autonome. Cette autonomie inclut de très nombreux aspects de politique extérieure, et notamment ceux ayant trait au commerce international.

2. Une continuité de l'exécutif

Le nouveau cadre institutionnel mis en place après la rétrocession, selon les règles et principes définis par la loi fondamentale de 1990, a été marqué par une grande continuité au niveau de l'exécutif , tandis qu'une rupture s'opérait dans le domaine législatif, compte tenu de la dissolution de l'assemblée élue en septembre 1995 et de son remplacement par une assemblée provisoire aux membres choisis par Pékin.

A l'exception du secrétaire à la justice, poste nouvellement créé, le Chef de l'exécutif, M. Tung Chee-Hwa, s'est trouvé en effet à la tête d'une équipe gouvernementale déjà en place du temps de son prédécesseur, le Gouverneur Patten. Le chef de l'exécutif lui-même, aux compétences aussi étendues que celles des anciens représentants de la couronne britannique, a vu dans les faits son statut profiter de la politique de retenue pratiquée par le Gouvernement central dans les domaines de politique extérieure de la compétence du territoire.

3. Le respect par la Chine de ses engagements : stabilité politique et maintien des libertés publiques

La question politique principale à Hong-Kong reste celle des rapports avec le gouvernement central de Pékin et du degré réel d'autonomie dont bénéficie la région administrative spéciale (RAS).

La pratique de la première année de retour à la Chine a confirmé dans les faits la préservation de l'autonomie économique, commerciale et financière de Hong-Kong.

Lors de leurs entretiens avec la délégation, Mme Rita Fan, Présidente du Conseil législatif, et M. Michael Suen, Secrétaire aux affaires constitutionnelles, ont ainsi souligné l'absence d'interférence de Pékin dans les affaires intérieures du territoire.

Même si elle est désormais considérée comme un « acquis », l'attitude concrète des autorités centrales de Pékin a été l'élément le plus remarquable tout au long de la période ayant précédé puis suivi la rétrocession.

Rendue possible par la confiance dans le fait que Hong-Kong ne deviendrait pas un foyer de contestation politique, cette « abstinence volontaire » du Gouvernement central s'est traduite par un scrupuleux respect de la parole donnée.

Grâce à un discours constamment prudent, M. Tung Chee-Hwa, le Chef de l'exécutif, a en effet répondu à l'attente des autorités centrales, et, ce faisant, a favorisé la consolidation par ces dernières de la politique d'abstention évoquée plus haut. Il est ainsi apparu tout à la fois comme le garant et le bénéficiaire d'une politique subtile ayant consisté, tout en validant - via notamment la dissolution dès le 1 er juillet 1997 de l'assemblée élue en 1995 - le coup d'arrêt annoncé par Pékin aux réformes démocratiques engagées in extremis par le Gouvernement colonial, à maintenir l'état de droit, à garantir le respect des libertés publiques, et à assurer la liberté d'expression.

Le chef de l'exécutif est ainsi parvenu à projeter, tant à Hong-Kong même qu'à l'extérieur, l'image d'un dirigeant attaché à la préservation et à l'approfondissement du concept de régime représentatif légué par les Britanniques.

En particulier, même si l'échéance de 2007 prévue par la loi fondamentale a fait l'objet de quelques variations de présentation de la part de M. Tung, l'objectif semble bien rester l'évolution vers une désignation du chef de l'exécutif au suffrage universel direct.

L'année 1999 a toutefois connu la première crise constitutionnelle sérieuse s'agissant du degré d'autonomie réel dont jouit Hong-Kong. En janvier, la Cour d'appel suprême du territoire interprétait dans un sens très libéral les dispositions sur le droit d'établissement à Hong-Kong et reconnaissait ce droit à un très grand nombre de candidats potentiels : 1,6 million de personnes étaient susceptibles de pouvoir en bénéficier. De plus, elle se proclamait habilitée à juger de la conformité d'actes de l'Assemblée nationale populaire chinoise (ANP) à la loi fondamentale de la Région administrative spéciale.

Cette décision a suscité l'ire de Pékin et du gouvernement local. Dans un premier temps, la Cour acceptait d'émettre une « clarification » limitant la portée de ces remarques sur son droit de censurer des décisions de l'ANP. Dans un deuxième temps, invoquant la crainte de la population locale d'une immigration massive en provenance du continent, le gouvernement local sollicitait du comité permanent de l'ANP une « interprétation » de la loi fondamentale renversant de fait le jugement de la cour.

Il apparaissait ainsi clairement que les décisions de cette cour théoriquement suprême pouvaient être contestées à Pékin : l'autonomie judiciaire de la RAS n'était donc pas totale. En fin d'année, des décisions de la Cour, favorables au gouvernement sur des sujets qui auraient pu irriter Pékin, ont accru les interrogations sur le degré d'indépendance qu'auraient à l'avenir les magistrats de Hong-Kong.

A cette démonstration des limites de l'autonomie de Hong-Kong se sont ajoutés d'autres éléments qui ont alimenté tout au long de l'année les inquiétudes des milieux démocratiques. La mise à l'écart du rédacteur en chef du South China Morning Post et de la directrice de la radio et télévision de Hong-Kong peut ainsi laisser craindre une lente érosion de l'indépendance des medias incités à pratiquer une certaine autocensure sur des sujets sensibles comme celui de Taïwan.

Ce climat explique l'affluence record (70.000 personnes) à la manifestation commémorant le dixième anniversaire des événements de Tian-anmen mais n'a pas empêché le relatif affaiblissement du parti démocratique lors des élections locales de novembre 1999.

Sous ces réserves, et s'il apparaît désormais clairement que ce n'est pas un droit pour Hong-Kong mais un privilège octroyé par le gouvernement central, la région administrative spéciale a conservé en 1999, sans changement, son « système » séparé. Hong-Kong continue à fonctionner comme une société capitaliste, riche, ouverte, hautement développée, jouissant d'une démocratie limitée mais respectueuse des libertés publiques. La non-mise hors la loi de la secte Falungong à Hong-Kong, quand cette décision a été prise dans le reste de la Chine, en a témoigné clairement.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page