"Le droit de pétition s'exerce auprès du Sénat. Aucune pétition ne peut être adressée au Corps législatif." C'est en ces termes que l'article 45 de la Constitution définit ce qui va devenir une des principales activités du Sénat. Ce droit est perçu par certains sénateurs comme "un grand droit puisqu'on peut dire qu'il embrasse toutes choses. Il touche aux intérêts individuels, puisqu'il est une sauvegarde contre l'injustice ou les abus du pouvoir. Il touche aux intérêts généraux puisque, par la voie des pétitions, vous pouvez être saisis des plus hautes questions législatives." (Marquis de Lavalette, séance du Sénat du 21 février 1859).
Traitement des pétitions
Toutes les pétitions sont renvoyées à une commission de 10 membres chargée de les examiner. Elles sont ensuite présentées par le rapporteur en séance publique. Et enfin elles sont, à l'issue d'un vote et pour certaines d'un débat, soit renvoyées au ministre compétent, soit écartées de l'ordre du jour, soit déposées au bureau des renseignements.
En 1859, le marquis de Lavalette attire l'attention des sénateurs sur l'absence d'interlocuteur lors de l'examen des ces pétitions tandis que, lors des débats sur la constitutionnalité d'un projet de loi, les commissaires du Gouvernement participent au débat. Et il résume sa pensée dans une formule lapidaire : "en sorte que, quand vous n'avez rien à dire, vous trouvez quelqu'un à qui parler, et que, dans les cas où votre droit de parler est incontestable, personne n'est là pour vous répondre." (séance du 21 février 1859)
Quelques années plus tard un décret impérial du 7 novembre 1863 désigne six conseillers d'Etat comme commissaires du Gouvernement pour prendre part devant le Sénat à la discussion des pétitions.
Les sujets
Les sujets abordés par les pétitions sont extrêmement variés. Celles qui portent sur des griefs particuliers (demande de mise à la retraite d'une directrice des postes à la suite d'un différend avec le signataire de la pétition, réclamations contre des erreurs commises dans des devis de travaux...) ont tendance à diminuer au fil des années. Subsistent cependant les demandes de secours, d'emploi, de pensions, de décorations.
Dans une certaine mesure les préoccupations des signataires subissent l'influence des événements : modifications de la loi électorale, prix des céréales, délimitation du jardin du Luxembourg. Certains sujets sont récurrents : la réforme de l'octroi, les questions agricoles et les chemins vicinaux, la liberté de la presse, les retraites des anciens officiers, des membres du clergé et des instituteurs, la tenue des actes d'état civil, la chasse...
Les signataires
En 1861, les débats du Sénat sont devenus publics ; chaque pétitionnaire reçoit alors chez lui les avis des décisions prises par le Sénat. Un certain nombre de lettres revient avec la mention "destinataire inconnu". Pseudonymes, fausses identités, adresses erronées ? D'année en année, les secrétaires du Sénat qui effectuent le compte rendu du service des pétitions font un constat identique : "certains pétitionnaires se sont couverts du voile du pseudonyme" (1861), " le nom et l'adresse indiqués sur la pétition étant apocryphes" (1862), "plusieurs écrits pseudonymes ont été comptés comme pétition s; certains individus ont signé d'un nom qui n'était pas le leur."
Certains signataires renouvellent leurs pétitions chaque année : "les décisions les mieux motivées ne parviennent point à les éclairer... A ces récidivistes infatigables, le Sénat oppose sa longanimité et sa patience." (Ferdinand Barrot, 1866)
Etat des pétitions
Année | Nombre de pétitions déposées |
---|---|
1852 | 328 |
1853 | 333 |
1854 | 103 |
1855 | 311 |
1856 | 336 |
1857 | 151 |
1858 | 178 |
1859 | 612 |
1860 | 301 |
1861 | 551 |
1862 | 719 |
1863 | 713 |
1864 | 949 |
1865 | 771 |
1866 | 951 |
1867 | 1002 |
1868 | 1040 |
Nota: En 1859, de nombreuses pétitions portaient sur la législation des céréales. En 1861, les débats du Sénat deviennent publics.