Présents :
M. Philippe Bas (Les Républicains – Manche), Mme Catherine Belrhiti (Les Républicains – Moselle), M. Éric Bocquet (Communiste Républicain citoyen écologiste – Kanaki - Nord), Mme Christine Bonfanti-Dossat (Les Républicain – Lot-et-Garonne), M. Philippe Bonnecarrère (Union centriste – Tarn), Mme Corinne Bourcier (Les Indépendants - Maine-et-Loire), M. Emmanuel Capus (Les Indépendants – Maine-et-Loire), M. Pierre Cuypers (Les Républicains - Seine-et-Marne), Mme Brigitte Devésa (Union Centrise – Bouches-du-Rhône), Mme Isabelle Florennes (Union Centriste – Hauts-de-Seine), Mme Pascale Gruny (Les Républicains - Aisne), M. Loïc Hervé (Union Centriste – Haute-Savoie), M. Daniel Laurent (Les Républicains – Charente-Maritime), M. Dominique de Legge (Les Républicains – Ille-et-Vilaine), Mme Marie-Claude Lermytte (Les Indépendants – Nord), Mme Pauline Martin (Les Républicains – Loiret), Mme Marie Mercier (Les Républicains – Saône-et-Loire), M. Louis-Jean de Nicolaÿ, M. Jean-Jacques Panunzi (Les Républicains – Corse-du-Sud), M. Bruno Retailleau (Les Républicains – Vendée), M. Mickaël Vallet (Socialiste écologiste et républicain – Charente-Maritime) et M. Michaël Weber (Socialiste écologiste et républicain – Moselle).
M. Dominique de Legge, président, s’est félicité du grand nombre de sénateurs présents manifestant l’intérêt pour la parole politique de l’Église au sens étymologique du terme, dès lors qu’elle s’appuie sur son « expertise en humanité » selon l’expression de Saint Paul VI[1]. Il a rappelé le parcours du cardinal, de Pampelune à Ajaccio en passant par Padoue, Toulouse et Narbonne, sa nomination comme évêque de Corse en 2021, puis son élévation à la pourpre en septembre 2023. Il l’a ensuite invité à aborder trois sujets : la situation au Moyen-Orient et plus particulièrement en Terre sainte, les sujets sociétaux en débat actuellement après le vote du Parlement européen sur la gestation pour autrui (GPA), le 23 avril dernier, et sur la préparation d’un projet de loi constitutionnel sur l’autonomie de la Corse.
Mgr François Bustillo a insisté sur l’importance et la difficulté du dialogue face à l’émotion et à la violence. Il a souligné sa proximité spirituelle avec les chrétiens sur place, espérant pouvoir leur rendre visite prochainement, et avec le cardinal Pizzaballa, patriarche de Jérusalem, franciscain comme lui, attaché à ne pas couper les liens et à s’appuyer sur une démarche de terrain pour éviter le pire. Il a également regretté la discrimination dont souffrent les chrétiens dans d’autres pays de la région.
M. Bruno Retailleau a estimé que la présence chrétienne n’avait jamais été aussi difficile et que la voie de l’apaisement était la plus difficile mais que, dans la région, les chrétiens avaient, du fait de leur culture, un apport spécifique car ils conçoivent mieux la séparation entre le religieux et le politique et sont attachés aux États-nations.
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Le cardinal Bustillo, répondant également à M. Pierre Cuypers qui l’interrogeait sur la situation de la jeunesse, a relevé qu’il y avait besoin de beaucoup de soutien pour donner envie de rester alors que partir serait légitime. Il a également relevé, après M. Loïc Hervé, le rôle central des écoles chrétiennes, souvent francophones, pour la formation des intelligences, lutter contre le fondamentalisme et promouvoir une culture de la rencontre et du vivre ensemble.
Abordant ensuite le second thème proposé par M. Dominique de Legge, président, il rappelé que l’Église ne s’opposait pas à la modernité mais qu’elle demandait de s’interroger sur le sens de la vie, sur l’importance de la vie relationnelle et la découverte de l’autre. Face aux questions en débat aujourd’hui, il y a le risque d’une approche superficielle alors que c’est une question existentielle. La fin de vie, c’est la fin de quelle vie ? Voilà la question fondamentale. Demander la mort est une tragédie, une insuffisance d’amour visible et sensible. La demande véritable est-elle la mort ou la fin de la souffrance ? Vit-on les uns avec les autres ou les uns contre les autres ? Au nom de la fraternité, nous avons le devoir de nous engager pour accompagner, toucher, parler, soutenir avec la plus grande proximité ceux qui partent.
Puis répondant à Mme Pascale Gruny, M. Michaël Weber, Mme Catherine Belrhiti qui l’interrogeaient sur la crise des vocations et l’évolution du rôle des prêtres, l’évêque d’Ajaccio a regretté le discours négatif qui suscite la pitié plutôt que de faire rêver. Le prêtre est l’homme de l’existentiel, des moment clefs de la vie pour aimer, celui qui donne la vie spirituelle. Pourtant, il y a beaucoup de vocations, beaucoup de générosité et d’envie de faire du bien dans la jeunesse. Le prêtre correspond à cette envie. Ce n’est pas un fonctionnaire mais l’homme de Dieu. Il se caractérise par sa disponibilité pour soutenir le bien chez les personnes, soigner l’être. Il va redonner la beauté de l’origine et soutenir de l’intérieur. Nous devons nous engager dans une pastorale de la proximité pour proposer la foi et la vocation sans forcer mais sans abandonner non plus à une fausse liberté.
Puis, interrogé plus directement sur l’euthanasie et le projet de loi en discussion à l’Assemblée nationale par Mme Christine Bonfanti-Dossat et M. Phillippe Bas qui ont dénoncé un dévoiement de l’humanité et de la fraternité en présentant un homicide comme un geste de secours, craignant l’abandon et la vulnérabilité des personnes âgées, le cardinal a appelé à humaniser la fin de vie et à honorer les mérites des aînés pour toute la société. Il a aussi souligné que le propre de l’homme était de protéger les plus faibles et qu’il fallait opposer l’amitié et l’affection à la solitude.
Répondant à Mme Marie Mercier, M. François Genet et Mme Corinne Bourcier, il a rappelé que la vie était un don et qu’il fallait l’accompagner tant qu’elle était là. L’amour guérit. Il a également insisté sur la collégialité face à a solitude, le caractère éduqué et lucide de la liberté pour éclairer l’émotion et la peur. La « liberté libre » est un mythe qui peut être dangereux. La loi ne doit banaliser ni la vie ni la mort, mais viser au bien commun.
À l’invitation de M. Dominique de Legge, président, le cardinal Bustillo a ensuite abordé le débat autour de la préparation d’un projet de loi constitutionnel sur l’autonomie de la Corse envisageant qu’elle pouvait être un projet politique collectif de paix et de responsabilité.
M. Michaël Vallet a regretté cette prise de position estimant que ce n’était pas la place de l’Église d’autant qu’elle pouvait donner l’impression de laisser sous silence les violences. M. Bruno Retailleau a également fait part de son désaccord notamment parce que ce projet de loi impliquerait de constitutionnaliser le communautarisme dans un pays déjà archipellisé et la remise en cause de l’unité de législation. Cette autonomie est d’autant moins nécessaire que des mesures d’adaptation sont possibles.
Mgr François Bustillo a alors expliqué qu’il s’était exprimé en vue de la paix en Corse et en se demandant quel projet pouvait porter l’île demain dans une perspective d’unité, de pacification et de bien pour la population. Reconnaissant la prudence nécessaire au traitement de ce sujet, il a conclu en relevant l’importance de la volonté des Corses et des responsables locaux pour apporter une solution à un problème qui ne peut pas se résoudre qu’à Paris.
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[1] Encyclique Popularum Progressio, 1967.
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