Le mardi 14 mai 2024, Mme Véronique GUILLOTIN (Rassemblement Démocratique et Social Européen – Meurthe-et-Moselle), présidente du groupe d’amitié France-Moldavie, et MM. Michel CANÉVET (Union Centriste – Finistère) et Bernard FIALAIRE (RDSE – Rhône), se sont entretenus par visioconférence avec M. Florent PARMENTIER, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), chercheur-associé au centre de géopolitique de HEC.
M. Florent PARMENTIER a souligné que les prochains mois seront intéressants à suivre avec l’élection présidentielle et l’organisation d’un référendum pour inscrire l’adhésion à l’Union européenne au sein de la Constitution. La liste des candidatures n’est pas encore définitive, mais la présidente Maia SANDU semble être la candidate qui recueille le plus d’adhésion personnelle immédiate.
Trois scénarios sont envisageables s’agissant de la présidentielle :
1/ Maia SANDU remporte l’élection, puis les législatives en juillet 2025 ;
2/ Elle remporte l’élection présidentielle mais voit sa majorité affaiblie au Parlement. Ce scénario semble probable car le parti présidentiel – Parti Action et solidarité (PAS) – , qui possède actuellement la majorité absolue et est tenu pour responsable des actions en cours, a beaucoup de mal de faire alliance avec d’autres partis pro-européens et établir des compromis. Ainsi le PAS a-t-il refusé que la Moldavie organise un congrès de 3 jours pour l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) en raison de la participation des Russes à cet évènement, ce qui a créé des dissensions avec Andréi NASTASE, fondateur du parti politique moldave Plateforme Vérité et dignité, pour qui ce sommet était l’occasion de faire venir des spécialistes en Moldavie. Au sein du PAS, se font jour des interrogations sur la capacité du parti à réussir à mettre en œuvre les réformes de son programme : ainsi, le ministre de l’Environnement et le président de l’agence de l’environnement ont été récemment remplacé par deux personnes qui ne connaissent ni le secteur, ni l’anglais, ce qui ne peut que freiner la mise en œuvre des normes environnementales.
3/ La présidente SANDU est battue et son parti s’effondre.
Selon M. Florent PARMENTIER, le scénario n° 2 est le plus probable car les Moldaves considèrent leur présidente comme une personne compétente et profondément intègre, même si une partie de son équipe peut faire l’objet de critiques, et car une réelle alternative politique peine à s’organiser. Le maire de Chisinau, Ion CEBAN, un ancien socialiste pro-russe qui se dit désormais « pro-européen », était un concurrent possible mais semble préférer son mandat local, pour lequel il a été réélu au premier tour à l’automne 2023. Si la Gagaouzie, qui représente 4 % des électeurs, ne peut être un obstacle à l’élection de Maia SANDU selon le chercheur, elle peut faire l’objet de campagnes de déstabilisation de la part de la Russie plus efficaces qu’en Transnistrie. La gouverneure (« Bashkan ») souhaite y faire adopter la même loi sur les ingérences étrangères qu’en Géorgie et mettre en place le système de paiement russe MIR. Les autorités gagaouzes et transnistriennes sont en contact et il est probable qu’elles réclament un statut commun d’autonomie.
S’agissant du référendum, les sondages semblent tous donner une majorité, plus ou moins large (de 52 % à 60 %) en faveur de l’adhésion à l’Union européenne. La réunion des deux scrutins – référendum et élection présidentielle – présente une plus grande cohérence et vise à inciter les électeurs pro-européens à voter pour Maia SANDU.
Interrogé par M. Bernard FIALAIRE sur le poids politique des ministres du Gouvernement de Maia SANDU, M. Florent PARMENTIER a fait un parallèle avec la situation en France depuis 2017. Le PAS n’a pas été capable de faire émerger des personnalités politiques connaissant bien les territoires – ce qui explique son échec à Chisinau et dans les grandes villes –, ni de retenir des personnes compétentes comme le ministre des Affaires étrangères, Nicu POPESCU. Si les leaders politiques du PAS sont de bon niveau, ils ne disposent toutefois pas de capacités administratives et institutionnelles ; or l’heure est à présent celle du bilan au sein du Gouvernement.
A la demande de M. Michel CANEVET, M. PARMENTIER a ensuite évoqué la réforme judiciaire, qui suscite une grande attente des partenaires internationaux.
Soulignant pour conclure l’inquiétude des Moldaves quant au conflit en Ukraine, M. Florent PARMENTIER a dit avoir, pour la première fois, recueilli des témoignages pessimistes quant à l’avenir. Ainsi, la déclaration du président français sur l’envoi de troupes en Ukraine a suscité de nombreuses interrogations, tandis qu’une certaine lassitude se fait jour vis-à-vis des 110 000 réfugiés ukrainiens présents sur le territoire moldave.
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