CONCLUSION
En
dépit de la tutelle de fer exercée par les islamistes sur tous
les rouages de la société soudanaise, la délégation
revient avec la conviction que la réputation " sulfureuse " du
Soudan est excessive. Ainsi, si des pratiques d'esclavage ont pu être
mises à jour, elles semblent relever d'avantage de pratiques ancestrales
ou de débordements miliciens incontrôlés que d'une
politique délibérée du gouvernement. Quant aux
éléments terroristes censés trouver refuge au Soudan, ils
semblent être davantage subis que soutenus.
Par ailleurs, il convient de prendre acte des efforts consentis par le
gouvernement pour se conformer aux exigences occidentales et pour
libéraliser le régime. Il faut maintenant que les
autorités traduisent leur volonté dans les faits en
rétablissant le multipartisme et en organisant des élections
libres et démocratiques, ce que la délégation n'a pas
manqué de leur rappeler.
La délégation sénatoriale a toutefois pu mesurer le
scepticisme des partis (interdits) d'opposition. En effet, le fait que la
nouvelle Constitution continue à énumérer la sharia au
nombre des sources de la législation du pays reste un sujet de conflit.
Or, deux conditions subordonnent l'établissement d'une paix
durable : la représentation équitable de toutes les
composantes de la société soudanaise dans les instances
exécutives, législatives et judiciaires du pays, et la garantie
des droits et des libertés de chacun.
En outre, bien que le cessez-le-feu observé depuis le 15 juillet 1998
dans la région du Bahr el-Ghazal ait été prolongé
de trois mois par les deux parties en conflit pour faciliter l'accès de
l'aide humanitaires aux populations touchées par la famine, la
recrudescence de la guerre civile dans le Sud du pays oblitère
sérieusement les espoirs que pouvaient faire naître les
pourparlers de paix engagés sous l'égide de l'IGAD depuis un an.
Les divisions demeurent tenaces.
Dès lors, en l'absence du rétablissement de la
laïcité réclamé par le Mouvement populaire de
libération du Soudan (MPLS) de John Garang, la partition du Soudan
semble la seule solution envisageable à court terme, ce qui n'est ni
satisfaisant, ni garanti. En effet, non seulement les problèmes qui
entourent l'organisation du référendum d'autodétermination
du Sud restent pendants, mais le partage du pays ne manquera par d'engendrer
des conflits sur le partage des ressources entre le Nord et le Sud.
Votre délégation formule, pour sa part, l'espoir que le sentiment
d'unité de la population et la tolérance qui forge le
caractère des Soudanais seront plus forts que la haine et les rancoeurs
accumulées. Elle veut croire Marc Lavergne lorsqu'il
écrit
47(
*
)
:
" Le sentiment d'unité est très fort, la tradition de
déplacement d'un bout à l'autre de ce vaste espace très
ancienne, et la mobilité accentuée aujourd'hui par
l'urbanisation. L'autonomie économique est un leurre dans la mesure
où l'interdépendance est très forte : il existe une
complémentarité entre les régions où règne
la grande culture mécanisée, pluviale ou irriguée, qui
dépendent traditionnellement pour la main d'oeuvre des régions de
culture traditionnelle de l'ouest. D'autres échanges, Nord-Sud, relient
les pasteurs de la savane et ceux de la steppe, tandis que Khartoum, pôle
incontesté de l'ensemble du pays, est un creuset qui rassemble dans ses
diverses composantes toute la palette humaine et assure les relations avec
l'ensemble du pays et avec le monde extérieur. "