Réuni le mardi 18 juin 2024, sous la présidence de M. Bruno BELIN (Les Républicains – Vienne), président, le groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest s’est entretenu avec M. Augustin FAVEREAU, Ambassadeur de France au Togo.

Ont également participé à la réunion : MM. Thierry COZIC (Socialiste, Écologiste et Républicain – Sarthe), président délégué pour le Togo, François BONNEAU (Union centriste – Charente), président délégué pour le Niger, Stéphane FOUASSIN (Rassemblement des Démocrates, des Progressistes et des Indépendants – La Réunion), président délégué pour la Mauritanie, André REICHARDT (Les Républicains – Bas-Rhin), président délégué pour le Nigeria, Guillaume CHEVROLLIER (Les Républicains – Mayenne), vice-président, et Olivier CIGOLOTTI (Union centriste – Haute-Loire), vice-président, Mme Hélène CONWAY-MOURET (Socialiste, Écologiste et Républicain – Français établis hors de France), vice-présidente, MM. Ronan DANTEC (Écologiste - Solidarité et Territoires – Loire-Atlantique), vice-président, et Guillaume GONTARD (Écologiste - Solidarité et Territoires – Isère) et Mme Corinne IMBERT (Les Républicains – Charente-Maritime).

M. Augustin FAVEREAU a fait observer que le Togo, bien que partenaire historique de la France, s’attache à diversifier ses relations. Dans le contexte géopolitique actuel, la question essentielle est la suivante : le Togo va-t-il rester un de nos partenaires-clefs ? De ce point de vue, il constitue un laboratoire parfait de la faculté de la France à mettre en œuvre les orientations fixées dans le discours prononcé à l’université de Ouagadougou, en novembre 2017, par le Président MACRON sur la refondation du partenariat entre l’Afrique et la France.

L’Ambassadeur a indiqué que le Togo sortait d’une séquence politique qui s’était déroulée sans accroc majeur et qui avait pu surprendre les observateurs, compte tenu des tensions dans la région. L’annonce de la révision constitutionnelle avait en effet suscité des inquiétudes et un frémissement dans la société civile, au sein du milieu économique et parmi les partis politiques d’opposition. L’Église catholique, en particulier, traditionnellement très présente dans le débat politique et institutionnel, s’est émue des modalités de mise en œuvre de la révision constitutionnelle. Or la nouvelle Constitution a été adoptée et est désormais en vigueur – elle doit être complètement appliquée dans un délai d’un an –, tandis que les élections législatives se sont traduites par une victoire sans appel de la majorité présidentielle. Il est vrai que l’opposition est affaiblie depuis de nombreuses années et la population est d’abord mobilisée sur les questions économiques, l’inflation et le prix de l’énergie en particulier. La nouvelle Constitution prévoit que le Président de la République, qui sera élu par les deux chambres du Parlement – ce qui implique d’instituer un Sénat, dont les deux tiers des membres seront élus par les élus locaux, et le tiers restant nommés par l’actuel chef de l’État – n’aura plus qu’un rôle honorifique, tandis que le Président du Conseil des ministres, qui sera le chef du parti majoritaire au Parlement, détiendra l’essentiel du pouvoir exécutif.

M. Augustin FAVEREAU a ensuite abordé le contexte géopolitique. Le Togo s’attache à exercer une position de médiateur dans la gestion des crises aux côtés des instances régionales, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en particulier. Ainsi, fin 2023, le Togo a été désigné comme médiateur dans la crise nigérienne.

L’Ambassadeur a insisté sur le capital politique indéniable dont bénéficie la France au Togo, en partie lié à une coopération très ancienne dans de nombreux domaines, de la sécurité à la culture en passant par l’économie. L’Agence française de développement (AFD) est bien impliquée dans le pays, avec un engagement de l’ordre de 50 millions d’euros par an, de même qu’Expertise France. Toutefois, cette position est aujourd’hui très concurrencée : la France n’est pas seule, et ses positions ne sont pas acquises. Du reste, le partenaire togolais joue la diversification de ses partenariats, avec la Chine, la Turquie, Israël et l’Inde, cette dernière étant très présente sur des secteurs tels que l’agroalimentaire et la distribution. Sur le sujet du « discours anti-français », répandu en Afrique de l’Ouest, le Togo, contrairement à d’autres pays, ne connaît pas de campagne numérique orchestrée et ciblée sur la France. Pour autant, les clichés sur la France « faiseuse et défaiseuse de rois » ont la vie dure, et l’image véhiculée de notre pays ignore généralement les programmes de coopération qu’il conduit, notamment au bénéfice de la société civile. Dans ces conditions, le « discours anti-français » pourrait prospérer en cas de crise.

M. Augustin FAVEREAU a estimé que les relations franco-togolaises ne devaient pas être empreintes d’indifférence, au motif, par exemple, que les intérêts économiques ou la diaspora seraient moins importants que dans d’autres pays africains. Pour contrer ce risque, il conviendrait de bâtir une confiance politique au bénéfice des deux pays ; une relation personnelle étroite existe d’ailleurs déjà entre les deux chefs d’État. Cette relation de confiance renouvelée pourrait reposer sur deux sujets principaux : d’une part, la culture, de la même façon qu’il existe un véritable partenariat culturel avec le Bénin, d’autant plus que le Togo est le seul pays au monde où l’Union européenne conduit une stratégie culturelle dotée de 6 millions d’euros par an, et, d’autre part, le soutien à la croissance et à l’emploi, dans des secteurs tels que l’agriculture, l’économie bleue, le numérique et l’économie digitale, l’éducation et la sécurité. Les parlementaires ont aussi un rôle important à jouer dans l’établissement de cette relation de confiance, d’autant plus que le Togo aura besoin de soutien dans l’institution de son Sénat.

En réponse à une question de MM. Bruno BELIN, président, et Thierry COZIC, président délégué pour le Togo, l’Ambassadeur a estimé que les Français de l’étranger avaient aussi un rôle à tenir dans le renforcement des liens franco-togolais, d’autant plus que le niveau d’engagement des Français établis au Togo, qu’il s’agisse de chefs d’entreprise, d’enseignants ou encore de volontaires – le Togo est le premier pays de destination des volontaires français –, est très élevé.

Répondant à une question de Mme Hélène CONWAY-MOURET, vice-présidente, M. Augustin FAVEREAU a indiqué qu’il n’existait pas d’institut français de recherche important spécialisé sur l’Afrique occidentale, comme il en existe pour le Proche-Orient, ou comme il en existe également dans les pays anglo-saxons. Or, un tel outil contribuerait à une meilleure compréhension commune des enjeux partagés par l’Europe et le continent africain et contribuer à l’insertion des universitaires africains dans l’espace mondial de la recherche. La France poursuit l’objectif de s’adresser davantage à la jeunesse africaine, comme elle l’a fait lors du Sommet de Montpellier qui a reçu des traductions concrètes au Togo, par exemple la création d’un conseil de dialogue et de partenariat, qui n’est pas placé sous l’égide de l’ambassade. Il est certain qu’il existe un hiatus entre les actions françaises mises en œuvre en Afrique et les commentaires qui en sont faits dans le pays concerné ; ce problème de perception est réel, les initiatives françaises étant parfois perçues à tort comme relevant avant tout de la communication, même si nombre de nos interlocuteurs reconnaissent la pertinence des initiatives présidentielles.

En réponse à des questions de M. Ronan DANTEC, vice-président, l’Ambassadeur a indiqué que la situation du secteur énergétique était difficile au Togo et que nous devions nous attacher à y faire venir ou revenir les énergéticiens français, grandes entreprises, petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI). Un consortium Meridiam/EDF construisait actuellement une centrale solaire à Sokodé. Nos partenaires reconnaissent l’expertise française dans ce secteur, mais ont aussi la volonté de préserver ce qu’ils considèrent être leur souveraineté énergétique, en diversifiant leurs partenaires. La France devrait aussi être en capacité d’accompagner les PME et ETI, ce à quoi s’emploie l’ambassade avec « l’équipe France » du soutien aux entreprises (Business France, BPI, chambres de commerce, etc.). Elle devrait aussi être en mesure d’aider les partenaires togolais à élaborer une stratégie reposant sur des filières, par exemple pour l’économie bleue et l’agriculture – placée au centre de la stratégie économique du gouvernement togolais. À cet égard et vue du Togo, l’action de la CEDEAO gagnerait à être orientée plus résolument sur les questions de croissance, d’emploi et d’intégration économique régionale.

À M. Guillaume CHEVROLLIER, vice-président, M. Augustin FAVEREAU a précisé que l’armée togolaise conservait une réputation de solidité et de loyauté au pouvoir politique. La situation sécuritaire dégradée dans le Nord est évidemment au centre de toutes attentions. Par ailleurs, l’adhésion récente du Togo au Commonwealth, au-delà de la portée politique et symbolique, ne s’est pas traduite par une inflexion de la politique étrangère du pays.

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