Avec la Constitution de 1958 - dont une exposition organisée à Reims par la Direction des Archives de France a célébré les quarante ans en octobre dernier (1998) - le Sénat a recouvré sa place d’assemblée parlementaire de plein exercice.
Depuis son installation en 1959, la Haute assemblée est devenue, comme le souligne son Président, M. Christian Poncelet, un élément d’équilibre du jeu institutionnel.
Pour célébrer ses quarante ans, le Sénat organise, avec le concours du Ministère de la Culture et de la Communication, au Musée du Luxembourg, du 17 juin au 25 juillet 1999, une exposition ouverte au public.
La Constitution de 1958
La Constitution de la Ve République a été adoptée solennellement par référendum le 28 septembre 1958 et les institutions parlementaires se sont mises en place au printemps 1959. Pour célébrer cet anniversaire, la Direction des Archives de France avait organisé à Reims, en octobre 1998, une exposition sur le passage " d’une République à l’autre ". Soucieux de célébrer également cet événement à Paris, le Ministère de la Culture et de la Communication a accepté qu’une partie de cette exposition soit accueillie au Musée du Luxembourg. Le Président Christian PONCELET et le Bureau du Sénat ont souhaité que cette exposition permette également de mieux expliquer le rôle du Sénat dans les nouvelles institutions.
Depuis 1958, le Sénat a recouvré sa place d’assemblée parlementaire de plein exercice, comme l’avait souhaité, notamment, l’un des principaux rédacteurs de la nouvelle Constitution, Michel Debré, qui fut lui-même sénateur sous la IVe République et pour qui " Le bon sens et la tradition républicaine commandent qu’il y ait une seconde assemblée ".
Comme le rappelle son Président, le Sénat " est un élément d’équilibre des pouvoirs, de la représentation, de la démocratie, du système politique dans son ensemble ".
La Haute assemblée contribue à cet équilibre en faisant contrepoids à l’Assemblée nationale et en apportant " un autre regard " sur la législation.
Représentant constitutionnel des collectivités territoriales et des Français de l’étranger, le Sénat dispose, sous la Ve République, de l’essentiel des pouvoirs qu’il avait temporairement perdus après 1946. Comme leurs collègues députés, les sénateurs disposent aujourd’hui du pouvoir d’initiative législative, participent pleinement à la confection de la loi et contrôlent l’action du gouvernement. Certes, en cas de divergence entre les deux chambres, l’Assemblée nationale peut avoir le " dernier mot ", mais seulement si le gouvernement le lui demande et après que toutes les possibilités d’accord ont été épuisées (commission mixte paritaire). C’est ainsi qu’en quarante ans, plus de 90 % des lois ont été adoptées après accord entre les deux assemblées.
Le rôle du Sénat dans les nouvelles institutions
Pendant les quarante années écoulées, la Constitution de 1958 a démontré sa capacité à résister à des crises graves et à faire face aux situations les plus inattendues : la décolonisation africaine , l’indépendance de l’Algérie en 1962 , les événements de 1968 ; les chocs pétroliers et la crise économique consécutive ; la " cohabitation " dans ses différentes configurations depuis 1986 , la " montée en puissance " continue de l’Europe et de l’Union européenne depuis la signature du Traité de Rome en 1957 , l’évolution des moeurs et les progrès techniques des dernières décennies. La place faite au Sénat dans les institutions a contribué dans une large mesure à la stabilité de la Vème République.
La durée du mandat de ses membres et le fait que le Sénat ne puisse être dissout a donné à l’assemblée du Luxembourg des atouts qu’elle s’efforce d’utiliser dans des actions patientes et à long terme -contrôle du gouvernement, réflexion en amont -qui lui permettent de suggérer des voies nouvelles. Elle a ainsi contribué ,dans le cadre d’institutions qui entendaient réagir contre l’instabilité des Républiques précédentes, à redéfinir une place originale et indispensable pour le Parlement .
Introduction du Président Christian Poncelet
Le bon sens et la tradition républicaine justifient une deuxième assemblée, qu’elle se nomme Sénat et qu’elle assure la représentation des collectivités locales. Ayant été du nombre de ceux qui ont animé la deuxième Assemblée de la IVème République, et ayant conscience de ce rôle, je souhaite en 1958, non pas faire renaître le Sénat de la IIIème, qui eût été un archaïsme, mais fonder un nouveau Sénat, celui de la Ve ".
C’est ainsi que s’exprimait Michel Debré qui avait relevé que " les pouvoirs du Sénat forment en France, depuis toujours, un sujet litigieux qui, au-delà de la classe politique, touche l’opinion ".
Principal auteur de la Constitution de 1958, il avait mesuré l’importance pour notre démocratie de disposer d’une seconde chambre qui ne soit pas seulement consultative et qui puisse équilibrer le jeu politique.
Ce n’est sans doute donc pas un hasard si les deux constitutions qui ont duré le plus longtemps dans notre pays, si versatile en matière institutionnelle, sont celles qui donnaient au Sénat des pouvoirs réels. La délibération supplémentaire, en évitant le face à face entre l’exécutif et une assemblée unique toute puissante, atténue les conflits et enrichit la réflexion.
En même temps, il avait le souci, non point seulement de revenir à une tradition éprouvée, mais de fonder un nouveau Sénat. Cette ambition a été satisfaite. Depuis quarante ans, la Haute assemblée a su se saisir pleinement de ses compétences et apporter des contributions très utiles à la législation. Elle a joué, différemment selon les périodes, un rôle politique non négligeable.
L’exposition organisée au Musée du Luxembourg a donc le mérite de mettre en valeur cette évolution et surtout de retracer l’histoire du Sénat dans le contexte de l’histoire politique de notre pays. Elle contribuera ainsi à mieux faire connaître notre assemblée et les enjeux du bicaméralisme.
Christian Poncelet, Président du Sénat
L'exposition au Musée du Luxembourg
Réalisée sous la responsabilité du Sénateur Gérard Larcher, vice-président du Sénat, délégué du Bureau du Sénat aux grands événements, avec le concours de la Direction des Archives de France du ministère de la Culture et de la Communication, l’exposition rassemble dans sa première partie un ensemble exceptionnel de documents d’époque originaux - écrits, films, photographies, affiches, etc... - couvrant la période clé de janvier 1958 à janvier 1959, période de gestation de la nouvelle Constitution.
Dans une seconde partie, le visiteur a accès à des documents très variés, réunis ou élaborés par les services de la Haute assemblée, notamment la Bibliothèque et le service de la Séance.
Au fil des vitrines, des panneaux d’exposition et des moniteurs vidéo, présentent un panorama complet sur la place institutionnelle du Sénat, sur sa composition, son activité et son rôle, sur l'expérience constitutionnelle éphémère du Sénat de la Communauté, ainsi que sur les grandes figures du Sénat et les temps forts qui l’ont illustré de 1959 à aujourd’hui.
Ce n’est en effet qu’au printemps 1959 que le Sénat de la Vème République a pu s’installer, après des élections qui - fait exceptionnel - l’ont renouvelé dans sa totalité.
Le Sénat de la communauté... une expérience constitutionnelle éphémère
Marqués par les difficultés de la IVème République face à la " question coloniale ", confrontés au problème algérien et conscients que le système de l’Union française mis en place en 1946 n’offrait pas de solution viable, les constituants optent en 1958 pour une formule de souplesse préservant le lien privilégié entre l’ancien Empire et la République française, tout en assurant aux États et Territoires membres une évolution démocratique et l’autonomie interne.
L’article premier de la nouvelle Constitution institue la Communauté, à laquelle sont consacrés les onze articles du Titre XII et l’article unique du Titre XIII sur les " Accords d’association ".
Au cœur du système, est créé un Sénat de la Communauté, instance de dialogue dotée de larges pouvoirs délibératifs et pouvant recevoir délégation pour prendre des décisions législatives exécutoires dans tous les États membres.
La Communauté de la Vème République arrivait cependant trop tard pour pouvoir endiguer les tendances centrifuges, qu’aviveront encore, par la suite, l’autodétermination de l’Algérie, la philosophie onusienne de la décolonisation et la doctrine du non-alignement.
Dès novembre 1959, le Mali demande son indépendance, suivi par Madagascar en janvier 1960. Une révision constitutionnelle en juin 1960 précipite le mouvement avec le départ de la Côte-d’Ivoire, du Dahomey, du Niger et de la Haute-Volta.
La Communauté et son Sénat cessèrent dès lors de fonctionner.
Dossier : Le Sénat de la Communauté (1958-1961)
Quelques grandes figures du Sénat de la Ve République
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Des Sénateurs au pouvoir : Sénateurs Président du Conseil ou Premier ministre
Edgar Faure
Président du Conseil en 1952, puis de 1955 à 1956
Sénateur de la Communauté de 1959 à 1961
Sénateur du Doubs de 1980 à 1988
Michel Debré
Premier ministre de 1959 à 1962,
Sénateur d'Indre-et-Loire de 1948 à 1958 (IVème République)
(cliquez sur les photos pour accéder aux notices biographiques)
Des sénateurs à l'Institut
Edouard Bonnefous (1907 - 2007)
Ancien député, ancien ministre d'État, Édouard Bonnefous a siégé au sénat (Seine-et-Oise, puis Yvelines) de 1957 à 1986. Entré à l'académie des Sciences morales et politiques en 1958, il préside cette assemblée en 1968. Édouard Bonnefous a été Chancelier de l'Institut de 1978 à 1994, date à laquelle il en a été désigné Chancelier honoraire.
Voir la notice biographique de Édouard Bonnefous
Alain Peyrefitte (1925 - 1999)
Ancien député, ancien membre du Parlement européen, ancien ministre, Alain Peyrefitte est sénateur de Seine-et-Marne depuis 1995. Élu à l'académie française en 1977, il est également, depuis 1987, membre de l'Académie des Sciences morales et politiques.
Voir la notice biographique du Sénateur Alain Peyrefitte
Jean Cluzel (né en 1923)
Sénateur de l'Allier de 1971 à 1998, Jean Cluzel est membre de l'académie des sciences morales et politiques depuis 1991. Il en est devenu secrétaire perpétuel le 1er janvier 1999.
Voir la notice biographique de Jean Cluzel
Maurice Schumann (1911-1998)
Porte parole de la France Libre à la radio de Londres, Maurice Schumann a siégé à l'assemblée nationale et a fait partie de plusieurs gouvernements, notamment comme ministre d'État en 1967 et 1968. Sénateur du Nord à partir de 1974, vice-Président du sénat de 1977 à 1983, il a été élu à l'Académie française en 1974.
Voir la notice biographique de Maurice Schumann
Edgar Faure (1908-1988)
Président du Conseil en 1952, puis de 1955 à 1956. Sénateur de la Communauté de 1959 à 1961. Sénateur du Doubs de 1980 à 1988. Élu à l'Académie française en 1978.
Voir la notice biographique d'Edgar Faure
Les temps forts de la Ve République au Sénat
Alain POHER, Président du Sénat assure les deux intérims
28 avril - 20 juin 1969 et 2 avril - 19 mai 1974
Bureau du Palais de l'Elysée
A consulter : Dossier Hommage à Alain Poher
Centenaire du Sénat (1975)
Le Bureau du Sénat avec le Président Giscard d'Estaing, dans la salle des séances "déparlementarisée" pour la circonstance
Fin de la Guerre du Golfe
Le Président François Mitterrand est reçu au Sénat le 10 avril 1991
Le Sénat et les libertés
Le Président Christian Poncelet reçoit au Sénat le Dalaï-Lama et Madame Rigoberta Menchu, Prix Nobel de la Paix
Dossier d'archives n°6 - juin 1999