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Le mardi 2 avril 2024, sous la présidence de Mme Véronique GUILLOTIN (Rassemblement Démocratique et Social Européen – Meurthe-et-Moselle), le groupe d’amitié France-Moldavie s’est déplacé dans les nouveaux locaux de l’ambassade de la République de Moldavie en France pour s’y entretenir avec S.E. Mme Corina CĂLUGĂRU, accompagnée de Mme Lilia TICU, conseillère Affaires politiques.
Ont également participé à la réunion : M. Michel CANÉVET (Union Centriste – Finistère), M. Cédric CHEVALIER (Les indépendants-République et Territoires – Marne) et Mme Nadia SOLLOGOUB (UC – Nièvre).
En préambule, S.E. Mme Corina CĂLUGĂRU a souligné que la République de Moldavie était très reconnaissante de la dynamique dans laquelle la France s’était engagée pour l’aider à se transformer et devenir un État membre de l’Union européenne. La visite effectuée en France le 7 mars 2024 par la présidente moldave Maia SANDU a été un évènement important, à l’occasion de laquelle un accord bilatéral de coopération en matière de défense a été signé, remplaçant un ancien accord des années 90. La feuille de route de la coopération économique comprend par ailleurs d’importants projets d’investissements et il est envisagé d’organiser un forum « Investir en Moldavie » après l’élection présidentielle de l’automne prochain. D’ici là, de nombreux échanges sont prévus, tant au niveau politique – avec la visite du vice-premier ministre en charge de la Réintégration, M. Oleg SEREBRIAN, et du président du Parlement, M. Igor GROSU –, qu’au niveau technique.
L’ambassadrice a ensuite évoqué la question de la reconnaissance des permis de conduire moldaves en France principale demande de la diaspora en France, avant même celle relative à un accord sur les droits sociaux ou la question des frais d’itinérance. C’est également un point important pour le Gouvernement moldave, désireux de montrer à sa population les résultats concrets du rapprochement avec l’Union européenne et la France. La reconnaissance des permis de conduire est déjà en œuvre en Allemagne – où elle a été formalisée par échange de lettres entre ministres de l’Intérieur –, en Italie, en Espagne ou en Grèce. En France, l’enjeu résiderait dans l’attention portée par la direction générale de la sécurité routière aux conditions d’obtention du permis de conduire en Moldavie. Mme Nadia SOLLOGOUB s’est étonnée de cette situation, citant l’exemple des Ukrainiens autorisés à circuler avec leur permis de conduire en France.
Interrogée sur l’importance de la diaspora, S.E. Mme Corina CĂLUGĂRU a indiqué qu’il était difficile de connaître le nombre de Moldaves en France. En 2021, environ 27 000 électeurs y avaient voté, ce qui avait nécessité l’ouverture d’une vingtaine de bureaux de vote – à comparer avec la centaine ouverte pour la diaspora roumaine. Les Moldaves de France relèvent de catégories socio-professionnelles variées. Ils peuvent être des médecins, avocats ou fonctionnaires internationaux, des étudiants qui ne se projettent pas forcément dans une installation pérenne en France, des petits entrepreneurs du secteur de la construction ou de la rénovation présents depuis une quinzaine d’années ou des saisonniers de la construction qui avaient l’habitude de travailler en Russie et qui se tournent désormais vers la France ou d’autres pays de l’Union européenne. L’ambassadrice les a évalués à 60 000 - 120 000 personnes, en majorité plutôt jeunes, de 20 à 45 ans.
S’agissant de la situation en République de Moldavie, la région de Transnistrie reste évidemment un sujet de préoccupation. Ce territoire cherche à obtenir des financements de Moscou, sans aller toutefois jusqu’à formaliser une demande pour rejoindre la Fédération de Russie. La fourniture de gaz russe, qui alimente sa centrale électrique, constitue un sujet majeur. Il n’est pas exclu que le contrat avec Gazprom prenne fin cette année. Compte tenu de la guerre en Ukraine, une connexion avec le réseau de gaz européen pourrait être recherchée. Une taxe douanière, annoncée depuis longtemps par l’État moldave, est désormais appliquée aux produits en provenance de la région de Transnistrie, étant précisé que 70 % des exportations de ce territoire ont pour destination l’Union européenne.
Les autorités moldaves ont enregistré de nombreuses attaques informationnelles au cours de l’année 2024, année électorale, alimentant une grande inquiétude. Menées via des applications telles que Telegram ou Youtube, elles ont recours à des infox vidéo (« deepfakes »). L’impact de l’inflation se fait encore sentir. Depuis le 29 décembre 2023, les frappes aériennes se sont accrues à Kiev et Odessa et s’entendent depuis le territoire moldave. L’armée moldave, chargée uniquement du maintien de la paix en raison de la neutralité constitutionnelle du pays, est en cours de réforme depuis deux ans mais reste relativement faible, sachant que les menaces de déstabilisation de la Russie ne sont pas nécessairement de nature militaire. À l’instar de l’embargo imposé par la Russie contre le vin moldave entre 2007 et 2012, ayant contraint la Moldavie – qui accueillera le 46ème Congrès mondial du vin en 2025 – à transformer son secteur viticole, la guerre en Ukraine peut l’inciter à réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie, notamment en matière énergétique, sujet longtemps inabordé. En l’état, il convient de garder à l’esprit que la Moldavie contribue à assurer la sécurité de l’Europe à la frontière ukrainienne.
Les autorités moldaves ont fait le choix de consulter la population sur l’adhésion à l’Union européenne en même temps que l’élection présidentielle car les sondages semblaient plutôt favorables à celle-ci. La population moldave, craignant très fortement la guerre, reste avant tout attachée à la paix.
Plaidant pour un renforcement des échanges culturels, en particulier d’étudiants, et rappelant que les pays de l’Europe de l’Est étaient plutôt francophones et francophiles, M. Cédric CHEVALIER a suggéré d’améliorer les modalités pratiques d’accueil des étudiants pour favoriser leur accès à l’enseignement supérieur.
Selon S.E. Mme Corina CĂLUGĂRU, la richesse moldave réside dans sa jeunesse et ses formations techniques de très bon niveau. Par ailleurs, la République de Moldavie est un pays francophone du fait de son histoire : sous l’Union soviétique, il était prestigieux d’apprendre le français et de nombreux échanges universitaires étaient organisés avec les pays africains. Par ailleurs, la Moldavie était l’unique pays soviétique de langue latine, ce qui explique qu’il y ait une très importante diaspora en Italie, en Espagne, au Portugal et maintenant en France et en Suisse. Disant souhaiter un partenariat qui permette la reconnaissance des études et diplômes universitaires dans les deux pays, l’ambassadrice a fait état d’un problème de reconnaissance des étudiants moldaves – majoritairement basés à Strasbourg – dû à l’utilisation par nombre d’entre eux d’un passeport roumain pour bénéficier d’une mobilité en Europe.
Pour conclure, S.E. Mme Corina CĂLUGĂRU a rappelé l’importance du développement de l’économie moldave et a appelé de ses vœux l’ouverture d’un vol commercial direct Paris-Chisinau par la compagnie Transavia ou Air France.
Contact(s) :
- Mme Marine QUINTIN
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