Le groupe d’amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique, présidé par Mme Catherine Procaccia (Les Républicains-Val-de-Marne), a entendu, en visioconférence, Mme Laurence Beau, ambassadrice de France en Nouvelle-Zélande, accréditée auprès des Samoa et des Iles Cook. Mmes Martine Berthet (Les Républicains-Savoie), vice-présidente, et Micheline Jacques (Les Républicains-Saint-Barthélémy) ont également participé à l’entretien.
Mme Catherine Procaccia a d’abord souligné que cette audition achevait un cycle, débuté en 2020, qui a permis au groupe d’amitié d’échanger avec l’ensemble des ambassadeurs présents dans le Pacifique. Elle a ensuite précisé que Mme Beau exerce ses fonctions d’ambassadeur à Wellington depuis septembre 2022, après avoir occupé des postes diplomatiques en Amérique latine, aux Seychelles, à Singapour, en Australie et celui d’ambassadrice au Botswana, ainsi qu’en administration centrale. Elle l’a invitée à dresser un état des lieux de la situation aux Samoa et aux Iles Cook, deux États qui relèvent du champ de compétences du groupe d’amitié, et à évoquer les relations qu’ils entretiennent avec la France.
Mme Laurence Beau a indiqué avoir eu l’occasion de se rendre aux Iles Cook en mars 2023 pour y remettre ses lettres de créances mais pas encore aux Samoa en raison des retards pris par le protocole samoan durant la crise du Covid.
Les Iles Cook, un État associé à la Nouvelle-Zélande
Les Iles Cook ne comptent que 15 000 habitants mais contrôlent une zone économique exclusive (ZEE) étendue, d’une superficie de deux millions de kilomètres carrés. Une diaspora composée de 80 000 ressortissants des Iles Cook vit en Nouvelle-Zélande. Le roi d’Angleterre demeure Chef de l’État et le Parlement est composé de la Chambre des députés et d’une assemblée traditionnelle. Le Cook Island Party est aujourd’hui la force politique dominante. Cook est un État qui exerce une certaine influence diplomatique dans le Pacifique, comme en témoigne la récente nomination de l’ancien Premier ministre Henry Puna au poste de secrétaire général du Forum des îles du Pacifique (FIP).
Les Iles Cook sont un État associé à la Nouvelle-Zélande depuis 1965. La Nouvelle-Zélande encourage les Iles Cook à affirmer leur autonomie, tout en aidant au financement de certaines de leurs initiatives, par exemple une partie de l’organisation du prochain sommet du FIP. Les ressortissants des Iles Cook disposent de la nationalité néo-zélandaise, ce qui facilite les déplacements entre les deux pays.
Une économie en plein rebond
L’économie repose en grande partie sur le tourisme, qui représente 65% du produit intérieur brut (PIB), et sur la pêche, via la vente de licences, Cook ne disposant pas des ressources nécessaires pour développer localement une filière de traitement du poisson. Le PIB s’est effondré (-29%) en 2021 en raison de la fermeture des frontières décidée pour faire face à la pandémie de Covid-19. Le rebond constaté en 2022 (croissance de 10%) devrait se confirmer cette année, avec une prévision de croissance de 11,2%.
Le gouvernement de Cook envisage d’exploiter les ressources des fonds sous-marins, notamment les nodules polymétalliques, pour lesquels trois licences d'exploration valables cinq ans ont été délivrées. Cette orientation suscite des critiques de la part des ONG, qui s’inquiètent de ses conséquences environnementales ; la Nouvelle-Zélande a demandé un moratoire tandis que la France soutient l’interdiction de l’exploitation de ces nodules. Cette question sera débattue lors du prochain sommet du FIP qui se tiendra aux Iles Cook au mois de novembre. Alors que 90% de la population vit à moins d’un kilomètre des côtes, Cook s’oppose en outre à la création d’une « taxe carbone maritime », considérant qu’elle déstabiliserait ses chaînes d’approvisionnement.
Un voisin de la Polynésie française
Les Iles Cook entretiennent des relations diplomatiques avec la France depuis 2001. Au total, 54 ressortissants français sont inscrits au registre consulaire. Cook et la France conservent un lien mémoriel fort depuis que des combattants maoris venus des Iles Cook ont participé aux combats à Arras, comme tunneliers, pendant la Première guerre mondiale. Il n’existe pas d’Alliance française dans le pays mais le conseiller de coopération et d’action culturelle (Cocac) à Wellington a pour objectif de lancer un projet, éventuellement en lien avec le ministère cookien de l’éducation ; l’Alliance française jouerait un rôle de centre culturel et constituerait un lieu de rencontre pour la communauté française.
La Polynésie française, voisine, est un important partenaire pour les Iles Cook, qui aimeraient développer un axe avec Tahiti et Hawaii pour attirer de nouveau la clientèle touristique américaine. Les forces armées de Polynésie française coopèrent avec les Iles Cook pour la surveillance de la ZEE. Du fait de la position des Cook entre la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, l’ambassade est régulièrement amenée à demander des autorisations de survol pour les forces armées françaises.
Les Iles Cook disposent d’une ambassade en Nouvelle-Zélande et d’une représentation à l’Unesco. Elles ne sont pas membres de l’ONU mais appartiennent à plusieurs organisations spécialisées du système onusien, ainsi qu’à des organisations régionales comme le FIP ou la Communauté du Pacifique (CPS). Elles reçoivent une importante aide extérieure : la Chine a ainsi construit le palais de justice, l’hôtel de police et une école, le Japon fournit du matériel agricole, l’Australie et la Nouvelle-Zélande étant également très présentes. Elles font partie des potentiels bénéficiaires de l’initiative Kiwa, lancée par l’Agence française de développement (AFD), qui vise à accompagner des projets en faveur de la biodiversité et de l’adaptation au changement climatique dans le Pacifique.
Représentant le Forum des îles du Pacifique, le Premier ministre s’est rendu au récent sommet du G7 à Hiroshima pour inviter les grandes puissances à respecter leurs engagements en matière climatique. Il a également dénoncé l’agression russe en Ukraine, qui viole le droit international auquel les Iles Cook sont très attachées.
Mme Micheline Jacques a demandé si la production agricole était significative et suffisait à nourrir la population. Elle s’est également interrogée sur l’impact de l’exploitation des nodules sur l’écosystème des grands fonds, qui pourrait devenir un sujet de réflexion commun avec la Polynésie française.
Mme Laurence Beau a répondu qu’il existait une agriculture vivrière, avec la culture de tubercules, de légumes, de fruits, sans oublier la pêche. Néanmoins, les Iles Cook importent du poisson et sont contraintes par le manque d’eau et de terres arables, notamment dans les atolls coralliens. La zone où se trouvent les nodules est proche de la Polynésie, de sorte que leur exploitation aurait nécessairement un impact sur ses écosystèmes.
Mme Catherine Procaccia a demandé si l’indépendance pleine et entière à l’égard de la Nouvelle-Zélande était parfois envisagée et si un visa touristique était imposé pour se rendre dans les Iles Cook depuis la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie.
Mme Laurence Beau a indiqué que le statu quo semblait satisfaire les Cookiens et que les déplacements, souvent à caractère familial, étaient fluides avec la Polynésie, le tourisme provenant surtout de la Nouvelle-Zélande. Les Cookiens ont la nationalité néo-zélandaise, et sont donc exemptés de visas pour des séjours de moins de 90 jours en Polynésie Française et en Nouvelle Calédonie.
Beaucoup d’habitants des Cook en âge de travailler vont chercher un emploi en Australie ou en Nouvelle-Zélande, notamment pour occuper des emplois saisonniers. D’une manière générale, la Nouvelle-Zélande est largement tournée vers le monde polynésien, tandis que l’Australie regarde davantage du côté de la Mélanésie, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de l’Indonésie.
Les Samoa, un pays isolé mais actif sur la scène diplomatique
Mme Laurence Beau a ensuite évoqué l’histoire récente des Samoa, qui ont obtenu leur indépendance de la Nouvelle-Zélande en 1962. Le pays compte 220 000 habitants mais 150 000 Samoans vivent en Nouvelle-Zélande et d’autres en Australie. Les envois de fonds des Samoans vivant à l’étranger représentent pas moins de 10% du PIB. Seulement 21 Français sont inscrits au registre consulaire.
En 2021, le pays a connu des élections mouvementées qui ont conduit à l’arrivée, pour la première fois, d’une femme au poste de Premier ministre. Mme Naomi Fiame Mata’afa a pris ses fonctions à l’issue de plusieurs mois de crise, pendant lesquels le Premier ministre sortant a refusé de quitter son poste. Sa parole est respectée dans le Pacifique et son engagement en faveur des droits des femmes est reconnu.
L’économie samoane dépend de l’aide au développement, des transferts de fonds de la diaspora, du tourisme (30% du PIB), de la production de coco et de la pêche. Le PIB s’est contracté de 6% en 2022 mais devrait croître de 5% en 2023, grâce à la reprise du tourisme, limitée toutefois par le manque de main d’œuvre et d’investissement. La dette publique représente 46% du PIB. Les Samoa sont pénalisées par leur isolement géographique, la petite taille de leur marché intérieur et leur vulnérabilité aux catastrophes naturelles. La compagnie aérienne samoane n’assure pas de liaisons internationales, ce qui entraîne une dépendance du pays à l’égard des compagnies étrangères. Les îles sont en revanche connectées à plusieurs câbles sous-marins et le pays souhaiterait valoriser sa position dans ce domaine.
Les Samoa mènent une diplomatie active, en s’appuyant sur leurs ambassades en Nouvelle-Zélande, à Bruxelles, à Tokyo et à Pékin. De nombreuses agences onusiennes sont présentes dans l’archipel, où elles ont leur siège régional, ainsi que le secrétariat du Pacific Agreement on Closer Economic Relations (PACER) Plus, accord commercial et de coopération signé par onze États du Pacifique, et le siège du Programme océanien de l’environnement (PROE) dont la France est membre. L’an prochain, Apia accueillera le sommet du Commonwealth. C’est également dans la capitale samoane que sera signé, en octobre 2023, le prochain accord (post-Cotonou) entre l’Union européenne et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Enfin, Apia pourrait accueillir un Observatoire de la gouvernance en Océanie, actuellement en projet, et un réseau d’experts sur la tenure foncière, une problématique au cœur des enjeux de développement dans le Pacifique insulaire
Les Samoa sont liées à la Nouvelle-Zélande par un accord de partenariat renouvelé en 2019. La Nouvelle-Zélande apporte un financement important au développement du pays, le plan d’aide au développement 2021-24 étant de l’ordre de 119 millions de dollars néo-zélandais (soit 72,6 millions d’euros). La Nouvelle-Zélande conduit des opérations de surveillance maritime dans la ZEE. L’Australie est un autre important bailleur de l’aide au développement, avec 19 millions alloués en 2022-2023. C’est néanmoins la Chine qui est devenue le principal partenaire économique et le premier créancier puisqu’elle détient 40% de la dette extérieure ; depuis 2021, et sous l’impulsion de la nouvelle Première ministre, les Samoa ont toutefois mis un coup d’arrêt au projet de développement d’un port à Apia.
Les Samoa entretiennent de très bonnes relations avec la France, la coopération se concentrant dans le domaine de l’assainissement de l’eau, bien que les échanges commerciaux soient réduits.
Mme Catherine Procaccia a demandé s’il existait une « diplomatie du rugby », compte tenu de la popularité de ce sport dans le Pacifique.
Mme Laurence Beau a confirmé que le rugby constitue un vecteur d’échanges, l’équipe des Samoa obtenant par ailleurs de bons résultats sportifs.
Mme Catherine Procaccia a enfin évoqué le problème des violences faites aux femmes, qui demeurent répandues dans nombre d’États du Pacifique.
Mme Laurence Beau a indiqué avoir rencontré des associations féministes aux Iles Cook, qui ont confirmé que les violences contre les femmes restaient fréquentes.
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- M. Guillaume GABISON
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