Le 1er février 2023, le groupe interparlementaire d’amitié France-Belgique et Luxembourg, présidé par M. Jean-François HUSSON (Meurthe-et-Moselle – Les Républicains), a auditionné S.E. M. Marc UNGEHEUER, Ambassadeur du Grand-Duché de Luxembourg en France, accompagné de M. Georges EISCHEN, Chef de mission adjoint à l’Ambassade du Luxembourg en France.
De gauche à droite : M. Jean-Marie MIZZON (Moselle – Union Centriste), président délégué pour le Luxembourg, S.E. M. Marc UNGEHEUER, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Grand-Duché de Luxembourg en France, et M. Jean-François HUSSON (Meurthe-et-Moselle – Les Républicains), président du groupe d’amitié France-Belgique et Luxembourg.
Étaient également présents : M. Jean-Marie MIZZON (Moselle – Union Centriste), président délégué pour le Luxembourg, M. Bruno BELIN (Vienne – Les Républicains), Mme Catherine BELRHITI (Moselle – Les Républicains), M. Olivier CADIC (Français établis hors de France – Union Centriste), Mmes Pascale GRUNY (Aisne – Les Républicains) et Véronique GUILLOTIN (Meurthe-et-Moselle – Rassemblement Démocratique et Social Européen), MM. Olivier JACQUIN (Meurthe-et-Moselle – Socialiste, Écologiste et Républicain), Jean-François RAPIN (Pas-de-Calais – Les Républicains) et Pierre-Jean VERZELEN (Aisne – Les Indépendants - République et Territoires).
M. Jean-François HUSSON a souhaité la bienvenue à l’Ambassadeur et a débuté les échanges en l’interrogeant sur plusieurs sujets de portée générale, telles que les échéances électorales prévues au Luxembourg courant 2023, les conséquences de la guerre en Ukraine sur la situation économique et la politique européenne du pays, sans oublier l’actualité de la coopération transfrontalière franco-luxembourgeoise.
Concernant les élections communales, qui dépendent principalement d’enjeux locaux, S.E. M. Marc UNGEHEUER a indiqué qu’aucune tendance claire ne se dégageait pour l’instant. À Luxembourg-ville, une victoire de Mme Lydie POLFER, maire sortante, semble probable, bien que la composition de sa coalition soit difficile à prédire. Quant aux élections législatives, pour la première fois, cinq partis sont susceptibles d’intégrer la prochaine coalition gouvernementale. Celle-ci devrait comprendre trois, voire quatre de ces partis :
- Le CSV (Parti populaire chrétien-social) a vu sa popularité diminuer dans les sondages, à l’instar des autres partis traditionnels de gouvernement, et fait face à une demande de renouvellement de la part de ses électeurs. Sa liste est menée par M. Luc FRIEDEN, ancien ministre des Finances et du Budget, en retrait de la vie politique depuis quelques années. Elle pourrait obtenir entre 20 et 25 % des sièges.
- Le DP (Parti démocratique, centre-droit), parti de l’actuel Premier ministre Xavier BETTEL, qui reste très populaire, pourrait obtenir entre 15 et 20 % des sièges.
- Le LSAP (Parti ouvrier socialiste luxembourgeois) devrait se maintenir au gouvernement. Sa présidente, Mme Paulette LENERT, est la personnalité politique la plus populaire dans les sondages ; en tant que tête de liste, elle pourrait accéder au poste de Premier ministre. M. Jean Asselborn, actuel ministre des Affaires étrangères, en 2ème place dans les sondages de popularité, pourrait retrouver son poste actuel dans le nouveau gouvernement.
- Selon les derniers sondages, Déi Gréng (Les Verts) ne devrait en tout cas pas gagner de sièges additionnels. Le parti connaît actuellement des difficultés à la suite du départ de plusieurs de ses leaders. Traditionnellement anti-nucléaires et pacifistes, les Verts se sont ralliés au consensus concernant le soutien à l’Ukraine, mais sont susceptibles de durcir leurs positions hostiles au nucléaire à l’approche des élections.
- Le PPL (Parti Pirate), issu d’un mouvement en faveur de la liberté d’Internet et de la liberté d’expression, a récemment progressé dans les sondages grâce à la popularité de son leader, M. Sven Clement.
L’Ambassadeur a indiqué qu’aucun changement politique majeur n’était à attendre, quelle que soit la composition de la future coalition. Les cinq partis cités sont pro-européens et « pro-business ». Les partis situés aux extrêmes de l’échiquier politique (Lénk - La Gauche et ADR - Parti réformiste d'alternative démocratique, droite populiste) restent très minoritaires.
Au sujet de la guerre en Ukraine, S.E. M. Marc UNGEHEUER a rappelé le soutien sans réserve du Luxembourg à ce pays, illustré par l’application stricte des sanctions à l’égard de la Russie et les livraisons d’armes effectuées, que soutiennent l’ensemble des partis politiques luxembourgeois, à l’exception de l’ADR. En coordination avec l’Ukraine et la France, le Premier ministre Xavier BETTEL avait maintenu un contact avec le Président Vladimir POUTINE, jusqu’à ce que soit révélé le massacre de Boutcha.
S.E. M. Marc UNGEHEUER a réaffirmé la volonté du Luxembourg de renforcer la coopération transfrontalière et les projets de co-développement. Alors que le Luxembourg mesure l’importance pour son économie des travailleurs transfrontaliers et de la nécessité d’améliorer leurs conditions de travail et de vie, l’Ambassadeur a évoqué l’initiative récente du Premier ministre luxembourgeois concernant la protection civile (mise en place d'un service de coordination permanent au niveau de la Grande Région qui pourrait être rattaché au Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS)).
En matière de santé, S.E. M. Marc UNGEHEUER a indiqué que les élus des régions transfrontalières souhaitaient que les Français résidant dans les régions frontalières et non affiliés à la sécurité sociale luxembourgeoise puissent consulter des médecins luxembourgeois, et a affirmé la volonté du Grand-Duché de trouver des solutions aux difficultés pratiques qui demeurent à propos du remboursement rapide des consultations. L’Ambassadeur a rappelé que le Luxembourg avait entamé une réforme de son système de formation de santé afin de pouvoir mieux accueillir les étudiants français en créant un bachelor (licence) pour des infirmiers à l’université de Luxembourg. D’autre part, la première cohorte d’étudiants en licence de médecine de l’université de Luxembourg sera diplômée en 2025. Le sujet de la compensation financière du reste de leurs études en médecine en France reste en discussion mais l’Ambassadeur s’est montré confiant quant au fait qu’une solution puisse aboutir.
S.E. M. Marc UNGEHEUER et Mme Véronique GUILLOTIN sont convenus de l’existence de difficultés, à la fois en France – manque de médecins – et au Luxembourg – encombrement des urgences –. Ils ont également tous deux jugé pertinent de prendre exemple sur les Zones organisées d’accès aux soins transfrontaliers (ZOAST) mises en place entre la France et la Belgique. Interrogé par Mme Pascale GRUNY sur la perception par l’opinion publique luxembourgeoise de la prise en charge de malades français par les hôpitaux luxembourgeois durant la pandémie, l’Ambassadeur a exprimé la « fierté » du Grand-Duché d’avoir apporté de l’aide à la France.
Au sujet de la mobilité, S.E. M. Marc UNGEHEUER a évoqué la volonté du Luxembourg de poursuivre les projets engagés, mais aussi les obstacles que ceux-ci rencontrent. Ainsi, le projet de troisième voie ferrée entre les deux pays se heurte à des difficultés liées à son tracé et à son financement. M. Olivier JACQUIN a souligné qu’en l’absence de financements disponibles, le développement de cette voie ne faisait pas partie des projets prioritaires de la SNCF. S.E. M. Marc UNGEHEUER a également évoqué le projet de ligne Sarrebruck-Luxembourg sur le principe duquel les autorités françaises compétentes n’ont pas encore pris de décision. Par ailleurs, le Grand-Duché espère une décision rapide de la France sur le projet d’élargissement à trois voies de l’autoroute A31, alors que les travaux sur la partie luxembourgeoise (A3) devraient s’achever en 2026. Parallèlement les deux partenaires développent également la circulation de bus à haut niveau de service. L’Ambassadeur s’est réjoui du bon fonctionnement de la coopération dans le domaine de la sécurité, notamment du « centre commun » de police et de douane et des équipes communes de contrôle dans les trains.
Concernant la situation économique du Luxembourg, S.E. M. Marc UNGEHEUER a indiqué que les salaires y sont indexés sur l’inflation. Cette dernière s’est par ailleurs révélée moins importante que prévue, malgré les craintes du patronat luxembourgeois quant à la compétitivité du pays.
L’Ambassadeur a rappelé la spécificité du Luxembourg en matière énergétique, qui a fait le choix d’importer la quasi-totalité de ses besoins et dépend donc entièrement du marché européen. Si le Grand-Duché n’a pas exprimé de position tranchée sur le sujet des prix du gaz et de l’électricité, sa priorité absolue est d’éviter toute restriction au marché intérieur. En réponse à la question de M. Olivier JACQUIN, l’Ambassadeur a indiqué que le Gouvernement luxembourgeois n’avait pas l’intention de modifier la taxation des carburants, alors que les tarifs ont atteint un niveau similaire en France et au Luxembourg.
Interrogé par MM. Jean-François RAPIN et Jean-Marie MIZZON sur la politique nucléaire française et sur la prolongation de la durée de vie de la centrale nucléaire de Cattenom, S.E. M. Marc UNGEHEUER a indiqué que la décision du gouvernement français de construire de nouveaux réacteurs n’avait pas été perçue par le Luxembourg comme un « changement de cap ». L’opinion publique luxembourgeoise reste fermement opposée au nucléaire et la fermeture de la centrale de Cattenom constitue un enjeu majeur. L’Ambassadeur s’est toutefois réjoui de la bonne coopération entre les autorités française et luxembourgeoise de sûreté nucléaire. Le Luxembourg est par ailleurs satisfait de la déclaration franco-allemande sur l’hydrogène, bien qu’il continue d’estimer que ce dernier devrait être produit à partir de sources d’énergie dites « vertes », et non nucléaires.
Interrogé par M. Jean-Marie MIZZON et Mmes Véronique GUILLOTIN et Catherine BELRHITI sur le télétravail des transfrontaliers, S.E. M. Marc UNGEHEUER a exposé le relèvement du seuil de tolérance en matière fiscale de 29 à 34 jours de télétravail pour les deux prochaines années et la volonté du Luxembourg de trouver une solution pérenne. Le ministère de la Sécurité sociale luxembourgeois a en outre entamé une négociation afin de relever de 25 à 41 % du temps de travail le seuil de télétravail autorisé pour rester affilié à la sécurité sociale luxembourgeoise et attend actuellement la réponse française. L’Ambassadeur a également indiqué qu’une souplesse concernant le nombre de jours de télétravail autorisé en cas de pandémie serait possible.
Alors que Mme Catherine BELRHITI a évoqué les difficultés liées à la différence de niveau du salaire minimum entre la France et le Luxembourg ou encore la Suisse, S.E. M. Marc UNGEHEUER a indiqué qu’une limitation du niveau du salaire minimum n’était pas envisageable.
Le Grand-Duché est en outre conscient des difficultés causées dans certaines communes françaises par l’augmentation des prix du logement, du fait de l’installation de ressortissants luxembourgeois.
Au sujet de la fiscalité, le Luxembourg n’est pas favorable à une rétrocession, et affirme à l’inverse son choix de mener des projets de co-développement. Le Grand-Duché est par ailleurs favorable à une facilitation des déclarations fiscales des travailleurs choisissant d’être imposés en France.
L’Ambassadeur et les membres du groupe d’amitié sont convenus de se réunir à la fin du premier semestre 2023 afin d’échanger sur les conclusions de la Commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise qui devrait avoir lieu d’ici là.
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- Mme Marie-Alice KERNEIS
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